
Afin d’étudier les mécanismes de " tolérance des lésions ", les chercheurs de Strasbourg ont
développé, en collaboration avec l’équipe du Dr Alan Lehmann à l’Université de Sussex à
Brighton (Grande-Bretagne), un test de réplication in vitro d’ADN endommagé dans des
extraits de cellules provenant d’individus normaux ou XPV. Ce test montre clairement que les
cellules XPV présentent une déficience non seulement quantitative mais aussi qualitative dans
leur capacité à effectuer la synthèse d’ADN en face d’une lésion. Ce test devrait permettre
d’isoler le facteur XPV par une approche biochimique de fractionnement et d’en préciser la
nature moléculaire. Une meilleure compréhension des différents systèmes de réplication, qui
jouent un rôle fondamental pour maintenir l’intégrité du génome, est attendue de ces travaux.
Le matériel génétique de toute cellule est soumis en permanence à l’action d’agents
génotoxiques provoquant l’apparition de lésions dans l’ADN. Le système de réparation par
excision de nucléotides ou NER (Nucleotide Excision Repair) est l’un des principaux
mécanismes qui permettent de restaurer l’intégrité du génome en éliminant les dommages de
l’ADN. L’importance de ce système est révélée par la maladie génétique Xeroderma
pigmentosum ou XP. En effet, chez les personnes atteintes, une déficience dans le système
NER se traduit par l’accumulation de mutations dans l’ADN entraînant un risque deux mille
fois plus élevé que la normale de développer des tumeurs cutanées dans les zones de la peau
exposées au soleil. Pourtant une proportion importante (~ 30 %) des malades souffrant de XP
ne présentent pas de défaut dans la réparation par excision mais présentent un défaut dans la
réplication de l’ADN endommagé. Bien qu’il s’agisse d’une maladie différente sur le plan
mécanistique, de ce fait appelée XP variant (XPV), elle se caractérise, comme la forme
classique, par une extrême sensibilité au soleil. Les chercheurs du Laboratoire de
cancérogenèse et mutagenèse moléculaire et structurale (CNRS, Strasbourg) se sont ainsi
intéressés à la maladie XPV pour étudier la réplication de l’ADN endommagé et caractériser
les facteurs mis en jeu dans le mécanisme de tolérance des lésions chez les eucaryotes
supérieurs.
Dans les années 1975, des études avaient montré que la synthèse d’ADN après irradiation aux
ultraviolets (UV) des cellules XPV est retardée par rapport aux cellules normales. Par ailleurs,
les fibroblastes, cellules du tissu conjonctif, issus de ces malades sont " hypermutables "
(fortement sujets aux mutations) après irradiation aux UV et le spectre des mutations induites
est différent de celui obtenu dans les cellules normales. L’ensemble de ces données suggère
que l’un des mécanismes de réplication de l’ADN endommagé est déficient chez les malades
XPV. Plusieurs hypothèses peuvent être émises :
1) dans les cellules XPV, l’un des mécanismes de contournement fidèle est déficient et seule
la synthèse d’ADN en face de la lésion, potentiellement mutagène, fonctionne dans la
réplication ;
2) en absence du facteur XPV (ou en présence d’un facteur déficient), la machinerie
réplicative qui effectue la synthèse en face de la lésion est plus mutagène que dans les cellules
_normales dans lesquelles le facteur XPV est présent.
La vérification de ces hypothèses est rendue difficile du fait de la présence, chez les
eucaryotes, d’un grand nombre d’unités de réplication, activées à des moments différents. Par
ailleurs, la nature, le nombre et le siège des lésions ne sont pas contrôlés par les
expérimentateurs. En particulier, le traitement des cellules aux rayonnements UV engendre
dans l’ADN toute une variété de lésions qui ne se forment pas avec la même efficacité.
Pour étudier de façon plus fine les mécanismes de " tolérance des lésions ", les chercheurs de
Strasbourg ont développé un test de réplication in vitro d’ADN endommagé dans des extraits