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midi : « 30 à 35 députés ou sénateurs sont présents. Il ne se trouve guère que des 
partisans de Pétain et de Laval. Je n’aperçois que quelques résistants : L. Blum, Paul 
Bastid, Le Troquer [...]. J’entends des discours de Marquet, de Piétri, de Spinasse. 
Tous sont favorables à l’armistice et prêts à se rallier à un régime de dictature. »
 
« Marquet fit un très long discours, où il soutenait la nécessité de l’armistice 
immédiat et où il préconisait l’alignement sur les vainqueurs allemands. »
 
 
Dans le même temps, des hommes proches d’un réformisme actif se sont ralliés au 
régime de Vichy : des dirigeants de la CGT, des élus ou anciens élus. C’est le cas 
notamment de Gabriel Lafaye, ancien Néo et ancien député USR. Marquet ne 
constitue donc pas un cas original. Plutôt réputé pour ses positions modérées au sein 
des dissidents de la gauche classique – contrairement aux extrémistes que sont 
devenus les clans de Déat et de Doriot
 –, il représente le centre-gauche 
parlementaire favorable au nouveau régime, donc au changement des institutions, 
aux pleins pouvoirs de Pétain, en symbole de ces « déçus » de la IIIe République et de 
la gauche ; lui aussi appartiendrait aux « quarante millions de pétainistes »
 
apparemment rassemblés dans l’espoir d’un changement quelconque en été 1940.  
 
C’est à Bordeaux que, le 18 juin 1940, le gouvernement s’oriente vers la demande de 
l’armistice. Mais la ville accueille aussi des opposants à cette ligne d’apaisement : on 
le sait, le général de Gaulle s’est envolé la veille pour Londres depuis le (petit) 
aéroport de Mérignac ; l’enquête de police révèle d’ailleurs que Marquet a rencontré 
lui-même de Gaulle, le 17 juin, rue Vital-Carles, vers 19-20 heures, à l’hôtel où logeait 
le général, pour discuter d’une question pratique de cantonnement pour l’équipe du 
secrétaire d’Etat
. C’est de Bordeaux – plus précisément du port du Verdon, en aval 
– que part pour le Maroc le paquebot Massilia pour permettre à des parlementaires 
(dont le Périgourdin Delbos et l’élu girondin Mandel) de continuer la lutte outre-mer 
si l’armistice venait à être signé. Enfin, le 18 juin, certaines personnalités ont même 
envisagé de transférer les autorités outre-mer, autour du président Lebrun. Marquet 
aurait joué un rôle certain pour enrayer ce départ, car cela aurait entaillé la légitimité 
du pouvoir en cours d’esquisse : il rend visite le 20 juin à Herriot dans sa résidence 
du 20 cours Xavier-Arnozan pour lui demander de respecter une certaine cohérence 
dans l’action, donc de choisir à la fois l’armistice et le maintien des autorités en 
métropole
 ; le même jour, il fait partie de la délégation auprès de Lebrun : « Le 20 
juin, forçant quasiment la porte de Lebrun à la tête d’une délégation de 
parlementaires (parmi eux, Marquet, Piétri, Bonnet, Bergery), il [Laval] a fait une 
véritable scène au président terrorisé : ‘Si vous voulez partir, ne le faites qu’à titre 
privé. Donnez votre démission.’ [...]. Lebrun renonça finalement à son projet. »
 En 
effet, Marquet appartient au cercle d’élus, avec Laval et Spinasse, qui dénoncent le 
projet de départ des parlementaires comme une fuite. La culture politique de 
l’énorme majorité des parlementaires réprouve toute idée ’’d’émigration’’, de 
désertion de la scène parlementaire – encore que des émigrés glorieux se soient 
opposés au Second Empire – et de l’éloignement par rapport aux citoyens – et seuls 
huit parlementaires rejoignent le Massilia. – au nom d’une certaine forme de 
’’loyalisme’’ vis-à-vis d’eux et des institutions. 
 
Un clivage entre ’’pétainistes’’ et antipétainistes commence à se creuser, puisque 
Fernand Audeguil, député socialiste de Bordeaux, se place délibérément dans le camp 
des élus hostiles au transfert des pouvoirs à Pétain, car il y pressent des menaces sur 
les institutions et pratiques républicaines – mais l’on sait que seuls 36 élus socialistes