Charles-Louis-Napoléon BONAPARTE

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Charles-Louis-Napoléon BONAPARTE,
NAPOLÉON III
(20 avril 1808 - 9 janvier 1873)
Par Marc Nadaux
Charles-Louis-Napoléon Bonaparte naît à Paris le 20 avril 1808. Il est le troisième fils de
Louis Bonaparte, roi de Hollande et frère cadet de Napoléon Ier, et d’Hortense de
Beauharnais, fille d’un premier mariage de l’Impératrice Joséphine. Louis-Napoléon est ainsi
le premier membre de la famille Bonaparte à naître après la proclamation de l’Empire, le 18
mai 1804. Jusqu’en 1811 et la naissance du Roi de Rome, l’enfant et ses deux frères sont
élevés dans la perspective de succéder un jour à leur oncle sur le trône impérial. En effet,
l’Empereur et son frère aîné Joseph n’ont pas encore à cette époque d’héritier tandis que
Lucien et Jérôme sont bientôt écartés de la succession.
L’enfant ne connut jamais son frère aîné Napoléon-Charles, qui décède à l’âge de cinq ans en
1807. Sa mère Hortense se sépare rapidement de son père. De 1810 à 1817, elle entretient une
liaison avec Charles de Flahaut, un officier de l’État-Major impérial. L’enfance de LouisNapoléon se partage donc entre Paris et Saint Leu. Avec la chute de l’Empire et l’abdication
définitive de Napoléon Ier, Hortense et sa famille sont contraints à l’exil hors du royaume de
France. Après quelques mois d’errance, ils s’installent enfin à Arenenberg en Suisse, au sud
du lac de Constance. L’éducation de Louis-Napoléon est alors confié de 1820 à 1827 à un
précepteur, Philippe le Bas. Ce fils de conventionnel a une grande ascendance sur son élève.
Celui-ci entre ensuite au Gymnase d’Augsbourg, puis à l’École d’artillerie de Thun en 1829
qu’il quitte avec le grade d’officier.
A cette époque, sa mère Hortense multiplie les voyages en Italie. Elle se rend notamment à
Rome en compagnie de son fils afin de renouer avec le clan Bonaparte. Louis-Napoléon se
familiarise rapidement avec sa nouvelle existence. Avec son frère Napoléon-Louis, il se lie
bientôt avec des patriotes italiens en lutte contre les autorités autrichiennes. En 1830, des
nouvelles venues de France lui apprennent alors les événements de juillet et la chute du roi
Charles X. Le nouveau monarque, Louis-Philippe d’Orléans, maintient cependant en vigueur
la loi du 12 janvier 1816 qui interdit à sa famille le séjour sur le territoire français. LouisNapoléon et son frère décident donc de s’engager plus avant aux côtés des révolutionnaires
carbonari. Ils participent ainsi à leur côté aux insurrections qui agitent la péninsule italienne et
la Romagne en 1831. Napoléon-Louis décède alors de la rougeole tandis que la violente
répression qui met un terme au soulèvement patriotique italien contraint Hortense et son fils à
quitter la péninsule. Ils se réfugient en Angleterre avant de rejoindre Arenenberg et la Suisse.
Sous l’influence de son ami Victor de Persigny, Louis-Napoléon se décide bientôt à l’action
contre la Monarchie de Juillet. Il fait alors le choix de la ville de Strasbourg. Ses habitants
s’étaient en effet illustrés quelques années auparavant par la virulence de leur opposition à
Charles X lors des Trois glorieuses. Le 30 octobre 1836, Louis-Napoléon tente ainsi de
gagner à sa cause les garnisons de la ville-frontière. Cependant, privés de réels soutiens
politiques, peu d’officiers se rallient à sa cause. Le coup de force contre le pouvoir en place
est un échec complet. Arrêté et gracié sans jugement par Louis-Philippe, l’agitateur est exilé
au delà de l’Océan, aux États-Unis. En affirmant de la sorte ses prétentions, Louis-Napoléon
s’est cependant fait un nom au sein des milieux bonapartistes.
