III. L'émancipation de l'Égypte de la tutelle ottomane et le désir d'expansion
A) La campagne d'Arabie
Après avoir consolider la construction interne se son pays, Méhémet-Ali va chercher à faire de
celui-ci un vaste empire émancipé de l'Empire ottoman. Ainsi dès 1811, son armée, dirigée par son
fils Ahmad Tosson, part combattre, au nom du Sultan Mahmud II, les Wahhâbittes d'Arabie qui
occupaient les villes saintes depuis le début du siècle. Il récupère, l'année suivante, les villes saintes
de Médine et de la Mecque mais poursuit son combat à travers une deuxième campagne qui dure
jusqu'en janvier 1815, date à laquelle il soumet les Wahhâbittes à Koulakh et impose un traité
humiliant à leur chef, Abdallah. Enfin, en 1816, après la mort de son fils Ahmad Tosson, Méhémet-
Ali, secondé d'Ibrahim Pacha, un autre de ses fils, anéanti ce qu'il reste des Wahhâbittes et de leur
pouvoir et rentre enfin au Caire, triomphant, en 1819. Sa puissance ainsi affirmé, le Pacha peut se
lancer dans des conquêtes plus personnelles, avec pour motivation l'expansion de son empire.
B) La campagne de Nubie et du Soudan
Une fois la campagne d'Arabie achevée, Méhémet-Ali poursuit son action vers la Haute-Égypte,
et plus particulièrement le Soudan et la Nubie dont son armée, dirigée cette fois par son fils Ismâ'il,
s'empare en 1820, avec la bataille de Shayqiya, et en 1822 avec la prise de la ville de Kordofan au
Soudan. Le Pacha installe alors son autorité sur le pays conquis et fait de Khartoum la capitale de
celui-ci.
Le but de Méhémet-Ali est ici de contrôler le cours supèrieur du Nil et les caravanes venant
d'Afrique centrale, de mettre la main sur les mines locales, de fournir son armée en esclaves noirs et
enfin, d'éliminer les derniers Mamlûks qui avaient pu s'échapper.
Si le Pacha opère donc une première extension de son territoire, c'est surtout après la guerre de
Grèce, que s'affirmera sa volonté d'expansion et d'autonomie, et la puissance de son armée.
C) La conquête de la Syrie et la rupture avec l'Empire ottoman
En 1823, le Sultan fait de nouveau appel à Méhémet-Ali lors de la campagne de Grèce. Son
armée conquiert alors la Crète, Chypre, la Morée et Athène, mais en 1827, la coalition des Grecs,
des Français, des Anglais et des Russes entraine la destruction de la flotte turco-égyptienne dans la
baie de Navarin. Ibrahim Pacha est de ce fait contraint de rentrer en Égypte. Méhémet-Ali réclame
alors, en dédommagement de cette perte, le contrôle de la Syrie, ce que le Sultan refuse, causant
ainsi la rupture entre l'Empire ottoman et l'Égypte. En 1831, l'armée égyptienne est donc envoyée
en Palestine et en Syrie, dont elle s'empare en 1832, et marche ensuite vers Istambul. Cependant, les
intérêts personnels des puissances européennes les poussent à intervenir, la Russie s'alliant à
Mahmud II, et la France et l'Angleterre à Méhémet-Ali. La paix de Koutayeh est ainsi imposée en
mai 1833, et Méhémet-Ali devient Wali de la Grande-Syrie et de la Crète, étendant ainsi l'espace de
son Empire qui comprenait déjà l'Égypte, le Soudan et la Nubie. L'empire reste toutefois sous le
contrôle ottoman, ce qui ne satisfait évidemment pas le Pacha qui réclame rapidement son
indépendance. La rupture est alors confirmée, et Mahmud II envoie une armée en Syrie afin de
déloger le Pacha. Les troupes d'Ibrahim Pacha mettent alors en déroute l'armée turque en juin 1839,
obligeant le nouveau Sultan, Abd al-Madjid, à concéder à Méhémet-Ali l'hérédité de la fonction de
gouverneur d'Égypte. Ce dédommagement ne lui convient cependant pas et il réclame la Syrie, ce
qui est finalement empêché par une seconde intervention des puissances européennes, qui forment
un blocus sur les côtes syriennes et égyptiennes et bombardent plusieurs de leurs villes, comme
Beyrouth, et imposent enfin le traité de Londres, en 1840, par lequel l'armée égyptienne est
contrainte d'évacuer la Syrie (ainsi que la Crète et l'Arabie), de démanteler sa flotte et de réduire son
armée, en échange de quoi Méhémet-Ali peut transmettre son titre de gouverneur à ses héritiers et
obtient l'autorisation de gouverner le Soudan jusqu'à sa mort, en 1849.