Essai d`une physique qualitative moderne du réel

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ESSAI D’UNE
PHYSIQUE QUALITATIVE MODERNE
DU REEL
Copyright © 2005 Jean Luc Ferté [ [email protected] ] La reproduction exacte et la
distribution intégrale de ce texte est permis sur n’ importe quel support
d’ archivage, pourvu que cette notice soit préservée.
Novembre 2005
Jean-Luc FERTE
Copyright © 2005 Jean-Luc FERTE
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J L Ferté
27rue du Thermot
51520 Sarry
E – Mail : [email protected]
Théorie d’un réel avec un Dehors et un Dedans distinct.
SOMMAIRE
Avant-propos – Avertissement.
 Première partie
-

Problématique Intérieur - Extérieur.
Un réel : quatre hypothèses.
Postulat d’un dedans des choses, distinct qualitativement.
Exposés liminaires.
Deuxième partie
-
L’approche qualitative.
- Nature, définition ~ Totalité ~ L’unité ~ Synthèse - Agrégat ~ Etre-
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Transformations ~ Evolution - Inévolution ~ Productivité ~
Remarques à propos de la notion de Système ~ Transcendance ~
Simplicité ~ Identité ~ Le fini et l’infini ~ Micro-Macro ~ Dynamique
interne ~ le vivant intérieur ~ Le réductionnisme ~ Sur l’idée de Nature ~
Cosmologie.
-
Tableau de la Nature.
- Tableau du monde minéral.
- Le monde Vivant
- Tableau de l’évolution
- Esprit – évolution
-
L’évolution culturelle.
- L’Orient et l’Occident
- Modernité

La voie moderne de l’agrégat ou voie de l’Intotalité : Vérité Invérité ~ L’Amour ~ La Prospérité ~ Le Mouvement ~ Le
Néantisme ~ Mythes.

La voie de la synthèse ou voie postmoderne de l’unitotalité : ~
Amour ~ Vérité ~ Beauté ~ Prospérité ~ Spiritualité ~ Le
Mouvement.