Le prétendant est de retour quelques mois plus tard en Europe. Pendant l’été 1837, LouisNapoléon Bonaparte assiste ainsi sa mère, souffrante d’un cancer, dans ses derniers instants.
Hortense Bonaparte décède le 5 octobre suivant. Mais sous la pression du Gouvernement
français, il doit bientôt quitter la propriété familiale d’Arenenberg. Commence un nouveau
séjour en Angleterre pour celui qui se considère désormais comme le garant de la tradition
impériale, depuis le décès du Roi de Rome en 1832. Dans la capitale londonienne, LouisNapoléon mène une existence mondaine au cours des années qui suivent. En 1839, il fait
publier un opuscule intitulé Des Idées napoléoniennes dans lequel il s’essaie à une analyse de
l’œuvre politique de son oncle. Cet ouvrage qui est également un exposé de la doctrine
bonapartiste connaît un grand succès en France et dans l’Europe entière.
L’année suivante, Louis-Napoléon organise un nouveau pronunciamiento contre le
gouvernement de Louis-Philippe d’Orléans. Avec l’aide de quelques-uns de ses proches, une
cinquantaine de fidèles bonapartistes, il débarque le 6 août dans le port de Boulogne. C’est un
nouvel échec. De nouveau arrêté et fait prisonnier, le prétendant bonapartiste comparait cette
fois-ci à partir du 26 septembre au 6 octobre devant la Chambre des Pairs. Jugé, il est
condamné à la prison perpétuelle et interné au fort de Ham, dans le département de la Somme.
Quelques temps plus tard, la Monarchie de Juillet décide du retour des cendres de son illustre
parent. Celles-ci arrivent bientôt en provenance de Sainte-Hélène…
Lorsqu’il revenait sur son passé, Louis-Napoléon appelait cette époque de son existence
" l’université de Ham ". Ces années furent en effet décisives pour l’élaboration de ses idées
politiques et pour sa formation intellectuelle. En captivité, il s’occupe ainsi à l’étude et à la
lecture. Le prisonnier, non déchu de ses droits civils, a en effet tout le loisir d’entretenir une
correspondance. Il rédige également quelques ouvrages au contenu varié. Ses Études sur le
passé et l’avenir de l’artillerie sont le moyen de rappeler les liens qui unissent l’armée aux
Bonaparte. Il fait montre également de ses intérêt pour l’évolution des activités économiques
avec L’Analyse de la question des sucres, question d’actualité en ce moment de
bouleversement des campagnes françaises. Dans le même temps, Louis-Napoléon collabore
avec des journaux républicains. De 1842 à 1845, il donne ainsi quelques articles dans Le
Progrès du Pas-de-Calais. Ceux-ci sont à l’origine au mois d'août 1844 d’une nouvelle
publication intitulée L’Extinction du paupérisme. Dans cet ouvrage, qui complète ses Rêveries
politiques rédigées en 1832, le prétendant bonapartiste expose ses préoccupations sociales.
Celles-ci s’inspirent des idées du philosophe socialiste Saint-Simon. Quelques mois plus tard
enfin, le 25 mai 1846, il parvient à s’évader de sa geôle en revêtant les habits de travail d’un
ouvrier du nom de Badinguet. Un patronyme qui dans un avenir proche sera bientôt élevé au
rang de sobriquet… Louis-Napoléon gagne une nouvelle fois l’Angleterre, désireux plus que
jamais de jouer un rôle dans la vie politique française.
C’est alors que la Révolution de février 1848 entraîne la chute de Louis-Philippe et voit
l’avènement de la Seconde République. De son exil outre-Manche, Louis-Napoléon
Bonaparte est élu le 4 juin lors des élections législatives complémentaires et dans quatre
départements (à Paris, en Corse, dans l’Yonne et en Charente Inférieure). Attentif à cette
initiative venue de partisans bonapartistes, il choisit cependant de demeurer à Londres. LouisNapoléon démissionne dès le 16 juin et se refuse ainsi dans un premier temps à siéger à
l’Assemblée constituante. De nouveau élu le 17 septembre et cette fois-ci dans cinq
départements, il gagne alors la France, sûr de sa popularité auprès des Français. Arrivé à
Paris, le 24 septembre, Louis-Napoléon Bonaparte s’installe à l’hôtel du Rhin, place
Vendôme.
