ORGANISATION MONDIALE
DU COMMERCE
WT/MIN(03)/ST/118
13 septembre 2003
(03-4894)
CONFÉRENCE MINISTÉRIELLE
Cinquième session
Cancún, 10 - 14 septembre 2003
Original: français
BELGIQUE
Déclaration de S.E. M. Louis Michel
Vice-Premier et Ministre des affaires étrangères
Je veux vous exprimer toute notre reconnaissance et notre appréciation pour la façon
remarquable dont vous avez organisé cette conférence ministérielle. Je salue aussi le peuple mexicain
pour la chaleur de son accueil.
L'objectif de notre Conférence ne peut ni se comprendre, ni s'envisager en dehors de ce que
j'appellerais les révélations et les traces tangibles d'un basculement qui pulvérise nos repères
classiques, nos croyances, jusqu'à nos convictions les plus ancrées. Comme si un volcan planétaire
que l'on sentait frémissant s'était soudain mis à rugir, révélant des peurs trop longtemps enfouies, des
doutes que l'on pressentait sans oser toujours les exprimer, des questions auxquelles il faudra bien
répondre un jour mais dont il était plus aisé de reporter l'inéluctable échéance.
L'Afrique, le Proche-Orient, l'Afghanistan, l'Irak, autant de conflits dont on ne voit pas la fin
mais dont on voit parfaitement les risques qu'ils charrient et qui augmentent chaque jour qu'on
s'éloigne d'une solution.
Sans parier du terrorisme, ce mal abject qui tue dans l'humanité ce qu'elle a de plus sacré et de
plus beau, ces sentiments merveilleux sortis de l'intelligence et du cœur de l'homme: la tolérance, le
droit à la différence, la justice, la solidarité, la liberté. En un mot, le bien.
Pour le dire plus simplement, il s'agit de mon point de vue de rendre la primauté au politique,
c'est-à-dire au citoyen.
L'OMC a un rôle crucial, une responsabilité particulière. Il lui incombe d'imaginer et de
mettre en œuvre, dans l'intérêt de tous les États du monde, un système multilatéral qui encadre le
commerce mondial pour en faire un instrument de redistribution et de développement humain
équitable. Quand l'économie mondiale combine ouverture des marchés et saine régulation, elle génère
la croissance, la création d'emplois, le développement durable, la réduction de la pauvreté, la
prévisibilité et le partage des richesses.
C'est la seule vraie réponse, à terme, aux frustrations qui alimentent les conflits et la violence,
et qui tentent tragiquement les laissés-pour-compte, les jeunes sans futur quand ils cèdent aux
boutefeux démoniaques qui promettent le paradis dans l'au-delà en créant l'enfer sur terre.
Cancún est un moment privilégié pour passer des discours aux actes.
La concrétisation intégrale de l'Agenda de Doha est déterminante.
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La clé du succès, c'est l'intégration complète et harmonieuse des pays en développement dans
le système multilatéral, associée à l'adoption de mesures susceptibles de stimuler la relance
économique internationale.
Mon gouvernement réaffirme avec force son attachement à une politique audacieuse et se
félicite de la récente réforme de la politique agricole commune. Cette réforme contribuera
vigoureusement à la souveraineté alimentaire des pays du Sud tout en favorisant leur production et
leurs exportations agricoles.
Mais pour cela il faut adopter des règles qui donnent aux pays en développement les moyens
de mieux s'intégrer dans le commerce international.
Cancún doit donner une impulsion politique nouvelle à ce qui, de notre point de vue, est un
droit avant d'être une ambition.
Le corps social de chacun de nos pays en est conscient et nous exhorte de mille manières de
briser cette fatalité qui voudrait que seule la puissance, l'argent et la force aient les moyens de dicter
les règles.
Le Sommet du Millénaire, Doha, Monterey, Johannesburg, furent tous des jalons prometteurs.