Conclusion
- Une personne – deux natures.
- Vers un nouveau ciel et une nouvelle terre.
Bibliographie indicative – Remerciements.
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-Avant propos
En écrivant les pages qui suivent, je n’avais d’autre but au départ que de satisfaire le désir
de réunir en un seul ouvrage et en les classant dans un ordre logique, les divers éléments de
réflexions qui composaient mes travaux précédents, à savoir : Evolution – Inévolution,
Evocations Spirituelles, Un Réel- deux référentiels.
Puis en cours de route, l’esprit cheminant en lui-même et produisant dans sa mobilité de
nouvelles associations, en examinant de près comment opérait la physique mathématique, il
m’est apparu qu’on ne pouvait quoi qu’on fasse, aborder le réel sans poser au préalable la
problématique intérieure – extérieure, et émettre l’une des quatre hypothèses premières
possibles, fondement de toute théorie du réel.
J’ai choisi pour hypothèse celle d’un monde avec un dehors et un dedans distinct, qui
me semble la plus intéressante car elle autorise de garder ce qui fait la force des sciences tout
en apportant les moyens de combler leurs faiblesses.
A la théorie moderne des sciences, d’un monde sans dedans, sans nature intérieure, je
propose celle d’un réel avec un dedans, avec une nature intérieure. C’est ce qui distingue cette
entreprise de toute entreprise.
Cette théorie, pour répondre à sa logique propre, envisage de joindre à une physique du
monde extérieur, quantitative, galiléenne, une physique du monde intérieur, qualitative, non
galiléenne.
Pour jeter les bases de cette physique, il convient de procéder comme
LOBATCHEVSKI l’a fait pour fonder sa géométrie non euclidienne, c’est-à-dire de changer
le postulat de départ. Il s’agit de passer du postulat d’un réel pur extérieur de la physique
classique par celui d’un réel avec un dedans distinct qualitativement.
Par ce changement de regard sur le monde, c’est tout un univers de pensée moderne, celui
d’un réel en miette, tout agrégat, tout système, tout machine, qui se dissout pour laisser
apparaître un monde physique d’être simple, essentiel, aux caractères de subtantialité, clarté,
distinction, proche de ceux aristotéliciens et cartésiens, enrichis au passage des acquis de la
science. Un univers désenchanté, désolé, une nature dénaturée nécessaires à l’analyse, cèdent
la place à une nature re-naturée.
Ceci peut paraître à première vue bien théorique à certains, mais cela ne l’est pas tant que
cela si l’on veut bien prendre en compte l’idée que toute physique induit une métaphysique,
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c'est-à-dire, une manière pour l’homme de penser, de se comporter, et en fin de compte de
vivre. Aussi est-il bon de temps en temps de regarder dans quel bateau on est embarqué.
Beaucoup cherchent à changer l’ordre dans la société en raison de l’ordre qu’ils
perçoivent dans la nature. Je me suis dit, en voyant cela, que pour changer l’ordre dans la
société, il convenait d’abord de changer notre représentation de la nature.
En raison de ce qu’il est, le quantitatif est aveugle par rapport au qualitatif, et vice versa.
Une représentation qualitative spécifique s’avère nécessaire pour prendre en compte cette
dimension.
Si nous disposons, avec la physique mathématique, d’une représentation efficiente du
réel quantitatif, nous n’en avons pas sur le plan qualitatif.
D’où, si l’on considère qu’il y a bien une dimension qualitative du réel, le besoin d’une
recherche dans ce domaine, pour constituer une physique spécifique, ce qui constitue
l’orientation de mon travail.
En rejetant définitivement le qualitatif, les sciences mathématiques, n’ont-elles pas jeté
le bébé avec l’eau du bain ?
Maintenant que les sciences positives sont suffisamment bien établies pour ne rien
craindre de qui que ce soit et triomphent largement dans les esprits, ne serait-il pas temps de
se préoccuper de nouveau de la dimension qualitative, essentielle des choses, si nous estimons
qu’une telle dimension puisse exister, afin de combler nos manques ? Si l’on n’a pas tout, l’on
n’a rien.
La première partie expose la problématique. La seconde peut se définir comme une
tentative d’ébauche d’une approche intérieure, qualitative, essentielle, complémentaire de
celle extérieure, et d’esquisse de la vision du monde qui en découle.
On a tendance à opposer matériel et spirituel comme deux entités irréductibles,
inconciliables.
Quel est le lien secret qui unie ces deux mondes étrangers en apparence ?
A la charnière entre les deux, je propose la physique qualitative. Elle permet d’établir
l’existence du monde intérieur, ce lien qui nous manque entre le matériel et le spirituel et de
rendre visible la Nature invisible.
Que les gens mieux armés que je ne le suis, regarde avec indulgence ce projet d’aborder
le réel sous un angle nouveau, moderne et intérieur qui suscite mon enthousiasme mais qui est
aussi une grande tâche et qui ne demande qu’à être amélioré.
Enfin, cette entreprise ne saurait vivre qu’avec le concours de chacun.
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Avertissements
Dans la théorie du réel que je propose, il est beaucoup question comme vous pourrez le
voir, d’un dedans des choses distinct du dehors. Cette notion peut présenter des difficultés
d’interprétation.
Si je puis vous le suggérer, très chers amis lecteurs, ne cherchez pas trop par la voie de
l’introspection à vous faire une vision de ce dedans distinct et de l’autre, qui l’habite. Ce sera
probablement votre premier réflexe mais celui-ci en tant qu’autre, inconscient, appartenant
aux choses en elles-mêmes, s’avère très difficile à se laisser appréhender par cette voie.
Laissez-vous plutôt conduire d’abord par le cheminement intellectuel ou bien ayez à
l’esprit, en référence et comme guide, ce qui peut être une émotion esthétique que vous avez
connue, ou bien une expérience de vie spirituelle.
L’intérieur dont il est question, n’est probablement pas celui que chacun a en vue
lorsqu’il considère sa propre personne, c'est-à-dire son moi conscient.
Pour s’en faire une idée, il vaut mieux ne pas trop se regarder ou bien prendre
beaucoup, beaucoup de distance par rapport à soi.
Si je parle de transformation de la nature des choses, n’imaginez pas que nous allons
devenir comme des anges qui volent ! Nous resterons ce que nous sommes, mais essayez de
penser plutôt à des points qui ne sont que des points, et qui tout d’un coup, parce qu’ils sont
placés d’une certaine façon sur un papier, à certains emplacements, deviennent une image, et
représentent, par exemple la pupille de l’œil d’un visage. Pris en soi, isolé, le point est
toujours point, mais uni aux autres, il acquiert une autre dimension. Il est autre et plus.
Un autre exercice peut vous aider à bien vous positionner :
Tout le monde connaît dans les petits livres de coloriage pour enfant, le jeu suivant
qui consiste à relier entre eux, par un trait, les points numérotés dans l’ordre croissant : 1- 2 –
3 – 4 – 5 -……...etc. jusqu’au dernier, où l’on découvre, à la fin, soudainement que
l’ensemble forme le dessin d’un …… éléphant !
Dans un genre plus élaboré, on peut obtenir le dessin approchant de la tête d’une
personne.
Imaginez un instant que ces mêmes points numérotés, soient jetés sur le papier,
comme on jette des dés, par exemple. (Question annexe : essayez de calculer la probabilité
que l’on obtienne par ce procédé, la forme décrite auparavant).
- Regardez et comparez les deux types de formes obtenues.
Maintenant, imaginez un instant que vous êtes vous-même, l’un de ces X points
numérotés reliés à ses voisins.
- Regardez et comparez votre situation dans l’un et l’autre cas que nous venons
d’évoquer : Tout d’abord celui où nous avons au niveau de l’ensemble une forme
parlante avec un sens et ensuite celui où nous n’en avons pas.
Maintenant, si vous une cheminée, allumez-y un beau feu. Installez-vous. La lecture
peut commencer.
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Première partie
Teilhard de Chardin nous dit, dans le Phénomène Humain, que « pour exprimer dans sa
vérité l’histoire naturelle du monde, il faudrait pouvoir la suivre par le dedans ».
Je ne le contredirai pas sur ce propos car c’est ce à quoi, en partie, je me suis attaché
tout au long du travail que je voudrais vous proposer.
Mais auparavant, j’ajouterai que la démarche qui consiste à aborder une chose par le
dedans suppose l’existence de celui-ci.
Or, et c’est le premier point qu’il convient d’examiner, cette existence d’un dedans des
choses distinct, c’est-à-dire d’un dedans qui n’est pas pareil, qualitativement, que le dehors,
n’est pas acquise.
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En effet les sciences, on le sait, appréhendent le réel comme si celui-ci ne comportait
pas en lui même d’intérieur distinct. Qu’en est-il vraiment ? Le réel est-il sans dedans distinct
et différent, parce qu’il est ainsi, ou bien est-il ainsi dans notre représentation, parce qu’on a
supposé d’entrée, à l’aide d’un postulat, qu’il est sans dedans distinct ?
Le réel est-il avec un intérieur distinct existant ou ne l’est-il pas ? Il n’est pas sûr que
l’une ou l’autre de ces hypothèses soit démontrable, mais il semble sûr que la problématique
intérieure – extérieure s’avère première, au centre de toute approche du réel quelle qu’elle
soit.
Elle conditionne la physique qui va construire une représentation du monde et, après
elle, la métaphysique qui en est issue et qui va conduire les hommes.
Ce problème peut apparaître comme très théorique mais il ne l’est pas tant que cela.
Il n’échappe à personne que l’approche d’un réel sans dedans a bien réussi aux sciences si
l’on considère la somme de savoirs qu’elles ont acquis en relativement peu de temps.
Il n’échappe pas non plus qu’en raison de ce succès, ce n’est plus la religion ni la
philosophie qui mènent le monde mais les sciences. Nous sommes entrés dans l’Age des
sciences.
Il n’échappe plus à personne enfin, que la réussite des sciences s’accompagne d’un
envers.
Elles nous offrent en effet des techniques permettant de construire des édifices d’une
hauteur inégalée, mais le monde qui en est issu produit à l’intérieur de lui-même un être
déconstruit incapable de s’élever.
La modernité est depuis longtemps en miettes et ne propose qu’un homme sans dedans,
désintériorisé, dénaturé, deshabité, déspiritualisé.
Elle recouvre de son vêtement désenchanté tout un passé vivant devenu fossile que les
vivants d’aujourd’hui regardent avec envie.
Confronté à cette situation, l’homme nouveau moderne, engagé dans le monde mais
aussi observateur, se pose la question : le sage disjonctage qui nous est proposé est-il
l’aboutissement dernier de l’homme et dois-je en faire ma maison ou bien, perdu pour perdu,
dois-je tout lâcher, m’autoriser à réfléchir, essayer de rebondir et de me reconstruire sur de
nouveaux fondements.
En d’autres termes, le réel est-il vraiment ainsi — et alors inutile de chercher autre
chose, il convient de s’y faire — ou bien est-il ainsi dans notre pensée, parce que nous avons
posé l’hypothèse première préalable qu’il l’est.
Si nous adoptons ce deuxième point de vue, il nous revient d’exposer quelles sont les
différentes hypothèses premières qui se présentent et qui conditionnent notre approche du réel
et ensuite se demander : laquelle choisissons nous.
Mais auparavant, nous voudrions montrer en quoi et comment la représentation des
sciences, qui nous est commune, ne peut se construire qu’en posant dans la pensée, a priori, le
postulat d’un monde sans intérieur distinct, sans Nature, entraînant immanquablement à la
sortie, une vision et la fondation d’un monde selon ce postulat.
 Problématique Intérieur – Extérieur.
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On le sait, les sciences de la nature qui ont permis une fantastique avancée de
l’esprit, enfreignant les tabous d’Aristote, sont des sciences mathématiques c’est-à-dire —
à l’instigation de Galilée, leur précurseur, qui écrit que l’univers est un grand livre écrit en
langage mathématique — qu’elles décrivent le monde dans ce langage. Et c’est bien ainsi
qu’elles ont progressé. Pour s’en convaincre, il suffit de se plonger dans les « Principia
Mathematica » d’Isaac Newton, œuvre majeure s’il en est de la physique mathématique,
qui installa définitivement celle-ci dans la pensée et lui donna de s’imposer et de
triompher.
La théorie de la Relativité d’Einstein fait également appel à des mathématiques très
poussées.
La mathématisation de la physique n’a pas manqué de susciter tout au long de son
histoire des réactions de la part de nombreux penseurs qui vont du XVIIIème siècle :
Goethe, Herder, en lien avec le mouvement « Sturm and Drang » ( tempête et élan)
jusqu’à Husserl en passant par Schelling, Schopenhauer.
Ceux-ci s’alarment non pas à propos de l’acquisition de la connaissance des lois de
la nature qui en fait la gloire, mais en raison du mécanisme desséché, mort, du climat de
dissociation et de négation de la Nature ainsi que de la spécificité de la réalité humaine,
qui en découlent. C’est un thème ancien et bien connu de la critique des sciences
positives.
Je dis et j’ajoute à ceci, en étant plus précis, que l’opération de mathématisation du
réel — si intéressante soit-elle par certains côtés — ne peut s’effectuer sans que soit posé,
a priori, le postulat d’un réel sans dimension intérieure distincte, sans dedans.
En effet, voyons comment se produit cette opération intellectuelle.
La reconstruction des phénomènes de la nature à l’intérieur du domaine de
l’intelligibilité mathématique suppose un « axiome de correspondance » entre le réel
physique sensible, original, et le signe mathématique.
Or, au cours de cette correspondance, le réel premier subit une interprétation qui
peut le modifier significativement.
En effet, il est étrange de voir comment on passe d’objets et de phénomènes réels à
des êtres mathématiques associés qui en sont totalement déconnectés et définis sans
référence à aucune expérience sensible :
- Un point sans dimension correspond à un objet matériel.
- Un vecteur géométrique représente une force.
- Une surface symbolise en optique un miroir etc…
La transcription des uns vers les autres s’avère nécessaire pour constituer et définir
une loi physique de la nature qui s’exprime par une relation entre les concepts
mathématiques.
Mais ce passage obligé mérite qu’on s’y arrête.
Une fois traduite en concepts mathématiques, la logique de cette discipline opère
avec la force de démonstration et la cohérence que l’on connaît, et sur lesquelles il n’y a
rien à dire.
Mais la traduction en elle-même, n’est pas sans problème. Elle procède par analogie
ce qui n’est pas de la plus grande rigueur scientifique.
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Regardons ce qui se passe au sujet du point mathématique qui représente par
convention un objet réel.
Dans la réalité, on le sait, aucun point physique — même le plus petit comme celui
figuré par la tête d’une épingle ou encore plus petit comme une particule microscopique
de type atomique — n’est réellement sans épaisseur, de dimension nulle. Cela n’existe
pas. Toute matière en soi possède une extension minimum, mesurable. Ce qui induit en
toute logique l’existence, pour ce point matériel, d’une étendue intérieure comprise entre
ses limites et, donc, d’une intériorité concevable.
Or, le point mathématique qui lui est associé, censé le représenter, objet conceptuel
premier, dont Euclide a placé la définition en tête de ses Eléments et qui fonde sa
géométrie, est conçu axiomatiquement comme étant sans partie, sans étendue, sans
largeur, sans longueur, sans épaisseur, sans extension, idéalement de dimension nulle.
C’est un espace sans espace, c’est-à-dire sans étendue intérieure car il ne saurait y avoir
d’intérieur dans la représentation sans un minimum de dimension qui lui soit attaché.
En absolu, le point mathématique est quelque chose sans dedans distinct existant.
Le problème est que, traduire une chose qui a une épaisseur par une autre qui n’en a
pas, assimiler un objet matériel sensible, si petit soit-il, à un point idéal, irréel, absolu
sans dimension, c’est annihiler en lui tout dedans hypothétique. Cela veut dire, créer une
représentation où la chose est avec un dehors sans dedans, où l’on écarte de la réalité le
dedans de la réalité, où l’on fait abstraction de toute constitution interne à l’objet : cela
revient à enlever et dépouiller, systématiquement et mécaniquement, tout objet physique
— et avec lui le réel tout entier — de sa dimension intérieure si éventuellement il en
possède une.
C’est donc poser à l’avance, et non le déduire ni le démontrer, que le monde est sans
intériorité distincte et raisonner ensuite sur une représentation méthodiquement dénaturée
( car, sans dedans existant reconnu, rien ne peut naître du dedans et il ne saurait y avoir
de Nature dans la nature ).
Procéder à une telle transcription entre la réalité physique et les êtres mathématiques,
poser un tel axiome de correspondance, passage obligé qui fait que le réel physique
devient mathématique, n’est pas neutre. Cela revient à poser d’emblée, dans l’absolu, le
postulat arbitraire d’une chose sans dimension intérieure distincte existante, d’un monde
sans Nature, sans Etant intérieur.
Sans ce postulat, les sciences mathématiques ne peuvent procéder. Là se trouvent
leurs fondements.
Poser un tel postulat dans la pensée ne veut pas dire que la représentation d’un monde
sans intérieur distinct est le Monde, pas que beaucoup franchissent à la suite de l’opinion
de Galilée. Ne reste ensuite, alors, qu’à décréter doctement inutile l’idée d’un principe de
Nature, et le cercle est fermé.
Dans le même ordre d’idée, la mathématisation du réel suppose d’appréhender celuici au moyen du nombre, par principe grandeur divisible à l’infini en puissance.
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Mais le divisible ne peut appréhender l’indivisible de la Nature. On ne peut rendre
l’un par l’1 si ce n’est en le détruisant dans ce qu’il est, ou bien en glissant dessus à sa
surface sans l’atteindre.
L’analyse également qui opère comme si tout était rouage démontable, procède
comme si le monde était sans unité en soi.
Dans l’éventualité où le monde possède un dedans des choses existant, l’accord entre
le modèle mathématique et le réel original ne peut se faire qu’au dépend de ce qui est
intérieur et en en faisant l’impasse.
Le modèle agit comme un crible qui opère un tri dans les informations qu’il reçoit.
Le problème est que ce qu’il enlève n’est pas secondaire mais relève de l’essentiel au
plein sens du mot. Il n’intègre le réel que s’il est amputé de ses attributs d’être.
L’observateur croit voir tout et n’a qu’une image filtrée.
Ce ne sont pas les mathématiques qui s’adaptent à la physique, mais le réel physique
qui s’adapte à elles en devenant infirme, obligé de passer par un goulot d’étranglement
d’où il ressort invariablement déshabillé, décapité de ce qui peut le caractériser dans son
être intérieur : intériorité, indivisibilité, productivité.
La mathématisation de la physique dans son approche néantise tout un aspect du réel,
qu’elle considère comme rien et laisse de côté. Il ne saurait de ce fait avoir l’ambition de
l’épuiser. Le monde clair de Descartes n’est pas si clair que cela.
Il ne peut surmonter son angle mort qui lui cache et supprime l’essentiel : l’Un.
Une éclipse totale du soleil par la lune, ne veut pas dire que le ciel soit sans soleil.
A ce stade, notre discussion trouve ici ses limites.
En effet, les mathématiques, en raison du postulat qu’elles posent, ne prouvent en
rien que le réel est sans dedans distinct, et nous-même, de notre côté, nous ne pouvons
prouver le contraire, même si, par bien des aspects, nous pouvons avoir le sentiment d’un
intérieur existant.
Au fondement de toute physique vient cette question et cette question est première
parce qu’elle vient avant : quelle place donner, dans le réel, à la notion d’ « intérieur
distinct », à ce qui est en dedans ?
Ce problème de l’intériorité du réel, en dernier ressort, n’est pas tranché. La
question : le réel est-il vraiment, ou non, avec un intérieur distinct, quelle est sa nature
réelle, ne semble pas pouvoir être réglée de manière démonstrative et définitive. La
question reste entière. Nous ne pouvons l’éviter et ne pouvons que poser des hypothèses.
Il peut paraître étonnant que la problématique intérieur – extérieur qui semble
première dans toute approche du réel, ait été si peu exprimée.
Les épistémologues, comme Alexandre Koyré, évoquent les changements de visions
occasionnées par la révolution scientifique en terme de fini – infini, plein - vide, clos –
ouvert, (Du monde clos à l’espace infini), sans s’interroger sur la dialectique intérieur –
extérieur.
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Les philosophes de la Nature, critiques vis-à-vis de «l’hyperphysisme » se
maintiennent derrière des expressions telles que « mécanisme mort », «système vivant »
sans réussir à formuler le problème en des termes précis.
Les philosophes de la modernité dressent le constat de la mort de l’idée de Nature
intérieure sans trop se poser de questions.
Parmi tous, Teilhard de Chardin fait exception dans la mesure où il entre dans cette
problématique en posant, pour son approche de l’évolution, l’existence d’un dedans des
choses, d’une face interne : « Coextensif à leur dehors, il y a un dedans des choses ».
Mais il ne l’étudie pas pour elle-même.
Si cette problématique a été si peu abordée explicitement, cela tient peut-être, entre
autre, à deux raisons :
1) Le mouvement bien connu de mathématisation de la physique a pu faire écran, retenir
l’attention et faire oublier celui, concomitant, d’extériorisation du réel.
2) D’autre part, on ne peut passer sous silence le climat passionné, l’atmosphère de guerre
contre la physique de la Nature et des formes substantielles aristotéliciennes, des
«qualités et forces occultes » en place depuis deux mille ans à l’époque, dans lequel
sont nées les sciences. Ce climat a marqué leurs débuts et a pu entraver les esprits en
interdisant toutes réflexions critiques et productives vis-à-vis du mouvement de
désintériorisation du monde dont on a constaté les effets sans en comprendre les
origines.
Aujourd’hui, l’idée de Nature est écrasée, refoulée, celle d’intériorité se réfugie
dans les catacombes, la science triomphante est victorieuse.
Les circonstances ont donc changé. De l’eau a coulé. Il est temps de sortir de ce
climat qui porte son ombre jusqu’à présent et d’examiner les choses avec des yeux
neufs.
On ne reviendra pas en arrière, mais on peut reprendre cette question non plus
avec les moyens d’autrefois, mais dans les conditions d’aujourd’hui et de manière
dégagée de tout illuminisme.
Nous possédons les éléments nécessaires et les choses semblent suffisamment
mûres, pour rendre intelligible cette problématique, qui apparaît première à toute
pensée, pour des raison de cohérence interne, comme il convient.
Une fois posés les termes de cette problématique, nous pourrons choisir la voie
que nous allons explorer.
C’est à cet objet que mon travail se propose de contribuer en ayant en vue que les
défauts qui ne manqueront pas de s’y trouver ne demandent qu’à être corrigés.
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Un réel : quatre hypothèses.
Avant toute chose, face au réel, nous avons quatre hypothèses qui sont :
1)
2)
3)
4)
Le réel est pur extérieur.
Le réel est pur intérieur.
Il y a un intérieur et un extérieur existants.
Il n’y a ni intérieur ni extérieur existant.
1) Le réel est pur extérieur.
Le réel est vu comme un pur extérieur.
L’intérieur distinct est considéré comme ne faisant pas partie du réel. On ne peut pas
poser l’existence d’un intérieur distinct qualitativement, ni évoquer son concept même,
car celui-ci est pure illusion, invention, néant réel et ne saurait être.
L’extérieur recouvre tout de manière absolue. Il n’y a pas place pour autre chose. Le
monde est unidimensionnel. C’est le fondement premier de notre science moderne de
l’univers infini. Tout vient de l’extérieur et rien de l’intérieur.
Dans ce cas, la représentation de la physique mathématique, qui ne conçoit que des
forces agissant du dehors, colle en tout parfaitement au réel et la métaphysique moderne
qui l’accompagne est en phase avec lui et cohérente. Il n’y a rien à dire.
2) Le réel est pur intérieur.
Le réel est vu comme un pur intérieur.
L’extérieur distinct est considéré comme ne faisant pas partie du réel. On ne peut
pas même poser son existence ni évoquer son concept.
Le réel est considéré comme étant un pur dedans, à la manière d’un vase fermé ou
d’une sphère à la rotondité parfaite comme le cosmos clos, fini, volume fixe, qui contient
tout, en dehors duquel il n’y a rien, absolument rien, conçu par les anciens hellènes et qui
dura jusqu’aux temps modernes.
Dans ce cas, tout ne peut être et ne peut venir que du dedans. Ce qui vient du dehors
n’est que pur accident comme le mouvement violent aristotélicien.
3)
Il y a un intérieur et un extérieur existants.
Le réel est vu comme comportant en lui-même deux dimensions distinctes : l’une
extérieure, l’autre intérieure. On peut poser l’un et l’autre de ces deux concepts. Et dans
ce cas la représentation mathématique qui prend en compte la dimension extérieure sans
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considérer, par principe, la deuxième dimension, le dedans des choses distinct
qualitativement comme étant, ne représente pas le tout de la réalité.
Ce sera notre hypothèse première, notre théorie de l’univers, celle d’un monde avec
un dehors et un dedans distinct.
4)
Il n’y a ni intérieur ni extérieur existant.
Pour être complet, nous avons cette quatrième hypothèse : l’être du dehors et du
dedans est considéré comme n’étant pas. Nous n’avons ni le concept de l’un ni celui de
l’autre. Le réel est vu comme pure vacuité et les phénomènes sont considérés comme
illusions. Rien ne vient ni du dehors ni du dedans. On peut assimiler cette hypothèse à
celle du non être de l’Orient ancien.
Un réel, quatre hypothèses.
La première hypothèse d’un réel pur extérieur, conduit à l’univers unidimensionnel.
C’est celui de Descartes qui, croyant à la « géométrisation » de la physique et aux
fondements « fermes et solides » des mathématiques, en vient logiquement à imaginer, a
priori, un monde qui puisse être en cohérence avec son mode de représentation. Il le
conçoit composé d’une substance unique qui remplit tout : « l’étendue », qui correspond
à l’étendue géométrique sans intérieur. Pour lui l’univers est pure extériorité et rien
d’autre.
On sait qu’à ce schéma Newton, le très religieux, substituera un univers
bidimensionnel composé d’un espace vide infini et de grains de matière, pleins, durs,
compacts, impénétrables.
Par la suite, on sait également qu’Einstein, plus théoricien que physicien, reviendra
à un univers unidimensionnel composé d’une substance unique : « l’espace temps »,
continuum à quatre dimensions.
Enfin, jusqu’à présent, on a pas réussi à unifier totalement les quatre forces
fondamentales, l’interaction gravitationnelle restant à l’écart des trois autres : les
interactions faible, forte et électromagnétique.
Nous ne pouvons nous faire une idée du réel, indépendamment des règles qu’on se
donne pour l’examiner.
Nous ne pouvons y échapper et l’aborder sans poser l’une de ces quatre hypothèses
qu’elle soit implicite ou explicite. On ne peut s’en passer, et l’hypothèse première qu’on
se donne est le premier pas qui conditionne et contient tous les autres en puissance.
Pour ma part, je choisis comme hypothèse première, dans la suite de cet exposé,
celle d’un univers bidimensionnel, avec un extérieur et un intérieur distincts et existants.
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C’est la seule des quatre hypothèses qui n’ait pas été posée et expérimentée en tant
que tel.
Enoncer une hypothèse première est une petite chose pour l’esprit mais une grande
pour ses conséquences.
Ceci étant dit, je ne reviendrai pas par la suite sur cette hypothèse première qui
constitue notre théorie de l’univers.
Nous cherchons une représentation qui soit fidèle au réel, c'est-à-dire avec une
description de sa dimension extérieure et de sa dimension intérieure : c’est notre but.
Que nous manque-t-il pour avoir ce que nous cherchons ?
Nous avons la représentation des sciences, qui décrit très bien la dimension
extérieure du réel, mais sans prendre en compte sa dimension intérieure.
Je dis qu’il manque une représentation qui décrive cette dimension intérieure du
réel.
Et pour pouvoir décrire cette dimension, il convient de poser au préalable, le
postulat d’une chose avec un dedans distinct qui va de pair avec celui d’une chose avec
Nature.
Posons ces postulats et nous pourrons avoir ce qu’il nous manque.
Voilà ce qu’il convient précisément de faire pour résoudre notre problème.
Pour avancer, nous sommes amenés à procéder à la manière de LOBATCHEVSKI
dont on connaît bien l’histoire : en remplaçant le cinquième postulat d’Euclide par celui
qui porte son nom : « par tout point extérieur a une droite, il passe une infinité de
parallèles à cette droite et non une seule », il a fondé une nouvelle géométrie non
euclidienne, dite hyperbolique, qui s’est révélée par la suite utile.
Nous proposons de faire de même en remplaçant le postulat d’une chose "pur
extérieur" de la physique mathématique par le postulat d’une chose avec un dedans
distinct, fondement d’une physique non galiléenne. Nous changeons le postulat d’une
chose réductible à un point mathématique sans épaisseur par celui où elle ne l’est pas.
Cette physique comme toute physique se situe sur le plan des phénomènes. Elle les
aborde en postulant un dedans des choses distinct. A un point sans dedans, elle substitue
un point avec dedans. A des forces qui viennent de l’extérieur, elle oppose des forces qui
agissent de l’intérieur.
On ne peut représenter une même chose, en même temps, avec un dedans et sans
dedans. C’est contradictoire. Un observateur ne peut se positionner en deux points de
vues différents en même temps. On ne peut traiter les conséquences de l’un et de l’autre
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postulat simultanément dans une même discipline. Ce ne peut être que l’une et l’autre
représentation dans des disciplines séparées et autonomes. Cette démarche nous amène à
envisager deux physiques distinctes et conjointes pour aborder le réel, l’une du "dehors",
mathématique, l’autre du "dedans", non mathématique.
Dans celle-ci, le point matériel possède une épaisseur et les forces agissent de
l’intérieur et non du dehors.
Négliger délibérément l’une de ces deux approches serait se priver de connaissances
en puissance et une offense contre l’intelligence.
Les penseurs modernes ont pris les sciences comme un absolu, l’absolu sans limites,
de la modernité, alors qu’elles relèvent d’un postulat qui, s’il s’avère avantageux pour
une approche numérique du réel dont témoigne leur immense réussite dans ce domaine,
ne manque pas de présenter de graves défauts pour ce qui est de l’approche qualitative.
Sur ce plan, elles se révèlent particulièrement défectueuses.
Il ne s’agit donc pas de critiquer les sciences ni de les contester, ni de les contredire,
ni de les diminuer, ni de les dévaloriser, ni d’essayer de se substituer à elles. Elles
remplissent parfaitement leur objet, suscitent notre admiration, et nous tenons à les
garder.
Mais il nous revient de réexaminer les termes de la philosophie première, et de
l’élargir pour pouvoir en combler les manques. Dans ce nouveau cadre, nous sommes
conduits à poser et à joindre aux sciences positives nécessairement limitées, une
discipline à part entière, nouvelle, autonome, rationnelle avec ses propres postulats qui
prennent en compte le dedans des choses distinct et l’aspect qualitatif du réel.
Poser l’existence d’un dedans, nous ouvre à l’idée de quelque chose d’existant en
dedans qui se distingue de ce qui est en dehors, et que nous appelons Nature.
Mais la Nature dont nous parlons d’un point de vue moderne n’est pas celle des
« qualités » et « propriétés et vertus occultes » des temps préscientifiques révolus. Elle
n’a rien de secret ni de mystérieux. Il s’agit tout simplement de ce qui est et de ce qui
vient, qui agit du dedans et non du dehors et qui en est distinct.
Le postulat de la Nature peut néanmoins susciter des interrogations. Mais les
physiciens mathématiciens se sont-ils interrogés pour savoir si les choses, en vrai, avaient
un intérieur ou pas, et si elles étaient représentables par un point sans dimension ? Sans
trop se soucier du réel, et contre Aristote, ils ont fait comme si elles n’en avaient pas et
cela a marché pour le quantitatif.
De même, ne nous posons pas la question de savoir si les choses ont, en vrai, un
intérieur distinct ou pas. Faisons comme si elles en avaient un et, attachée à celui-ci,
comme si elles avaient une Nature. Essayons ce modèle et nous verrons les résultats qui
seront sur le plan qualitatif et non quantitatif.
- Sans dedans, la science se ferme au qualitatif.
- Avec un dedans, elle s’ouvre au qualitatif, et lui est fidèle.
Il semble logique que le quantitatif appréhende le quantitatif, et que le qualitatif
prenne en charge le qualitatif.
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Mais auparavant, voici un bref regard sur les conséquences de l’absence de dedans
distinct et de Nature dans nos représentations mentales.
Dans un univers sans dedans, tout ne peut venir que du dehors. Le dedans n’étant
pas, il ne saurait y avoir un intérieur vivant existant, la chose en soi ne saurait être
qu’inerte et la vie n’est pensable qu’en tant qu’accident.
Dans un monde sans dedans, rien ne peut naître du dedans. Les choses ne peuvent
que naître du dehors. Elles ne peuvent avoir le principe de leur existence en elles-mêmes,
et ne peuvent être que le produit d’un principe externe, comme pour une machine.
Le monde n’est que machine et mécanisme, qui ne connaît de mouvements et de
forces qu’externes et contraints. Rien n’est douceur ni spontanéité.
Sans rien qui naît du dedans, les choses sont sans Nature en elle-même, et on ne peut
différencier une chose avec Nature d’une autre sans Nature.
On ne peut différencier une transformation qui change la nature des choses, d’une
autre qui ne la change pas.
Sans Nature en soi, une chose avec unité indivisible ne peut être distinguée d’une
autre avec unité divisible.
L’Un se retrouve réduit à ce qu’il n’est pas : l’1.
Sans Nature une chose avec intériorité ne peut être distinguée d’une autre où elle est
absente.
Absence et présence sont une même chose.
La nuit, comme on dit, tous les chats sont gris.
Dans un monde sans dedans nous n’avons qu’une dimension : celle du dehors ; et
dans l’univers unidimensionnel extérieur, toutes choses sont de la même espèce et de la
même nature.
Elles ne peuvent avoir entre elles que des différences de degré et non de nature. Rien
ne distingue nettement une chose d’une autre. Nous sommes dans un monde indifférencié
qui ne peut tendre que vers l’uniformité.
Dans une telle totalité sans dedans, illimitée, sans unité en soi, sans ciment intérieur,
rien n’est Un, tout est agrégat, rien n’est synthèse, tout est système.
Le monde n’est qu’un vaste champ infini avec ici ou là des variations d’intensité
d’énergie, sans barrières ni frontières, sans haut ni bas. Le microcosme rejoint le
macrocosme dans une même identité, continuum informe. Le fini se dissout dans l’infini
vide. Le monde dans sa totalité n’est qu’antiphysis, extériorité intégrale et les corps
n’entretiennent entre eux que des rapports d’extériorité.
La totalité sans dedans, sans Nature, est le monde du comptage quantitatif et de la
confusion qualitative. On ne peut distinguer l’ombre de la lumière, le contraste entre le
clair et l'obscur, le rond et le carré, et tirer un trait qui limite nettement l’un de l’autre.
L’exercice du principe d’identité A=A, B=B y est vain. La logique primaire qui consiste à
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distinguer une chose de ce qu’elle n’est pas, ainsi que le principe de non contradiction, ne
peuvent opérer et la méthode de classification binaire est en panne. La pensée retourne au
monde flou et à l’état d’indistinction des temps anciens de l’humanité et ne peut
progresser.
Nous quantifions l’univers et nous sombrons dans la nuit de l’informité primitive de
l’être.
L’individu moderne, pris dans une telle physique du chaos qui s’est installée
logiquement et insidieusement, ne peut échapper à la métaphysique qui en découle d’un
être dénaturé, désuni, déconstruit, sans intimité.
Subordonné à cette représentation scientifique, que de savantes intelligences
considérant ce qui est à la sortie sans prendre en compte ce qui est à l’entrée lui présente
comme exclusive et définitive, il en devient l’esclave et celle-ci façonne l’homme
nouveau désaliéné moderne à son insu. Il en vient par les chemins secrets de la logique
visuelle à imiter le mouvement des sciences, à s’adapter à l’inadaptable et à se rendre
infirme. Le chrétien moderne débaptisé ne croit plus à Dieu, ni au Diable, et se condamne
au face-à-face glacé d’être sans intériorité, à l’absence du spirituel, au silence intérieur.
L’homme occidental se crée un réel nouveau où il est tout pour lui-même et pas plus
qu’un point sur la carte. Il invente une civilisation riche matériellement, innovante,
puissante comme elle ne l'a jamais été sur le plan technologique au risque de mettre à mal
la planète et d’épuiser ses ressources, mais sans intériorité, c’est-à-dire avec une âme
morte. Nous avons transformé notre monde en une grande machine fonctionnelle mais
creuse, avec un rien au lieu du tout, un vide au lieu du plein, qui tourne sur elle-même
sans aller nulle part, comme une ruche sans reine. Et cette grande machine a la fragilité
de toute machine : un grain de sable bien placé suffit pour qu’elle tombe en panne.
Alors cette civilisation de l’incivilisation se retrouve sans rien pour se rattraper, ni vie
intérieure, ni vie extérieure. Son vide apparaît au grand jour. C’est la grande dépression et
l’angoisse étreint les acteurs de la vie économique et culturelle au moindre toussotement,
incident, accident, qui peuvent entraver la bonne marche de la machine économique dont
le seul but est de tourner pour tourner ; car une machine ne se pose pas la question de
savoir pourquoi elle tourne et, si elle se la posait, elle ne pourrait y répondre car elle n’en
a pas les moyens.
Le monde désintériorisé ne connaît pas la machine dont le moteur ne peut ni cesser ni
s’épuiser.
Il produit un beau à l’unisson qui ne peut que reproduire le rien du dehors et traduire
dans sa représentation la vision d’un monde avec un dedans néantisé, un monde tout
agrégat, divisé en lui-même, où chaque chose est isolée de l’autre comme une multitude
de grains de sable.
C’est un beau qui s’incarne dans l’art de la tache, sommet de l’art pour nos élites
émancipées entravées, dans un beau mort qui se substitue au beau vivant et s’expose en
grand, un beau à l’image de ces arbres qui ont la tête en bas.
Le monde sans dedans distinct, sans Nature, produit un cadre avec uniformité dans la
division, avec des beautés sans Beauté.
Autour de lui se construit un monde séparé sans barrières, d’étrangers sans frontières,
foules solitaires, monde social insocial, totalité avec des amours sans Amour, où l’Amour
en grand ne peut s’incarner.
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La nouvelle réalité humaine avancée, à l’image des sciences, rejette hors du nid tout
ce qui peut rappeler et suggérer la présence d’une intériorité et celle d’une Nature. Elle
respire, comme dit Bernanos, « une conspiration universelle contre toute espèce de vie
intérieure » et porte à son envers caché, son autoanéantissement. Eradiquant le dedans de
l’homme, elle cultive en elle-même la barbarie gentille à visage humain que d’aucuns
nomment l’humanisme moderne.
La philosophie moderne du tout extérieur, non dite, est devenue par mimétisme, par
je ne sais quel cheminement secret, spontané, le levain de notre civilisation éclairée
vidée ; et nous élevons une civilisation unique entre toutes les civilisations :
remarquablement productrice en ce qui concerne la technologie et l’industrie, elle se
révèle derrière un discours libertaire, terriblement stérile, improductive, déconstructrice,
voire destructive sur le plan de l’humain, de la Beauté, du Spirituel.
Face à ce monde qui nous est donné, nous en cherchons un autre qui lui soit
semblable, avec ses points forts, mais sans ses faiblesses béantes.
Que nous manque-t-il pour atteindre ce but?
Je dis que la philosophie première d’un réel pur extérieur est à l’origine de ses points
forts mais aussi de ses faiblesses : points forts parce que les sciences positives sont
productrices dans le domaine de l’invention technique, du quantitatif, et points faibles
parce qu’en raison du postulat exclusif d’un monde sans dedans, nous en venons à
construire un monde avec un intérieur pas plus gros qu’un point sans épaisseur.
Nous avons une science du dehors.
Il nous manque une science du dedans.
Pour avoir ce qu’il nous manque, il convient de postuler un réel où la chose est avec
un dedans distinct.
Voilà ce qu’il convient précisément de faire pour résoudre notre problème et avoir un
monde meilleur.
L’hypothèse première que nous avons adoptée nous autorise à le faire.
Un postulat n’est qu’un postulat et non un dogme.
Il ne peut y avoir d’objection à en poser un autre, conjointement au premier, même si
celui-ci n’a pas encore été posé tel quel et qu’on a pas encore mesuré toutes les
conséquences, ou bien qu’il l’ait déjà été par le passé, mais sans succès.
Le postulat sans dedans produit une représentation où l’objet est comme le point
mathématique, ou encore comme le point qui signifie zéro en arabe.
La chose avec un dedans distinct ne peut être représentée qu’avec un espace intérieur
comme le symbolise le chiffre zéro occidental.
Le postulat sans dedans dénaturalise notre vision du réel mais est productif dans les
sciences exactes.
Le postulat avec un dedans le renaturalise. Il ne sera pas productif dans les sciences
dures du dehors, mais il le sera dans l’ordre des sciences douces de l’être intérieur et de
l’évolution.
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Le premier détruit le lien secret qui nous unit à la Nature en nous, le second le rétablit
et lui redonne un droit d’existence.
Pour retirer les pommes du panier et procéder à l’analyse, l’esprit s’est vu contraint
de désintérioriser le réel. Pour remettre les pommes dans le panier et procéder à la
synthèse, nous ne pouvons faire autrement que de rechercher sa réintériorisation, sa
renaturalisation, chemin de la re-poétisation et de la re-spiritualisation du monde.
En terme orientalisant, on peut dire que le Yin des sciences douces, avec Nature,
vient rééquilibrer le Yang des sciences dures, sans Nature.
L’association de la physique du dehors avec la physique du dedans nous donnera la
physique généralisée, intégrale, ou physique en grand.
L’homme commence par diviser ce que la nature avait à jamais uni. La philosophie a
posé la question d’un monde extérieur et les sciences mathématiques s’en sont emparées.
La réflexion se constitue d’abord comme une entreprise de séparation : extérieur intérieur, objet - sujet, (l’homme devient pour lui-même objet) et les choses perdent leur
continuité et leur unité.
Mais cette réflexion n’est qu’un moyen, et non une fin. Ensuite vient le temps positif
où l’homme total rétablit en lui-même cette unité primitive, à un niveau de conscience
plus élevé et dépense son énergie spirituelle dans ce but.
Il le fait dans la liberté, pour mettre fin à cette scission.
Après le déchirement de la réflexion, vient la figure reconstruite.
 Postulat d’un dedans des choses distinct.
Si curieux cela soit-il, certains de nos concepts à l’origine des structures mentales
qui nous sont les plus indispensables pour voir le monde, l’appréhender et le représenter,
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sont, en fait, complètement idéels et déconnectés du réel. Ainsi en est-il pour le point
mathématique qui a permis le développement de la géométrie et, avec elle, des sciences.
Mon hypothèse est qu’il en va de même avec le concept d’un dedans des choses,
distinct et de Nature, qui sera nécessaire pour voir, non plus le quantitatif, mais le
qualitatif.
Propositions
1) Nous posons un dedans des choses, distinct.
2) Nous supposons un principe de Nature existant dans le dedans des choses et
absent dans le dehors.
Le principe de Nature se définit comme totalité, unité indivise, productivité interne.
3) - Le dedans avec Nature est distinct, dans son essence, du dehors. Il est avec
intériorité.
- Le dedans sans Nature est indistinct du dehors. Il est sans intériorité. On posera
l’identité qualitative entre le dedans et le dehors. On dira que la chose est sans dedans.
NB : intérieur – extérieur.
L’intérieur se définit ainsi, selon deux critères :
1 – dans le sens euclidien, comme étant l’espace compris entre les limites d’une
chose,
2 – en raison de la présence, dans cet espace, du principe de Nature.
Cette seconde condition est nécessaire. Ainsi défini, on ne peut appeler intérieur,
l’intérieur de tout récipient et de tout objet, quels qu’ils soient.
