Orient Le Jour Lundi 12 novembre 2007 | 5:00 | Beyrouth Le chef du Hezbollah invite Lahoud à prendre « une initiative de salut public » pour faire face à un éventuel vide institutionnel Nasrallah : Tout président élu en dehors du quorum des deux tiers sera considéré comme un usurpateur Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a haussé le ton hier concernant la bataille présidentielle, affirmant que tout président qui serait élu par la majorité en dehors du quorum des deux tiers serait considéré par l’opposition comme « un usurpateur de pouvoir et un imposteur ». Le leader du parti chiite a invité dans ce cadre le président sortant, Émile Lahoud, à prendre « une initiative de salut public » afin d’éviter au pays de sombrer dans « le vide politique » et institutionnel, au cas où un président était élu à la majorité plus un. Nasrallah a souligné à cet égard qu’une élection à la majorité absolue ou le maintien au pouvoir du gouvernement actuel, après la fin du mandat Lahoud, serait « pire que le vide politique ». Le chef du Hezbollah a tenu ces propos au cours d’un meeting organisé hier après-midi dans la banlieue sud à l’occasion de la Journée du martyr célébrée par le parti chaque 11 novembre. Cette date, comme l’a rappelé Nasrallah dans son discours, marque l’anniversaire de la première opération-suicide menée en 1982 par un jeune chiite, Ahmad Kassir, contre le siège du commandement militaire israélien à Tyr. Cet attentat avait fait une centaine de tués dans les rangs israéliens, a souligné hier le leader du Hezbollah. Devant une foule brandissant, comme à l’accoutumée, une marée de drapeaux du parti chiite, Nasrallah a commencé par évoquer la mémoire des martyrs, rendant hommage par la même occasion à « tous les martyrs qui sont tombés pour défendre la patrie ». Il a évoqué dans la foulée « les martyrs d’Irak et de Palestine ». Abordant ensuite la conjoncture présente dans le pays, Nasrallah a d’abord commenté les récentes manœuvres effectuées par Israël non loin de la frontière avec le Liban ainsi que celles menées par le Hezbollah au Liban-Sud. Soulignant que les manœuvres effectuées par son parti ont constitué « un message au monde et surtout à l’ennemi israélien afin que celui-ci réalise le niveau de nos capacités et de notre potentiel », Nasrallah a déclaré : « Nous avons les moyens, les armes et le savoir-faire qui nous permettent non seulement de défendre le pays, mais aussi de réaliser la victoire historique qui pourrait changer la face de la région. » Il a affirmé en outre que les manœuvres de son parti pourraient constituer aussi « un message aux parties internes ». « Que chacun le comprenne comme il le voudra », a-t-il précisé. Nasrallah a lancé sur ce plan une virulente attaque contre « l’équipe au pouvoir » (le gouvernement de Fouad Siniora), s’élevant contre le fait qu’elle n’ait pas réussi « non pas à obtenir la libération des fermes de Chebaa, mais qu’elle n’ait rien fait pour tenter d’aboutir à cet objectif ». « Ils disent qu’ils veulent récupérer la décision de guerre et de paix et qu’ils veulent rétablir l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire, mais ils n’ont même pas été capables de tirer profit de leurs amitiés internationales pour tenter au moins de libérer Chebaa et Kfarchouba, à défaut de les libérer réellement, a déclaré Nasrallah. Quant au dossier des prisonniers, ils n’ont pas été capables aussi de le traiter, et c’est la Résistance qui l’a pris en charge. » Et d’ajouter : « Ils n’ont pas pris la peine de réagir aux manœuvres effectuées par Israël mettant en jeu près de 50 000 officiers ou soldats. Il a fallu que la Résistance mène ses manœuvres pour qu’ils songent à réagir, et un seul responsable a réagi, alors que les autres ont observé le mutisme. Ils adressent des lettres à l’ONU pour dénoncer l’armement de la Résistance, mais ils n’ont pas cru bon adresser une lettre au Conseil de sécurité pour condamner les manœuvres israéliennes. Une partie de l’équipe au pouvoir a même été contente de ces manœuvres israéliennes car d’aucuns misent à nouveau sur une attaque de l’ennemi contre le Liban. La Résistance continuera donc à assumer ses responsabilités car le pouvoir n’est pas en mesure de défendre le pays. » Les camps palestiniens de Beyrouth Le leader du Hezbollah a, d’autre part, évoqué les