Mais jusqu'à ce jour, elles s'avèrent avoir été plutôt, ce que j'appellerais "des conversations planétaires
sans lendemain".
Tant que ces rendez-vous resteront des badinages incantatoires, le politique ne se
réappropriera pas la primauté et l'intérêt général régressera.
M. Ricupero, parlant au nom du Secrétaire général des Nations Unies, a souligné avec
pertinence l'opportunité unique que nous offre cette réunion ministérielle: celle de rétablir le
minimum de confiance dont nos sociétés, inquiètes et parfois déroutées, ont besoin pour croire dans le
système multilatéral des échanges.
Un premier pas important fut réalisé grâce à l'accord intervenu sur la question de l'accès des
pays en développement aux médicaments génériques. Mais il faut maintenant rapidement et
effectivement en assurer la mise en œuvre sur le terrain. Les populations de ces pays ont déjà trop
attendu.
Le Commissaire Lamy a eu l'occasion de préciser les attentes et les engagements de l'Union
européenne en matière d'agriculture, d'accès aux marchés des produits non agricoles, des questions de
Singapour, du traitement spécial et différencié et des règles en général.
Je n'y reviendrai donc pas.
Mais pour ma part, j'aimerais insister sur deux éléments à mes yeux essentiels.
Le premier est celui de la cohérence. Comme l'a très bien indiqué M. Supachai, une
stratégie du développement implique que notre Organisation institutionnalise des
synergies et des actions avec les autres organisations internationales. Cela implique
une volonté politique déterminée de décloisonner tous les grands instruments
internationaux comme la Banque mondiale, le Fonds monétaire international ou
l'Organisation internationale du travail.
Le moment n'est-il pas venu de proposer fa création d'un véritable Conseil
économique et social mondial dont le pouvoir politique puiserait sa légitimité et son
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efficience dans le droit, sur le modèle du Conseil de sécurité des Nations Unies, mais
en y ajoutant comme critère de représentativité la dimension régionale, entre autres,
dans un souci de transparence.
Des référents fondateurs d'un tel concept existent déjà et sont consacrés dans certains
États, dont le mien: je pense plus particulièrement aux normes fondamentales de
travail telles que la liberté syndicale, l'interdiction du travail des enfants, du travail
forcé, le droit à des emplois de qualité, ainsi qu'à des obligations environnementales
vitales pour assurer le caractère durable du développement. Je pense également à la
nécessité d'exclure de la sphère marchande les services d'intérêt général.
Le second élément est l'assistance technique de même que le transfert technologique.
Sans cela, l'intégration des pays en développement dans le système de I'OMC peut
être considérée comme impossible.
Il faut à ce propos se réjouir de l'engagement de l'Union européenne.
Le gouvernement belge, de son côté, est heureux d'annoncer à nos collègues africains une
augmentation de sa participation au Trust Fund dans le cadre de l'Agenda de développement de Doha
de 2 millions d'euros.
Cette année, le gouvernement s'est déjà engagé à concurrence de 500 000 euros. Et ceci de
manière récurrente. Pour sa part, le, gouvernement de la Flandre s'est porté fort pour un montant de
150 000 euros qui s'ajoutent aux 154 000 euros engagés en 2002.
Cette Conférence ne peut faire l'économie d'une mise en perspective politique d'envergure
cosmique. À défaut d'une lucidité volontariste, concrète et engagée, nous le savons, nous le sentons,
nous n'arriverons pas avant longtemps à offrir au monde ce que le droit humain le plus élémentaire
réclame et justifie.
Ces derniers mois, nous avons tous assisté, en témoins souvent hébétés, aux effets lancinants
et tragiques de cette inadéquation criante entre des nouveaux pouvoirs incontrôlés et effrayants et
l'impuissance du politique à en domestiquer les excès. Le défi de Cancún, c'est de conformer les
règles de l'économie mondiale au droit social et politique de l'humanité.
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