L’intérieur que nous posons est distinct, dans son essence, du dehors ; et ce qui est en
lui, et le distingue, est caractérisé par le principe de Nature.
Cet intérieur distinct échappe en partie à nos sens, car le principe de Nature ne peut être
saisi comme on saisit un objet.
Changer de postulat de départ, c’est changer d’univers, c’est changer de physique.
Il est clair que notre vision finale est tributaire du postulat, implicite ou explicite,
posé au départ.
La logique des prémisses est telle que ce qui est mis à l’entrée se retrouve à la sortie
et, inversement, ce qui n’est pas mis au début n’y sera pas à la fin. Le terme est déjà
impliqué dans le commencement. Il en est ainsi pour toute science et représentation,
qu’elles soient avec ou sans Nature.
Le choix du postulat initial nous engage. S’il est effectué délibérément, il évite toute
manipulation. Ce n’est pas le cas lorsqu’il ne l’est pas. C’est par là qu’il convient de
commencer.
Dans notre esprit, la science du dedans, science de la Nature, ne part pas de zéro.
Science de la synthèse, elle bénéficie de tous les acquis de la démarche analytique et
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expérimentale qui lui fournit les matériaux sur lesquels elle va s’édifier et avec lesquels
elle se doit d’être en accord.
L’une s’arrête où commence l’autre.
L’une donne les points, l’autre l’image. L’une voit les choses en petit, l’autre en
grand.
L’analyse, intellectuellement, vient en premier, la synthèse en second. Mais, dans la
nature, les produits de synthèse sont premiers, les autres composés sont seconds.
Des deux sciences du réel, quantitative et qualitative, chacune possède son propre
mode d’appréhension, son propre système de correspondances, de conventions et son
propre domaine de validité, nécessairement limité, et qui ne peut empiéter sur celui de
l’autre.
En ce sens, le domaine de validité du tout quantifiable étant limité ne saurait être
considéré comme le tout entier du réel, ce qui ne manque pas néanmoins de se produire
en l’absence de postulat contraire. Dans ce cas, la représentation du monde dénaturée
devient la norme et nous trouvons parfaitement naturel que la nature soit sans Nature.
La connaissance scientifique possède ses propres limites. Elle ne peut accéder, en
raison de ce qu’elle est, au domaine de l’Un, de l’indivisible, de la nature des choses.
Chaque domaine a sa finitude.
En posant le postulat d’un dedans distinct des choses, nous changeons de point de
vue sur le monde.
Si celui ci est considéré comme une sphère, nous nous plaçons délibérément de
l’autre côté de la face observée habituellement. L’univers nous paraît alors différent et
pourtant c’est le même.
Là où la physique galiléenne voit l’action des forces naturelles externes, nous
interpréterons les choses en y cherchant l’activité interne du dedans distinct.
Chaque représentation nous éclaire sur l’un des aspects de l’univers.
Les deux sciences du réel, dans leur démarche, ne peuvent opérer que de façons
séparées, successives, chacune étant autonome. Mais, par rapport au tout, bien
qu’opposées, elles sont complémentaires sans être antagonistes. Ce ne peut être l’une ou
l’autre. L’une chassant l’autre du nid pour prendre sa place. C’est l’une et l’autre, sans
exclusive. Pour avoir une vision du tout en entier, nous avons besoin des deux.
Chose étrange, il semblerait que le réel, de ce point de vue est tel que l’on ne puisse y
accéder que par un bout à la fois. On aimerait une seule approche nous donnant accès à
tout, au dedans comme au dehors, en une seule fois, une seule et unique représentation
qui contienne tout, mais il semble que cela ne soit pas possible et qu’il n’en soit pas ainsi.
Pour avancer, on est obligé d’en sacrifier une partie et de procéder par les extrêmes.
Soit on considère l’extérieur comme tout et l’intérieur comme rien, comme dans
l’approche physico-mathématique ; soit, au contraire, on tient l’intérieur comme tout et
l’extérieur comme rien, comme dans l’approche qualitative.
Nous avons à travailler des deux mains. Deux approches :
- L’approche extérieure, en elle-même, fonctionne comme si le monde
existant était un seul espace, pur extérieur sans dedans spécifique.
- L’approche intérieure, qualitative, fonctionne, quant à elle, en concevant
l’existence d’un domaine intérieur distinct de celui du dehors par ses
propriétés.
Un réel - deux physiques.
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- deux représentations qui nous donnent chacune accès à l’une des deux
dimensions du réel : quantitative ou qualitative.
Ensuite, il convient à l’être en lui-même de se tenir au point d’indifférence où les
deux approches, dont il est l’ami, se rejoignent sans s’exclure ni se confondre, dans une
unité supérieure.
La vision finale restitue un monde avec deux dimensions, où chacun des deux
domaines : intérieur et extérieur, a sa place et sa part.
L’idée de Nature n’est pas en soi une révélation exceptionnelle.
L’intuition d’une unité, d’une intériorité, d’un dynamisme productif interne est aussi
ancienne que la philosophie occidentale et le Dieu de Moïse, à l’origine du monothéisme
judéo-chrétien, est un Dieu Un-vivant.
Cette intuition s’appuie sur le sentiment que les choses ne sont pas tout agrégat mais
que certaines possèdent une unité en soi et, d’autre part, sur l’expérience consciente de
notre propre vivant intérieur qui n’en est, en fait, qu’un reflet éloigné.
Nous savons que notre intuition peut nous jouer des tours et qu’il convient de
l’asseoir sur une démarche fondée.
- EXPOSE LIMINAIRE -
Deux physiques :
La physique qualitative est le contrepoint de la physique quantitative, mathématique,
dans la description du réel. L’une et l’autre sont opposées et complémentaires.
La physique mathématique produit une représentation selon le postulat d’un réel sans
distinction qualitative. Le monde extérieur et celui intérieur sont considérés comme pareils, de
même essence, homogènes, équivalents, avec les mêmes propriétés, et peuvent être assimilés
sans inconvénient l’un à l’autre. De son point de vue, le réel est unidimensionnel. La chose en
soi est sans Nature et peut être réduite à un point matériel sans épaisseur, sans porter atteinte à
ce qu’elle est en elle-même. On peut procéder à la mathématisation du réel et, ainsi, mesurer
et quantifier l’univers. Les mêmes lois mathématiques s’appliquent partout.
Cependant cette physique qui semble embrasser le réel en entier et, par son succès,
règne sur les esprits sans partage, comporte malgré tout un dérisoire angle mort qui la rend
aveugle à l’Un et ne peut que laisser échapper et passer à côté d’un rien qui est l’essentiel.
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La physique qualitative développe un postulat opposé et ouvre un œil sur ce à quoi
nos sciences sont aveugles. Elle postule un réel avec deux dimensions : le domaine intérieur
d’une chose est considéré comme n’étant pas de même essence que le domaine extérieur. Il
est avec Nature et s’en distingue par un ensemble de propriétés : unité une, transformation en
nature, productivité. De ce point de vue, le monde est non homogène. Dans ce cas, la
dimension intérieure compte et on ne peut en faire abstraction. La chose en soi ne peut être
assimilée à un point matériel mathématique sans épaisseur et on ne peut procéder à la
mathématisation du réel physique, mais, par contre, en prenant en compte l’Un et en le
distinguant de ce qu’il n’est pas, on peut ainsi décrire le réel qualitativement et construire une
représentation dans ce domaine
 Pour éviter toute rêverie, cette physique qualitative, dans sa démarche, ne
peut que s’appuyer sur les seuls faits établis par la première et rester en
accord avec elle.
PHYSIQUE QUALITATIVE
Nous postulons un domaine intérieur distinct qualitativement du domaine extérieur.
La physique qualitative se charge de décrire un tel monde.
Le référentiel extérieur est celui de la physique mathématique.
Le référentiel intérieur, de l’Un, celui de la physique qualitative.
Le langage mathématique, celui de l’1, en raison de ce qu’il est, est inapte à le
décrire.
Proposition I :
L’intérieur est ce qui est avec Nature, l’extérieur est ce qui est sans Nature.
Le monde intérieur est totalité de ce qui est avec Nature, totalité de ce qui
est.
Le monde extérieur est totalité de ce qui est sans Nature, totalité de ce qui
n’est pas.
Proposition II :
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Nous avons deux types de déterminismes :
- Les déterminismes qui influent sur la nature des choses
- Les déterminismes qui n’influent pas directement sur la nature des
choses.
L’un est ce que n’est pas l’autre. L’un et l’autre ne sont pas de même
essence. L’un est autre et plus.
Nous avons deux types de transformations :
- Les transformations qui modifient la nature des éléments constituants
d’un ensemble matériel
- Les transformations qui ne modifient pas la nature des éléments
constituants d’un ensemble matériel.
Les transformations chimiques appartiennent aux premières, les physiques aux
secondes.
Les premières sont transformations en dedans avec Nature, les secondes sont
transformations du dehors sans Nature.
Proposition III :
-
L’unité d’un corps est appelé indivise si on ne peut le diviser entre ses
parties sans en affecter la nature.
L’unité d’un corps est dite divisible si on peut le diviser entre ses parties
sans en affecter la nature.
Les unités indivises sont avec Nature.
Les unités divisibles sont sans Nature.
Les premières sont intérieures, les secondes extérieures.
Proposition IV :
On appelle synthèse un corps avec Nature et agrégat un corps sans Nature.
-
-
Le corps synthèse se caractérise par une unité indivise et la
transformation de la nature de ses éléments constituants. Il est
unitotalité pure.
Le corps agrégat sans unité indivise, sans transformation de la nature de
ses éléments constituants est intotalité pure.
Le principe d’organisation des corps synthèses est d’origine interne, celui des agrégats
est externe.
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25
Le corps synthèse est avec intériorité, le corps agrégat est sans intériorité.
Proposition V :
Nous appelons :
- Evolution, l’ensemble des transformations intérieures avec modification
de la nature des éléments constituants et leurs produits.
- Inévolution, l’ensemble des transformations extérieures sans
modifications de la nature des éléments constituants et leurs produits.
L’évolution est constituée de l’ensemble des corps synthèses.
L’inévolution est constituée de l’ensemble des corps agrégats.
- L’évolution se produit selon un axe vertical.
- L’inévolution selon un axe horizontal, "à plat".
Proposition VI :
-
Les corps synthèses constituent la matière évolutive.
Les corps agrégats, la matière inévolutive.
Proposition VII :
Nous appelons transcendance les transformations synthèses et intranscendance, les
transformations agrégatives.
L’évolution est constituée d’une suite de transcendances.
Proposition VIII :
Le microcosme est totalité finie en étendue, avec Nature en dedans, unitotalité. Il est
pure intériorité.
Le macrocosme est totalité incirconscrite, intotalité immense, sans Nature, sans dedans.
Il est pure extériorité.
Proposition IX :
Nous appelons Vérité, la représentation qui modifie de l’intérieur la nature des éléments
d’information, de savoirs, de connaissances, de croyances d’un temps donné et le produit
unifié de cette transformation.
Nous appelons Invérité, la représentation qui ne modifie pas la nature des éléments
d’informations, de connaissances, de savoirs, de croyances, d’un temps donné et le produit
sans unité de cette non-transformation.
La Vérité est trinité. Elle est à la fois :
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- « Ce qui » transforme
- La transformation
- Le « produit » de la transformation.
On peut avoir des vérités sans Vérité qui les unit et les dépasse. L’ensemble constitue
un agrégat de vérités qu’on appelle Invérité.
Proposition X :
Nous distinguons :
- Les unions qui transforment la nature des membres participants, les
unions unitotalités.
- Les unions qui ne transforment pas la nature des membres participants,
qui ne les touchent que de l’extérieur, les unions intotalités.
Les premières sont avec Amour, les secondes sont sans Amour.
On peut avoirs des amours sans Amour.
Proposition XI :
Nous distinguons :
- La forme qui transforme la nature des points qui la constituent, la forme
unitotalité.
- La forme qui ne transforme pas la nature des points qui la constituent, la
forme intotalité.
La première est avec Beauté, c’est un Beau Nature.
La seconde est sans Beauté.
On peut avoir des beautés sans Beauté.
Proposition XII :
Nous avons deux sortes de monnaie :
1) La monnaie de tous – macroéconomique – dont la nature des éléments
constituants est transformée.
2) La monnaie de chacun – microéconomique – en morceaux, dont la nature
des éléments constituants n’est pas transformée
La monnaie de tous ne s’épuise pas.
La monnaie de chacun s’épuise.
Proposition XIII :
-
L’espace intérieur est l’espace « qui est dans la chose » avec Nature. Il
est totalité transformée et indivise. C’est celui du Beau et de l’Amour.
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L’espace extérieur est l’espace « dans lequel sont les choses » avec
Nature. C’est celui qui est intotalité, totalité non transformée, divisible.
C’est l’espace galiléen qu’on mesure, en morceaux.
Deux espaces distincts existants :
- L’un est ce que n’est pas l’autre.
- L’un limite l’autre.
- L’un et l’autre sont limités.
Le domaine externe = Tout l’espace, moins le dedans des choses.
Le domaine interne = Tout l’espace, moins le dehors des choses.
-
Proposition XIV :
L’invisible est ce qui est dans le dedans des choses avec Nature, dans l’espace intérieur.
Le visible est ce qui est en dehors de celui-ci, ce qui est vu de l’espace extérieur.
Proposition XV :
-
-
le temps intérieur est le temps dont la nature est transformée, le temps
Un, indivisible, hors du temps qui remplit les intervalles de temps du
temps.
Le temps du dehors, en morceaux. C’est celui de l’horloge, qu’on
compte, qu’on a, dont la nature n’est pas transformée.
Proposition XVI :
Le mouvement intérieur est celui qui affecte la nature du mobile et change tout.
Le mouvement extérieur est celui qui n’affecte pas la nature du mobile. Il change sans
changer.
Proposition XVII :
Le sujet est l’être qui possède en soi une intériorité, une faculté à l’évolutivité et qui est
considéré comme tel. Le sujet entretient une relation avec l’être du dedans
L’objet est l’être avec ou sans intériorité, synthèse ou agrégat,
tout corps quel qu’il soit, qui est considéré en faisant abstraction de
son éventuelle dimension intérieure.
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Principes.
Principe d’évolution ou de continuité d’action.
Les corps avec Nature ont tendance à opérer spontanément des opérations de synthèses
lorsque les conditions sont favorables.
Principe d’évolutivité.
Les corps avec Nature possèdent en eux-mêmes une faculté à l’évolutivité qui les rend
aptes à opérer des synthèses en conditions favorables.
- Corollaire :
A l’origine de la matière évolutive se trouve un principe d’identité, de différenciation et
de transcendance.
Principe d’inévolution :
Les corps de la matière inévolutive ne possèdent pas en eux-mêmes la propriété
d’évolutivité et ne sont pas aptes à opérer des synthèses par eux-mêmes, en quelques
conditions que ce soit.
- Corollaire :
Les agrégats se satisfont de la non identité de l’uniformité, de la répétitivité.
Ces principes sont déduits de l’examen du tableau de l’évolution et de l’inévolution qui
montre que l’action de l’évolution ne cesse ni ne s’arrête si les conditions sont favorables et il
s’est toujours trouvé des conditions favorables.
Le tableau de la nature comporte en lui-même deux parties distinctes : l’une colonne
centrale, synthèse, active, productive, son essence évolutive ; l’autre, l‘inévolution,
périphérique, extérieure, agrégat, système, inerte, mais qui joue tout de même un rôle dans
l’évolution par sa présence passive.
« Vivre c’est choisir » (J.Dartan).
La carte des ramifications de l’évolution nous indique qu’à intervalles réguliers, son
tracé montant, rencontre des points de bifurcations remarquables à partir desquels deux routes
opposées divergent sans jamais plus se rejoindre et le choix de la route engage, car la destinée
de ces deux voies n ‘est pas identique : l’une, à terme, se referme sur elle-même, ne peut
dépasser ses points d’entraves et se révèle être une voie sans issue, une impasse évolutive ;
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l’autre, au contraire, à son sommet, voit les portes s’ouvrir, et débouche sur un boulevard qui
mène à d’autre cieux.
Ainsi en fut-il entre les lignées des virus et celles des bactéries, entre la cellule animale
et la cellule végétale, entre la ligné des vertébrés et celles des invertébrés.
Ainsi en est-il pour nous, aujourd’hui, voyageurs que nous sommes de l’évolution.
Après des tâtonnements et des essais, deux voies culturelles s’offrent à la modernité qui
engage l’avenir long : d’une part, celle d’un monde pure extériorité, sans intériorité,
conformément à l’image des sciences dont l’idéal est l’intotalité et, d’autre part, celle qui
conjugue en elle-même intériorité et extériorité, qui est tout et tout, plénitude, et dont l’idéal
est l’unitotalité, une et transcendante.
Le choix de la voie nous incombe qui fasse tendre l’être vers ce centre où son
intelligence consciente et celle de la Nature intérieure, inconsciente en lui, coïncident de façon
telle que son activité et ses ressources puissent se déployer librement en lui-même et
s’épanouir.
L’exposé qui suit se propose d’une part d’apporter quelques assises à ce qui peut être
une approche qualitative du réel et d’autre part un premier aperçu de son application en
rapport avec l’évolution culturelle.
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Deuxième Partie
I. L’approche qualitative.
Nous avons postulé un intérieur des choses distinct dans son essence et nous
avons posé que ce dedans se distingue du dehors par l’existence en lui d’un principe
de Nature. Sans ce principe, le dedans et le dehors sont indistincts et pareils. Avec
Nature, le dedans est distinct du dehors et pas pareil à lui. L’un est ce que n’est pas
l’autre. Le dedans avec nature est autre et plus. Il est d’une autre essence.
Le contenu avec Nature définit le contenant et détermine par sa présence la
limite entre le dedans et le dehors.
N’étant pas pareil, le caractère de ce qui est en dedans avec Nature : unité,
transformation, productivité, … sera ce que n’est pas ce qui est en dehors.
L’approche qualitative cherche à distinguer l’un de l’autre et à les mettre chacun
en lumière.
Nous avons désigné par le terme de Nature ce qui est en dedans et qui est autre,
car cela rejoint et s’apparente par certains côtés à ce que les anciens avaient appelé
ainsi.
NATURE - DEFINITION
Parmi tous les sens du mot Nature (vingt neuf selon le dictionnaire de Littré) nous
donnons la priorité au sens ancien, premier, qui désigne ce qui est et ce qui vient du
dedans et, ensuite, à celui d’essence des choses.
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Dans ce premier sens, Nature a rapport au fait d’être né et vient du grec
« phuein » enfanter. Dans physis, il y a cette image de naissance, de croissance par
actualisation d’une puissance qui est en dedans. C’est l’idée d’un dedans des choses
actif, productif, d’une force agissante interne.
Aristote définira la physis comme « un principe de mouvement interne ». Ce qui
fait naître les choses de l’intérieur, les êtres et les objets qui « ont en eux-même le
principe de leur existence » ( Physique).
Le terme latin natura (natus : né), d’où vient notre mot nature, reprend ce sens.
Dans ce cadre, Nature s’oppose à tout ce qui ne vient pas du dedans, à tous les
produits – dont ceux de la technique – qui reçoivent le principe de leur existence de
l’extérieur et non de l’intérieur.
La Nature en ce sens est la Natura Naturans, la nature naturante, la nature
intérieure, principe de production autonome, spontanée, immanente, intérieure à la
chose. C’est le « vivant intérieur » auquel s’ajoute l’idée de totalité et d’unité une et
indivise.
Elle se distingue nettement de la nature sans unité en soi, qui ne possède pas en
elle-même son principe de production : la Natura Naturata, la nature naturée, la nature
extérieure, refroidie, la nature sans dedans, sans Nature.
La nature extérieure, la nature habitat, se trouve portée en avant dans la pensée
actuelle grâce à l’écologie (oikos : la maison) qui étudie le fonctionnement de
l’environnement terrestre et aux écologistes. En fait, cette idée de nature en tant
qu’habitat demande à être complétée par celle de nature intérieure, la nature en tant
qu’habitant. Notre habitat ne peut être inhabité.
Il revient à l’habitant de préserver et de protéger son habitat menacé de
destruction, mais aussi par son intervention de le façonner ne serait-ce
qu’esthétiquement et d’en faire une œuvre transcendantale.
La vieille idée antiscientifique de Nature intérieure émise à l’origine par les
anciens, dans le cadre d’une philosophie première d’un monde pur intérieur, puis
néantisée et reléguée dans les placards de notre patrimoine culturel par les sciences
modernes, ne demande qu’à en sortir et à revivre sous un jour nouveau dans une
physique post moderne du dedans distinct.
TOTALITE
Le principe de Nature est totalité.
Proposition.
La nature en dedans est totalité. Tout est en elle et rien n’est en dehors d’elle. A côté
d’elle, dans le domaine extérieur, il n’y a rien. Rien ne lui est extérieur.
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Rien en soi n’est en dehors d’elle si ce n’est son absence. La présence suppose
l’absence et l’absence est ce que n’est pas la présence. L’une et l’autre sont distinctes et sont à
prendre en compte.
Le dedans est présence, et le dehors, absence. Dedans et dehors, présence et absence de
ce qui est Nature, composent le réel et correspondent aux deux signes qui constituent le
langage pour appréhender le dedans des choses : 0 et 1 - plein et vide - ombre et lumière- clair
et sombre. Nous pouvons par le jeu des contrastes, construire et obtenir un tableau du réel.
Au moyen de la logique primaire nous distinguons ce qui est avec Nature de ce qui ne
l’est pas, sa présence de son absence, le zéro et l’1 ; ensuite, et grâce à la méthode de
classification binaire, nous pourrons ranger et situer précisément les éléments dans un tableau
d’ensemble avec deux parties qui correspondent chacune à l’un et l’autre de ces deux
domaines : intérieur et extérieur.
L’emplacement des points étant assuré, nous pourrons visualiser une image d’ensemble,
sûre et certaine, de la nature.
La logique primaire, la plus certaine des logiques, qui consiste à distinguer une chose
de ce qu’elle n’est pas, apporte à cette approche du réel, toute sa rigueur et conduit
l’intelligence de façon certaine. Elle lui donne de déjouer les mille entraves qui ne manquent
pas de se dresser sur son chemin. La philosophie de la nature possède sa propre méthode qui
est ce que n’est pas celle de la connaissance scientifique. L’une divise et déroule de longues
chaînes de raisons qui donnent des points séparés les uns des autres, l’autre utilise la logique
immédiate, sans moyen terme et donne une vision qui unit.
La somme des présences de ce qui est Nature constitue la Nature entière, la totalité de
ce qui est, la totalité du tout, la totalité achevée.
La somme de ses absences ne pouvant faire un embryon de présence, constitue la
totalité de ce qui est en dehors d’elle, la totalité en dehors du tout, la totalité de ce qui n’est
pas, la totalité du rien.
L’absence de la Nature ne peut être considérée en soi comme une anti-Nature, une
antiphysis, car celle-ci renvoie à l’idée de quelque chose en soi plutôt qu’à l’idée de rien. Ce
serait alors concevoir quelque chose en dehors d’elle, ce qui est contraire à ce que nous avons
énoncé au préalable.
L’UNITE
Le principe de Nature est unité.
Nous pouvons distinguer deux types d’unité pour les corps matériels: l’unité indivise et
l’unité divisible.
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L’unité indivise – unité une – ne veut pas dire, sur le plan substantiel, que le corps soit
indivisible au sens absolu du terme comme une « masse insécable », un tout sans partie
distincte, car les connaissances que nous avons sur la matière nous indiquent, aussi loin qu’on
puisse remonter dans l’évolution, que tout corps comporte des parties distincte et donc peut
être divisisé en celles-ci, dont il est composé.
Mais nous avons deux sortes de divisibilité :
- la divisibilité qui affecte la nature du corps concerné
- la divisibilité qui n’affecte pas la nature du corps en question.
Par exemple, si on retire un proton à l’atome d’Oxygène, celui-ci change de nature.
Nous obtenons de l’Azote et, si on en retire également un à l’atome de Mercure, nous le
changeons en Or (ce que cherchaient à produire les alchimistes).
Au contraire, si on coupe un pain en morceaux, celui-ci ne change pas de nature. On a
toujours du pain et lorsque l’on vide une bouteille d’eau dans plusieurs verres, on a toujours
de l’eau.
Nous appellerons donc :
- Unité indivise, l’unité d’un corps qui ne peut être divisé entre ses parties
sans que sa nature n’en soit affectée. C’est l’unité de nature.
- Unité divisible, l’unité d’un corps qui peut être divisé entre ses parties
sans que sa nature en soit affectée. C’est l’unité sans nature.
Dans une unité indivise, les éléments constituants ne sont pas indistincts, anonymes
mais restent distincts, non confondus, non interchangeables. Chacun compte pour ce qu’il est.
Dans une unité divisible, on peut lui retrancher une partie sans que cela change sa
nature. Les éléments sont indistincts.
Deux unités. L’une est ce que n’est pas l’autre. L’une et l’autre ne sont pas pareilles,
pas de la même essence.
Proposition
Nous dirons que :
- L’unité indivise caractérise un corps avec Nature.
- L’unité divisible caractérise un corps sans Nature.
On peut appeler le critère de divisibilité qui permet de distinguer l’un et l’autre de ces
deux types d’unité, critère de Salomon. En effet, comme Salomon lors de son jugement, pour
savoir dans quelle catégorie d’unité ranger un corps, on fait mine de le couper en deux et,
alors, sa nature et son appartenance apparaissent immédiatement.
Le principe de Nature peut se définir comme un principe unifiant intimement les parties
en un tout indivis, achevé, – unité et totalité – Un et tout – unitotalité.
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La totalité sans unité indivise en soi, vide de Nature, en morceaux séparés, se définit
comme intotalité pure.
L’intotalité peut prendre le visage de l’unité indivise lorsque ses éléments constituants
se touchent par exemple, mais alors celle-ci est d’ordre apparent, divisible en morceaux, et ne
fait pas Un.
L’unité du dedans est une et ne peut être en même temps dualité. On ne peut concevoir
qu’elle contienne en elle-même, ne serait-ce qu’à l’état de puissance, les germes d’une
dualité. On ne saurait penser qu’un conflit originaire latent réside en elle, entre des forces
opposées répulsives ou attractives, source d’antagonisme et générateur potentiel de scission
interne qui pourrait apparaître à un certain stade de son développement.
L’unité Une ne saurait être divisée dans ce qu’elle est. On ne saurait concevoir que ce qui
est en dedans, productivité, force productive, puisse à un moment donné se scinder en deux,
avec une composante qui viendrait s’épuiser dans le produit ou se séparer de la chose ellemême. Au contraire, tout indique, comme le montre les réactions de synthèse, qu’il y a
transmission dans le produit de ce qui est capacité de synthèse dans la nature. L’activité
productrice est présence continue à travers la série des produits et, si entraves il y a à son
déploiement, celles-ci demandent à être recherchées non pas en elle, dans une duplicité
originaire, mais à l’extérieur d’elle.
L’unité indivise est tout entière remplie de l’Un.
L’unité divisible est vide de l’Un.
SYNTHESE – AGREGAT
Nous appelons :
- synthèse, les corps possédant une unité indivise
- agrégat, les corps ne possédant pas une unité indivise
L’un est ce que n’est pas l’autre. L’un et l’autre ne sont pas de même essence.
L’un est avec Nature, avec un dedans distinct, unitotalité. Il est autre et plus. L’agrégat
sans Nature est sans dedans distinct, intotalité.
N’étant pas de même nature, l’un étant autre et plus, on ne peut les mettre sur le même
rang, dans le même sac, dans la même catégorie. Une distinction s’impose.
L’agrégat est divisible entre ses parties sans que sa nature en soit affectée. Ainsi on peut
diviser un morceau de sucre en deux, voire en quatre ou en plusieurs morceaux plus petits,
cela ne change rien à sa nature, nous obtenons toujours du sucre.
Cela ne se peut pour un corps synthèse.
Le critère de divisibilité est l’un de ceux qui permet de distinguer en appui sur nos
connaissances objectives, un corps agrégat d’un corps synthèse.
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L’unité de la synthèse est une unité plus intime qu’une unité résultant d’un simple
contact des parties comme dans un tas.
Dans le monde minéral :
- le corps synthèse est une microstructure
- le corps agrégat est une macrostructure
Les microstructure étant les briques premières des macrostructures, les synthèses sont
les constituants de bases des agrégats.
- Un agrégat n’est composé que de corps synthèses et de vide.
- Les éléments premiers de la nature sont synthèse – unitotalité – avec
Nature.
- Les corps seconds, composés, sont agrégats, intotalité, sans Nature.
L’agrégat inorganique est ce qu’on appelle un état de la matière, simple accumulation
ou assemblage – ordonné ou désordonné – de particules, composé décomposable; et les
synthèses sont des composés indécomposables.
Plusieurs corps synthèses isolés pris ensemble dans une portion d’espace donné forme
un agrégat qui n’est pas de la même essence. Les premiers sont la nature naturante et le
second, la nature naturée.
A l’intérieur d‘un corps synthèse isolé, on trouve des corps intégrés qui ne sont que des
synthèses. Chacune conserve son unité distincte dans l’ensemble. Son entité n’est ni dissoute
ni désagrégée mais reste parfaitement constituée. C’est pourquoi, dans le tout, chaque partie
ne peut être confondue avec ses voisines, et garde son propre dedans distinct.
Chaque partie de partie est aussi synthèse. Par exemple, si on prend une méga molécule,
nous allons y trouver intégrées des molécules, elles mêmes constituées d’atomes eux-mêmes
composés de nucléons composés à leur tour de quarks. Tous ces constituants étant sans
exception, comme on le sait, des corps synthèses.
Si on divise un corps synthèse en morceaux, on obtient toujours des corps non pas
agrégats mais synthèses, jusqu’à ce que l’on atteigne une hypothétique synthèse première.
Chaque grain de matière isolé comprend en lui-même toute une série de corps dont la
hiérarchie des degrés de synthèses récapitule en une grande pyramide, tous les niveaux
précédents de l’évolution.
L’ensemble forme une chaîne continue de synthèses dont les composants s’engendrent
les uns et les autres. Les corps synthèses ne peuvent qu’en être les éléments exclusifs.
La totalité des corps synthèses est la totalité avec Nature, la totalité du tout.
Le reste, la totalité de ce qui est en dehors d’elle, est la totalité de l’absence, la totalité
du rien.
L’ETRE
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Proposition :
-
L’être se dit de quelque chose avec nature, avec un domaine intérieur.
Le non être se dit de quelque chose sans nature, sans domaine intérieur.
L’être est unité indivise, totalité avec transformation en nature.
Seul, l’être est.
Rien en nature ne peut naître du non étant.
D’une chose avec un domaine intérieur, il peut naître quelque chose en
Nature.
D’une chose qui n’en possède pas, il ne peut rien naître en nature.
Le corps synthèse qui se définit comme étant avec nature, possède son être en luimême. En lui peut naître, en ce sens, quelque chose en nature. En lui réside son principe
d’être, de fabrication, de transformation, de changement.
L’agrégat sans nature en soi, sans domaine intérieur, appartient au non étant.
N’étant pas en nature, rien en nature ne peut naître en lui. Son principe de
fabrication, d’organisation, de transformation, de changement réside hors de lui.
TRANSFORMATION
Le principe de Nature est transformation.
Nous avons deux types de transformations :
- Les transformations qui modifient la nature des choses.
- Les transformations qui ne modifient pas la nature des choses.
L’une est ce que n’est pas l’autre.
L’une est autre et plus.
Proposition
Nous dirons :
- Les transformations qui ont quelque chose en plus, qui modifient la
nature des choses sont avec Nature, transformations en dedans,
Transformations synthèses.
- Les transformations qui ne modifient pas la nature des choses sont sans
Nature, transformations du dehors, transformations agrégats.
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En ce sens, nous appelons :
- Synthèses, les corps matériels dont la nature des éléments constituants
est transformée. Ils sont avec unité indivise, unitotalité.
- Agrégat, les corps matériels dont la nature des éléments constituants
n’est pas transformée. Ils ne possèdent pas d’unité indivise.
Si on prend, par exemple, une molécule synthèse d’eau H2O, la nature des atomes
constituants – oxygène et hydrogène – est transformée en une molécule, entité nouvelle d’un
niveau supérieur qui les contient, les conserve, les unit et les dépasse. Cette entité possède une
identité propre, distincte des parties et possède une unité indivise :
En effet, si on retire un atome d’oxygène à la molécule H2O, celle-ci est détruite en tant
que tel et devient H2, du dihydrogène, qui n’a plus rien à voir avec l’eau.
Par ailleurs, les propriétés nouvelles de cette molécule qui apparaissent, ne sont pas la
somme des propriétés des atomes d’oxygène et d’hydrogène qui la compose.
De même, les propriétés d’un gène ne sont pas la somme des propriétés des nucléotides
qui le composent.
« Les propriétés peuvent être expliquées par celles des constituants, mais non pas en
être déduites » dit F.Jacob.
Dans un agrégat, la nature des éléments constituants n’est pas modifiée et se retrouve
inchangée en fin de transformation.
Ainsi en est-il, comme on le sait, pour toutes les transformations d’état : solidification,
vaporisation, liquéfaction, fusion, etc.qui se produisent, dans le monde inorganique, en
relation avec les paramètres extérieurs : pression – volume – température.
L’eau, qu’elle soit sous forme solide (glace), liquide ou gazeuse (vapeur d’eau) ne
change pas en soi et n’est constituée que de molécules H2O qui restent les mêmes en passant
d’un état à l’autre et se retrouvent telles quelles en fin de réaction.
C’est au cours du XVIIIème siècle que la notion devenue commune, reconnue, l’un des
piliers des sciences, de la transformation ou non de la nature des choses, fut établie par les
scientifiques pour distinguer les transformations physiques de celles chimiques. Aujourd’hui,
on distingue les micro états et les macro états, les micro structures et les macro structures.
Ce critère de la transformation de la nature des choses, étendu à tout groupement
corporel quel qu’il soit ; inorganique, organique ou culturel prend une dimension générale et
permet de distinguer, quel que soit son niveau, un corps synthèse d’un corps agrégat, et
s’ajoute à celui de la divisibilité.
Nous disposons donc de deux critères pour identifier, distinguer sans confusion, d’une
façon générale, un corps synthèse d’un corps agrégat : le critère de Salomon ou encore de
divisibilité, et celui de la transformation de la nature des éléments constituants que nous
pouvons appeler critère de transcendance.
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La transformation synthèse est ce que n’est pas la transformation agrégative qui est
transformation du dehors. L’une change la nature des choses et produit du nouveau d’un
niveau supérieur, l’autre non. L’une est réversible, l’autre ne l’est pas. L’une, sans Nature,
change sans changer, l’autre avec Nature change tout.
La transformation synthèse n’est pas simple modification de l’assemblage,
réarrangement des éléments entre eux, remaniement de l’organisation, elle est modification
qualitative, c’est à direc’est-à-dire changement de nature et non de degré, changement
accession à un niveau supérieur « grâce à quoi le corps est en même temps élevé au delà de lui
même » (Schelling).
EVOLUTION-INEVOLUTION
La transformation synthèse étant seule productrice de corps nouveaux d’un niveau
supérieur d’organisation, l’évolution peut se définir comme étant l’ensemble des
transformations synthèses du dedans avec Nature et l’inévolution comme l’ensemble des
transformations du dehors sans Nature, inapte à produire des corps nouveaux.
Proposition.
Appelons :
-
Evolution, l’ensemble des transformations qui modifient la nature des
choses.
Inévolution, l’ensemble des transformations qui ne la modifient pas.
L’évolution constitue l’axe vertical, unifié du réel. Elle représente l’automouvement de
la nature vers le haut, sa continuité interne, la racine commune dans la série des produits,
qu’ils soient organiques ou inorganiques. C’est la colonne centrale distincte en dedans qui fait
que le monde n’est pas plat comme une galette.
L’inévolution constitue la dimension parcellaire, morcelée de la nature. Elle est le fait
des agrégats dont il n’est jamais sorti, pris en tant que tels, et ne sortira jamais un produit
nouveau en nature, d’un niveau supérieur d’organisation, en raison de ce qu’ils sont. A-t-on
jamais vu une pierre, ou bien un gaz, ou un liquide, en tant que tels, évoluer ?
L’inévolution qui produit un état de stagnation ne peut se confondre avec l’involution qui
est régression.
L’évolution est le produit exclusif des corps synthèses. Elle va de synthèse en synthèse
et passe par les corps synthèses. Remarquons que les transformations synthèses étant les
seules avec une descendance d’un degré supérieur, notre définition de l’évolution -
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modifications avec descendance - s’accorde avec celle de « descendance avec
modifications » qu’avance DARWIN pour qualifier sa théorie de l’évolution, dans "l’Origine
des espèces".
Les corps synthèses constituent ce qu’on peut appeler la matière évolutive, les corps
agrégats la matière inévolutive.
Synthèse, agrégat – Matière évolutive et inévolutive, Evolution – Inévolution, Dedans –
Dehors, compose et structure l’architecture du tableau de la nature.
PRODUCTIVITE
Le principe de Nature est productivité.
Nous avons deux sortes de productivité :
- La productivité des corps synthèses
- La productivité des corps agrégats.
La première produit l’unité indivise du tout et la transformation de la nature
des éléments constituants.
La seconde ne produit ni unité indivise ni modification de la nature des
éléments constituants.
L’une produit des corps nouveaux en nature, l’autre n’en produit pas et n’a
d’effets que mécaniques.
Proposition.
La productivité synthèse est productivité du dedans et la productivité agrégat est
productivité du dehors.
En ce sens, un corps synthèse naturel, est un corps qui possède en lui-même son
principe de fabrication et un corps agrégat naturel est un corps qui ne possède pas en luimême son principe de fabrication. Celui-ci ne saurait résider en lui, car il est sans intériorité.
Des deux productivités :
L’une est avec Nature, l’autre sans Nature.
L’une est spontanée, non commandée, l’autre est imposée.
L’une est obéissance à soi, l’autre est obéissance contrainte à une puissance extérieure.
L’une est ce que n’est pas l’autre. L’une et l’autre ne sont pas de la même essence et ne
peuvent être confondues. La productivité synthèse est plus que l’autre. Elle est activité en soi
unifiante et transformante. La productivité agrégat, d’ordre mécanique, vient du dehors.
Celui-ci ne produit rien de nouveau en nature. En lui-même, il est improductif.
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En ce sens la matière synthèse avec Nature est active, évolutive, et la matière agrégat
sans Nature, inactive, improductive, inévolutive.
La production synthèse suit un mode génétique. Elle produit des corps nouveaux en
nature, par génération. Le productif devient partie constituante du produit. On fait du neuf
avec du vieux. Un lien de filiation unie nécessairement l’un à l’autre et la force primitive du
dedans, génératrice, passe dans le produit. Ainsi celui-ci devient productif à son tour, à
l’infini. C’est l’infini du principe de Nature.
Dans un agrégat sans Nature, improductif, les transformations sont dans le sens
horizontal et ne génèrent pas de produits nouveaux en soi. Aucun lien de filiation verticale
n’unit les produits entre eux.
Les corps synthèses sont constitués par Nature, les corps agrégats ne sont pas
constitués par Nature.
Obtenu par génération, un corps synthèse ne peut être que produit engendré. La
production d’un corps synthèse est engendrement. Au contraire, un corps agrégat, sans
intériorité, ne peut être que produit fabriqué mécaniquement du dehors, créé, inengendré.
L’engendrement est un critère de classification entre synthèse et agrégat, qui s’ajoute
aux autres
Les corps synthèses détiennent, au premier temps du règne minéral, la puissance
génératrice.
Ils la conservent et acquièrent en plus, au second temps de l’évolution, avec le Vivant,
la puissance créatrice.
En effet, on sait que le corps animé est édifié sur la base de l’information codée dans le
génome, c’est-à-dire que l'A.D.N. possède la capacité de déterminer lui-même, d’ordonner du
dehors, la structure corporelle qui l’entoure. Celle ci est donc crée et non engendrée alors que
la matière synthèse du génome est engendrée et non crée, « de même nature que le père ».
L’évolution passe ensuite du vivant au pensant.
Celui-ci dispose à la fois de la puissance génératrice de la Nature en lui et de la capacité
créatrice de son intelligence consciente, réfléchie et libre.
REMARQUES A PROPOS DE LA NOTION DE SYSTEME
Dans son sens le plus courant d’ensemble d’éléments en interaction, le terme système
recouvre indifféremment des macro ou micro systèmes, une réalité synthèse ou agrégat, c'està-dire une réalité qui comprend tout type de corps matériel quel qu’il soit de la nature car quel
en est l’élément qui ne rentre pas dans cette notion ? Nous sommes dans le tout système.
Le problème est qu’en procédant ainsi, on met sur le même rang et dans le même sac,
un corps avec un dedans distinct et un corps sans dedans, un corps synthèse et un autre
agrégat, une molécule et un liquide, des corps qui comme nous venons de le voir sont de
natures différentes et ne peuvent être confondus dans une même catégorie. Les mettre sur le
même plan, c’est mettre le plus au rang du moins. C’est les réduire à leur plus simple commun
dénominateur ; c’est faire fi des différences qualitatives, c’est s’interdire de pouvoir faire
aucune distinction de nature, c’est s’enfoncer dans le royaume de la confusion, ce qui permet,
dans le flou intellectuel qui s’ensuit, d’attribuer à l’un ce qui revient à l’autre, à des
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transformations du dehors ce qui revient à des transformations du dedans distinct, à des
agrégats ce qui revient à des synthèses, à la complexité ce qui revient à la simplicité.
Dans ce cadre, les systèmes mécaniques morts qui n’ont jamais rien produit de neuf, en
nature, d’un niveau supérieur, font l’évolution, et l’on fait sortir celle-ci de la complexité tel
un lapin d’un chapeau, comme le veut la thèse émergentiste émise par S.Alexander, reprise
par May et ensuite par les tenants de l’approche systémique. Selon cette approche, tout évolue
ou rien n’évolue. On est dans le royaume de l’embrouille, ce qui permet à la pensée issue de
la philosophie première d’un réel pur extérieur, avec un dedans distinct néantisé, de rendre
compte de l’évolution et de sauver les apparences.
Ne reconnaissant pas le dedans distinct, cette philosophie s’avère une machine à
interdire à l’esprit toute opération qui permettrait d’intelliger la différence de nature entre
synthèse et agrégat et de comprendre l’évolution. Elle s’en tire en plongeant tout dans la nuit
de l’indistinct mécanique. Contrainte de donner une explication de l’évolution à travers son
paradigme du réel, elle ne peut faire autrement que d’attribuer la production du nouveau en
soi qu’elle constate, à des agrégats qui ne peuvent le produire. Cette façon de voir est le plus
sûr moyen d’orienter la production humaine dans la voie de l’agrégat où, selon ce modèle,
elle ne risque pas d’évoluer en son centre. Ce ne peut être qu’une voie défavorable à
l’évolution, une voie de garage qui ne connaît que les innovations technologiques qui ne
changent que sur les marges, une voie qui, au bout du compte, ne peut avoir comme finalité
que de transformer la société humaine en la réduisant à un pur agrégat, vaste, immense,
homogène, parfait, mort, pour le plus grand bonheur de ses membres.
Dans le cadre de l’approche qualitative, il convient de sortir de l’idée de tout système