Cependant, les premières apparitions à l’Assemblée constituante du nouveau député, ses
prestations oratoires donnent bientôt de lui l’image d’un piètre politique. Avec la
promulgation de la Constitution, le 4 novembre 1848, de nouvelles élections sont organisées
afin de donner un Président à la Seconde République. A côté du général Cavaignac, chef du
Gouvernement et vainqueur des insurgés de juin, et d'Alphonse de Lamartine, à l'origine au
mois de février précédant de la proclamation de la République, Louis-Napoléon Bonaparte,
neveu de l'Empereur, se déclare candidat dès le 28 octobre précédent. S'il espère tirer profit du
nom et de la légende qui entoure son oncle, Louis-Napoléon Bonaparte bénéficie également
du soutien des conservateurs du Parti de l’Ordre. Ce cercle influent de royalistes se réunit à
l’époque rue de Poitiers et compte dans ses rangs Adolphe Thiers, Alexis de Tocqueville ou le
comte de Falloux. Ces conservateurs pensent ainsi manœuvrer sans grande difficulté celui que
l’on assimile à " un crétin qu’on mènera ", suivant le mot de Thiers. Le programme du
candidat se veut rassembleur. Il s'adresse à tous les Français, aux ouvriers comme aux
propriétaires. Avec 5.534.000 voix soit 74.2 % des suffrages, Louis-Napoléon Bonaparte
obtient très largement la majorité devant ses adversaires le 10 décembre suivant et est ainsi
élu triomphalement. La crainte du " péril rouge " dans les campagnes a joué en sa faveur.
Louis-Napoléon Bonaparte prend ainsi possession de l’Élysée, adopté comme palais
présidentiel par le nouveau régime. Le 20 décembre 1848, il jure de " rester fidèle à la
République démocratique, une et indivisible ". Le nouveau Gouvernement est bientôt placé
sous la présidence de l’orléaniste Odilon Barrot. De nouvelles élections législatives,
organisées le 13 mai 1849, désignent une large majorité conservatrice à l’Assemblée. Le
pouvoir échappe ainsi définitivement aux Républicains. La Seconde République est désormais
aux mains des conservateurs.
Cependant, ses ambitions personnelles amènent Louis Napoléon Bonaparte à remettre en
cause son alliance de circonstance avec le Parti de l’Ordre. Et un groupe de députés,
surnommé le Parti de L’Élysée, soutient bientôt le Président face à la majorité des membres
de l’Assemblée. Cette crise politique est d’ailleurs entretenue par l’ambiguïté des dispositions
établies par la Constitution de 1848. Tandis que la responsabilité des ministres devant la
Chambre des députés n'est pas clairement exprimée, les deux pouvoirs, celui de l’Assemblée
nationale et celui du Président de la République, sont d'égale force. Aucun organisme n'est là,
disposé à régler leurs conflits éventuels.
Désireux de se maintenir au pouvoir, Louis-Napoléon Bonaparte tente d'influer pour
l'abrogation de l'article 45 de la Constitution du 4 novembre 1848. Celui-ci stipule que le
Président de la République, élu pour quatre années, n'est pas immédiatement rééligible. Le
Président parcoure le pays, se montrant à la population et entretenant ainsi sa popularité. Il
multiplie également les gestes à l’égard de l’armée tandis qu’une campagne de pétition est
organisée pour la modification de la Constitution. Le 13 novembre 1851, cette idée est
repoussée par un vote à l’Assemblée législative. Il lui faut donc recourir à la force.
