Les adverbiaux de localisation spatiale comme facteurs d

Les Adverbiaux de localisation spatiale comme facteurs d'enchaînement
spatio-temporel dans la structuration du discours.
Nous proposons une analyse d'Adverbiaux de localisation spatiale (ALS) - adverbes
proprement dits et syntagmes prépositionnels - qui, en tant qu'Adverbes de phrase
détachés en tête, ont parfois pour rôle de contribuer à la structuration du discours en
créant un enchaînement valant non seulement sur le plan spatial puisqu'ils marquent une
étape dans un déplacement ou un parcours, mais aussi sur le plan temporel puisqu'ils
introduisent une relation de postériorité (succession) par rapport à un événement déjà
décrit ou évoqué dans le segment de discours qui précède.
Des énoncés comportant ce type d'ALS sont assez courants dans les récits de voyages, et
plus largement dans les passages de romans, nouvelles, reportages, etc. faisant état de
parcours, de trajets, de déplacements...(Nous les appellerons "narrations de parcours").
(1) Il prit sa sacoche...et descendit l'escalier quatre à quatre. Sur le trottoir, n'ayant rien remarqué
de suspect, il accéléra. Il courut jusqu'à un parking. ..
Ces énoncés sont également très présents, sous des formes un peu différentes, dans des
textes descriptifs ou prescriptifs détaillant des itinéraires, des parcours guidés, des routes
à suivre, etc. (nous les appellerons "explications d'itinéraires").
(2) ..Ensuite, vous remontez la rue de Metz jusqu'au Marché des Carmes. Sur la place, vous prenez
la première rue à gauche au coin de l'église...
L'interprétation spatio-temporelle que l'on donne à l'Adverbial dans un énoncé de ce
type est assez proche de celle que prendrait en pareil cas une forme de complément
circonstanciel de temps qui lui serait substituée, par exemple :
1) une proposition conjonctive introduite par quand (ou en ajoutant l'idée de
succession rapide, sitôt que, aussitôt que, à peine) avec le prédicat être ou
éventuellement arriver, parvenir, atteindre, i.e. un verbe marquant le pôle final d'un
déplacement :
(1a) Il prit sa sacoche...et descendit l'escalier quatre à quatre. Quand il fut sur le trottoir, n'ayant
rien remarqué de suspect, il accéléra.
2) une proposition participiale apposée, construite avec le participe passé de ces
mêmes verbes, tout particulièrement avec arriver :
(1b) Il prit sa sacoche...et descendit l'escalier quatre à quatre. Arrivé sur le trottoir, n'ayant rien
remarqué de suspect, il accéléra.
3) une proposition apposée dite "réduite" ou " elliptique", i.e. sans participe passé,
mais introduite par une fois (ou avec l'ajout de rapidité, sîiôt, aussitôt, à peine) :
(1c) Il prit sa sacoche...et descendit l'escalier quatre à quatre. Une fois sur le trottoir, n'ayant rien
remarqué de suspect, il accéléra.
Mais pour qu'un ALS, dans une fonction d'Adverbe de phrase détaché en tête, puisse
s'interpréter avec le sens de l'une des circonstancielles de temps indiquées ci-dessus, un
certain nombre de conditions doivent être réunies, les unes portant sur la construction de
la phrase à laquelle se rattache l'Adverbial ou sur le choix des éléments qui la
composent, mais d'autres s'appliquant, au-delà de la phrase, au segment de discours qui
précède et faisant intervenir des facteurs à la fois d'ordre sémantique et pragmatique.