qui engendre la confusion. Nous avons établi la distinction synthèse – agrégat et nous
réservons à l’avenir le terme système à des macro ensembles d’essence agrégat. Nous
appelons synthèses, les micro systèmes.
En ce sens, un système selon notre convention, est agrégat et non synthèse. Il ne relève
pas de cette catégorie et vice versa, et l’évolution est le produit de corps synthèses et non de
systèmes, qu’ils soient simples ou complexes.
TRANSCENDANCE
La transformation dans le dedans distinct est Transcendance.
Nous appelons transcendance, les transformations de synthèses dans la mesure où le
produit se trouve d’un niveau d’intégration supérieur à celui des parties constituantes.
La transcendance, c’est ce qui élève le corps au-delà de lui-même.
Nous avons la transcendance en acte et en puissance :
- En acte, puisque la structure matérielle synthèse est en dedans,
transformation permanente, stable, durable dans le temps, de la nature
de ses éléments propres.
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-
En puissance, car le corps synthèse possède en lui-même le principe de
productivité qui le rend apte à opérer des synthèses nouvelles élargies
d’un degré d’organisation supérieur.
Tout corps synthèse quel qu’il soit est transcendance en acte et en puissance.
Les agrégats sans transformation de la nature de leurs éléments composants, sans
principe interne de productivité ne connaissent que l’intranscendance.
L’évolution en ce sens, est ascension transcendantale continue quoique procédant par
étape. Elle est comparable à une échelle dont chaque échelon transcende le précédent.
Elle se construit de synthèse en synthèse, de transcendance en transcendance, ce qui
nous conduit à supposer que l’élément premier, le primum existans, le plus petit grain de
matière au commencement de cette chaîne, l’être originel, soit lui même transcendance, c’està-dire transcendance première. Et le principe de ce qui transforme la nature des choses
accompagne l’évolution tout au long de son parcours.
Le principe de Nature en dedans est activité transformante, transcendance au sein de la
matière. Il est totalité une et transcendante.
SIMPLICITE
Le monde avec un dedans distinct est simplicité.
Les corps avec un dedans distinct, possédant une unité indivise, sont des corps Un,
simples, absolument simples, des substances simples, on pourrait presque dire des
« monades ».
Les synthèses sont des corps simples.
Simplicité, dans ce cas, ne veut pas dire qui est compact, sans partie distincte, comme
un mythique atome insécable, puisqu’on sait que tout corps synthèse est avec partie distincte.
Simplicité veut dire qu’on ne peut diviser un corps entre ses parties sans que sa nature
n’en soit altérée.
L’évolution se définit comme un enrichissement dans la simplicité, ou bien comme une
chaîne de simplicité renouvelée.
L’agrégat étant ce que n’est pas la synthèse, n’étant pas de même nature, rien de ce qui
est agrégat mécanique, système, n’est en soi simple, pure simplicité.
Un agrégat ou bien un système, en tant que corps composé, second, intotalité, sans unité
indivise ni dedans distinct, ne connaît pas la simplicité en tant que tel. Il ne peut être que plus
ou moins complexe et son évolution, un processus de complexification croissante.
- Unité de nature – unité de fonction-
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L’unité de nature ne peut se confondre avec l’unité de fonction. L’une se situe sur le
plan qualitatif, l’autre sur le plan mécanique.
L’unité de nature reçoit le principe de son existence de l’intérieur, l’unité de fonction,
de l’extérieur. L’une possède en elle-même son principe, l’autre, sans intériorité, ne le
possède pas. L’une est spontanée, l’autre commandée.
Un système naturel ou artificiel en tant que système machine, peut posséder une unité
fonctionnelle, mais n’a pas d’unité de nature, indivis, qui appartient aux corps simples,
synthèses. Une machine possède une unité de fonction sans avoir d’unité de nature, d’unité
intérieure en propre. En elle-même, elle est agrégat. L’unité de fonction n’implique pas une
unité de nature.
Une machine divisée en morceaux perd son unité fonctionnelle, mécanique : « elle ne
marche plus », mais la nature de ses éléments reste inchangée. On peut la démonter et ensuite
la remonter. Un système machine n’élève pas l’ensemble de ses composants à un degré
d’organisation supérieur qui en transforme la nature. En ce sens, elle n’est pas indivisible ni
simple et on peut dire qu’elle n’a pas une unité transcendantale à la différence par exemple,
d’un tableau d’artiste, où l’image, une foi constituée, transforme la nature des points qui la
composent. Ceux-ci deviennent autres et plus. Une touche de peinture noire posée sur une
toile n’est plus de la pâte noire, mais devient, par exemple, la pupille de l’œil de la Joconde.
-Objet artificielMachines et œuvres d’art, produits de l’activité humaine, sont créées, fabriquées de
mains d’homme et non générées par nature.
Mais l’une possède en elle-même, lorsqu’elle est image avec image, une unité visuelle
indivise, un domaine intérieur, une vie essentielle, l’autre non. Dans l’une réside un principe
de transformation en nature, dans l’autre non. Dans l’une s’effectue des opérations de
transcendance, dans l’autre des opérations mécaniques.
Nous ne sommes pas dans le tout machine.
Bien qu’artificielle et résultant d’un principe de fabrication externe, l’une, l’œuvre
d’art, transcendantale, possède les attributs de la synthèse, de l’être ; l’autre, la machine, ceux
de l’agrégat, du non être.
IDENTITE
Le monde avec un dedans distinct est avec identité.
Le postulat d’un monde avec Nature en dedans, nous amène à reconnaître les choses en
tant que Totalité nettement distincte les unes des autres, chacune possédant son identité
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propre. Ces identités ne sont pas toutes les mêmes. La variété en soi entre les corps synthèses
semble nécessaire à l’évolution.
En effet, une différenciation minimum semble indispensable entre les éléments pour
que ceux-ci puissent établir des combinaisons avec transformation.
Un seul signe, une seule lettre, ne sont pas suffisants pour créer une écriture, des mots,
un langage, la répétition infinie d’un seul élément : A, A, A, A, A… ne donnera jamais une
phrase. Deux au moins sont nécessaires. Ce qui conduit à énoncer un principe de
différenciation et d’identité associé à la matière avec un dedans distinct dès l’origine et qui
l’accompagne tout au long de son évolution.
L’évolution ne peut se construire sur un rapport du même au même, répéter à l’infini
qui ne peut que mener à l’uniformité et à l’absence d’évolution.
Elle demande l’autre qui n’est pas le même, sa reconnaissance, source d’enrichissement
et la bidimensionnalité des choses et du monde.
En revanche pour la matière agrégat qui n’est pas de même nature, les exigences ne
sont pas les mêmes, la présence de l’autre en tant qu’autre, distinct, n’est pas indispensable.
L’agrégat se satisfait du rapport du même au même, de la répétitivité, de l’uniformité, de la
non identité, et en fin de compte de l’unidimensionnalité car il construit une totalité qui n’est
pas totalité une, distincte, mais intotalité.
-
L’intotalité relève d’un principe de constitution qui est accumulation
sans unité transformante.
La totalité une, unitotalité, relève d’un principe de non accumulation, un
principe d’engendrement, avec identité et unité transformante.
LE FINI ET L’INFINI
Le corps avec dedans distinct est fini et circonscrit.
Le corps synthèse en tant que totalité isolée avec un dedans distinct ne contient pas un
nombre illimité d’éléments constituants. Ceux-ci sont toujours en nombre fini, défini à l’unité
près et limité. Pour un atome naturel, le nombre de protons varie entre 1 (hydrogène) et 92
(uranium).
Etant limitée en nombre et non illimitée, la totalité synthèse est finie en étendue et non
infinie. Seul ce qui n’est pas en elle, n’étant pas limité et fini, peut être sans limite, non clos,
non bordé et tendre vers l’infini en étendue.
La limite de la totalité finie passe par la ligne de partage où s’arrête le champ unitaire et
où commence celui non unitaire au-delà.
L’espace compris entre cette limite, en forme de cessation, bornée par les éléments
constituants, membres de l’unité supérieure, définit un domaine intérieur distinct nettement de
celui extérieur. Ce domaine circonscrit détermine un dedans distinct et un dehors, un limité et
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un illimité. Par exemple, pour l’atome, on peut dire que ce domaine correspond à la sphère
d’attraction électronique.
L’un est ce que n’est pas l’autre. L’un et l’autre ne sont pas de même nature. Le dedans
distinct est autre et plus.
- le dedans est avec Nature, unitotalité, uniformation.
- Le dehors est sans Nature, intotalité, « in-transformation ».
Le dedans réalise l’identité entre intériorité et limité.
Le dehors réalise celle entre illimité et natura naturata ; la nature naturée sans Nature.
Peut-on en conclure que l’énergie intérieure est distincte dans son essence, de celle
extérieure ? L’énergie du champ serait-elle distincte, par nature, de celle interne aux
particules ?
Chaque corps synthèse isolé est totalité finie, une, dans le tout infini et vide de l’espace.
L’unitotalité ne peut être qu’une structure synthèse circonscrite, finie, close, avec une
limite nette, engendrée.
Chaque totalité finie contient en elle-même l’activité infinie de la Nature intérieure et
réalise l'identité du fini et de l'infini.
La totalité des totalités finies contient la totalité de ce qui est.
L’intotalité est totalité infinie de ce qui n’est pas.
Elle réalise en elle-même l’identité de l’infini et vide du dehors et du néant unitaire et
productif.
L’agrégat sans dedans distinct est totalité incirconscrite, non limitée nettement. Il peut
s’étendre en nombre sans limite, jusqu’à l’infini si les conditions le permettent, tout en restant
le même. Quelque soit sa taille, un morceau de glace ou de sucre, sera toujours de la glace ou
du sucre. Un agrégat étant dans le principe accumulation, le nombre de ses éléments peut
varier en nombre dans le principe jusqu’à l’infini. Pour une synthèse, cela ne se peut.
L’intotalité est totalité incirconscrite, sans limite, non close, inengendrée.
La structure synthèse est également bornée et circonscrite dans le temps. Elle naît d’un
événement bref, irréversible, et non réversible comme pour un agrégat. Cet événement peut
être daté. Avant elle n’est pas, après elle est. Elle a une origine dans le temps et ne dure pas à
l’infini. En effet elle meurt à elle-même pour renaître à nouveau à une vie nouvelle lorsqu’elle
réalise une opération de synthèse avec un autre corps.
Son existence en tant que telle a une durée, une origine et une fin, un  et un , son
temps, comme son espace, est clos et sa fin n’est pas un anéantissement mais un nouveau
commencement.
L’agrégat sans dedans, sans essence, n’a pas d’existence en soi. Son existence dépend
de l’existence des autres, des briques qui le constituent et le créent. Création seconde, sa
forme peut varier en fonction des forces externes.
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MICRO – MACRO
Un corps avec dedans distinct est micro.
Le nombre fini des éléments d’un corps synthèse n’est jamais très grand : un atome peut
contenir jusqu’à quelques dizaines de protons, une molécule, quelques atomes, etc…
A côté des chiffres astronomiques de l’univers qui compte son étendue en milliards
d’année lumière, ses galaxies par milliard avec pour chacune des milliards d’étoiles, nous
sommes dans l’ordre du petit, du microscopique, du micro.
Cette structure micro définit un micro-univers fini, simple – Un -, un champ unitaire en
dedans, une micro particule isolée, une micrototalité qu’aucun corps n’enveloppe, le
microcosme, qui se distingue dans son essence du macrocosme sans dedans qui couvre le
champ sidéral non unitaire, immense et vide de l’univers
Proposition :
-
le microcosme est pure intériorité.
le macrocosme est pure extériorité, totalité de l’absence, du manque, du
vide qui n’est pas le total néant, du rien, une sorte de champ, substrat
sous jacent, qui est privation de tout être Un, essentiel, avec Nature, qui
est non étant en acte.
Le macrocosme est ce qui est toujours à l’extérieur du microcosme.
Dans cet extérieur, il n’y a rien avec Nature, en Nature, par Nature.
Le domaine intérieur est plein de Nature, d’être Un, essentiel, le
domaine extérieur en est vide.
L’un est ce que n’est pas l’autre. L’un et l’autre ne sont pas de même nature. L’un est
autre et plus.
A côté de l’immensité vide de l’univers dans lequel se promènent sans fin les corps et
que rien ne limite, nous avons le monde du microcosme, un monde en soi, enclos, un monde
dans le monde, un monde avec sa propre finitude et son propre centre, une coulée de vie, un
jardin plein de plantes dans le désert, une île dans une mer sans rivage.
Le microcosme, invisible à nos yeux, est un petit tout qui contient tout.
Toute conception et spéculation du genre : « ce qui est en haut équivaut à ce qui est en
bas », qui voudrait tenir le macrocosme cosmique comme une extension du microcosme, et le
microcosme comme une réduction en petit du macrocosme cosmique ne peuvent que se
fourvoyer dans des chemins sans issue, car ce serait prendre le tout et le rien pour une seule et
même chose.
INCLUS - EXCLU
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Dans l’univers, tout corps micro, premier, appartient à une totalité finie synthèse.
Aucun n’est exclu du monde de la synthèse. Chacun y est inclus.
L’exclusion est le fait de l’absence, du rien du dehors.
DYNAMIQUE INTERNE
Le microcosme possède un dynamisme en soi.
Le microcosme synthèse est animé par une activité interne productrice, transformante,
actualisation d’une puissance en lui-même, à l’origine de l’évolution. En ce sens ce
dynamisme interne peut être qualifié d’ascensionnel.
Le mouvement est dans le mû, l’action dans l’agent et le moteur réside dans le mobile
lui-même, à l’intérieur du corps synthèse et ne peut en être détaché. De ce fait, il y est présent
en permanence. S’il ne tombe pas en panne et ne s’épuise pas, ce qui semble être le cas, il ne
peut s’arrêter et cesser son action par lui-même. Force agissante, incessante, disponible,
inépuisable, il ne peut que se manifester, s’il n’est pas entravé.
Il se distingue et n’est pas de même nature que les forces qui agissent du dehors sur le
mobile, qui en sont séparées et qui, de ce fait, peuvent à tout moment cesser d’agir. Et comme
on le sait, dans ce cas, le mobile continue sa course de façon conforme au principe d’inertie.
S’il est en mouvement, celui-ci ne s’arrête pas, mais persévère de manière uniforme à l’infini,
en ligne droite, dans le vide.
Le dynamisme interne est déterminant, pour tout changement qui change la nature des
choses, et le dynamisme externe est déterminant pour les changements sans changement de
nature.
L’un est ce que n’est pas l’autre. L’un et l’autre ne sont pas de la même essence. L’un
est autre et plus.
LE VIVANT INTERIEUR
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Est vivant selon l’antique définition aristotélicienne, ce qui possède en lui-même le
principe de son activité, de son mouvement, de son changement, de sa transformation.
Le vivant en ce sens, étant animé de l’intérieur, suppose la présence d’une intériorité
attachée à cette chose.
De ce point de vue, tout corps synthèse possède, attaché à son intériorité, le vivant
intérieur, un principe de vie en soi.
Corrélativement, les corps agrégats sans intériorité, sans principe de nature, sont
inertes en soi et ne doivent leur animation, si animation il y a, que du dehors. D’une machine,
on ne peut dire qu’elle est vivante, on dit qu’elle est système mort.
Le vivant intérieur, propre à la chose synthèse ne correspond pas à l’image que l’on
connaît, du vivant organique qui est pour partie système.
Le vivant intérieur synthèse n’est pas système. L’un est ce que n’est pas l’autre. L’un et
l’autre ne sont pas de même nature. L’un est autre et plus.
Le vivant intérieur n’est pas mécanique. Il n’a rien à voir, en soi, avec la machinerie
complexe du vivant biologique qui fait naître, croître, mouvoir, se reproduire les organismes.
N’étant pas système, il ne se conçoit pas en terme de complexité. Il n’en a pas la contenance,
ni l’apparence, ni l’essence. Il est d’un autre genre. Il est lié à l’automouvement de la nature, à
son activité constructrice, à la puissance génératrice, productrice, attachée au domaine
intérieur.
Le vivant intérieur, sans mouvement apparent mécanique, est comme un « sommeil
éveillé » ou une « veille endormie ». Il tient de l’invisible voilé et non de l’extérieur visible.
Cependant, il n’est pas caché ni quelque chose d’occulte qui pourrait nourrir un ésotérisme
qui a le tort de renoncer à l’usage du rationnel.
Son lieu, circonscrit au domaine micro, est parfaitement connu. Les sciences positives
l’appréhendent quantitativement, sans déroger et sans faire exception, sans secrets ni
mystères. Mais le problème vient de ce que l’essence du vivant intérieur ne peut que
s’évanouir lorsqu’elle est appréhendée du point de vue des sciences mathématiques. Elle ne
peut apparaître que d’un point de vue qualitatif, dans le cadre d’une physique du dedans.
Le vivant intérieur se révèle par le mouvement transcendantal et porte l’évolution
toujours plus en avant. Il en est la partie active, son moteur interne ; et la succession des corps
synthèses engendrés dans lequel il réside, de degré d’organisation toujours plus élevé, peut
être dite la véritable échelle des êtres, « scala naturae ».
La physique galiléenne qui néantise le dedans des choses, ignore en tout le principe de
ce qui agit du dedans, le vivant intérieur, le « vivant des origines ». Dans cette physique du
dehors, la chose dans son essence, ne peut être qu’inerte, la nature un tout agrégat mort.
Dans ce cadre où l’inerte en dedans est la norme, la vie, son apparition, ne peut être
dans son principe, qu’accident ; la biosphère, « une différenciation locale du cosmos » ;
l’évolution, « une exception propre à une région de l’univers » ; la conscience, un
épiphénomène, « une réalité improbable » ; etc.…..
Dans une physique qualitative qui est la nôtre, le point de vue contraire l’emporte : tout
ce qui est, est en soi vivant, productif, évolutif. C’est la norme. L’inerte, l’improductif,
l’inévolutif, n’est que second et accident.
Les agrégats du monde inanimé, inerte en dedans et en dehors, sont parfaitement
inertes.
Ce vivant intérieur, limité sur le plan mécanique, est la puissance même. « Vie
précieuse », il est comme une source qui ne tarie pas, ne s’épuise pas. En lui, se trouve le
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vivant éternel. Si, pour la philosophie, il est « ce qui est » quelque chose, pour le religieux, il
est « celui qui est », une personne, quelqu’un.
Mais de ce Dieu, personne vivante, vie divine, Moïse avec raison, ne peut dire son
nom, ni qu’elle a un corps comme nous, une forme anthropomorphe et encore moins
zoomorphe. Son visage ne ressemble à rien de connu extérieurement. Un et transcendant, sans
nom propre, seul « celui qui est », incarné, pourra prendre visage accessible au mortel
Nous portons en nous même, dans notre noyau, dans l’intime de notre être, le sans nom,
source de notre vie intérieure.
Les sciences positives développent implacablement, la logique d’un monde qui néantise
le dedans distinct des choses et détruit le lien intime entre la Nature et nous. En cohérence
avec leur logique propre mais aussi sous son emprise, elles sont dans l’incapacité de
concevoir autre chose qu’une nature morte en soi, où tout, sans exception, vient du dehors.
Elles prennent en considération la nature naturée et se cantonnent à son aspect superficiel.
L’hypothèse première d’un monde avec un dedans distinct, renverse la logique et autorise
à prendre en considération rationnellement la nature comme productivité ou comme sujet, et
de renouer le lien avec elle.
Dans ce cadre, l’image mécanique d’une nature régie par le principe d’inertie laisse la
place à l’image dynamiste d’une Nature active, productive.
Ainsi la physique du dedans distinct, se dirige en priorité, en général, non pas vers ce qui
est en surface, le côté extérieur du monde, mais vers ce qui est en dedans, la nature naturante.
Elle rejoint parfaitement sur ce point l’objectif schellingien d’une physique spéculative
prenant en considération ce que délaissent les sciences positives.
Mais Schelling, handicapé par un manque de connaissance objective de la nature, n’a pu
éviter de s’égarer dans la problématique d’un réel tout organique, immense système vivant,
l’une des expressions du vitalisme.
LE REDUCTIONNISME
La controverse réductionniste, comme on le sait, a marqué en toile de fond, toute
l’histoire de la biologie moderne et même au-delà.
Deux vieilles familles de thèses s’y opposent : les thèses machinistes et les thèses
vitalistes.
La thèse machiniste dit que les êtres vivants ne sont rien d’autres que des automates
mécaniques, alors que la thèse vitaliste soutient qu’il y a chez les vivants une « force vitale »
distincte du processus physico-chimique, un principe vital irréductible aux éléments matériels
ou encore un esprit distinct de la matière.
Il paraît évident que, aux yeux d’un tenant de l’hypothèse première d’un réel sans
dedans distinct, le réel est ainsi qu’il est posé, c’est-à-dire sans intérieur dans sa constitution ;
et alors, parler de réduction ne convient pas car le réel ne saurait être réduit de quelque chose
qui n’existe pas en lui même.
On ne peut parler de réductionnisme, un réductionnisme en vrai, en grand, que si l’on
pose l’hypothèse première d’un réel avec un dedans distinct, car celui-ci ne saurait être, alors,
amputé de sa portion intérieure.
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On le voit, on ne peut dissocier cette question de la problématique intérieure –
extérieure.
C’est pourquoi il convient d’afficher clairement, au préalable, dans quelle philosophie
première du réel on se place.
Dans le cadre d’un réel pur extérieur, comme il est d’usage aujourd’hui, il est clair et il
s’ensuit logiquement que rien ne pouvant venir de l’intérieur tout est machine et automate.
La thèse émergentiste qui se situe dans cette approche ne semble pas vouloir en sortir.
Au contraire, elle en étend le champ en réduisant tout objet corporel naturel au rang d’agrégat,
d’assemblage mécanique résultant des forces externes, et ramène les synthèses à des
systèmes, ce qui lui permet d’attribuer l’évolution, la production de corps nouveaux, d’un
degré d’organisation supérieur, à une catégorie de groupement d’éléments, à un type
d’organisation qui n’y est pour rien.
Même si elle accorde une certaine autonomie au vivant, elle reste parfaitement dans la
logique d’un réel sans dedans qui met synthèse et système dans le même sac, sans
distinctions, alors que l’un et l’autre ne sont pas de même nature.
Ceux qui s’alarment et dénoncent de manière compréhensible, une telle vision
machiniste à plat, se regroupe derrière la thèse vitaliste mais comme ils ne remettent pas en
cause, à sa source, le paradigme de la représentation du réel sans dedans distinct, ils en restent
prisonniers et se retrouvent en porte-à-faux, sans assises. Ils se voient contraint de joindre à
des corps sans intérieur, un germe de vie, principe vital, nébuleux, flou, vaporeux, mystérieux,
obscur, séparé, qui ne peut venir par principe que de l’extérieur, c'est-à-dire, de je ne sais où,
ce qui paraît irréaliste, sans appui positif et non convaincant.
Il n’est pas dit que, dans l’absolu, on puisse départager de manière probante,
démonstrative, l’une et l’autre de ces deux théories premières du réel avec dedans ou sans
dedans distinct.
A notre niveau, si on considère non pas les hypothèses premières, mais l’un et l’autre
des postulats qui viennent après et en découlent, il paraît clair que le postulat d’un réel sans
dedans distinct a fait plus que ses preuves dans l’approche numérique, quantitative de la
nature et que de ce fait, il n’est pas question de le rejeter et il convient de le garder. Mais il
semble bien que sur le plan qualitatif, étant dans l’incapacité de distinguer une chose d’une
autre, il soit intellectuellement inefficace, inopérationnel et ne puisse faire avancer les choses.
Au contraire, générant le nivellement et la confusion, il nous fait reculer dans le tout
mécanique et l’informe.
Par contre, le postulat d’un réel avec un dedans distinct, s’il apparaît inefficace,
inefficient, inintéressant sur le plan numérique et quantitatif, il fait avancer notre
compréhension, par les distinctions qu’il permet d’apporter, et offre à l’intelligence
d’embrayer et de progresser sur le plan qualitatif.
On peut considérer qu’à notre niveau, chacun de ces deux postulats, possède son intérêt
et son domaine d’application.
L’un et l’autre sont à retenir. On ne saurait se priver et se passer de l’un ou de l’autre.
Ce serait contraire à l’intelligence.
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Or comme nous l’avons déjà expliqué, seul la théorie première d’un réel avec un dehors
et un dedans existant peut combiner l’un et l’autre de ces deux postulats.
La philosophie première et moderne d’un réel pur extérieur exclut par principe la
possibilité du postulat d'un réel avec un dedans distinct.
C’est pourquoi nous nous prononçons en faveur et avons fait le choix de l’hypothèse
première d’un réel avec un dehors et un dedans distinct.
SUR L’IDEE DE NATURE
Pour les premiers physiciens grecs: Thalès, Anaximandre, Anaximène, Parménide,
chercheurs passionnés du principe premier de toute chose qui se cache derrière la multiplicité
des apparences, le monde, intuitivement, ne pouvait être qu’Un, compris dans des limites
données, formant une totalité finie, « la sphère du tout » appelée le cosmos. Dans le
paradigme de ce cosmos clos, sphérique, définissant un espace pur intérieur, qui était le leur,
les choses, en toute logique, ne pouvaient venir que du dedans et le principe de Nature : « ce
qui est, ce qui vient de l’intérieur », s’imposait. Aussi, du commencement de la philosophie
occidentale de la nature – si commencement il y eut – jusqu’à la révolution scientifique du
début du XVIIème siècle, les anciens ont pensé l’univers physique à l’aide de l’idée de
Nature, la physis : force primitive productive, qu’ils ont maintenue. Mais en raison de leurs
méconnaissances objectives du monde micro, les premiers philosophes de la nature n’ont pas
réussi à éviter les faux-pas. Ils n’ont pu raisonner que sur le monde des apparences macro à
leur portée, et ils se sont trompés dans leurs attributions, donnant le statut d’élément premier,
simple, indivis, Un, à des corps agrégats : Terre, Eau, Air, qui sont parfaitement divisibles,
composés et seconds.
De même, ils ont figuré le Grand Cosmos comme un organisme animé en entier par le
Vivant Intérieur, lui donnant au passage des capacités d’impulsion mécanique à la manière
d’un gros moteur, capable de mettre en branle et d’entretenir, le mouvement des planètes et de
l’univers.
Ensuite vient le renversement de philosophie première de la physique mathématique qui
passe de l’idée d’un réel tout dedans à celle d’un réel tout dehors et détruit le cosmos clos des
anciens. Dans une telle représentation où rien ne peut venir de l’intérieur, logiquement, l’idée
de Nature n’a plus sa place, et ne peut être que rejetée hors du nid, ce que firent Galilée,
Descartes et Newton.
Cette idée se retrouve subitement, à contre courant du mouvement de pensée qui va de
l’avant : le mécanisme conquérant qui sépare matière et esprit et le mathématisme triomphant
et desséchant de Newton, « vrai barbare » (Hegel). Elle se maintient néanmoins dans les
esprits dans la seconde moitié du XVIIIème siècle et dans la première partie du XIXème,dans
la mesure où beaucoup aimaient à concevoir une sorte de partage dans les connaissances : Au
mécanisme l’explication de la matière inanimée, à l’idée de Nature, celle de la mystérieuse
matière animée. Dans ce cadre, cette idée continua à demeurer en vogue durant un certain
temps. Mesmer, plus célèbre que Voltaire et Rousseau à Paris dans les années 1780, élabore
une doctrine du magnétisme comme force secrète, immanente à la nature. En Allemagne, la
déesse voilée fait rêver Schelling, l’idée d’un dynamisme interne préoccupe Goethe et Herder
et celle d’un organisme universel cosmique hante l’imaginaire de nombre de personnalités du
courant romantique, savants, poètes, écrivains : les frères Schlegel, Novalis, Baader, Ritter,
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Carus, Alexandre de Humbaldt, Kielmayer. En France, cette pensée influence Michelet et le
thème d’une biologie cosmique, et d’une création permanente à travers le renouvellement des
formes, sera reprise plus tard par Ravaisson, Bergson et, d’une certaine façon, Teilhard de
Chardin et Merleau Ponty.
C’est Schelling (1775-1855), le grand philosophe de la nature au génie précoce, quelque
peu éclipsé malgré lui par Hegel, son aîné et condisciple au Stif de Tübingen, qui donne à
cette idée qu’il qualifie de « pulsion créatrice, productive, interne » toute la puissance de son
discours, ses fondements et son plein développement philosophique. Il s’est « immergé dans
l’exploration de la Nature », mais, n’ayant pas en main les connaissances objectives
indispensables, il ne put apporter « au chant du monde » une description en harmonie avec le
réel et s’égara dans des tentatives d’explication, des schémas conçus a priori qui ne collent
pas avec lui. Il en sera de même et de façon encore plus accentuée par la suite avec les autres
philosophies de la nature, notamment celle de Hegel qui projette sur elle l’idée de dialectique
et celle de Engels.
Schelling imagine que la force aveugle productive interne, en raison d’une duplicité en
puissance en elle, se divise et s’épuise dans le produit : la nature naturée, expliquant une
pétrification de celui-ci, essai manqué qui stopperait son « élan », vision dont s’inspirera plus
tard Bergson.
Il est de ceux qui à cette époque conçoivent la nature cosmique en entier, non pas
comme une immense machine mécanique mais comme une immense machine organique, un
grand système Vivant, avec unité et totalité, un et tout ; Un est tout, Hen kai pan.
Cette idée de vivant intérieur influencera également nombre de biologistes de la
première moitié du XIXème siècle dans leur vaine recherche d’une « force vitale » ou « élan
vital », principe distinct associé à la matière organique.
L’organicisme très influent tout au long du XIXème siècle procède de la même façon et
cherche son modèle d’organisation dans celui des corps animés biologiques, mais ne
connaissant pas les secrets intimes de la matière génétique, il omet dans sa réflexion toute la
partie synthèse avec unité en soi, pour ne prendre en considération que la partie système
mécanique corporel qui tient son principe de constitution du dehors et qui n’est qu’un vivant
mort.
Aujourd’hui, de la philosophie de la nature, on peut retenir la vision d’un dynamisme
ascensionnel de la nature dans la série continue des êtres depuis les origines de la création
jusqu’à l’homme. Il n’en va pas de même pour la vision astrobiologique du monde. Le Grand
Vivant de la nature, s’il y est présent, ne l’est pas dans les étoiles du ciel ni dans le cosmos en
tant que tel, mais dans les infimes particules qui l’habitent. C’est un Grand Vivant petit,
humble.
COSMOLOGIE
Les premiers philosophes hellènes de la nature, avaient la passion de l’Un et de la
vitalité en dedans, semble t-il. Quoi de plus merveilleux qu’une graine qui lève !
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Leur pensée ne se situait pas dans le surrationnel, le surnaturel, mais dans le rationnel,
le naturel. Et ils ont cherché l’Un dans la nature et visualisé la nature comme Un.
Cette vision ne pouvait que les conduire à concevoir le cosmos comme une sorte
d’immense animal Un et vivant, contenant le tout de ce qui est. Ils l’ont représenté comme un
Grand Tout fini, un « sphairos », rond comme une bulle, bordé par une enveloppe
parfaitement lisse, polie et hermétique au-delà duquel il n’y a rien, absolument rien, un dedans
sans dehors, un tout intérieur, plein, animé en soi par un principe mystérieux de Nature, la
physis.
Le christianisme y introduit Dieu créateur, Un et transcendant, logé dans l’empyrée.
Les modernes, nourris de physique mathématique, font du rien de l’extérieur le tout. Ils
inversent les philosophies premières, renversent les perspectives, brisent la cristallerie des
sphères célestes, et détruisent la sphère du tout, le cosmos clos, limité, et vivant des anciens.
Ils vident le monde plein, excluent l’intériorité et conçoivent l’univers comme un dehors sans
dedans, une totalité incirconscrite, intranscendante, pure extériorité sans vie qui peut s’étendre
sans fin, jusqu’à l’infini.
A notre tour, en changeant d’hypothèse première, en posant le nouveau postulat d’un
dedans distinct en complément, nous réintroduisons la notion de monde fini et nous restituons
une cosmologie avec un intérieur et une Nature autre et plus, dynamique, évolutive et
transcendante ; une cosmologie qui associe intériorité et extériorité.
Notre vision de l’univers ressemble alors à celle d’un semis de micro-unitotalités finies
dont le cercle des degrés de synthèse va en s’élargissant, entourées d’enveloppes créées qui
vont en se complexifiant dans un macro-univers cosmique infini, vide, le monde de
l’intotalité.
Notre vision se situe à mi-chemin entre celle de l’univers clos des anciens qui est tout,
et celle du point qui est rien des modernes.
Elle offre quelques similitudes avec celle des atomistes Leucippe et Démocrite, dans la
mesure où ceux-ci concevaient le monde, non pas comme un immense « atome », mais
comme composé d’une multitude d’atomes, plus petits éléments possibles, chacun étant Un,
simple, premier, indivisible, plein, et possédant la plénitude des caractères qui qualifient l’être
de Parménide. On sait que dans leur esprit, ces atomes ne sont séparés que par du vide,
puisqu’ils disent : « Il n’y a que des atomes et du vide ». Ce vide correspond pour eux, au non
être, à ce qui n’existe pas du tout et ne se trouve pas en eux.
Mais les atomistes, comme les grecs en général, ne possédaient pas l’idée du concept
de transcendance et ne pouvaient concevoir que deux atomes puissent, après une collision, un
contact intime, réagir, s’associer dans une union qui modifie leur nature et donner un produit
nouveau. Selon eux, deux, ou un nombre plus élevé, ne peut devenir jamais un. En ce sens, ils
ne pouvaient penser le devenir de l’être.
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II Tableau de la Nature.
La voie qui prend en compte la nature des choses, contrairement à celles des sciences
galiléennes qui ne font que « compter un grain de sable après l’autre pour édifier l’univers »,
s’engage dans la construction d’une représentation qui n’est pas enchaînement démonstratif
mais totalité une, tableau.
Les sociétés qui se réclament des sciences ne peuvent connaître les choses que les unes
à partir des autres. Elles ont perdu le sens de l’unité et de la Beauté de l’ensemble et « voient
une guerre sauvage s’allumer entre les opinions de chacun ».
Celles qui se réclameront du dedans distinct des choses et de la Nature retrouveront le
sens artistique de l’unité et de la Beauté, l’alliance universelle entre les arts et les sciences, le
goût du tout et Un dont ils ne pourront plus se priver.
Le discours scientifique d’un monde sans dedans distinct est à l’image de celui-ci et le
reflète. Il est sans unité en soi qui le dépasse. Chaque discipline est affectée à l’étude de
secteurs particuliers d’un réel de plus en plus spécialisé au fur et à mesure qu’on progresse
dans l’analyse. Chaque secteur devient de plus en plus petit, avec ses programmes de
recherches indépendants. Et les savoirs singuliers qui sont produits, en raison du
cloisonnement disciplinaire sont émiettés, fragmentés, isolés les uns des autres à l’infini. Nous
sommes dans le monde du petit.
La physique qui pose un dedans distinct sera ce que n’est pas l’autre sans dedans. Elle
ne sera pas de la même essence. Elle sera autre et plus.
Sa compréhension de la nature sera unicité des savoirs pris dans leur ensemble, un
tableau qui parle, les unit et les dépasse, et qui met en lumière l’autre du dedans.
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Depuis un siècle et demi, l’idée d’évolution s’est éveillée dans les consciences. Nous
avons la perception d’un mouvement irréversible de grande ampleur qui porte le monde.
Pour en retracer le dessin, on commencera par distinguer dans la nature, les corps qui
évoluent des corps qui n’évoluent pas parce qu’ils sont ainsi. A-t-on jamais vu une pierre
évoluer ?
L’architecture de notre tableau sera composée en fonction de la classification des corps
synthèses et des corps agrégats, que nous avons définis dans le principe et qu’il nous reste à
distinguer dans le particulier afin de les situer à leur place dans le tableau d’ensemble.
TABLEAU DU MONDE MINERAL
Synthèse - Agrégat. Deux catégories de corps qui composent la nature. Cette classification
intègre toute les structures matérielles quelles qu’elles soient. Tout corps se range dans l’une
ou l’autre de ces deux catégories.
Pour distinguer ces corps les uns des autres, nous avons établis comme critère de
classification, les critères suivants :
- Indivisibilité en nature
- Transformation de la nature des éléments constituants
- Liens de filiation
Ceci nous permet de déterminer avec précision, les limites de chacun de ces deux ensembles
de corps, agrégat et synthèse, ce qui est nécessaire si on veut procéder avec rigueur, éviter tout
risque de confusion ultérieure, et construire une carte qui soit conforme à la réalité.
- La matière synthèse
Les corps qui se rangent, selon ces critères dans la catégorie synthèse ou matière évolutive,
sont les micro particules ou micro états de la matière :
-
particules élémentaires (quartz – électrons – photons)
Nucléons ( protons – neutrons )
Atomes ( corps simples )
Molécules (corps composés )
Macro molécules
Ces corps sont des produits de synthèses, par exemple :
-
Nucléosynthèses primordiales : formation des nucléons,
Nucléosynthèses stellaires : formation des atomes et premières
molécules,
Synthèses chimiques : formation des molécules et macromolécules
Ces corps issus de synthèse, sont unis par un lien de filiation et forment une chaîne : l’arbre
généalogique de l’évolution.
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La constitution de la matière évolutive relève du principe de la génération ; ce qui donne à
celle-ci une structure « en alphabet superposé » : les éléments d’un niveau sont composés
avec les éléments du niveau inférieur et ils composent eux-mêmes les élément du niveau
supérieur comme les mots sont les alphabets des phrases » (Joël de Rosnay – Les origines de
la vie).
- La matière agrégat
Les corps qui se rangent dans cette catégorie en fonction des critères de divisibilité en
nature, d’absence de modification de la nature des éléments constituants de l’ensemble,
d’absence de liens de filiation, sont les états de la matière ou macro états :
-
Fluides : gaz – liquides
Solides
Plasmas
(Trous noirs ?)
Ces corps sont le produit de réactions d’état, sans modification de la nature des éléments
constituants. La nature de ceux-ci se trouve inchangée en fin de réaction.
Ils sont le résultat non pas d’une synthèse mais d’un assemblage sans union intime, ordonné
ou désordonné, à caractère associatif ou non associatif de particules microscopiques.
Ils ne forment ni chaîne, ni arbre généalogique.
Synthèses et agrégats composent le tableau de la nature.
- Les corps synthèses se rangent à gauche du tableau, forment une chaîne
continue et dessine l’axe vertical, la colonne centrale de celui-ci.
- Les agrégats, quand à eux, se rangent à droite et en constitue la
dimension horizontale, inévolutive, parcellaire.
Cette opération de distinction et d’identification serait sans problèmes s’il n’y avait pas
parfois, imbrication intime dans le monde minéral, entre les deux catégories de corps, qui
complique la tache ; les corps synthèses étant les briques constitutives des agrégats
inorganiques.
Cette classification met un peu d’ordre dans notre vision de la nature. Elle nous conduit
à ne pas ranger un gaz avec les corps synthèses et à ne pas dire abusivement comme le font
remarquer les chimistes, que le gaz en tant que gaz « réagit » avec un autre gaz car la réaction
se passe non pas à son niveau mais à celui de ses micro éléments constituants synthèses :
atomes ou molécules.
De même pour la question de la naissance du vivant. Elle nous conduit à éviter les abus
de langage et à ne pas dire, en toute rigueur, que le vivant des débuts est né d’une « soupe
primitive » car celui-ci n’a pu être issu d’un agrégat liquide mais seulement des mégamolécules comme, par exemple, les acides aminés qui étaient présents en grande
concentration dans le bain primitif.
Cette rigueur de langage est indispensable pour établir avec netteté la chaîne de filiation
entre les corps synthèses qui construit l’évolution et pour l’isoler des corps qui n’en relève
pas.
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Cette typologie de la matière nous permet de ranger les corps dans un tableau de la
nature. Cependant, certains cas peuvent prêter à discussion comme par exemple, les minéraux
( le terme minéral étant pris ici dans le sens restreint qui désigne une structure cristalline).
Qu’en est-il des cristaux ?
Dans quelle catégorie les ranger ? Doit-on les considérer comme une sorte de supermolécule comme il est souvent d’usage, ce qui dans ce cas, nous amène à les classer dans la
famille des corps synthèses ou bien doit-on en aviser autrement ?
Il semble que le doute ne soit pas permis. En effet, malgré la présence des liaisons intercorpusculaires et l’apparence d’une forme propre, compacte, distincte, avec unité et
indépendance extérieur, chacun sait qu’il s’agit en fait de l’état solide de la matière, sujet à
des transformations dans lesquelles la nature des éléments constituants reste inchangée.
Un cristal peut être divisé, fractionné, sans que cela ne change sa nature. Ainsi en est-il
pour la glace, le quartz ou le rubis.
S’il l’on s’en tient à notre critère de divisibilité et à celui de la transformation de la
nature des éléments constituants que nous avons retenus, le minéral appartient sans conteste à
la catégorie des agrégats sans Nature. Ses éléments constituants sont séparés. Ils se touchent
comme dans un tas, sans faire Un.
On n’a jamais vu deux minéraux, deux cristaux s’unir et donner un produit nouveau
d’un niveau supérieur aux propriétés émergentes. Par contre, ils peuvent par assemblage
former des agglomérats, des conglomérats comme le granit et d’autres roches.
Ils appartiennent à la matière inévolutive et ne peuvent être membre de la catégorie
matière évolutive.
L’évolution minérale ne comprend pas les minéraux ! Ceux-ci viennent rejoindre
l’ensemble des corps propres à l’inévolution minérale et le rendre cohérent.
Cette mise en place rigoureuse nous permet de rendre claire et accessible à l’esprit la
relation qui existe entre l’une et l’autre de ces deux catégories de corps : agrégat et synthèse, à
propos du processus évolutif.
En effet, les agrégats, de nature passive, bien que ne disposant pas en eux même de la
puissance évolutive, jouent néanmoins en raison de leur structure propre, ordonnée ou
désordonnée, un rôle dans l’évolution.
Les agrégats à structure ordonnée comme les cristaux, jouent un rôle négatif dans la
mesure où leurs éléments constituants retenus prisonniers à l’intérieur des mailles serrées du
réseau cristallin, vibrent sur eux-mêmes sans pouvoir se mouvoir et effectuer des rencontres,
établir des contacts, préalables nécessaires à toute opération de synthèse.
Au contraire, les structures désordonnées des fluides liquides ou gazeux jouent un rôle
positif car elles offrent à leurs particules constituantes, un degré de liberté de mouvement plus
grand que zéro, autorisant les déplacements, les rencontres et in fine, les synthèses. Ces
structures sont favorables à l’évolution.
Un désordre minimum au niveau macro-physique, un macro-désordre minimum, est
nécessaire au déroulement du processus évolutif.
On peut donc dire que le type de structure, ordonnée ou désordonnée, des agrégats
inorganiques est facteur d’évolution.
Au stade prébiologique, la matière synthèse ne contrôle pas ce facteur, commandé par
des paramètres externes, contrairement au stade suivant où elle va en prendre le contrôle
effectif par le biais de l’ADN, grande novation du vivant.
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
Matière évolutive Micro  Macrostructure Agrégat  Paramètre externe (P.V.T°).
En partant du plus simple pour aller vers le plus complexe, les choses sont plus faciles à
saisir, et plus logiques aussi car de cette façon on respecte l’ordre chronologique du processus
de l’évolution. Nous pouvons dresser ainsi ce qui sera le premier étage de notre tableau de la
nature.
Tableau I de classification de la matière inerte.
MATIERE EVOLUTIVE