Un coup d'État est organisé les 1er et 2 décembre 1851, par le comte de Morny, demi-frère de
Louis-Napoléon Bonaparte. Désireux de placer ces événements sous les auspices de Napoléon
Ier, celui-ci choisit ainsi la date anniversaire de la victoire d'Austerlitz et du sacre de
l'Empereur. Il fait ainsi occuper dans la nuit l'Assemblée nationale et arrêter de manière
arbitraire d'éventuels opposants républicains. Tandis que ses troupes occupent la capitale,
désormais en état de siège, le matin même, un "appel au peuple" est placardé sur les murs de
Paris. Il annonce la dissolution de l'Assemblée et proclame le rétablissement du suffrage
universel, revenant ainsi sur la loi du le 31 mai de l'année précédente qui avait restreint le
droit de vote. La préparation d'une nouvelle Constitution, dont l'adoption sera soumise à un
plébiscite, est également envisagée. Malgré quelques résistances à Paris, dans les régions du
Centre et du Sud-Est les jours suivant, Louis Napoléon Bonaparte et ses partisans s'imposent
en organisant la répression. Lors d’un référendum, qui se déroule les 21 et 22 décembre, il se
voit ensuite confier par une large majorité des Français les pouvoirs nécessaires pour établir
une nouvelle constitution. Ce nouveau succès pour Louis-Napoléon sonne le glas de la
Seconde République.
Les principes du régime qui devait se mettre en place après ces événements sont soumis le 21
décembre suivant à un nouveau plébiscite. C’est un nouveau triomphe pour le PrincePrésident qui conforte ainsi sa position. La nouvelle constitution est alors promulguée le 14
janvier 1852. Rédigée à la hâte, ce texte qui vante dans son préambule l'œuvre de l'Empereur
des Français n'est qu'une imitation de la Constitution de l'an VIII. Désormais le pouvoir
législatif sera soumis à un pouvoir exécutif fort aux mains du Président. Celui-ci est élu pour
dix ans. Il nomme et révoque les ministres qui ne sont pas responsables devant la Chambre
des députés. Celle-ci n’est d’ailleurs qu’une chambre d’enregistrement des décrets, à côté de
laquelle se place le Sénat. Enfin le Conseil d’État est formé de personnages illustres, "chargés
de préparer les lois et soutenant la discussion devant le corps législatif". Les pratiques
politiques engendrées par ces dispositions entraînent donc un rupture avec la tradition
parlementaire qui s’était imposée depuis quelques décennies.
Après un voyage en province effectué par Louis-Napoléon Bonaparte, ce régime autoritaire
s'affirme. Par le décret du 2 décembre 1852 est proclamé le Second Empire. Cette décision
avait été soumise à un nouveau plébiscite quelques jours plus tôt, les 21 et 22 novembre. Ceci
n’entraîne que peu de changement dans la Constitution du 14 janvier 1852. Cependant
l’Empereur prend bientôt le nom de Napoléon III, reconnaissant ainsi la désignation de
Napoléon II en 1815. Le 30 janvier 1853, il se marie à Eugénie Maria de Montijo Guzman,
fille d’un Grand d’Espagne. Celle-ci lui donne un fils, le Prince impérial, qui naît le 16 mars
1856. La descendance de la dynastie est désormais assurée et le nom de Bonaparte s’associe
de nouveau au destin de la France.
La légitimité du pouvoir en place repose maintenant sur la popularité et l’adhésion des
Français à la personne du chef de l’État. Ce dernier ne peut d’ailleurs méconnaître la pratique
instaurée depuis la Seconde République du suffrage universel masculin. Si les plébiscites se
font rares désormais avec le rétablissement de l’Empire, les élections législatives qui se
déroulent régulièrement tous les six ans conformément à la Constitution revêtent un véritable
enjeu. Le souverain doit en effet veiller à ce que son image ne soit pas écornée par la
désignation de représentants hostiles au régime. Aussi les autorités s’engagent activement
dans chacune des campagnes électorales (en 1852, en 1857, en 1863 et en 1869). Le comte de
Morny, nouveau Ministre de l’Intérieur avant de devenir Président du Corps législatif,
instaure ainsi la pratique des " candidatures officielles ". Il recommande aux Préfets
d’apporter leur concours aux candidats officiellement désignés par le Gouvernement. Ceux-ci
sont appelés à les faire connaître auprès des populations, à financer leurs frais de campagne
électorale. Dans ce contexte l’opposition est réduite au silence et à l’impuissance.