informations faisant état d’une possible guerre des camps à Bourj Brajneh et Chatila dans le but de provoquer un conflit semblable à celui de Nahr el-Bared. Nasrallah s’est voulu rassurant à ce sujet, affirmant que les informations sur ce plan sont « très probablement fausses ». Il a toutefois indiqué que des contacts sont entrepris loin des feux de la rampe afin d’éviter un éventuel dérapage dans la région en question. « Nous misons sur les bonnes relations entre la population palestinienne et les habitants dans le voisinage des camps, a déclaré Nasrallah. Les habitants à la périphérie des camps n’ont aucun sentiment d’hostilité à l’égard de leurs voisins. Nous misons aussi sur nos bonnes relations avec les diverses organisations palestiniennes. » Nasrallah a indiqué dans ce cadre que les contacts entrepris par le Hezbollah englobent toutes les organisations palestiniennes et les comités populaires, sans exception. « Il n’y aura pas de nouvelle guerre des camps », a-t-il affirmé, avant d’ajouter : « Nous invitons l’État et les services de sécurité à assumer leurs responsabilités sur ce plan. » La présidentielle Nasrallah a enfin abordé, à la fin de son discours, le dossier de la présidentielle. Il s’est d’abord étonné du fait que toute la communauté internationale accorde autant d’importance à cette échéance, « alors que les prérogatives du président de la République sont devenues réduites ». Mais le chef du Hezbollah a quand même relevé que « le profil et la personnalité du nouveau président constitueront un indice de la prochaine phase dans laquelle s’engagera le pays ». « Le tout est de savoir si le nouveau président sera favorable à l’entente et à la participation (des diverses parties) au pouvoir ou s’il sera en faveur de la prédominance d’une seule faction au sein du pouvoir », a-t-il déclaré. Mettant l’accent sur l’importance de l’élection présidentielle, Nasrallah a rappelé à ce propos qu’au début de chaque régime, un nouveau comandant en chef de l’armée ainsi que de nouveaux chefs des services de sécurité sont nommés. « La politique sage suivie par l’actuel commandement de l’armée a contribué à la stabilité, a déclaré Nasrallah. Nous voulons donc savoir si le nouveau commandant de l’armée modifiera ou non cette politique. C’est pour cette raison que nous ne pouvons pas nous permettre de faire preuve de laxisme dans le choix du président. Des efforts sont effectivement déployés actuellement afin d’aboutir à un consensus. Mais nous devons discuter non seulement du profil du président, mais également de tous les problèmes, tels que le futur gouvernement, le commandement de l’armée et la ligne de conduite du nouveau régime. » Et Nasrallah de poursuivre : « Tout ce qui importe aux États-Unis en ce qui concerne la présidentielle c’est la résolution 1559. Ils veulent un président de confrontation. Mais comme je l’ai déjà dit, même si le monde entier se met de la partie au Liban, nul ne pourra toucher aux armes de la Résistance. Nous voulons un président qui rassemble les Libanais, qui s’occupe des dossiers économiques, qui lutte contre la corruption, qui renforce l’armée en matériel. L’armée s’est déployée le long de la frontière (avec Israël), mais le pouvoir actuel n’a rien fait pour renforcer la troupe et lui fournir l’équipement nécessaire. » Il a en outre dénoncé la privatisation du téléphone cellulaire qu’il a qualifiée de « pillage ». « Nous ferons face à ce pillage par tous les moyens, d’autant que les sociétés achèteront le réseau de quelqu’un qui n’a pas le droit de le vendre », a-t-il ajouté. Après avoir rendu un vibrant hommage au général Émile Lahoud pour son soutien à la Résistance, Nasrallah a déclaré : « Un président élu avec un quorum limité à la majorité absolue ne sera pas reconnu par l’opposition. Celle-ci le considérera comme un usurpateur du pouvoir et un imposteur. Une élection à la majorité plus un ou le maintien de l’équipe actuelle (le gouvernement Siniora) serait pire que le vide institutionnel. Nous invitons le président Lahoud à agir conformément à sa conscience et conformément à la Constitution afin de faire face à un éventuel vide politique. Nous l’invitons à prendre une initiative de salut public pour préserver tout le pays et empêcher les bandes de brigands et de criminels, agents d’Israël, de prendre le contrôle du pays. »