Macromolécules
--------

Molécules
--------

Atomes
--------

Nucléons
--------

Particules Elémentaires

--------
MATIERE INEVOLUTIVE
Structures
Structures
Favorables
Défavorables
Gaz - Liquides
Cristaux


Gaz - Liquides
Cristaux


Gaz - Liquides
Minéraux


Plasmas
Trou Noir ?


?
Trou Noir ?

Le schéma :  résume l’itinéraire de l’évolution à travers la matière
inévolutive. Une flèche ( ) indique une voie o uverte, un rond noir ( )
indique une voie fermée, une impasse
LE MONDE VIVANT
Les organismes vivants, simples ou supérieurs, sont des ensembles dans lesquels on
peut distinguer deux parties : l’ADN, synthèse avec Nature et le reste, système organique sans
Nature.
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L’ADN est synthèse dans la mesure où, dans le génome, la nature des éléments
constituants se trouve modifiée : l’information chimique se transforme en information
biologique, et cette information forme un ensemble qui possède son unité en soi et ne peut
être divisé entre ses parties sans perdre son identité.
L’ADN est également matière évolutive dans la mesure où l’on sait que l’évolution
biologique se produit à son niveau dans les cellules germinales.
D’autre part chacun sait que le corps est édifié sur la base de l’information codée dans
le génome. L’ADN décide, ordonne, contrôle la fabrication du reste de l’organisme qui
l’entoure. Il se crée son propre milieu intérieur, sa maison. Celui-ci fabriqué, imposé, ne
possède pas en lui-même son principe d’organisation. Il est système mort et non synthèse
vivante.
Des deux parties de l’organisme biologique, l’une dans le dedans du noyau cellulaire
possède en elle-même, son principe de fabrication, l’autre en dehors du noyau ne la possède
pas. La première est habitant, avec Nature, l’autre en dehors du noyau est habitacle, agrégat
sans Nature.
La première s’enrichit, la seconde se complexifie.
Dans notre tableau de l’évolution, l’ADN prend place à gauche du tableau et se situe
sans rupture, en parfaite continuité avec les corps synthèses inorganiques. Il prolonge ainsi
vers le haut, l’axe vertical qui décrit le mouvement ascensionnel, orthogénétique, et continu
de la nature naturante, la nature en dedans, à travers la série hiérarchique des synthèses du
règne minéral et biologique.
La partie corporelle de l’organisme se range à droite de notre tableau et en compose la
dimension horizontale, la natura naturata. N’oublions pas que tout ceci reste très théorique car
dans la réalité, ces deux formes de matières, l’une synthèse, l’autre agrégat sont intimement
imbriquées et non séparées puisque la première est présente dans chacune des cellules de
l’organisme qui constitue la seconde.
Cette partie corporelle de l’organisme, passive, inévolutive en elle-même, en raison de
son organisation et de sa configuration est, semble-t-il, facteur d’évolution et joue un rôle en
tant que moyen et non fin.
En effet, la mise en place rigoureuse dans le tableau des éléments de la nature, selon
deux catégories, , nous donne un ordre d’ensemble qui nous permet de saisir l’existence d’une
relation en forme de boucle entre la partie synthèse – ADN, et la partie agrégat corporel du
vivant.
Lorsqu’on jette un regard sur l’arbre généalogique des espèces vivantes, un fait est
frappant : d’une part, le tronc de cet arbre se divise à intervalle régulier, à partir de points
remarquables de bifurcations , en deux branches maîtresses, entraînant chacune dans leurs
ramures touffues, les innombrables variations, radiations, créations secondaires qui naissent
après elles ; d’autre part, on peut observer que ces deux grandes branches – Teilhard de
Chardin aurait dit des « superphyla » – empruntant chacune des directions opposées, ont des
destinées contraires : l’une se révèle à terme, favorable à l’évolution et l’autre une impasse
évolutive, l’une plafonne à un certain stade sans pouvoir le dépasser, tandis que l’autre
s’ouvre à son sommet et donne naissance à un nouveau degré supérieur d’organisation de
l’évolution.
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Ainsi en est-il des embranchements entre les virus et les bactéries, les cellules végétales
et cellules animales, les vertébrés et les invertébrés dont l’opposition est connue depuis
Aristote.
On peut expliquer la répétition de ces grandes oppositions au sein de l’arbre de la vie,
en faisant l’hypothèse que certains types d’organisation corporelle des êtres vivants, tout en
étant viables, ont pu se révéler à terme des structures défavorables pour le bon déroulement de
l’évolution, en raison de points d’entraves contenus en eux-mêmes. Par exemple : l’enveloppe
rigide et étroite des virus, la paroi cellulosique des cellules végétales, le squelette externe en
chitine des invertébrés et leur système hyponeurien.
Quand deux voies se présentent, la nature biologique les explore chacune
indifféremment, aveuglément. Elle emprunte tous les chemins possibles même ceux qui
n’aboutissent pas, tâtonne, multiplie les essais mais ne peut revenir en arrière.
Ce schéma en forme de fourche reprend celui qui se dessine au niveau inorganique entre
les solides et les fluides et sa répétition constitue ce que l’on peut appeler l’isomorphisme
structurel de l’évolution.
Il nous enseigne que la nature intérieure ne peut déployer sa productivité spontanée,
inépuisable, son mouvement orthogénétique vers des formes supérieures que si la matière
corporelle passive, amorphe, agrégative, la nature naturée qui l’entoure, lui offre une voie
favorable. Sinon, entravée, bloquée, elle stagne. Cette matière corporelle, en raison de sa
structure, rétroagit sur la source qui la produit.
Quel que soit le niveau, le devenir de l’évolution est donc fonction de la voie
empruntée. Le choix de la voie se trouve primordial.
Il apparaît qu’au niveau du vivant, cette structure corporelle passive de l’organisme est
crée par la matière génétique du noyau cellulaire, ce qui veut dire que, d’une part, entre ces
deux types de matières’établit une relation en forme de boucle positive ou négative et d’autre
part, la matière évolutive (ADN) choisit, sans le savoir elle-même, sa voie. Elle contrôle de ce
fait, un facteur de sa propre évolution. Elle acquiert un pouvoir d’évolution.

Matière évolutive (ADN)  Matière corporelle

Tout laisse à penser que la grande partie de l’évolution, commencée bien avant
l’homme, se poursuive avec lui et que le problème de la voie s’y pose de la même manière
que par le passé.
Mais, à son niveau, le choix d’ordre culturel devient conscient et volontaire. On conçoit
que ce soit sa grande affaire.
TABLEAU DE L’EVOLUTION
La maîtrise de l’image, les dessinateurs le savent, s’obtient par la maitrise de
l’emplacement des points qui la constituent.
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La méthode de classification, par sa rigueur, nous apporte cette maitrise.
Au stade de la logique cruciale, synthétique, les points prennent sens et donnent
l’image ; les fils se croisent et induisent un tableau d’ensemble maîtrisé dans ses fondements,
sûr et certains.
Le tableau de l’évolution embrasse en une seule vue le temps, ce qui fut, ce qui est,
ce qui sera.
Les choses ainsi classées, le tableau devient parlant. Il met en pleine lumière son axe
central vertical, dégagé de sa gangue, qui en assure la genèse, continuum construit par
génération d’une synthèse à l’autre, sans interruption entre l’inorganique et l’organique,
comparable à une échelle dont chacun des échelons transcende et surpasse le précédent.
Chaque degré « fait la vérité de celui dont il est issu » dit Hegel.
Une même
racine unifie la nature en dedans.
Le tableau met en évidence, la constance du processus évolutif qui se déploie à travers
le temps et affecte toute matière minérale, biologique ou culturelle. Il opère de manière
spontanée lorsque les conditions sont favorables et il s’est toujours trouvé, semble-t-il, des
conditions favorables depuis l’origine de l’univers jusqu’à Homo Sapiens. Sans entraves, il ne
semble connaître ni arrêt, ni panne, ni épuisement.
Il confirme la présence dans la nature d’un principe de productivité intérieur,
d’évolutivité, de continuité d’action, qui peut se définir comme étant une tendance spontanée
des corps synthèses à produire des corps nouveaux avec modification de la nature des
éléments constituants, d’un niveau supérieur d’organisation et qui se manifeste lorsque les
conditions sont favorables.
Il confirme également que les agrégats ne possèdent pas en eux-mêmes de principe
d’évolutivité.
On peut énoncer à leur égard un principe d’inévolution : les corps agrégats sans Nature
ne peuvent en quelques conditions que ce soient opérer des synthèses avec modification de la
nature des éléments constituants.
Ce tableau enfin confirme la structuration de la nature en deux mondes : le monde du
dedans distinct, synthèse, avec la puissance évolutive et le monde du dehors, agrégat, sans
puissance évolutive.
Au fur et à mesure de sa montée dans l’échelle de l’évolution, l’être s’entoure d’une
clôture, se crée un habitat qui lui procure un environnement « intérieur » de mieux en mieux
maîtrisé : la cellule, l’organisme biologique, la conscience individuelle libre humaine.
Tout se passe comme s’il cherchait à s’affranchir des aléas du monde extérieur, à se
dégager de l’emprise du non être, de façon telle qu’il puisse s’accomplir pleinement en tant
qu’être.
Dans cette recherche, il ne peut éviter les fausses pistes qui l’emmènent dans des
impasses. Cet effort ascensionnel se paye d’une grande débauche d’énergie.
Notons également, que le cercle des synthèses intègre de plus en plus d’éléments et va
en s’élargissant, mais ce mouvement d’élargissement croissant ne peut avoir pour terme, une
méga synthèse matérielle singulière englobant dans son cercle la totalité de l’univers, car à
chaque niveau d’évolution, une masse grandissante de corps stagne et reste à l’écart du
processus évolutif.
L’évolution en reste quoi qu’il arrive dans l’ordre du micro, limité dans son étendue.
Mais elle est capable de susciter dans l’humain, des visions aux horizons élargis.
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Il nous reste la liberté et nous avons la faculté en relation avec l’être du dedans,
d’exercer dans notre petit monde ce qui est dans le grand et d’imprimer dans chacune de nos
micro créations, en nous et hors de nous, les attributs de la transcendance. Par ce biais, nous
pourrons accéder et participer à la transcendance universelle et nous accomplir en tant qu’être.
Tableau II
Tableau de classification des éléments naturels de la matière évolutive et inévolutive.
SYNTHESES
AGREGATS
?
Structures
Structures
Favorables
Défavorables
Vertébrés
Invertébrés

Noyau cellulaire
--------

--------
Chromosomes
--------

--------
Gènes
--------

--------
Macromolécules
--------

Molécules
--------
--------
 
Bactérie
Virus
 
Gaz liquides
Cristaux
Gaz liquides
Cristaux
Gaz liquides
Minéraux
 
--------

Particules élémentaires
Végétaux
 

Nucléons
Cellule animale
 

Atomes
 
Plasma
Trou Noir ?
 
--------
?
Trou Noir ?
 