Cette adhésion des Français au Second Empire justifie également le contrôle exercé par
Napoléon III sur la vie politique. Le 9 janvier 1852, un décret décide de l’expulsion de
soixante-six députés républicains, hostiles au coup d’État du 2 décembre précédent. Et ces
proscrits qui ont formé un Comité de résistance au coup d'État ne parviendront pas à faire
entendre leur voix au moment de la proclamation de l’Empire malgré la publication d’une
Lettre de protestation rédigée par Victor Hugo. D’ailleurs le contrôle des autorités sur la
presse se renforce avec le décret du 17 février 1852. Les prérogatives des Préfets,
représentants du Gouvernement, s’élargissent et les réunions de plus de vingt personnes sont
interdites depuis le 25 mars suivant. Tandis que l’Empereur et l’Impératrice multiplient au
cours de ces années les voyages en province, l’organisation de l’Exposition universelle à Paris
en 1855 est également un grand moment de célébration du régime. Enfin, le 15 août 1852 est
célébré pour la première fois la Saint-Napoléon, devenue fête nationale en l’honneur de la
naissance de l’Empereur.
Le pouvoir impérial s’appuie également sur la brillante prospérité qui caractérise le début du
règne de Napoléon III. Et celle-ci contraste avec la crise qui a assombri les dernières années
de la Monarchie de Juillet. La personnalité de l’Empereur, relayée par l'action de son ministre
Eugène Rouher, n’est d’ailleurs pas étrangère à cette rapide expansion que connaît la France
du Second Empire. S’inspirant des théories saint-simoniennes, l’Empereur entend stimuler
l’investissement. Il faut cependant pour cela que l’État prenne en charge la modernisation du
pays. Celle-ci passe par le développement des réseaux de chemin de fer et de télégraphe, par
l’aménagement des ports ou par la transformation des grandes villes sur le modèle du Paris
d’Haussmann, Préfet de la Seine depuis 1853. En province, cette période voit également
l’assèchement de la Dombe et de la Provence, le drainage des landes de Gascogne et
d’Aquitaine, de la Sologne. Et la signature d’un traité de libre-échange avec l’Angleterre
triomphante de la reine Victoria, le 23 janvier 1860, s’impose afin de stimuler l’économie.
Ceci est également le but recherché avec le creusement du canal de Suez, qui commence le 25
avril 1859 sous l’inspiration de Ferdinand de Lesseps.
Car pour l’auteur de L’Extinction du paupérisme, la croissance économique est un facteur de
progrès social. Celle-ci en augmentant l’offre d’emploi doit conduire à une amélioration de la
condition des ouvriers. Napoléon III s’attache également à faire évoluer les institutions. Ainsi,
le décret du 28 février 1852 autorise la création de sociétés de crédit foncier, destinées à
assurer le développement de prêts hypothécaires. Le 26 mars suivant un autre texte de loi
approuve la création de sociétés de secours mutuel. Celles-ci permettent désormais aux
classes laborieuse de se prémunir contre l’accident et la maladie. Les préoccupations sociales
de l’Empereur apparaissent aussi dans des mesures plus concrètes. Les voyages de la famille
impériale sont ainsi l’occasion pour Napoléon III ou l’Impératrice Eugénie d’effectuer des
dons, de patronner des œuvres.
Cependant, l’autoritarisme du régime apparaît également au grand jour dans le cadre de la
législation du travail. Ainsi le 22 juin 1854, une loi est votée par le Corps législatif qui
renouvèle pour les ouvriers le port du livret. Et depuis le 25 mars précédant la liberté
d’association est prohibée.
Napoléon III est également soucieux du prestige de la France du Second Empire à l’étranger.
Il entend ainsi restaurer en Europe son statut de puissance et son rôle d’interlocutrice.
L’Empereur vise ainsi à revenir sur les pratiques diplomatiques issues du Congrès de Vienne.
Il s’attache également à maintenir un équilibre international. S’il proclame le 9 octobre1852
lors d’un discours dans la ville de Bordeaux que " l’Empire c’est la paix ", la menace que fait
peser le voisin russe sur l’Empire Ottoman dans les Balkans justifie d’une intervention
militaire. Le 27 mars 1854, la France entre en guerre aux côtés de l’Angleterre contre la
Russie des Tzars en Crimée. La prise de Sébastopol, le 10 septembre 1855, annonce d’ailleurs
bientôt la fin du conflit. Un règlement entre les différents belligérants intervient l’année
suivante lors du Congrès de Paris.