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Nous ne ferons que lister très brièvement ici quelques-unes de ces conditions, et plus
particulièrement des conditions portant sur la phrase elle-même :
a) L'Adverbial dans sa fonction d'Adverbe de phrase doit nécessairement être détaché
en tête - tout autre position étant exclue.
b) Des conditions de temps sont imposées sur le verbe car la phrase décrit un
événement entretenant une relation de succession avec un événement déjà mentionné ou
évoqué dans le segment de discours qui précède. L'imparfait n'est pas possible, à moins
qu'il ait une valeur d'itératif, pas plus que le plus-que-parfait, à moins que ce temps ne
soit adopté dans le fragment de narration qui précède (exemples à donner). Selon le
genre de texte, certains temps dominent très nettement : le passé simple - et
éventuellement le présent - pour les narrations de parcours; le présent, souvent avec
valeur de futur, ou l'impératif pour les explications d'itinéraires.
c) La proposition SN+prédicat doit représenter parmi les événements ou les actions, une
"activité"ou un "accomplissement" pouvant être interprété avec valeur d'inchoatif ou
derésultatif (la question étant réglée si c'est un "achèvement").
d) Sémantiquement, le référent spatial désigné par l'ALS doit être considéré comme le
"site" localisant l'entité dénotée par le sujet de la phrase (ce qui est explicitement
indiqué dans les formes conjonctives susceptibles de remplacer l'Adverbial). Ainsi, dans
la phrase (1) ci-dessus, on comprend que la personne dénotée par il se trouve sur le
trottoir, de même qu'en (2) la personne dénotée par vous sera amenée à se trouver sur
la place. Il n'en est pas même dans un énoncé comme (3) :
(3) Il poussa la porte de la chambre du fond. Sur le matelas, il vit la forme d'un corps...
Au-delà de la nature de l'éventualité (cf c) supra), cette relation de localisation fait
intervenir des considérations pragmatiques touchant les éléments de la phrase,
notamment la possibilité (la vraisemblance) de la relation entre les deux entités
respectivement dénotées par l'Adverbial et le sujet. Mais également éclaire et précise la
relation spatio-temporelle que la phrase entretient avec le segment de texte qui précède.
Celui-ci doit pouvoir évoquer ou décrire une situation dynamique de déplacement dont
la phrase contenant l'Adverbial ne constitue qu'une étape. Autrement dit, l'Adverbial
doit être interprété comme figurant une localisation située sur le parcours déjà entamé
qu'effectue une entité en déplacement (homme, animal, ou objet mobile), localisation
qui marque donc une progression à la fois spatiale et temporelle dans le déroulement de
ce parcours dont elle figure un jalon, une étape.
On verra également que ce rôle d'enchaînement spatio-temporel n'est pas le fait de
tous Adverbiaux de localisation spatiale, et ce, pour des raisons différentes. On verra
qu'il est très souvent assuré par un Adverbial de type anaphorique ou par un Adverbial
SP dans lequel le nom témoigne d'une relation de partition avec un lieu déjà
mentionné, dénotant soit une de ses zones de localisation, soit une de ses parties
fonctionnelles. Ce serait par exemple le cas en (1) si en tête de phrase, Sur le trottoir.
était remplacé par Au bas (zone de localisation) ou par Sur la dernière marche (partie
fonctionnelle).
Références bibliographiques :
Asher N., Aurnague M., Bras M., Vieu L. (2001) "Syntax ans Semantics of Locating Adverbials"
Cahiers de Grammaire, 26: 11-35
Borillo, A. paraître) "Place et portée des Adverbes de temps dans la structure de phrase et
dans la structure de discours" Colloque sur "l'Adverbe" Arras mai 03
Borillo A. (à paraître) "Les Adverbes temporels et la structuration de discours" Actes du
Colloque Chronos 5, Groningen, juin 2002.
3
Borillo A., Bras M., Le Draoulec A. De Swart H., Verkuyl H., Vet C., Vieu L. (2004) Chapitre
"Tense and Aspect" in Handbook of French Selmantics, H. De Swarts et F. Corblin (eds),
CSLI-LN, University of Chicago Press.
Gosselin L. (1990) "Les circonstanciels : de la phrase au texte", Langue française 86 , pp. 37-45
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