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ESPRIT – EVOLUTION
L’esprit est difficile à concevoir dans le cadre d’un réel sans dedans distinct. N’ayant
rien en dehors ni rien en dedans, il ne sait où se loger ni où se poser.
Il est compréhensible que la représentation induite par la mathématisation du réel ait
conduit à la despiritualisation et au désenchantement de celui-ci.
Rien ne venant du dehors et rien ne venant du dedans, rien ne saurait parler à l’être et
l’être ne saurait entendre le murmure de l’esprit.
Dans l’hypothèse où l’on attribue un intérieur distinct aux choses, l’esprit se conçoit
mieux en tant que résident et parlant dans le dedans de ce qui est, comme étant l’autre du
dedans, celui qui habite dans les profondeurs du domaine intérieur.
En ce sens, l’unifiant, transformant, vivant attaché à la micro-corporéité de la matière
peut être considéré comme l’essence spirituelle dans la nature.
Dans ce cas, on peut concevoir qu’il n’y ait pas d’opposition selon l’essence entre le
monde de l’esprit et le monde intérieur.
Transmise tout au long de la série des êtres, cette essence ne peut qu’habiter dans le
cœur de l’homme, son maillon ultime où elle s’éveille à elle-même.
L’esprit, puissance qui vivifie l’être, foyer de sa vérité unitive, s’incarne dans ce qui est
et non dans ce qui n’est pas. La Nature étant l’esprit visible et l’esprit la Nature invisible dit
Schelling.
Au mouvement montant de l’évolution, correspond une montée de l’intériorité et de
l’essence spirituelle coextensive à celle-ci, et qui s’épanouit à son terme dans une alliance
entre elle et l’homme.
L’odyssée de la nature va de pair avec l’odyssée de l’esprit.
En ce sens, il ne peut y avoir évolution sans spiritualisation et spiritualisation sans
évolution.
Au stade de la conscience, le psychique l’emportant sur le somatique, la nature invisible
de l’esprit se manifeste et devient plus visible que la Nature elle-même, portant témoignage de
sa présence dans le monde.
L’esprit s’extériorise dans les cultures humaines en une « noosphère » et la spiritualité
célèbre sa présence en tant que l’autre dans le dedans distinct et clos de l’être.
Ceux qui ne vivent et ne pensent que dans l’exclusion de tout dedans distinct dans le réel
ne peuvent connaître cette harmonie qui paraît insaisissable. Ils fixent leur attention sur la
surface du réel et ne prennent en compte, à la manière du discours scientifique, que les
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rapports extérieurs : temps, espace, contact…, qui ne sont que l’ombre de ce lien éminent, qui
unit les choses en elles-mêmes.
Ils jettent un démenti à la face du spirituel parce qu’ils n’en comprennent pas l’essence,
refusant de reconsidérer les principes premiers qu’ils se sont eux-mêmes donnés.
L’homme de cette société, étranger à lui-même, ne peut envisager sa propre évolution et
voit sa production émiettée en grains de sable éparpillés à l’infini dans le désert.
L’espace mental galiléen est organisé de telle façon qu’on y découvre en perspective
cavalière la totalité de l’univers réel affecté d’une absolue extériorité.
L’homme, la société, le monde, Dieu, se mettent en place sous un regard où il n’y a pas
de considération pour le dedans distinct et clos des choses.
A partir d’un tel ancrage, dans une telle logique, le Dieu des modernes, si Dieu il y a, ne
saurait être présent de l’intérieur dans un monde sans intérieur distinct, pure mécanique. Il ne
peut être habitant en dedans d’un monde sans dedans. Ce ne peut être qu’un Deus ex machina,
se tenant dans le vide du dehors, séparé du monde, distant, silencieux, ailleurs, regardant de
loin sa marche comme le Dieu des « philosophes », éventuellement horloger à ses heures, ou
bien s’amusant à le faire tourner sur son doigt, ou encore se reposant après en avoir jeté
l’épure comme un Dieu du sabbat ou un Dieu fainéant.
Dans un tel contexte, l’esprit apparaît comme flottant au-dessus d’un monde minéralisé,
ne sachant pas très bien où se poser et comment le vivifier.
Comment concevoir une vie intérieure si l’intériorité n’est pas en soi ?
Comment peut-on dire que « Dieu est en nous », si l’être en lui-même est sans
intériorité. Dieu, s’il est, ne peut être alors qu’extérieur, détaché, sans lien personnel,
impersonnel, dans une relation fluctuante, épisodique, si elle est.
Dans un monde avec un dedans distinct et clos, la perspective change. Dieu ne saurait
être rejeté dans un dehors vide. Il est agissant vivant dans l’intérieur intime de l’être, aimant
en lui et induisant par sa présence, une éventuelle relation qui est autre, qui n’est pas
fabrication. « Le royaume de Dieu est en nous » Jean.
Parler de « Celui qui est », « Celui qui n’a pas de nom », on le sait, ne va pas de soi.
Collé au sol de notre planète terre, celui-ci excède la mesure de notre connaissance et ce que
nous pourrons en dire n’épuisera jamais ce qu’il est.
Il se rend sensible à travers sa création et s’offre par ce biais à la connaissance de sa
créature. Pour en parler nous sommes tributaires de ce que nous savons.
La connaissance que nous avons du dedans distinct et clos de la nature, peut nous
amener à concevoir un Dieu, ce Tout Autre qui fonde cet autre du dedans, être pur, pure
intériorité qui fonde toute intériorité, transcendance première et dernière. Prenant conscience
de l’être en nous, nous ne pouvons que nous rapprocher de celui qui peut en être fondement,
principe et fin, l’ α et l’ ω, et qui, à travers lui, demeure dans le monde et en relation avec
nous.
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III L’évolution culturelle.
L’intériorité dont nous avions perdu jusqu’à son intuition retrouve droit de cité.
Passer d’une représentation quantitative à un autre qualitative, tout en étant l’ami de
l’un et de l’autre, demande un effort, un détachement intellectuel, une gymnastique de l’esprit
qui peut décourager certains, peu habitués.
L’un étant ce que n’est pas l’autre, le meilleur entraînement pour s’en accommoder est
encore celui de la pratique de la logique primaire, la plus élémentaire et la plus rigoureuse des
logiques à la portée des moins doués des humains.
Le tableau de l’évolution est parlant. Tout indique que les cases vides dans le haut, ne
demandent qu’à se remplir et que la nature créatrice, génératrice, fleuve puissant qui irrigue
en profondeur le monde et lui donne unité et vie en dedans, poursuit son déploiement à travers
l’humain. Aucune raison pour qu’elle s’arrête à sa porte. Ce serait contraire à son principe
même, qui ne s’épuise pas.
Avec le pas de la réflexion, l’évolution se transforme et n’est plus une biogenèse mais
une noogenése. Elle devient psychique.
Notre intelligence est productrice de deux manières : inconsciemment, c’est la Nature
en nous et consciemment, c’est nous dans la Nature.
Nous recueillons dans la conscience, dans leur surgissement originaire, les produits
divers de l’activité inconsciente de la Nature en nous, spontanée, autonome, poussée aveugle,
sourde, dont le principe est interne aux choses.
Cette activité étant le propre de l’espèce, ne peut être le privilège d’aucune race, caste,
classe ou particulier quels qu’ils soient.
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Elle est la source unifiante et vivifiante qui habite au plus intime de nous même, qui ne
tarie pas et qui fait que nous manquons de rien. Elle nous relie à cet autre du dedans, qui fait
penser au Tout Autre Divin.
Elle éveille au plus profond de l’âme de chacun, une aspiration à l’Un, au
transcendantal, à l’accomplissement du monde intérieur.
Et puis nous avons l’intelligence consciente, libre, qui crée à partir des matériaux
qu’elle reçoit une représentation d’ensemble.
Notre hypothèse sera que cette représentation peut avoir une influence sur l’évolution,
positive ou négative selon la figure qu’elle prend.
En effet, par le biais de la logique visuelle, notre représentation en tant qu’image peut
agir sur notre productivité inconsciente. Une fois posées les grandes lignes directrices, son
dessin a tendance à devenir autonome, à susciter ses propres enseignements, renforcer sa
propre cohérence, rejeter éventuellement ce qu’elle ne peut intégrer, combler ses manques, ses
blancs, guider d’elle-même son propre développement, et par là même l’activité productrice
inconsciente, l’idéation.
Ensuite, cette représentation, en raison de sa structure interne, peut contenir des points
remarquables d’entraves qui vont s’avérer à terme défavorables à la progression de
l’évolution, à l’élaboration de synthèses nouvelles ; d’autres au contraire se révéleront comme
étant favorables.
Tout indique que l’évolution culturelle dans son déploiement montant, n’échappe pas
aux lois générales du passé de l’évolution et que sur son chemin, à son tour, elle ne peut éviter
les points remarquables de bifurcations. L’être pensant est alors mis en demeure de choisir sa
voie entre des routes opposées.
Notre représentation et avec elle, notre orientation culturelle est commandée en dernière
analyse par le choix conscient ou inconscient de notre hypothèse première.
C’est dans cette perspective que nous abordons l’évolution pluri-millénaire de
l’humanité et en premier lieu, la grande opposition culturelle qui a marqué son passé
historique, celle entre l’Orient et l’Occident.
L’Occident antique – la cosmologie, la physique, la philosophie hellènes en témoignent
– a fait le choix de l’hypothèse première d’un réel existant qui, pour lui, était tout intérieur,
pur dedans, et l’Orient a choisi l’hypothèse première opposée, d’un non réel, c’est-à-dire d’un
réel non existant, non étant, que ce soit dans ses dimensions intérieure ou extérieure, si l’on se
réfère à ses écrits fondateurs, à sa philosophie et à ses réalisations.
L’ORIENT ET L’OCCIDENT
Culturellement, on peut penser que la terre est ronde. Elle semble former un tout, un
ensemble complet.
Dans notre passé antique, la question de la voie culturelle n’a pas manqué de se poser
aux humains. Certainement après avoir beaucoup tâtonné et essayé, le monde historique s’est
partagé selon deux grandes options culturelles qui ont donné naissance aux deux grandes aires
de civilisations qui ont façonné la planète : celles de l’Orient et de l’Occident si l’on fait
abstraction des cultures restées périphériques et marginales : amérindienne, précolombienne,
subsaharienne, polynésienne, etc.
Le tronc culturel de l’humanité s’est divisé en deux grands ensembles culturels engagés
relativement tôt dans des directions différentes et opposées l’une à l’autre.
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Si l’on en juge par les textes fondateurs qui ont clarifié et explicité, pour chacune de ces
cultures, le sens de la voie, notamment ceux de Parménide et de Lao Tseu, le point
remarquable de bifurcation qu’elles n’ont pu éviter ni l’une ni l’autre, semble se former à
partir de la question de la Vérité : l’Occident à opté pour la « Voie de la Vérité » et l’Orient
pour celle de la « non Vérité ». Arrivé au même carrefour, chacun a choisi sa route. L’un a
pris celle que n’a pas prise l’autre.
Cet engagement divergent à partir de ce que l’on peut appeler la question de la Vérité,
mais qui, en fait, recouvre des choix différents et opposés de philosophie première du réel,
constitue à l'échelle de temps de l'humanité, la première grande expérience culturelle
significative et nous commençons semble-t-il à avoir assez de recul pour en tirer le bilan en
terme d’évolution.
La voie de l’Occident.
Parménide d’Elée (515 – 450 avant J.C.) est le premier, semble-t-il, à formuler de façon
claire et distincte, et ainsi à la fonder, la voie de la Vérité qui sera celle de l’Occident. Il le dit
dans un texte bien connu, intitulé : « La voie de la Vérité » qui commence ainsi :
« Toi, écoutes et retiens mes paroles qui t’apprendront quelles sont les deux seules
voies d’investigation qu’on puisse concevoir. La première dit que l’Etre est et qu’il n’est pas
possible qu’il ne soit pas. C’est le chemin de la Certitude car elle accompagne la Vérité.
L’autre, c’est : l’Etre n’est pas et nécessairement le non Etre est. Cette Voie est un étroit
sentier où, dit la déesse, rien n’éclairera tes pas… ».
La voie de la Vérité affirme la réalité des choses, de la substance, de l’être. Celui qui
s’y avance, cherche à acquérir des savoirs, une Vérité conforme à ce qui est, et le premier des
savoirs, selon Socrate est « savoir qu’on ne sait pas ».
La civilisation grecque s’est engagée dans cette voie de la vérité sur le plan rationnel.
Pour la civilisation judéo-chrétienne, la vérité est d’essence sur-rationnelle,
transcendante. A l’époque de son origine, elle ne peut être que surnaturelle et irrationnelle.
Elle est mono Vérité : « tu n’auras qu’un seul Dieu » Ex 20.3., « Dieu est Un ». Elle vient de
Moïse le prophète, fondateur du monothéisme, le serviteur du Seigneur qui l’a reçu dans les
montagnes du Sinaï, et qui a organisé la sortie d’Egypte et combattu les idoles.
Dans l’évangile, la parole révélée, Jésus dit : « Je suis la Vérité » Jean (14.6). Vérité
intégrale reçue du Père. Et, à sa suite, l’occident christianisé a développé une culture toute
entière consacrée à la Vérité, à la transcendance, et sa recherche a abouti. Elle a donné du
fruit. Les sciences sont nées en son sein, dont les acquisitions constituent une nouvelle
génération de connaissance entraînant à terme un vaste renouvellement de nos
représentations.
L’Orient.
L’Orient et en particulier, l’Orient de l’Orient, l’extrême Orient, la Chine, a fait le choix
initial, opposé à celui de l’Occident.
A un réel existant, il oppose un non réel, un réel non existant, non étant, que ce soit
dans ses dimensions extérieure ou intérieure.
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A travers le Tao Tö King, le livre du Tao, le livre « de la grande voie », Lao Tseu le
vieux maître (VIème siècle avant J.C), a décrit autant qu’il lui était possible pour son propre
milieu, et probablement conformément à celui-ci, le sens du Tao, le sens de la Voie.
Il commence son texte par cette phrase célèbre :
« Le Tao qu’on tente de saisir n’est pas le Tao lui-même.
Le nom qu’on veut lui donner n’est pas son nom adéquat.
Par le non être, saisissons son secret.
…
Pratique le non agir
Tout restera dans l’ordre
…
L’être est issu du non être… »
Les textes de Parménide et de Lao Tseu sont étonnants car écrits à peu près au même
moment. C’est comme si par-dessus les continents, les deux hommes se répondaient. L’un dit
la voie de la Vérité, l’autre, celle opposée, du non être qu’on peut appeler la voie de la non
Vérité.
La voie de Lao Tseu, nous l’appelons la Voie de la non Vérité, car elle est placée sous le
signe de la négation et en procède. Ce qui est important dans ce cheminement, dont le terme
reste la Vérité, c’est surtout, l’étape préalable, le passage par son opposé qui s’apparente à son
absence, le non, le ne-pas, le « Wu » et qui l’amène en fait à tourner le dos à la Vérité. Elle
trouve ainsi une certaine parenté et affinité avec les cultures de l’Invérité moderne, dans la
mesure où l’une et l’autre, en raison de leur philosophie première, néantisent la notion de réel
intérieur distinct existant, étant.
La voie sage de la non Vérité joue sur la négation, le « Wu » qui imprègne tellement la
culture chinoise que certains affirment que le « Wu », le ne-pas, est le mot le plus important,
le pivot de la langue de ce pays.
Mais remarquons que son sens n’est pas tout à fait le même que pour nous. Dans « Wu
Wei », le « non agir », « ne rien faire », la « non intervention », par exemple, il ne nie pas
vraiment l’action, il signifie plutôt : « ne trouble pas l’action par l’action ». Il n’a pas valeur
« d’un principe d’exclusion ».
Par la logique du jeu de la négation, le vide devient le symbole du plein, de l’essentiel. Il
devient premier.
« Trente rayons convergent au moyeu
Mais c’est le vide médian
Qui fait marcher le char… »
Il est mis en avant et devient l’objet d’une quasi mystique :
« Atteins à la suprême vacuité
Et maintiens-toi en quiétude
(tu connaîtras)… l’illumination »1.
En peinture, il en arrive à occuper tout le centre de la composition et Ma Juang, « Ma
un coin », artiste du XIIIème siècle après J.C., de l’époque des Song du Sud, est surnommé
1
Tao Tö King
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ainsi car il va jusqu’à ne peindre qu’un coin de ses tableaux, le reste n’étant que brume légère,
nuage, miroir d’eau.
Sur ce point, comme en de nombreux autres, en relation avec l’opposition de fond
initial, comme en écho, en suivant chacune leur propre logique, les cultures traditionnelles de
l’Orient chinois et de l’Occident en arrivent à être l’antithèse l’une de l’autre.
Les artistes chinois, au lieu de célébrer la belle saison, aiment évoquer l’hiver, la neige,
le pin qui ne perd pas ses aiguilles ; au lieu d’exalter le soleil, ils aiment suggérer l’astre de la
nuit et affectent de dessiner des arches de pont ou bien des portes de pavillon en forme de
lune ; pour peindre l’union, les tendres sentiments, ils préfèrent en poésie, célébrer la
séparation, l’absence de l’être cher.
On retrouve cette opposition dans l’écriture (idéogramme), l’art de s’habiller, de
manger, etc. jusque dans d’infinis détails de la vie quotidienne, comme la manière d’enfiler le
fil dans le chas d’une aiguille, et la couleur du deuil qui n’est pas le noir mais le blanc.
Au pays du Soleil Levant, l’extrême de l’extrême où s’épanouit le bouddhisme ZEN, au
lieu de remplir et d’encombrer l’espace intérieur des maisons jusqu’à en faire des musées,
celui-ci, amoureux de la vacuité, le dépouille jusqu’à la nudité et fait ressortir ainsi l’unique
lavis monochrome ou encore la composition florale constituée d’une unique tige (Ikebana).
J’ai eu l’occasion de faire un périple qui m’a mené progressivement jusque dans ces très
lointaines régions et c’est cette idée qui m’est restée d’une terre qui est ce que n’est pas la
nôtre, et d’un pays dans lequel le voyageur que j’étais, en voyant ce qu’il n’est pas, comprend
ce qu’il est.
Il se peut que les peintres, les mystiques, les calligraphes chinois – mais dans ce pays,
ceux-ci ne font qu’un – aient sondé mieux que nous n’avons su le faire, conduit par leur
propre démarche, la nature Intérieure, source d’eau vive où l’homme puise et qui se donne en
cet instant, celui de la synthèse, où les choses anciennes ne sont plus et les nouvelles pas
encore ; à cet instant où, le temps d’un intervalle de temps, le temps ne nous appartient plus ;
cet instant de relâchement où les choses agissent par elles-mêmes, où il convient de les laisser
opérer, de lâcher prise, de ne pas les troubler, où nous n’en sommes plus maîtres, où l’être
s’efface, devient serviteur, cet instant qui n’est rien, ce rien qui est tout, commande tout,
décide de tout, et d’où tout provient.
Ils ont peut-être, à leur moment suprême, sous la dynastie des Song du Nord, approchés
de façon saisissante le mystère de cette nature en nous transcendante, source de vie à travers
une vision grandiose, « centré sur un pic », « héroïque », où celle-ci est interprétée sous la
forme d’une haute montagne, masse imposante qui culmine dans le ciel, traverse et dépasse
les nuages, d’où naît une rivière d’abord longue cascade, puis eau calme dans la vallée, auprès
de laquelle, sur un sentier la longeant et passant d’une rive à l’autre, chemine un homme
courbé, peinant, caravanier, pèlerin, qui se dérobe au premier regard, insignifiant, minuscule
dans cette immensité, mais néanmoins présent1.
Grandeur de la nature vivifiante, petitesse de l’homme.
FAN KOUAN – début du XIème siècle, « Voyage parmi des torrents et des montagnes » rouleau vertical –
National Palace Muséum- Tapei- L’un des points culminants du « Paysage héroïque ».
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Ils ont essayé d’en reproduire la spontanéité en délaissant l’art de la forme figée pour
celui du premier jet. Ils se sont attachés à son esprit et ont été tentés de s’y immerger au risque
se s’y perdre comme TU FU, prince des poètes de l’époque TANG, dont la légende raconte
qu’il se serait noyé une nuit de pleine une en voulant saisir le reflet de l’astre, sur les eaux
d’un lac.
Contrairement à nous autres occidentaux, barbares entre tous, portés de préférence sur
ce qui est, sur la face visible des choses et à ses fruits tangibles et palpables, en procédant par
négation, par la face cachée, en recherchant l’ivresse de cet instant, de ce rien, de ce qui n’est
pas, au dépend du reste ; ils n’ont récolté, au bout du compte, que le néant, « une absence de
tout »2.
Cette civilisation a produit des œuvres magnifiques que nous admirons, mais, pour
notre propos, il n’en demeure pas moins que dans un premier mouvement au fond d’elle
même, elle a choisi la voie de la non Vérité et de ce fait tourne le dos à celle-ci.
L’Inde, même si elle ne peut être confondue avec son grand voisin, appartient à cette
même famille de pensée par la place qu’elle donne à la vacuité (cûnya), à la manière dont elle
considère le monde phénoménal comme illusion (maya). Par ailleurs, elle donne une idée de
ce que peut produire une culture de ce type dans le domaine social avec le régime cloisonné
des castes où toute idée de communauté au sens transcendantal du terme est absente.
Sur le plan de l’évolution, c’est un fait que l’Orient, s’il a progressé dans un premier
temps, n’a pu franchir ensuite un certain seuil dans l’acquisition des connaissances. Il a stagné
sans pouvoir atteindre un niveau supérieur comme si un verrou l’en empêchait, et il est resté à
l’écart du grand mouvement de l’avènement des sciences. L’évolution s’y est produite sur les
marges et non au centre.
Si nous dressons un tableau de l’évolution culturelle, il apparaît que la voie de la vérité
s’est révélée être une voie favorable et celle de la non vérité, une « impasse évolutive ».
Notons à ce propos que, s’il en est ainsi, cela indique que l’orientation culturelle est
devenue un facteur significatif de l’évolution humaine. Elle ne se produit plus seulement sous
l’effet de la contrainte comme ce pouvait être le cas, semble-t-il – bien que d’autres facteurs
aient pu jouer – à ses débuts, aux temps préhistoriques comme par exemple pour la révolution
du néolithique et la révolution urbaine.
Il semble en effet que l’on puisse expliquer la révolution néolithique par le besoin
d’échapper à l’insécurité alimentaire plus ou moins chronique de ces temps reculés qui
régnaient dans la plupart des régions situées hors de la zone tropicale humide sempervirente et
la révolution urbaine semble s’être opérée également en partie, sous la contrainte, en raison,
nous disent les archéologues, d’un assèchement climatique qui a obligé les populations, dans
un environnement devenu désertique, à se concentrer dans des zones alluviales demeurées
fertiles, et, pour faire face à cette nouvelle situation, à développer leur organisation dans tous
les domaines. Ainsi sont nées les civilisations du Nil, de la Vallée du Tigre et de l’Euphrate,
de la vallée de l’Indus et celle du fleuve jaune. Ainsi, sont nées la ville et l’architecture.
« L’écriture est née à Sumer »3 .
2
3
Bergson
S.N. Kramer – L’écriture est née à Sumer - 1956
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Dans cette évolution ancienne, les contraintes naturelles semblent importantes. Par
contre, aucun facteur naturel, climatique, géologique, pédologique, etc… ne semble intervenir
et être suffisant pour expliquer une évolution divergente entre l’Orient et l’Occident. Il n’y a
pas d’opposition radicale sur ce plan entre l’Asie et l’Europe, alors que nous en avons noté
une sur le plan de la Vérité, sur la manière de penser et rêver le monde.
Ainsi peut-on conclure que, depuis que nous sommes entrés dans la période historique :
1) le choix culturel est devenu le facteur déterminant de l’évolution humaine ;
2) toutes les cultures ne sont pas favorables à l’évolution :
- les cultures de la Vérité sont favorables,
- les cultures de la non Vérité sont défavorables.
Une relation dialectique s’instaure entre culture et évolution.
« Qui cherche trouve ». Qui ne cherche pas, ne trouve pas.
Une culture qui ne reconnaît pas le principe de la Vérité, qui lui tourne le dos, n’est pas
amenée à la rechercher ni à lui offrir la place qui lui revient ; celle-ci ne peut naître en elle.
Au contraire, une culture qui en reconnaît le principe, la recherche même si celle-ci lui
échappe ou vient à lui échapper, sera une culture favorable.
Nous pouvons en déduire ce qui peut être la loi de l’évolution culturelle :
- les régimes culturels qui recherchent la Vérité, reconnaissent la
transcendance, sont favorables à l’évolution ;
- les régimes qui ne cherchent pas la Vérité, ne reconnaissent pas la
transcendance, lui sont défavorables.
L’itinéraire de l’évolution humaine dessine un embranchement en forme de fourche,
comme au niveau de l’évolution biologique et minérale. Elle n’est pas un tronçon à part de
l’évolution naturelle mais elle se situe en continuité avec les autres niveaux ; elle est
structurée de façon semblable et forme une boucle positive ou négative selon le type de
culture.
Mais les rapports n’y sont pas de types contraints, commandés, comme entre
l’information génétique et le reste de l’organisme vivant. Ils sont libres d’un côté et spontanés
de l’autre et les déterminismes sont transcendantaux et non mécaniques.
Notons qu’initialement, entre l’Orient et l’Occident, le choix culturel n’a pu s’opérer
qu’inconsciemment, à partir de tâtonnements divers et sans en mesurer toutes les implications
possibles.
Nous entrons dans une deuxième phase de l’évolution culturelle de l’humanité dans
laquelle le choix devient conscient, en connaissance de cause, libre. Homo sapiens devient
Homo liber.
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MODERNITE
Avec l’avènement des sciences, nous changeons d’âge, nous changeons de philosophie
première, nous entrons dans l’ère moderne. L’acquisition de savoirs mathématiques sur la
nature bouleverse notre paysage mental, apporte toute une nouvelle génération de concepts et
une remise en cause de nos anciennes croyances qui, pour certaines, ne se trouvent plus en
cohérence avec les nouvelles vérités.
L’évolution progresse, fait un pas. Elle fait la conquête du monde extérieur, mais au
prix du monde intérieur. Dans cette nouvelle avancée, le tronc commun culturel de l’humanité
moderne ne va-t-il pas, de nouveau, se diviser en deux routes qui ne se rejoindront plus et qui
engagent l’avenir long et le devenir de l’évolution ?
La question de la philosophie première du réel qu’on ne peut éviter, en fonction de la
présence ou non d’un dedans distinct, a tout pour se présenter comme notre nouveau point
remarquable de bifurcation. En effet, selon qu’on opte pour l’une ou l’autre hypothèse du réel,
les voies qui se dessinent prennent des orientations culturelles opposées. L’une a pour idéal la
création de l’unitotalité, l’autre de l’intotalité et leur destinée en ce qui concerne l’évolution, a
tout pour reproduire les schémas du passé : d’un côté une voie favorable, de l’autre une voie
défavorable.
Arrivé à ce carrefour, l’enjeu mérite qu’on examine chacune des deux options qui se
présentent : la voie de l’agrégat ou voie du pur extérieur et la voie de la synthèse ou voie avec
un intérieur.
I La voie moderne de l’agrégat ou voie de l’intotalité.
La philosophie moderne première du réel pur extérieur, en rupture radicale avec celle
d’un réel pur intérieur, des anciens, a entraîné la conquête considérable du monde extérieur,
mais en même temps, la perte du monde intérieur, autre et plus, que la modernité tient pour
rien et laisse en friche. Cette conquête s’est réalisée au dépend du monde intérieur qu’elle a
évanoui. Et notre temps est devenu plus et moins. Il offre une absence criante de Nature,
d’être Un, essentiel. La modernité fait de l’être, le non être.
Certains, par le biais de la religion ou encore de la philosophie, ont cherché à concilier
dans leur vie personnelle les deux paradigmes : celui des anciens et celui des modernes, celui
de l’Un et celui de l’1. Mais le train de la modernité ne fait pas dans la nuance. Il rompt toutes
les digues d’autrefois, les unes après les autres, envahit la société entière et ne revient pas en
arrière.
Notre modernité, fille des sciences mathématiques et de leur discours, ne marche que
sur une seule jambe. Elle entre dans le deuxième âge de l’évolution culturelle en boitant.
Elle fait le plein en ce qui concerne les avancées techniques, mais fait le vide pour ce
qui concerne le fond de l’être
Cette voie n’est pas celle de l’être, ni celle du non être de l’Orient, mais celle de
l’absence, de la vacance, du néant de l’être intérieur – La grande vacance.
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La métaphysique moderne n’échappe pas à la physique du dehors dont elle est issue.
Elle s’abreuve à cette source qui l’irrigue en elle-même et qui dévitalise l’être.
Comme les sociétés traditionnelles, mais sans le dire, elle établit dans une même
identité, l’ordre de la nature qu’elle perçoit et l’ordre de la société. Elle organise son monde à
l’image du monde du dehors
A l’image d’une nature sans unité en soi, conçue comme simple agrégat de partie, elle
construit une société pur agrégat, sans unité en elle-même, informe, unifiée par des lois
extérieures.
Elle provoque ainsi une rupture culturelle avec le passé d’où elle vient, tourne le dos au
monde de jadis et s’engage dans une nouvelle voie radieuse sans dedans, sans Nature, sans
Etre. Tous frères dans une vision du monde où l’autre du dedans est néantisé.
Une culture du grain de sable, qui compte les choses les unes après les autres, se met en
place et envahit sous nos yeux, dans notre vieille Europe, le terrain jonché des débris
agonisants, sans nombre, des valeurs traditionnelles antiques et chrétiennes, communautaire –
unitaire – identitaire.
La république de l’inintelligence remplit de son industrie prospère le vide de la
technosphère moderne. Elle dessine un monde homogène, à plat et rêve d’un Grand Billard,
Grande Baignoire, économique, social, culturel, universel dont les limites toujours trop
étroites et gênantes sont repoussées au-delà des confins de notre espace intergalactique et sont
abolies dans le principe.
Notre civilisation de l’incivilisation, agrégative, sans âme, amnésique, positiviste,
relativiste, mélangiste, métissiste, pluraliste, chaotiste, néantiste, festive, devient le stade
achevé de l’humanisme et cultive une vision d’où toute intériorité constituée, autre et plus, se
trouve extirpée comme une mauvaise herbe. Ne reste que des pierres.
Sans texte fondateur, ni choix volontaire, elle n’exige pas d’engagement et ne demande
qu’à se laisser glisser sur une voie façon Picasso qui nous sert de rails et d’orientation.
Notre culture de l’inculture, nouvel âge idyllique, pense et fabrique à son revers,
l’utopie de l’intotalité, se complet dans l’Invérité.
La mondialisation des modernes qui sacrifient à l’idée de progrès, ne veut pas dire
convergence vers l’unité Une, mais vers l’intotalité .
L’essence de la modernité, qui ne connaît pas le monde de la synthèse intérieure, est
« synchrèse », c'est-à-dire, mélange, unité extérieure, en surface, unité dans la division,
pseudo synthèse.
La synchrèse en elle-même, intranscendantale, intotalité, s’imprime dans chaque aspect
de sa création. Son art en porte la marque.
Les modernes ont inventé la voie de l’Intotalité qui connaît le monde en petit et non en
grand. Elle propose des vérités sans Vérité, des amours sans Amour, des beautés sans Beauté,
des prospérités sans Prospérité, des spiritualités sans Spiritualité, qui les unissent et les
dépassent. Notre monde sera-t-il avec Postérité ?
 Vérité – Invérité
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Proposition.
Appelons Vérité, la transformation qui modifie la nature de l’ensemble des éléments
d’information, de savoirs, de connaissances, de croyances d’un temps donné, et dont le
produit est avec unité indivise.
Appelons Invérité, la transformation qui ne modifie pas la nature de l’ensemble des
éléments d’information, de connaissances, de savoirs, de croyances d’un temps donné et dont
le produit est sans unité de cette non transformation.
La Vérité en ce sens est trinité. Elle est à la fois : - la transformation
- « ce qui » transforme.
- le « produit » de la transformation.
Elle n’est ni divisible, ni morcelable et ne peut être qu’unité intégrale – Vision – Image
dont les points sont transformés – Cohérence.
L’Invérité sans cohérence fait de l’incohérence la norme et le modèle. Elle fait de
l’image sans image, la représentation.
La Vérité est ce que n’est pas l’Invérité. L’une et l’autre ne sont pas de même nature.
La première est autre et plus. Mais leur opposition n’est pas comme celle entre le vrai et le
faux. Elle est d’une autre catégorie.
La modernité toute extérieure, a pris l’Invérité pour la Vérité et celle-ci se conçoit dès
lors comme un amas de vérités diverses, un état où l’on compte les savoirs les uns après les
autres, où l’on file les systèmes les uns avec les autres, où l’on stocke les connaissances
comme dans notre Très Grande Bibliothèque (T.G.B) sans constituer un savoir des savoirs,
une Vérité qui les unit, les dépasse et les transforme en dedans.
 L’Amour
Proposition.
Nous avons dans la nature des unions de deux types :
1. Les unions qui transforment la nature des membres participants et qui forment une totalité
indivise unitotale.
2. Les unions qui ne transforment pas la nature des membres participants, qui viennent du
dehors et qui produisent une totalité divisible – intotalité.
Les premières possèdent quelque chose en plus par rapport aux secondes : la faculté de
constituer des entités transformées, d’un autre niveau ; les autres, non.
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Nous définirons l’Amour comme étant en rapport avec les unions qui ont ce quelque
chose de plus et autre, qui est du domaine de la synthèse, de « ce qui » transforme et qui
possède son origine dans l’autre du dedans distinct de l’être. Dans ces unions, les membres
« en se liant, se désentravent ». (Frènaud).
Les unions d’état sont sans Amour.
Toutes les unions ne sont donc pas avec Amour. Nous avons celles avec Amour et
d’autres sans Amour. L’union sans Amour est ce que n’est pas celle avec Amour. L’une est ce
que n’est pas l’autre. L’une et l’autre ne s’opposent pas entre elles, comme l’amour et la
haine. Il ne s’agit pas d’une affaire de sentiments : j’aime – je déteste.
L’Amour , qui fait que les choses sont une, ne peut exclure personne et offre à chacun
d’être aimé pour lui-même. Il appartient au monde intérieur, à plus grand que nous et ne nous
appartient pas.
En ce sens l’Amour n’est pas du monde vide du dehors. Il n’est pas du monde
extérieur. Il n’est pas de ce monde et lui est étranger. Il ne le connaît pas. Celui-ci ne sait ce
que c’est. « Mon royaume n’est pas de ce monde ».
Les agrégats, les systèmes morts, sans vie en dedans, sans unité en soi, intotalité, ne
peuvent participer en tant que tels au monde de l’Amour. Ils en sont écartés par nature.
La modernité qui néantise l’autre du dedans, source d’Amour, ne connaît que des
amours sans Amours, des unions extérieures, des unions au sens de fusions, effusions, états,
sentiments fugitifs, relations réversibles ou accumulations, comme on accumule les choses les
unes avec les autres sans transformations.
 Le Beau
Nous pouvons définir un beau transcendantal et un Beau intranscendantal.
Proposition.
Le Beau transcendantal est celui de la forme qui transforme la nature des points qui la
constitue.
Le Beau intranscendantal est celui de la forme qui ne transforme pas la nature des
points qui la constituent.
-
le premier est celui de la forme riche qui enrichie.
Le second, celui de la forme pauvre.
L’un est forme avec unité indivise, unitotale, l’autre est forme sans unité
une.
L’un est synthèse, l’autre est synchrèse.
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Entre les deux, nous avons une différence de nature et pas simplement de variété. Il ne
s’agit pas d’une simple affaire de goût personnel. L’un et l’autre ne s’opposent pas comme le
beau et le laid. Ils ne sont pas comparables.
L’un est ce que n’est pas l’autre.
L’un et l’autre ne sont pas de même nature.
L’un offre ce que l’autre ne peut offrir. Il est autre et plus.
Dans le monde des formes, ils ne peuvent occuper des places similaires. Chacun
possède la sienne qui ne peut être la même que celle de l’autre. On ne peut les confondre
– le Beau en particulier Nous en avons eu en Occident : le Beau gréco-romain, classique, néoclassique et
baroque, où un rationalisme exclusif et abusif entrave la forme, lui impose la perfection de
son ordre cristallin, l’enferme dans ses mailles serrées et l’empêche de respirer et de se
déployer librement.
Puis est né en milieu chrétien, nourri de l’idée de transcendance divine, le Beau
gothique, « barbare », le Beau Nature, synthèse, celui des cathédrales et de l’architecture
civile du XVème siècle, celui des manoirs et châteaux de la Loire, celui des bourgs et villages
anciens, celui des hameaux écartés de nos campagnes. La forme, libérée de tout carcan rigide,
peut naître de l’intérieur, se développer à son aise et traduire à son niveau la vision de son
modèle divin. En elle, peut se déployer l’autre du dedans et se reproduire l’unitotalité, en
faisant de chaque partie une totalité une, entière, distincte, inscrite dans une totalité
d’ensemble transformante qui les unit et les dépasse.
La beauté gothique, derrière le désordre apparent, le fortuit, l’irrationnel, impose sa
forme, crée le Beau qui transforme chaque partie, celui où opère le miracle des rencontres,
l’unité, la synthèse visuelle, la fête architecturale générant une entité, identité nouvelle, une et
unique.
D’un désordre extérieur naît l’ordre intérieur.
Puis vient le beau moderne, en harmonie avec la philosophie première d’un réel tout
dehors, pur agrégat sans dedans, qui s’en inspire et essaye d’en traduire la vision dans ses
représentations et ses créations.
La forme qui en résulte, en rupture, ne reconnaît pas le beau transcendantal. Elle ne
connaît que le beau pur intranscendantal qui n’est pas plus, qui n’est pas autre, qui ne parle
pas, ne signifie pas, ne dit rien car c’est dans son essence d’être comme cela.
C’est un beau qui est amas, fatras, cumul, étalage de points les uns à côté des autres,
dans le silence d’une vie intérieure absente.
Il habille, blanchit le vide extérieur et s’en emplit. Il le célèbre et l’exalte comme si
c’était une grande bouffonnerie. Il compose une figure défigurée, image sans image, image
sans visage, une image de l’intotalité incirconscrite.
Et, à trop s’attarder sur ce beau mort, comme y incite notre art d’avant garde qui aime à
le reproduire, on délaisse celui qui est vivant et qui ne se rencontre plus dans la Cité si ce
n’est que "muséïfié".
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Notre beau moderne aime à revêtir la forme du rien du dehors et il est froid, gris, avec
beautés sans Beauté.
C’est un beau machine, forme brute, nue, minérale, minimale, pauvre, un beau parfois
savant du chaos, du néant transcendantal, de l’être dépoétisé.
Rarement nos élites, avant-gardes à la pensée si lucide, si clairvoyante, vigilante et en
avance auront pu être séduites sérieusement et mettre leur génie et leur zèle au service d’une
telle esthétique qui affecte non seulement l’ensemble mais également les parties et ne laisse
rien lui échapper.
 La Prospérité.
Proposition.
Nous avons deux sortes de monnaie :
- la monnaie dont la nature est transformée qui est la monnaie de tous ;
- la monnaie dont la nature n’est pas transformée qui est la monnaie de
chacun.
La première est la monnaie qui ne s’épuise pas, et la seconde, la monnaie qui s’épuise.
Le problème est que la modernité connaît la monnaie de chacun et non celle de tous.
A la table du monde moderne sans Nature, la prospérité n’est pas celle de tous mais de
quelques uns et tous les enfants du monde n’y ont pas à manger.
La monnaie de tous, la monnaie macroéconomique possède cette particularité de passer
d’une poche à une autre et d’en ressortir intacte en bout de course. Elle ne s’use pas, ne
s’évapore pas, ne disparaît pas. Elle est comme un catalyseur qui se retrouve intacte après la
réaction. Il y en a toujours autant après qu’avant. En théorie cet argent céleste ne peut venir à
manquer.
Mais cet argent de tous se trouve traité comme la monnaie de chacun,
microéconomique, intransformée, celle qui s’additionne, qui est dans notre poche, s’épuise et
fond comme neige au soleil quand on s’en sert, que l’on compte sur son compte, dont on
mesure la hauteur du tas, etc…
Or l’une est ce que n’est pas l’autre. L’une et l’autre ne sont pas de même nature. L’une
est autre et plus. Et, à prendre l’une pour l’autre, notre monnaie moderne de la totalité du tout,
se trouve raréfiée de façon telle que notre monde avancé ne sort pas de l’état de pénurie.
 Le mouvement.
Proposition.
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Nous pouvons distinguer deux sortes de mouvements :
- le mouvement intérieur qui affecte la nature du mobile ;
- le mouvement extérieur qui n’affecte pas la nature du mobile.
Le mouvement intérieur est celui de l’être du dedans qui, sans bouger, bouge. Il n’est plus le
même après qu’avant. Il devient autre. C’est le mouvement profond de l’être, celui qui le
change en lui-même, et le fait accéder à un niveau supérieur.
Le mouvement extérieur est celui de l’être qui change sans changer. Il est le même après
qu’avant, indifférent. Il bouge et reste le même en dedans, et quelle que soit la distance
parcourue, le même coïncide avec l’autre, ce qui manifestement pose problème, comme le fait
remarquer fort justement Alexandre Koyré car cela ne va pas de soi et ne se peut que par sa
force.
La modernité sans idée de l’autre du dedans distinct, ne connaît que le mouvement
extérieur, galiléen. Notre monde avance sans avancer et se perd dans un tournoiement sur luimême sans fin.
 Le Néantisme.
La philosophie moderne première du tout extérieur porte dans ses gènes le néantisme de
la dimension intérieure, le néantisme du dedans, de l’âme, de l’autre en dedans, de l’étranger
dans l’être. Celui-ci, constitutif, consubstantiel à la modernité, fait partie de sa chair. C’est son
envers dont elle ne peut s’échapper et dans lequel elle se trouve enfermée, prisonnière.
Ce néantisme de fond s’est introduit dans la société progressivement, avec constance,
parallèlement à la montée des sciences, avec en contre point le recul de l’idée de Nature et des
formes historiques de cultures. Son avancée fut tout d’abord localisée et passagère :
Schopenhauer (1788–1837) : « Le Monde comme Volonté et comme Représentation »,
Chateaubriand : « Je ne suis rien, je ne suis qu’un solitaire ». Il diffuse ensuite et nourrit le
pessimisme littéraire des années 1900, puis se produit plus tard, sans fard, dans des formes
quasiment pures comme des « diamants noirs », que ce soit en peinture dans le mouvement
non figuratif d’avant-garde, cubiste, suprématiste : Malevitch – « Le rien délivré » - Carré
noir sur fond blanc (1915),( icône de la modernité ), – Blanc sur blanc (1918), ou bien en
architecture dans le refus de tout superflu : « L’ornementation est un crime » ( Adolf Loos) et
dans le refus également de distinctions entre intérieur et extérieur qui amène une recherche de
l’indifférenciation et d’une compénétration de l’un et de l’autre ( Le Corbusier – Mies Van
Der Rohe : mur de verre). En littérature, Beckett, Cian en sont les représentants.
Il en vient d’une manière ou d’une autre, à des degrés divers, parfois extrêmes, ici ou là,
à imprégner dans leur substance tous les secteurs de la société réunis en une même galaxie.
Aucune sphère ne reste à l’écart et n’en porte pas la marque. Joint à une exaltation des
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conquêtes du monde extérieur, il fait la nouveauté de notre culture par rapport à toutes les
civilisations précédentes.
Ainsi l’homme moderne nouveau bénéficie d’un mieux être matériel certain. Les tâches
les plus pénibles sont mécanisées. Sa peine est épargnée et son temps de travail réduit. Chez
lui, il a tout ce qu’il faut et ne manque quasiment de rien ; et pourtant il règne, surtout dans la
classe intellectuelle élevée et moyenne, un mal de vivre certain. Ce n’est plus le vague à l’âme
romantique mais le néant de l’âme ; et ce néantisme au cœur de l’homme se répercute au cœur
de notre société. Il représente le courant le plus puissant de notre culture, reconnu,
récompensé et ses auteurs sont couronnés de prix prestigieux, encensés par la critique qui
salue leur « talent révolutionnaire », aidés. Curieusement, alors que l’homme contemporain
aime et cherche dans le quotidien à vivre normalement, à préserver les liens et à respecter
l’autre, il devient, en tant que lecteur et spectateur, consommateur de cette culture qu’il
encourage et tombe sous le charme des amants du néant qui connaissent le succès et la
notoriété.
On dit du théâtre qu’il n’est qu’un merveilleux mensonge. Mais n’en est il pas ainsi pour
toute transcendance en art ?
Au théâtre, l’acteur joue son rôle. Il devient un personnage de légende, d’un mythe,