Celui-ci s’ouvre le 25 février et voit les représentants du Royaume de Piémont-Sardaigne,
allié des vainqueurs, dénoncer l’état de soumission au voisin autrichien dans lequel se trouve
la péninsule italienne. Se souvenant des engagement de sa jeunesse, l’Empereur se montre
attentif à cette cause. Sa conviction est qu’il faut reconnaître le " principe des nationalités " et
donc revenir sur le tracé des frontières européennes. Après l’attentat perpétré par le
révolutionnaire italien Orsini, le 14 janvier 1858, Napoléon III, impressionné, se décide à
rencontrer Cavour, Premier Ministre piémontais. Le 21 juillet suivant, l’entrevue qui a lieu à
Plombières, dans les Vosges où l’Empereur prend les eaux, décide d’une alliance. La France
interviendra face à l’Autriche afin de favoriser l’unité de l’Italie du Nord, en échange de quoi
lui seront concédés les territoires frontaliers du Comté de Nice et de la Savoie. Le 3 mai 1859,
la guerre est déclarée. Les victoires françaises s’enchaînent, à Magenta le 4 juin puis à
Solférino le 24 juin. Cependant une insurrection éclate dans les États de l’Église qui menace
le pouvoir temporel du pape Pie IX. Ceci mécontente les catholiques français qui, sous
l’influence de Monseigneur Dupanloup, évêque d’Orléans, et de Louis Veuillot, directeur du
journal L’Univers, se montrent bientôt hostile à la politique italienne du Gouvernement
français. Redoutant également un intervention du Royaume de Prusse aux côtés de l’Autriche,
Napoléon III se décide à mettre un terme à l’engagement français. Après les plébiscites
organisés au mois d’avril 1860, le Comté de Nice et la Savoie sont rattachés à la France.
Au delà du continent européen, la France impose également son autorité sur de nouveaux
territoires. Dans l’Océan Pacifique, la Nouvelle-Calédonie est annexée en 1853. Sur le
continent africain, l’île de Madagascar ainsi que le littoral du Gabon sont bientôt sous
l’autorité française. Les conquêtes coloniales se poursuivent aussi en Asie. La Cochinchine
est annexée après un traité signé le 5 juin 1862 tandis que le Cambodge devient un protectorat
français, le 11 août de l’année suivante. La France sous le règne de Napoléon III a donc
retrouvé sa place de grande nation au sein du concert européen.
C’est alors que plusieurs mesures viennent assouplir le caractère autoritaire du régime. Cellesci sont issues de la volonté et de l’initiative de l’Empereur qui estime le moment venu d’une
libéralisation. Aussi le 24 novembre 1860, un décret accorde le droit d’adresse aux
assemblées et institue la publicité des débats du Parlement. Dans les années qui suivent, le
Corps législatif se voit également accorder le droit d’amendement avec la loi du 18 juillet
1866 et enfin le droit d’interpellation, c’est à dire la prérogative de critiquer le Gouvernement,
à partir du 31 janvier 1867.
Ces mesures ont pour effet de renforcer l’opposition au régime. D’autant plus que la loi sur la
presse, votée le 13 mai 1868 par le Corps législatif, supprime l’autorisation préalable. Le 6
juin suivant une décret concernant les réunions publiques accordent également le droit
d’organiser des réunions électorales. Au printemps de l’année suivante se déroule alors une
véritable campagne électorale en vue du renouvellement de l’Assemblée. Celui-ci se voit
investie de nouvelles prérogatives le 8 septembre de la même année. Les députés partagent
désormais avec l’Empereur l’initiative des lois.
Tandis qu’Émile Ollivier, un républicain rallié au régime, devient le chef du gouvernement le
2 janvier 1870, une ultime modification institutionnelle parachève cette évolution libérale du
Second Empire. En effet, le sénatus-consulte du 21 mai suivant institue la responsabilité
politique des ministres devant les assemblées. Cette décision émanant de la volonté de
Napoléon III, ainsi que celles prises dans les mois précédents, constituent ainsi une véritable
refonte institutionnelle. Au printemps 1870, ce nouveau régime, l’Empire libéral, reçoit
l’approbation du peuple français grâce à un plébiscite organisé le 8 mai.
