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Mathilde L’Hour Vendredi 26 mars 2004
Conférence d’histoire de Mme Larrère
Quand il n’existe ni passé unificateur, ni langue commune pour cimenter la nation, il est
difficile de rester un pays uni longtemps. Les peuples, qui se sentent emprisonnés, vont revendiquer de plus en
plus de liberté, c'est-à-dire pour certains, l’indépendance, pour d’autre, l’appartenance à un Etat fédéral.
Revendications politiques et actions terroristes vont ouvrir les portes de la prison austro-hongroise.
La revendication de droit politique
Dès les débuts de l’Autriche-Hongrie, dans les Diètes où les Slaves jouent un rôle important, les
protestations sont vives. En 1867, Les Magyars avaient fait céder l’Empereur sur le Compromis par des
négociations directes en annonçant que s’ils n’obtenaient pas leurs droits historiques, ils boycotteraient le
Parlement commun, le Reichsrath, installé à Vienne. Dès avril 1867, des Slaves, se sentant lésés, vont tenter de
reprendre cette menace pour faire valoir leurs droits. Les Tchèques refusent d’envoyer des députés siéger au
Reichsrath. En 1868, les députés tchèques de Bohême s’abstiennent de siéger et réclament un accord avec le
souverain pour respecter les droits anciens du royaume de Bohême.
Cela relève plus du pittoresque, au départ, mais les revendications d’autonomie se multiplient à la fin du
siècle. En 1889 s’organise en Autriche le Parti social-démocrate des travailleurs dont le leader, Victor Adler, a
un passé nationaliste. En 1899, le congrès de Brünn adopte un programme qui prévoit la transformation de l’Etat
autrichien en un Etat fédéral constitué de deux corps autonomes fondés sur des caractères ethniques et égaux
entre eux. En principe, le mouvement est supranational et commun à l’ensemble de la double monarchie. Mais
dès 1890, une scission se produit avec les Hongrois, entraînant la formation d’un parti social-démocrate de
Hongrie en 1908. De même qu’en Bohême se constitue un Parti des sociaux-démocrates tchèques autonomistes.
Les Tchèques ont pour la majorité des revendications autonomistes. Si les Vieux Tchèques se fondent déjà sur la
« théorie du droit d’Etat de Palacky » pour réclamer l’autonomie, acceptant de collaborer avec les Allemands sur
la base du fédéralisme, les Jeunes Tchèques, nés de la sécession de Fric et Gregr, refusent de collaborer avec les
Allemands mais désiraient eux aussi l’autonomie de leur Province dans l’Empire.
En Cisleithanie, l’exigence d’autonomie est particulièrement importante comme nous le montre
justement l’exemple tchèque.En 1879, le ministère Taffe arrive au pouvoir. Les Tchèques, exclus de la vie
politique,
sont réintégrés dans la vie politique. Ils représentent 23% de la population de Cisleithanie, dominent
la ville de Prague et peuvent s’appuyer sur un grand héritage historique pour revendiquer un droit d’Etat. Ils
gagnent en autonomie. Par exemple, en Bohême, les caisses d’épargne populaire sont détenues par des tchèques.
L’individu qui y dépose sont argent donne en même temps son appui à la cause nationale. En outre, dès 1862,
deux Tchèques fondent les Sokols, association de gymnastique dont l’entraînement vise à faire du jeune Sokol
un patriote tchèque. Les premiers Congrès de Sokols rassemblent des gymnastes venus de tout le territoire de
Bohême Moravie mais aussi d’autres pays slaves : des Croates, des Serbes, des Polonais. A la veille de la
première guerre mondiale, l’association rassemble près de 120000 membres, représentant un vivier pour le
recrutement de cadres nationaux. Les jeunes et les ouvriers participent aussi par des manifestations à la volonté
d’émancipation tchèque. Tout le peuple se sent oppressé et veut se libérer, même si les divisions politiques
internes s’aggravent. L’enthousiasme pour la cause slave va entraîner la naissance du mouvement néo slaviste
fondé notamment sur un profond sentiment de solidarité avec les Slaves d’Autriche-Hongrie. Si à la veille de la
guerre, le camp politique tchèque ne présente toujours aucune unité réelle, la force du mouvement national l’a
mis au premier rang des Slaves de la monarchie.
Oppressés dans une Autriche-Hongrie qui ne leur accorde pas la reconnaissance qu’ils souhaitent, les
peuples cherchent à affirmer leur autonomie par un développement culturel, économique, et finalement politique,
que leur permet l’Empereur. Les Tchèques donnent l’impulsion à de moins importantes nationalités. Ainsi en
1882, ils collaborent avec le Slovène Ivan Hribar, maire de Llubljana, directeur de sociétés d’assurance,
nationaliste et défenseur de sa langue. La politique slovène très loyaliste jusqu’alors s’oriente vers les
revendications nationales. Un mouvement intellectuel national Ruthène s’appuyant sur la société Sevcenko voit
aussi le jour en 1873.
En Transleithanie, les peuples revendiquent eux une existence autonomes. En 1892, par exemple, les
Roumains remettent à l’Empereur un mémorandum protestant contre l’absence de statut de la Transylvanie et
contre les persécutions que subit la langue roumaine. L’échec est total mais cela montre bien les revendications
des peuples, leur sentiment d’oppression. Les Roumains bénéficient d’ailleurs du soutien de la Ligue pour l’unité
culturelle de tous les Roumains, fondée en 1891 à Bucarest : ils s’appuient sur un pays auquel ils se sentent liés
mais qui n’est pas le leur.
C’est alors que des nouveautés politiques permettent à certaines nationalités de coexister, démocratisant
l’Empire. En 1905 est signé un compromis qui répartit les listes électorales en fonction des nationalités. Le
suffrage universel, utilisé uniquement pour les élections au Reichsrath, est accordé en 1907. La démocratisation
En 1871, l’empereur refuse de signer les 18 articles, dit fondamentaux, qui donnaient à la Bohême le même
statut que celui accordé à la Hongrie et la transformation de la Cisleithanie en une véritable confédération