d’une histoire. Il n’est plus lui-même, change de nature, devient autre et plus, et accède à un
« statut supérieur », ce qui en fait la poésie.
En peinture, la touche de peinture posée sur une toile à proximité d’une autre n’est plus
de la pâte verte ou noire informe, mais les feuilles d’un arbre, ou bien la pupille de l’œil d’une
personne. Elle n’est plus elle-même. Elle change de nature, se charge d’information nouvelle,
devient autre et plus, et accède à un statut supérieur dans l’ordre de la beauté
A son tour, chaque élément prend place dans une composition où tout se tient et compte.
L’œuvre ne devient œuvre que lorsqu’il n’y a plus à ajouter ou à retrancher quoi que ce soit.
Elle forme alors une unité supérieure
Ainsi en va-t-il pour toute discipline artistique. Le matériau subi une transmutation, un
changement de nature, se charge d’information, et devient autre que lui-même. Alors
commence l’art transcendantal. C’est précisément cette accession à un statut supérieur, à cette
unicité de l’œuvre que s’évertue à détruire au nom du progrès, une certaine culture du néant
qui tient le devant de la scène.
Cela nous donne par exemple :
- Des
toiles
sans
rien,
rien,
monochrome
pur
(Yves
Klein : « Monochrome bleu »), qui rentrent dans les musées, atteignent
des prix considérables et apportent la consécration à leur « créateur ».
- La musique atonale comme musique officielle.
- Le roman sans récit narratif.
- Des mises en scène ou toute distance entre l’acteur et son rôle est banni,
où l’on se permet des rajouts au mépris de l’unité de l’œuvre.
L’humanisme de l’anti humanité envahit la littérature. Nancy Huston dans son livre :
« Professeurs de désespoir », nous retrace la vie et l’œuvre de quelques uns de ces néantistes
de pointe, écrivains à l’enfance souvent douloureuse et malheureuse. Il y a en premier le père
de tous : Schopenhauer, puis ensuite Samuel Beckett, Emil Cioran, Imre Kertesz, Thomas
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Bernhard, Milan Kundera, Elfriede Jelinek, Michel Houellebecq, Sarah Kane, Christine
Angot, Linda Lê.
Ces artistes ont un sixième sens pour percevoir ce qui se joue dans l’univers des
sciences et pour saisir l’essence de la philosophie du monde dans lequel ils sont. Mais loin de
vouloir y remédier, ils s’y sont adaptés, l’ont intériorisé et se sont mis à jouer au grand jour,
cette comédie non feinte, dans leur vécu et leurs ouvrages, contribuant ainsi à étendre le
champ de la néantification dont ils se font les agents. Ceci peut aller jusqu’à faire le tragique
éloge de la mort, du suicide, de la mutilation, de l’inengendrement, de la fin de l’espèce
humaine, à promouvoir le dégoût de la chair et la destruction de la vie.
C’est le noir, très noir, la nuit de l’âme, la grande fêlure, l’immense trou noir de l’esprit
moderne. La terre se fend sous ses pied jusqu’aux abîmes les plus profonds, en son centre où
se tient le seigneur de ces lieux.
C’est tout l’envers de notre gaie société occidentale moderne, la nature profonde de ses
fondements qui surgit et ses racines schizoïdes qui s’y révèlent.
Notre société est dans le noir et nos professeurs du pire, du dégoût de la vie, les amants
de la nuit, de la « poésie noire », nos philosophes mortifères, les prêtres de la vérité noire, le
disent. Ils disent la froideur de notre univers, son obscurité en dedans, sa noirceur, « sa
puanteur », son « pourrissement », sa « déliquescence », le monde en tant que prison, misère,
galère, destruction, dévastation, « dégénérescence », « déchéance », « putréfaction »,
« décomposition », « décrépitude », « dépérissement ». Ils disent le néantisme qui est dans
notre « moderne église » sous forme de « message bordé de noir » jusqu’à la nausée. Ils disent
la haine du monde, de l’enfant, de la famille, jusqu’à faire l’éloge du roi Hérode qui a tué tous
les nouveaux-nés de son royaume, la haine de la chair putrescible, du corps comme accident
malheureux, la haine d’être né, et comment apprendre à mourir, à venir à bout de la vie
humaine.
L’être néantiste remplit le vide noir de la vie de sa vengeance et veut détruire ce qui est.
Son geste n’est pas dénué de manifestation exacerbée de volonté de puissance et de violence.
Malgré le sordide et le morbide, on ne peut le passer sous silence si l’on évoque notre
époque radieuse car il n’en est pas un épiphénomène.
Les ravages dans les âmes sont, on le sait, considérables mais, lorsque le nihilisme d’un
monde sans ciel rejoint le rêve de la « tabula rasa » et qu’ils se conjuguent l’un à l’autre, les
effets peuvent en être décuplés, la comédie devient immense tragédie, et les dévastations,
jamais vues, battent tous les records. Quand le « il n’y a qu’à » rencontre et s’associe avec le
« ce n’est rien d’autre que » , on obtient des formes d’utopie dans l’anéantissement, le
piétinement, l’étouffement de l’individu qui n’est plus qu’une masse et derrière laquelle il ne
repousse rien.
Plus aucun obstacle n’empêche alors la volonté de puissance de s’exercer et de se
déployer sans frein, librement, « pour la bonne cause », sur l’autre, moins que rien, et à la
moindre occasion si celui-ci gène ou entrave la production du rêve envisagé. Plus rien ne
défend de le détruire, de le casser comme on casse des œufs pour faire une omelette.
C’est la guerre de masse (1914-1918), de race (Shoah), de classe (la grande famine en
URSS durant l’hiver 1932-1933), qui marque l’apogée de l’Europe dans le monde (1914).
Il est étonnant que la grande famine artificielle, exterminatrice de la classe paysanne en
union soviétique (l’Holodomor), reste dans l’oubli de la mémoire, à l’écart de l’histoire, plus
de soixante-dix ans après. Elle a frappé la ruralité de régions entières plus vastes que la
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France, dans lesquelles on a confisqué, par la torture s’il le fallait, jusqu’au moindre grain
(excepté pour les villes), pour les entasser dans des silos en plein air, dans des gares, d’où ils
étaient exportés pour obtenir des devises nécessaires à l’achat de biens d’équipement
permettant l’industrialisation, l’armement et la réalisation du plan.
La campagne bouclée sur des centaines de milliers de kilomètres carrés, anéantie par la
faim, la fin du monde pour des millions de gens de la terre, sur leur propre terre, demeure un
crime politique de masse, à la mémoire confinée, comme une sombre histoire de famille que
la modernité dissimule sous ses dehors vertueux et qu’elle maintient dans l’amnésie – au
contraire de la Shoah – comme si elle avait peur de se voir.
De cet acte apocalyptique, censuré, réalisé avec des moyens d’un autre temps, nous
n’avons que peu de traces et, parmi celles-ci, se trouvent les œuvres de Malévitch, le
« samorodok », d’une grandeur sans limites : « Paysans », « Homme qui court », « Figure
rouge », etc., qui en porte témoignage mieux que toute autre chose au monde. Observateur du
drame de la destruction paysanne totale, le vivant dans l’intime de son être, il ne put lui
survivre.
Mais ces immenses tragédies et les cris effrayants des « suicidés vivants », des néantistes
aigus, ont pour rôle également de nous avertir et signifier « l’impasse noire » dans la fin et les
moyens, à laquelle mène la philosophie première du pur extérieur, la voie de l’intotalité.
 Mythes.
Sans le savoir ou sans le dire, la modernité scientifique avance enchaînée aux mythes
fondateurs qu’elle s’est donnés : mythe d’un monde avec un intérieur qui est rien, mythe d’un
monde sans un autre distinct en dedans.
On n’adore pas une pierre, un arbre, un fait ou une réalité brute en tant que tel, ni même
un calcul. C’est à croire qu’on adore bien que des mythes, c’est-à-dire des choses idéelles.
Et notre modernité avancée est elle-même assujettie à des mythes premiers encore
moins tenables que ceux des religions anciennes qu’elle pourfend, mais mieux dissimulés,
moins exposés.
Le veau d’or qu’elle adore trône au milieu de nos places, occupe le centre de nos cités
et s’illustre par le grand Vide de celle-ci. C’est le mythe de la pure extériorité du monde, d’un
rien qui est tout et d’un tout qui est rien.
Il ne s’agit pas de se passer de mythe même démystifié. Le pourrait-on ? Mais entre
celui du rien qui mène à rien et celui du tout qui mène à tout, nous pouvons faire un choix
volontaire.
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II la voie de la synthèse ou voie post-moderne de l’ unitotalité.
La voie de la synthèse propose de joindre au tout extérieur, le tout intérieur, chacun
étant nettement distinct, à sa place, dans son ordre.
Marchant sur ses deux jambes, elle envisage de garder les points forts de la modernité
actuelle tout en remédiant à ses points noirs
Elle associe la physique qualitative à celle mathématique, et développe la
métaphysique de l’être Un qui en découle.
Elle conjugue en elle-même les deux approches complémentaires du dedans et du
dehors, de l’intérieur et de l’extérieur, du grand et du petit, et propose la plénitude.
Au lieu d’être tout et rien, elle se veut tout et tout, et elle est tout.
Voie inédite, elle unie les richesses positives des modernes à celles des anciens, et
réintroduit dans la société l’ordre de la nature renaturée. Elle restitue une terre à un monde de
pierre.
Elle garde et continue de cultiver les sciences quantitatives, mais remet en cause la
philosophie dévitalisante qui en est issue. Elle en propose une autre provenant des sciences
qualitatives.
Ce sera une création nouvelle qui se nourrit d’elle-même, sans imitation de rien du
passé, ni retour en arrière, une création transcendantale qui en soi n’est ni d’ordre mécanique,
ni prévisible, ni déductible, dont on ne peut tirer les plans à l’avance. Elle sera une échappée
hors du système mort, une avancée dans un monde dont nous n’avons pas la suprême
puissance.
Cette création sera ce que n’est pas la moderne intotalitée nue. Elle en corrige les
errances, les insuffisances et le néantisme. Elle sera autre et plus. A l’horizontale, l’1, le
divisible, elle joint la verticale, l’Un, l’indivisible. Au Grand Billard universel social,
économique, cosmique, elle substitue ? une constellation de micro communautés constituées
en réseau, finies et closes, distinctes, debout, réunies en une seule et même unitotalité
transcendante. Elle portera les attributs de la transcendance.
Pour la décrire, nous ne pouvons que nous en tenir à une « docte ignorance » car le
nouveau en soi ne nous est pas donné, pas plus à nous qu’à une avant-garde rebelle.
Produit de l’autre en dedans dont la force ne s’épuise pas et qui en a la charge, elle ne
sera pas fabriquée ni commandée, ni ordonnée. L’ingénieur cède la place au laboureur. Il nous
revient de lui offrir la meilleure terre, les meilleures conditions, le meilleur feu, pour son
développement.
La voie de l’intérieur propose à l’être d’accorder son intelligence avec celle de la
Nature en lui, de manière qu’elle puisse s’y déployer et s’épanouir librement.
Selon cette voie, l’homme accomplit son aspiration transcendantale et son destin
naturel. Il se réalise qualitativement. En lui et hors de lui se réalise l’unitotalité.
Le conquérant se laisse conquérir, le preneur se laisse prendre, le fort est serviteur du
doux.
Comme la membrane circonscrit le noyau et la cellule entière d’un organisme, comme
le finage circonscrit le territoire d’un village, l’instauration dans la société de cet ordre
transformant, avec des entités possédant en elles-mêmes le vivant intérieur, ne peut se réaliser
sans poser des limites fermes qui les circonscrivent dans la « chair ».
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Le monde de l’unitotalité ne peut se satisfaire du « no limits », rêve moderniste qui
loin d’engendrer le rapprochement des hommes, ne peut que provoquer la désintégration de
toute communauté vivante, par la suppression de toute distinction entre le dedans et le dehors,
et laisser la place à de vastes et purs agrégats morts.
Notre époque aspire à la synthèse et la réclame. Elle ressent un besoin incoercible de
synthèse que ne peut satisfaire la pseudo synthèse.
Dans son essence, et en son centre, le monde de la post modernité est synthèse
intérieure et non agrégat..
Cette synthèse, en elle-même, est Une et transcendante. L’Un en est le cœur et
s’imprime dans chacune de ses micro créations. Son art en porte la marque.
Dans un monde réhuméïfié, notre village global encellulé, nucléé, avec ses éléments
individualisés verra naître en lui l’Unité, l’Amour, la Vérité, le Beau, la Prospérité et la
Spiritualité.
 Amour
L’Amour trouve sa source non pas dans le vide du dehors mais dans l’autre du dedans,
qui s’offre dans un don gratuit.
Il n’est pas machine, ni mécanisme. Il ne se fabrique pas, ne se saisit pas, mais saisit. Il
ne se manipule pas et ne nous appartient pas. Il est plus grand et autre que nous. Nous ne
sommes pas de la même nature, mais il nous revient de lui offrir une structure adéquate où il
puisse se déployer à son aise.
Les unions qui en naissent ne sont pas des unions agrégatives, mais des unions
synthèses, unions supérieures qui transforment la nature des membres participants, qui ne sont
pas du même au même, improductives, mais du même avec l’autre, productives.
Dans une union synthèse, les éléments participants sont en nombre petit, fini, défini,
circonscrit.
Ces unions ne sont pas changement d’état mais de niveau. Elles ne sont pas dans la
fusion, l’effusion, la dilution, la dissolution comme dans un sentiment « océanique », la
désintégration, la décomposition, la déconstruction, mais dans la construction, l’édification, la
transformation ,la génération d’une entité micro indivise nouvelle dans laquelle les membres
participants se perdent et renaissent à une vie nouvelle.
L’Amour en ce sens est peut-être inséparable de l’idée de descendance à travers
laquelle l’être s’accomplit, d’une « Postérité aussi nombreuse que les étoiles » Abraham –
genèse 22.17.
Il ne s’agit pas de se dissoudre et de se mêler au Grand Tout, dans une union illimitée,
comme une goutte d’eau dans l’océan, mais, étant riche de toutes ses aptitudes, de se donner
dans une union limitée, micro, où chaque élément modifié est indispensable et compte pour ce
qu’il est.
L’Amour social ne peut être, en soi, une union d’état ni une union contre l’autre, un
camp contre l’autre, union dans la division, qui rapproche mais qui n’est qu’un semblant
d’union.
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Il ne peut être qu’union issue de l’autre du dedans, unitransformante et demande pour
s’incarner la présence de structures propices, circonscrites, finies, closes.
Seul une telle union qui prend sa source dans ce qui est autre en dedans, pourra éviter
les parodies de comportement.
Rêver le monde ne demande pas simplement de transformer le monde, mais de
transformer la nature du monde, ce que la contrainte et la crainte ne nous donnent pas.
Changer le système ne change rien si on ne change pas la nature du système, ce qui change
tout.
 Vérité.
Le monde à construire sera avec Vérité.
A la polyvérité des modernes, il propose la monovérité, Vérité-une qui unie, dépasse et
conserve toute vérité en elle-même, en harmonie avec nos connaissances objectives.
Elle est d’un ordre de pensée sur-rationnelle.
- Irrationnelle, elle est synthèse de croyances.
- Rationnelle, elle est synthèse de savoirs.
Dans un premier temps de l’histoire de l’humanité, faute de connaissances, de savoirs
en cohérence avec son époque, la vérité unitive n’avait d’autres solutions que d’être
irrationnelle.
Aujourd’hui avec l’émergence de multiples savoirs objectifs, on peut concevoir qu’une
Vérité « rationnelle et sur-rationnelle », issue d’une démarche logique « analytique et
synthétique », qui n’est pas un savoir comme les autres mais un savoir des savoirs, d’un degré
d’intégration supérieur, et dans laquelle tous puissent communier, soit appelée à naître.
 Beauté.
La modernité du tout extérieur a jeté à bas l’ancienne alliance entre la philosophie, les
arts et la religion. La modernité avec un dehors et un dedans distinct renoue avec elle.
L’art en peinture, en sculpture, consiste à construire une représentation imagée, figurée,
toujours constituée en elle-même, à un premier niveau, de points matériels.
Lorsque cette représentation transforme la nature des points qui la composent, on peut
dire qu’elle manifeste dans la forme artistique, dans le visible, le transcendant c'est-à-dire
l’essence spirituelle présente dans le monde.
Lorsque la représentation offre une image sans image, sans visage, d’où le sens en est
absent, où c’est le chaos, le néant transcendantal comme dans un certain art abstrait, la nature
des points composants de l’image n’est pas transformée. Alors l’essence spirituelle de la
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nature ne peut se manifester en elle. L’œuvre d’art intranscendantale n’est pas la
manifestation de la spiritualité.
On peut dire que l’artiste s’accomplit lorsque s’accomplit dans son œuvre l’essence
transcendantale, spirituelle du monde. L’artiste y fait alors l’expérience de l’esprit. C’est l’une
des plus hautes activités qui puisse être donnée à l’homme et ce superflu essentiel lui est tout
aussi indispensable que le boire et le manger.
La Beauté du monde ne peut être agrégat morcelé de beautés qui s’exposent les unes à
côté des autres, étrangères les unes aux autres, mais synthèse qui les unifie en elle-même de
façon à ce que l’ensemble ne fasse plus qu’une seule œuvre transcendantale qui les
accomplisse.
Ainsi ce qui fait la Beauté du monde, ce n’est pas une œuvre, ou deux, ou mille isolées,
toutes plus belles les unes que les autres, mais toutes ces œuvres rassemblées en une seule et
même unitotalité.
Ainsi dans nos anciennes provinces, ce n’est pas la beauté d’une maison ou de dix, d’un
village ou de dix, qui en fait la Beauté, mais le fait que l’ensemble des édifices d’un village ou
de dix villages encellulés, nucléés, composant un « pays » avec son paysage environnant,
forme une unitotalité dans la variété de ses constituants, que le passant ne peut s’empêcher de
ressentir et qui le renvoie à lui-même. Ceci nous dit aussi que, dans notre moderne
temporalité, c’est possible.
La beauté moderne fait étalage de mille styles séparés qui se côtoient sans se rencontrer,
mille grains de sable qui s’éparpillent côte à côte sans s’unir. Elle cherche sa cohérence dans
l’exposition d’une savante incohérence, dépourvue de vie intérieure, reproduction de
l’intotalité extérieure.
Synchrèse en elle-même, dans l’incapacité de s’élever, elle reste plafonnée à une
production émiettée, à un travail en petit et demeure inaccomplie.
Seule peut actualiser sa capacité à s’élever pour atteindre un niveau supérieur qui la
dépasse et travailler en grand, la créativité qui s’inscrit dans l’art de l’unitotalité
transcendante.
Cette créativité n’imite pas la nature extérieure sans voix mais celle qui est dans
l’intérieur distinct, qui est autre et plus, productive, transformante, poétisation.
Le Beau Nature, celui de Bebenhausen d’où il ne pouvait sortir de philosophe qu’un
philosophe de la nature, aime à se laisser revêtir de la forme resplendissante de l’unitotalité de
son modèle divin. Il essaye d’en actualiser le merveilleux dans sa création et de le
reproduire.
L’artiste en harmonie avec celui-ci, réintroduit dans son œuvre le principe de l’unité
supérieure, de la forme qui transforme la nature des points qui la compose, image lisible,
image avec visage, image animée par le Vivant intérieur. Il s’oriente vers un beau qui parle et
signifie.
Par sa création, par son travail ouvré, le maître d’œuvre, insuffle une parcelle, étincelle
de nature divine dans la matière inanimée. Il s’accorde avec les forces cosmiques unitives qui
irriguent la nature en elle-même et il enrichit la Beauté du monde.
L’humble génie de l’architecture Nature des masures et vertes collines rend douce la
matière dure, vivants les corps morts. Il fait descendre le céleste sur terre, le divin dans le
monde.
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Les ouvrages architecturaux ne sont pas empilements, entassements, répétitivité infinie
d’un même module, mais individualisation de chaque partie, chacune étant totalité une, finie,
unique, achevée, dans la totalité du tout entier.
Le dedans distinct n’est pas pareil que le dehors.
L’espace n’est pas décloisonnement total, déstructuration, création d’un vide intérieur
où tout se joue sous le regard des autres et même dans les réalisations les plus avancées de
l’architecture, ce qui est le plus intime, mais espace clos avec intériorité, intimité, ce qui
demande un limitant, un limité et un noyau, à la manière d’un tout bordé et centré, et non à
celle d’un agrégat incirconscrit et vide de tout.
L’urbanisme agrégat informe des banlieues pavillonnaires des villes modernes, laisse
la place à un urbanisme de la forme close, une, centré sur un espace intérieur, encellulé,
nucléé.
L’ornementation en œuvre trouve sa place dans la rue.
 Prospérité.
La prospérité est celle de tous. A la table du ciel, tous les enfants ont à manger. Chacun
a sa place et sa part. Le père du ciel pourvoit à chacun et personne ne manque de rien.
C’est en répondant spirituellement à cette question matérielle que nous l’assurerons.
L’argent de tous, la monnaie macroéconomique, celle de la totalité du tout, qui n’est pas
de même nature que celle qui est dans la poche de chacun qui, elle, s’épuise, celle dont la
création ne coûte quasiment rien, est maîtrisée de façon à ce qu’elle ne manque pas et qu’il y
en ait suffisamment pour ne pas freiner l’activité de production par « défaut d’irrigation »
mais pas trop non plus pour ne pas tomber dans l’excès et l’inflation.
Pour ce qui est du pilotage de la création d’une monnaie démonétarisée, je renvoie le
lecteur qui veut pousser plus loin aux experts de l’association « chômage et monnaie » qui
vous diront, dans leur langage, comment ce problème est maîtrisable en substituant pour une
large part, le mécanisme de la création de monnaie temporaire par celui de l’émission de
monnaie permanente dont le contrôle est plus aisé et fin.
Mais quoi qu’il arrive, même en situation de Prospérité, nous ne pourrons échapper à
notre condition terrestre, nous ne pourrons jamais avoir rien sans rien et les ressources
naturelles matérielles ne sont pas illimitées ni toutes inépuisables. Notre monde habitable est
fini et notre planète demande à ne pas être détruite, pour nous et les générations futures.
Il nous revient de le préserver et aussi de faire le monde non pas agrégat mort mais Un
et transcendant.
Dans un tel monde unitotalité, chaque élément composant, c'est-à-dire chaque étatnation sera lui-même Un et transcendant. Etant totalité une et unique, chaque pays sera
géographiquement fini, limité et clos, donc avec frontières définissant un microcosme
circonscrit et économiquement, il sera avec barrières régularisatrices.
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Frontières et barrières déterminant un domaine intérieur, lieu de tout accomplissement,
possédant son être et sa vie propre, distinct du domaine extérieur. La mondialisation dans sa
totalité et chacune de ses parties individualisées, sera œuvre transcendantale et harmonieuse.
Elle ne sera pas dilution dans un espace sans limite, mais plutôt, regroupement en
communauté locale.
Nous serons amener à « faire village », pour faire face à une économie d’après pétrole à
basse énergie et d’autre part pour permettre le développement qualitatif de ses habitants.
 Spiritualité.
Entre la philosophie de la nature et le spirituel, on peut dire que l’une et l’autre sont
dans une même alliance. La première s’intéresse plus à « ce qui est » et la seconde à « celui
qui est ».
Désenchanté par une philosophie première de la nature qui pose dans l’absolu un
univers pur extérieur, qui néantise l’autre en dedans et dresse un mur entre l’homme et le ciel,
le mouvement de respiritualisation du monde ne pourra s’amorcer qu’à partir d’un
changement de philosophie première qui le réintériorise, lui apporte un ciel, et dans laquelle la
spiritualité n’est plus accident bizarre mais norme.
La voie intérieure restitue le principe d’un autre en dedans, autre et plus, vivant, présent
et agissant. Elle redonne un ciel à l’être et renoue avec le spirituel en lui. Elle reconnaît
l’Eternel, « celui qui est », l’Un, comme son centre.
La spiritualité n’est plus alors de l’ordre du discours, mais devient vie de relation,
d’écoute, de prière, d’abandon et de contemplation :
« Mon Amour est descendu
Dans son jardin »
Cantiques des cantiques.
Dans son jardin
Il est descendu.
Depuis toujours, le croyant puisant au fond de lui-même, fermant les yeux, rentrant en
lui-même, dans sa quête intérieure, se rend pour prier et se recueillir dans des temples ; et ces
temples, il ne les a voulu comme des enceintes en forme de « tabernacle », à l’image du
microcosme fini, circonscrit, non pas par pur fantasme mais parce qu’il pressent en son fort
intérieur que ce cadre clos est le plus propice pour rejoindre ainsi la réalité profonde de cet
autre en dedans informulé, Vivant, plus grand que lui, qui l’habite et le dépasse.
Dans le même esprit, saint Augustin dans ses confessions, nous indique qu’il préfère
chercher la vérité dans son monde intérieur plutôt qu’à partir des connaissances du monde
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extérieur sans cesse remises en question et qui donnent de celui-ci une image toujours
changeante : « Je crois le soleil se mouvant autour de la Terre, mais ne serais-je pas conduit à
un point de vue inverse si j’en savais un peu plus sur le monde ? Et cette quête pour connaître
est un puits sans fond, il me restera toujours une immensité de faits que j’ignorerai. Il en est
ainsi aujourd’hui, il en sera ainsi demain… »
Puis, contre toute vraisemblance, tournant le dos à toute rationalité, dans un effort de
réflexion et d’intuition a priori, il en vient à concevoir le cosmos comme un « tabernacle »,
mais dans sa déraison, était-il si éloigné que cela de la réalité ?
L’idée de paradis, un des mythes les plus puissants qui soit, dont le terme à l’origine
veut dire littéralement « enclos du seigneur » ne relève-t-il pas également de cette vision d’un
jardin d’Eden, jardin clos présent dans le monde, pressenti, informulé, habité par cet autre en
dedans, le « seigneur » ?
Au cours des temps, la configuration du temple religieux change et se fait l’écho de
notre manière d’approcher le réel et de l’intelliger.
Dans l’Inde dravidienne, en Egypte pharaonique, en Grèce ou en Israël antique, le naos,
le saint des saints, le temple intérieur, est un espace de volume très restreint alors qu’il éclate,
se dilue et se gonfle pour prendre des proportions considérables avec l’arrivée du
christianisme comme à Sainte Sophie de Constantinople. En même temps, il devient
accessible et ouvert à tout un chacun. Dans la pensée chrétienne, tout être est conçu comme
habité en lui-même par Dieu et peut entrer en relation avec lui.
La culture chrétienne a introduit l’idée de transcendance divine dans la pensée antique
et joint cette vision à celle du cosmos tout intérieur. Son modèle est le divin – unitotalité
transcendante –.
Elle a développé une communauté humaine non pas nivelante mais vivante en soi, où
chaque personne est reconnue, non pas comme un numéro, mais comme unique et distincte.
Elle a cultivé l’Amour, force qui anime, unie et transforme, dans les cœurs, les esprits,
la vie sociale, autant que le permettait le régime de pénurie matérielle qui régnait alors.
Elle a recherché la Vérité de toutes ses forces et donné naissance à son sommet aux
sciences qui produisent une nouvelle génération de connaissances.
Elle a su imprimer la Beauté dans le tout et chaque parcelle de son univers, dans chaque
lieu, cité, ville, village et paysage. Elle a été une créatrice incomparable.
Elle s’est donnée dans le mouvement de l’être.
Elle a trouvé son ciel.
Mais elle a oscillé.
Les chrétiens croyant en Jésus Christ, Dieu incarné, Vrai Dieu et Vrai homme, ont
balancé au cours de leur histoire entre ces deux pôles : intérieur - extérieur, transcendance et
intranscendance, Dieu et homme. Tantôt l’un, tantôt l’autre. Ils sont passés d’un extrême à
l’autre, de « l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi » du temps des moines, à « l’amour de
soi jusqu’au mépris de Dieu » des temps modernes. Et aujourd’hui notre temple intérieur se
trouve réduit à sa plus simple expression : un point sans dimension.
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 Le mouvement.
Le mouvement intérieur naturel représente le mouvement profond de l’être, celui qui le
change en tant que tel et le fait devenir autre, celui dans lequel le sujet, de synthèse en
synthèse de plus en plus larges, s’individualise, se réalise et s’accomplit.
Ce mouvement vient de l’autre du dedans et se traduit par un déplacement dans
l’échelle de l’évolution, une élévation. C’est un mouvement vertical. De ciel en ciel, l’être
gravit les échelons de l’évolution et trouve son .
Y a-t-il un terme à cette progression qui nous attend ? Le nombre de cieux est-il limité
ou ne l’est-t-il pas ? Nous entrons dans le domaine de l’inconnu. Contentons nous de l’idée
qu’arrivés au septième ciel nous trouverons le repos éternel dans un face-à-face avec celui qui
en est principe et fin.
Conclusion.
UNE PERSONNE – DEUX NATURES.
Nous participons de manière constitutives de deux dimensions, l’une céleste qui est
synthèse unitive animée par l’autre du dedans et celle terrestre qui est unité agrégative avec
pour ciment le vide du dehors.
Le ciel et la terre, transcendance et intranscendance, Dieu et homme.
Ce ne peut être l’un ou l’autre, mais l’un et l’autre, coprésents, distincts, non confondus,
unis et reconnus dans une même personne.
Le ciel n’est pas pareil que la terre.
Mais on peut faire descendre le ciel sur la terre et, en toute chose, marier l’un à l’autre.
VERS UN NOUVEAU CIEL ET UNE NOUVELLE TERRE.
De ciel en ciel nous allons.
Nous sommes en voyage
Nous changeons d’ancrage.
Nous quittons un port pour un autre.
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L’accostage sur une nouvelle terre
Sera la récompense de notre grand voyage
Mais en chemin attention…
La pensée, on le sait se mondialise et se développe en une « noosphère » pour reprendre
le terme de Teilhard de Chardin.
Proposition.
Nous pouvons envisager deux sortes de noosphère :
1. La noosphère unitotalité où chaque membre de la terre participe à une union supérieure
qui le contient et le dépasse.
2. La noosphère intotalité où chaque membre de la terre participe à une union dans la
division, sans transcendance, sans unité en soi.
Chaque membre dans cette société est lui-même intotalité divisible et unité
divisée.
L’une est ce que n’est pas l’autre, l’une et l’autre ne sont pas de même nature. L’une est
plus et autre.
L’une est la réalisation du rêve unitotal en chacun, le rêve de l’Un et tout, d’être Un et
tout. C’est le monde animé par l’autre du dedans, qui fait naître l’unité spirituelle, l’Amour
social sans frontière, la fraternité humaine qui vient de plus grand que soi , la Beauté qui
imprègne chaque pouce de terrain, la Prospérité qui fait verdir les déserts. Ce monde ne
délaisse pas la dimension horizontale.
L’autre, c’est la réalisation du rêve moderniste intotal, rêve minéral, minimal,
intranscendantal, rêve d’un monde indistinct, incirconscrit, émietté en mille morceau, tout
agrégat, où l’unitotalité ne peut s’actualiser et où règne le vide de l’absence, le manque de vie
spirituelle, de Social, de Beauté, de Prospérité.
Chacun se tient séparé, isolé à côté de l’autre, momifié en poussières, qui rejoint la
foule solitaire, cosmique des grains de sables qui se promènent dans le vide de l’univers
sidéral immense.
Depuis plus d’un siècle, la conscience humaine s’est éveillée à l’idée d’évolution qui
anime le monde et le porte en avant. L’évolution est devenue consciente d’elle-même selon
l’expression de Julian Huxley. Nous la tenons dans nos mains et nous ne pouvons plus nous
en défaire, ni nous voir comme avant. L’homme moderne accède à une nouvelle vision, un
nouveau cadre de pensée qui embrasse non seulement le temps et l’espace mais aussi la durée
et nous ne pouvons plus nous voir que situés dans cette durée.
Nous sommes partie intégrante de ce cadre en même temps qu’observateurs. Nous
remontons le temps depuis les origines premières et nous voyons défiler devant nos yeux de
façon ininterrompue l’enchaînement des formes de matière et de vie en une série continue,
jusqu’à nous. Apprenant à mieux connaître le passé, nous acquérons le don de voir en avant.
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Désormais, l’affaire de l’évolution, la grande affaire, se joue à notre niveau et nous en
devenons responsable. Quoi que nous fassions, nous sommes confrontés et nous ne pouvons
échapper à la question de son avenir.
A travers le phénomène humain, l’évolution gagne les zones psychiques et devient
spirituelle. Le spirituel acquiert une primauté évolutive. La pensée est propulsée au premier
rang de la scène de l’évolution.
Teilhard de Chardin fut certainement l’un des grands artisans de l’éveil de la conscience
à la vision de l’évolution, mettant l’accent sur l’ampleur du mouvement, sa cohérence
irréversible, sa montée vers l’homme, flèche avancée, son dernier-né, la complexité croissante
des formes produites par celle-ci et, se démarquant du positivisme ambiant, il ne pouvait
s’empêcher de poser un dedans des choses. Mais tributaire de son temps, et pris par sa propre
vision, il ne pouvait s’en échapper et développer une représentation qualitative du réel.
Il notait également l’inquiétude, l’angoisse cachée de l’homme moderne qui porte
désormais en lui le poids de la responsabilité de ce courant montant et qui ne peut plus se
dérober. Quoi qu’il fasse, il prend position. S’il fait l’autruche et feint de l’ignorer, il risque de
se retrouver malgré lui enfermé, dans une voie bouchée, sans issue, qui sera son tombeau.
A travers la question de l’évolution, l’homme joue sa destinée. Un tel enjeu mérite
qu’on s’y arrête et qu’on cherche une ouverture favorable.
Cependant, comme on le sait, cette vision de l’évolution est loin d’être partagée dans la
communauté de pensée moderne. La vue qui y prédomine est celle, inverse, d’une évolution
sans verticalité, qui avance sans direction privilégiée. L’homme sans destinée n’est pas tête
émergente, où s’il l’est, c’est tout à fait fortuit, par accident. Dans ce cadre, toutes les
orientations sont équivalentes et se valent. Tout évolue et rien n’évolue. Mais ne pas
intervenir, c’est déjà intervenir.
On sait que cette réflexion s’inscrit en harmonie avec les sciences physicomathématiques qui, nous l’avons vu, refusent par principe et sont, de ce fait, aveugles à toute
considération sur l’intériorité des choses. Elles nient et néantisent tout dedans distinct et clos.
Le risque du paradigme du tout extérieur et de la mathématisation du réel, c’est qu’audelà des avancées très importantes qu’il apporte sur le plan des savoirs et techniques, il ne soit
fermeture fatale sur lui-même.
Il revient à la philosophie, libre de toute entrave dans ce domaine, de se placer audessus et d’exercer une réflexion critique sur le postulat premier de toute discipline et de
celle-ci en particulier.
Il lui revient de porter son regard sur les théories premières du réel en fonction de la
problématique intérieure – extérieure qui conditionne toute approche de celles-ci.
Nous avons vu que nous pouvons énoncer quatre hypothèse : le réel est pur extérieur,
ou pur intérieur, ou bien intérieur et extérieur, ou encore ni l’un ni l’autre, c'est-à-dire non
étant. Ces quatre hypothèses premières donnant lieu chacune, à l’un des quatre grands
paradigmes de la pensée suivants : celui de l’Orient, celui de l’Occident ancien, celui de
l’Occident moderne et le dernier, non encore réalisé, reste à venir.
La philosophie première du réel pur extérieur qui correspond au paradigme de
l’Occident moderne, si productive qu’elle soit sur le plan des connaissances quantitatives, ne
nous satisfait pas pleinement car elle rejette l’autre moitié du monde, l’Un, l’essentiel, le
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qualitatif et ne peut apporter la plénitude. Nous en voyons les effets. Or même si cette
ambition est démesurée, qui ne veut pas tout ?
Dans cette optique, la théorie qui conjugue l’approche intérieure et celle extérieure, de
manière distincte, de l’univers, en étant l’ami des deux, me semble la mieux à même
d’apporter ce que nous cherchons.
Elle suppose d’adjoindre à la physique du dehors, quantitative, une physique du dedans,
qualitative.
Cette dernière nous permet de progresser dans notre compréhension de la construction
interne de l’évolution, au moyen de ce qui peut être sa radiographie. Elle nous donne de
pénétrer à l’intérieur de son mouvement sans l’affecter, en respectant ce qu’elle est.
Nous entrons dans le monde de l’évolution et nous y voyons alors distinctement et
nettement d’un côté une colonne centrale qui la porte, son âme, le moyeu qui fait tourner la
roue du char de l’univers, la Nature intérieure animée par l’autre du dedans, et, autour, le
corps enveloppant, inactif, passif, inerte, improductif, qui selon sa configuration favorise ou
au contraire s’oppose à sa marche en avant.
Du fait de l’hominisation, ce mouvement se produit aujourd’hui au niveau de la pensée.
Celle-ci atteint un niveau tel qu’elle se déploie extérieurement en une noosphère planétaire.
Celle-ci, de par sa configuration propre peut devenir facteur d’évolution négatif, si elle
contient en elle-même des points d’entraves incontournables ou positifs.
Or il se trouve que nous pouvons agir sur la structure de cette enveloppe externe grâce
aux ressources de notre intelligence consciente, de façon qu’elle offre le moins
d’inconvénients à la marche en avant de l’évolution et qu’elle n’en provoque pas l’arrêt.
En y intégrant une vision qualitative du réel, nous pouvons agir dans le monde en lui
apportant la dimension céleste qui lui manque et lui éviter de plafonner.
Nous pourrons ainsi le rendre meilleur et en même temps le mettre sur la route de
l’évolution positive.
La deuxième phase de l’évolution humaine manifeste le choix réfléchi de la voie
culturelle. Il s’agit pour nous de jouer notre avenir.
L’humanité semble avancer, malgré les apparences, en ordre, en essayant
méthodiquement les grandes options premières à propos du réel, qui se présentent à elle, et en
éliminant impitoyablement les fausses routes, c’est-à-dire les hypothèses qui ne conviennent
pas, les unes après les autres.
Tout d’abord, l’option première de l’occident ancien, d’un réel existant, s’est révélée à
l’expérience, plus féconde que celle d’un réel non existant, non étant, de l’Orient. Puis le
choix de l’hypothèse d’un réel pur extérieur des modernes s’est révélé plus favorable que
celui de l’hypothèse d’un réel pur intérieur des anciens pour l’acquisition de connaissances
scientifiques et numériques. Mais, à l’usage, cette option moderne présente de très graves
inconvénients sur le plan qualitatif et sur celui de l’être, et demeure insatisfaisante.
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Pour y remédier, il nous reste dans l’ordre des possibilités, une dernière alternative :
celle de l’hypothèse première d’un réel avec une double dimension intérieure et extérieure qui
n’a pas encore été tentée mais qui ne pourra que l’être un jour.
Alors l’humanité aura fait le tour et épuisé les quatre hypothèses premières qui se
présentent à elle. Elle sera à même de faire son choix définitif. Avant que d’autres ne
surgissent sur sa route, dans d’autres domaines…
Mais pour le présent, il nous reste à trancher entre deux options : l’une propose un réel
unidimensionnel, un dehors seul, sans dedans et conduit à la voie de l’intotalité qui se
construit selon ce modèle et qui prend forme sous nos yeux avec tous les déboires que l’on
sait.
L’autre propose un réel bidimentionnel, avec un dehors et un dedans distinct et clos qui
conduit à construire l’unitotalité.
De nouveau deux voies divergentes. De nouveau un carrefour marquant un point
remarquable d’inflexion où se joue notre futur.
- La voie post moderne de l’unitotalité :
En elle s’épanouissent les deux dimensions : intérieure et extérieure. L’une et l’autre
sont prises en considération et trouvent leur équilibre, chacune à leur place. La première
relève de l’autre qui nous habite en dedans et ne se fabrique pas, la seconde d’ordre
mécanique, se fabrique et relève de notre intelligence consciente.
Elle combine horizontale et verticale, transcendance et intranscendance.
Elle suppose dans la pensée une physique du dedans en complément de celle du dehors.
Elle cultive deux sciences, l’une quantitative et l’autre qualitative ; chacune étant au
même niveau, à part égales.
Les sciences quantitatives y continueront leurs développements comme auparavant et les
sciences qualitatives orienteront la philosophie et les valeurs humaines à venir.
Elle demande pour s’incarner, la présence de micro structures circonscrites, finies,
closes avec des limites nettes.
Elle propose une sortie d’Egypte. Elle envisage des créations avec une âme et de mener
vers une civilisation transcendantale, un civilisation de l’Amour.
Après le nouveau et l’ancien testament, elle scelle une nouvelle alliance. Elle renoue
avec la voie de la vérité de l’Occident, elle prolonge et renouvelle le « phylum chrétien », en
fonction des nouvelles connaissances, en quelque chose d’autre et distinct.
- La voie moderne de l’intotalité :
La modernité fabrique selon son modèle, un monde désintériorisé, mécanique, sphère
plate, champ informe, en morceaux, sans vie, sans âme, sans qualitatif.
Elle ne connaît que la pure horizontale et ne peut s’élever en son centre. Son évolution
reste confinée aux marges.
Elle imite le monde extérieur, nouvelle idole, nouvelle fin et rompt l’alliance avec
l’Eternel.
Unitotalité ou Intotalité, avec dedans ou sans dedans ?
Inévitablement, entre ces deux voies, le tronc commun de la modernité va se scinder en
deux branches maîtresses opposées.
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De nouveau, pour l’évolution se répète le schéma en forme de fourche et se pose le
problème du choix de la voie.
Le passé de l’évolution, nous aide à entrevoir l’avenir.
L’incertitude qui résulte du jeu des tâtonnements et de la liberté nous amène à envisager
trois hypothèses :
1. La modernité poursuit son engagement dans la voie actuelle de l’intotalité et tourne le dos
à celle de l’unitotalité.
Elle reste tributaire d’une philosophie avec des points d’entraves incontournables car
posés dans l’absolu et qui consistent en l’absence de dimension intérieure distincte reconnue.
En raison des enseignements du passé immémorial, le chemin qui emprunte cette direction a
tout pour se révéler, à terme, une impasse évolutive. Tout indique qu’il s’agit d’une voie du
genre défavorable : « Un étroit sentier où, dit la déesse, rien n’éclairera tes pas »
2. La voie de l’intotalité et de l’unitotalité cohabitent.
L’humanité est divisée entre deux idéaux d’évolution qui s’opposent et la déchirent par
un schisme interne, source de discordes, de conflits et d’antagonismes, réduisant à néant toute
tentative d’unité.
On ne peut concilier deux voies opposées comme on peut associer deux parties
complémentaires d’un même ensemble. Ce ne peut être à la fois, et l’un, et l’autre.
Saurons nous comprendre et, grâce à un choix maîtrisé, neutraliser nos points
d’entraves, dépasser nos points critiques, sortir de nos goulots d’étranglement, faire sauter nos
verrous, trouver une issue convenable, favorable et gagner notre liberté ?
Nous avons une troisième hypothèse :
3. La modernité fait le choix de l’unitotalité en son centre et entre dans la post modernité,
dans la voie qui conduit à la transcendance universelle
Elle conjugue, à parts égales, sciences quantitatives et qualitatives
Portée par la puissance de l’esprit en nous, elle accède à ce qui sera un nouveau ciel et
une nouvelle terre.
La Nature productrice, évolutive, dont nous sommes les dépositaires, située dans le
micro, le noyau, l’âme, créatrice, constructrice, génératrice, dynamique, unificatrice sous les
apparences en nous-mêmes, commande et oriente. Elle est au travail. En elle, se trouve la
puissance pour unir le ciel et la terre, la puissance pour transformer la nature du monde – Ame
de la nature, « Ame du monde », elle donnera une Ame au monde. Par elle, l’homme moderne
entrera dans l’unité, la lumière et l’Amour.
Alors commencera une nouvelle étape dans notre parcours céleste et dans un contexte
renouvelé, surgiront encore ici et là, des voies divergentes et, parmi celles-ci, certaines
favorables à la progression de l’évolution, et d’autres défavorables ; alors se reconstituera
dans notre marche en avant le schéma qui jalonne et accompagne l’évolution à intervalles
réguliers depuis ses origines. Et de nouveau se posera la nécessité du choix de la Voie. C’est
la loi de la vie de la Nature à laquelle rien encore n’a échappé par le passé.
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Tableau III
EVOLUTION
INEVOLUTION
Structures
Structures
Favorables
Défavorables