Cependant, après plus de vingt années de règne, l’Empereur, souffrant de calculs rénaux, est
fatigué et affaibli. Avait–il encore les moyens de faire face à la montée des oppositions ?
Malgré le décret signé le 15 août 1859 et amnistiant les proscrits du coup d’État du 2
décembre, celle-ci se faisait plus virulente grâce aux menées d’Adolphe Thiers qui demande
devant le Corps législatif le 11 janvier 1864 les cinq " libertés nécessaires " et de Léon
Gambetta qui mène une vigoureuse campagne à Belleville, lors des élections législatives de
1869. Le monde ouvrier s’agite également, la loi du 25 mai 1864 tolérant de nouveau les
" coalitions " ouvrières et les grèves pacifiques. L’Empereur s’est également aliéné le monde
des affaires par sa politique libre-échangiste avec le concurrent anglais. Et l’autel, allié
traditionnel du trône, s’est détourné du régime après l’intervention française en Italie du Nord.
Enfin, au mois de février 1867, les troupes françaises doivent se retirer du Mexique où les
avaient conduit l’ambition née chez l’Empereur d’une alliance avec l’Autriche. Les nations
européennes assistent d’ailleurs pendant ces années à la montée en puissance de la Prusse.
Ainsi, le chancelier prussien Bismarck entend provoquer un conflit avec le voisin français afin
de cimenter l’unité de l’Allemagne. La candidature d'un Hohenzollern au trône vacant
d'Espagne suscite bientôt l'hostilité de Napoléon III. Celui-ci obtient la renonciation du
prétendant, non celle des autorités prussienne. Le 13 juillet 1870, Bismarck adresse à
l'intention de la presse un texte provocateur, la Dépêche d'Ems, où il affirme que Guillaume
Ier a refusé de rencontrer l'ambassadeur français. Le 19 juillet 1870 et après le vote par le
Corps législatif des crédits nécessaires à la mobilisation, la France déclare alors la guerre à la
Prusse. Le commencement du conflit est marqué par une série de défaites à l’Est. Plutôt que
d'utiliser ses troupes pour protéger Paris, Napoléon III se laisse alors convaincre, après
plusieurs jours d'hésitation, d'entreprendre de délivrer Bazaine enfermé dans Metz. Le 1er
septembre 1870, le souverain et les troupes françaises sont encerclées à Sedan. Après une
journée de combats, l'Empereur choisit de se rendre. Il refuse cependant de traiter avec les
autorités allemandes. La responsabilité en incombe donc à l'Impératrice, régente de l'Empire,
et au Gouvernement.
Cependant, le 4 septembre, la foule des parisiens envahit le Palais-Bourbon, Gambetta y
annonce la fin du Second Empire. Plus tard, à l'Hôtel-de-Ville, il se joint à Jules Ferry et Jules
Favre pour proclamer la République. Un Gouvernement provisoire est alors formé tandis que
l'Impératrice et le Prince Impérial gagnent Deauville et s'exilent bientôt à Londres.
L'Empereur déchu est emmené en captivité en Allemagne le 5 septembre 1870. Il demeure
ainsi au château de Wilhelmshohe, près de Kassel, jusqu'au mois de mars 1871. Commence
alors un dernier exil en Angleterre où Louis-Napoléon Bonaparte a rejoint sa famille.
Souffrant depuis plusieurs années de la présence d'une pierre dans la vessie, il est opéré le 2
janvier 1873. Quelques jours plus tard, le 9 janvier 1873, Louis-Napoléon Bonaparte décède,
dans sa résidence de Camden Place, à Chislehurst, dans le Kent. Les funérailles, qui ont lieu
le 15janvier suivant, rassemblent une foule imposante - dont 4.000 Français ayant traversé la
Manche pour rendre un dernier hommage à l'ex-Empereur. Depuis 1888, ce dernier repose au
monastère de Farnborough, dans le sud de l’Angleterre.
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