Noyau information première -------- Cultures modernes Cultures modernes

-------- Unitotalité
intotalité
 
Noyau information vérité
--------
Cultures Vérité
Cultures non vérité

--------
(Occident)
(Orient)
 
Noyaux cellulaires
--------

--------
Chromosomes
--------

--------
Gènes
--------

--------
Macromolécules
--------
Vertébrés
 
Cellules animales

Molécules
--------
--------
--------
Virus
 
Gaz liquides
Cristaux
Gaz liquides
Cristaux
Gaz liquides
Minéraux
Plasmas
Trou Noir ?
 
--------

Le schéma :
Bactéries
 

Particules élémentaires
 
 

Nucléons
Végétaux
 
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Atomes
Invertébrés
?
Trou Noir ?
 
 résume l’itinéraire de l’évolution à travers l’inévolution.
- Une flèche () indique le chemin de l’évolution
- Un tiret noir (  ) indique une impasse évolutive
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Post face
Parmi ceux qui auront essayé de me lire jusqu’au bout, beaucoup, songeurs, se poseront
peut être la question de savoir si je ne les ai pas promenés dans quelques mondes illusoires.
Mais n’en va-t-il pas de même pour ceux dont la représentation occupe le devant de la
scène et qui façonnent le monde selon une hypothèse encore moins crédible. Leur univers me
paraît encore plus illusoire que celui avancé dans ces pages si l’on regarde où cela mène,
notamment au niveau de la production artistique et des mœurs.
Dans cette tentative d’aborder le réel sous un angle nouveau, moderne et intérieur, j’ai
pu me tromper sur bien des points. Beaucoup de discussions sont encore ouvertes. Que
d’autres poursuivent la tâche, reprennent le jeu et essayent de faire mieux. J’ai posé quelques
bornes, d’autres sont à venir. Le discours demande toujours à être travaillé et à gagner en
clarté conceptuelle.
En partant d’une hypothèse de départ d’un réel concevable et non encore posée mais
qui ne demandait qu’à l’être, celle d’un réel avec un intérieur et un extérieur, j’ai voulu
développer ce qui me semble la seule hypothèse alternative convenable qui puisse remédier
aux failles géantes du monde actuel et l’améliorer, tout en gardant ce qu’il a de bon. J’ai voulu
la développer jusqu’au bout pour voir à quels horizons cela nous menait et montrer qu’elle
était la solution la meilleure pour nous et l’évolution.
Notre monde avance vite, mais cela ne va pas sans tâtonnements, sans essais, sans
déconvenues. De temps à autre, il est nécessaire de revenir à son fondement, de faire le bilan,
de réfléchir sur le sens de la voie en fonction de ce qui se fait et éventuellement de modifier,
infléchir le tir. Je pense que nous sommes à l’un de ces moments-là.
Enfin, je ne saurais oublier que la représentation développée dans ce qui précède repose
sur une hypothèse de départ d’un réel donné, qui n’est qu’une hypothèse, c’est-à-dire que, pas
plus qu’une autre, et pas moins, elle n’est de l’ordre de la certitude démontrée et le restera tant
qu’elle sera une hypothèse.
D’autre part, cette théorie, même si elle met en jeu nombre de concepts, ne veut pas se
prendre pour une théorie au sens moderne de système – une de plus –, mais pour une théorie
en son sens premier de contemplation, c’est-à-dire de contemplation d’un monde avec un
autre en dedans.
En ce sens, théorie de la vie en dedans, il ne lui reste plus qu’à suivre son chemin, à
vivre en chacun, à s’inscrire dans le monde et à engendrer la Vie. Alors elle ne sera plus
discours et fera la preuve de sa vérité.
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Bibliographie indicative
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Dictionnaire du darwinisme et de l’évolution – Sous la direction de P.Tort – 1996 – PUF.
3vol. – 4862p.
Platon – Timée.
Aristote – Physique.
Alexandre Koyré – Du monde clos à l’univers infini – Gallimard 1957.
- Etudes Galiléennes – Hermann – 1936-1939.
Jean E. Charon : Vingt cinq siècles de cosmologie – 1980 - Stock plus.
Euclide – Les éléments – volume 1- Livre I à IV.
Newton – Principes Mathématiques de Philosophie naturelle. Traduction de la marquise
du Chatelet – 2vol – 1759- PARIS ed. J. Galay 1990.
Teilhard de Chardin – Le phénomène Humain – 1955.
F.W.J Schelling – Introduction à l’esquisse d’un système de philosophie de la nature –
livre de poche – 2001.
- Exposition de mon système de philosophie – Vrin – 2000.
- Aphorismes sur la philosophie de la nature (1806).
- Aphorismes pour introduire à la philosophie de la nature.
- Clara – L’Herne – 1984.
- Textes esthétiques – Klincksiek 1978.
- Les Ages du monde – P.U.F. – 1992.
- Philosophie de l’art. – J.Million – 1999.
- Idées pour une philosophie de la nature – Ellipses – 2000.
X. Tilliette : Schelling, une philosophie en devenir – Paris- Vrin – 2vol. 1992.
Merleau Ponty : La Nature – seuil – Coll. Traces écrites. 1995.
Gusdorf : Le savoir romantique de la nature Paris – Payot – 1985.
La Nature – Dirigé par Roland Quilliot – ellipses – 2000.
Edgar Morin – La méthode 1 – La Nature de la nature – Points – 1981.
Nancy Huston – Professeurs de Désespoir – Actes Sud – Sept 2004.
Remerciements.
Que soient à nouveau remerciés Laëtitia qui a tapé ce manuscrit et procédé à sa mise en
forme, A. Grandjean et M. Venet qui en ont suivi l’élaboration et qui m’ont soutenu de leur
attention et de leurs commentaires chaleureux.
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