qu’il y ait de quoi islamiser à l’intérieur de l’islam. Et la plupart de ces gens sont musulmans un peu
formellement et il reste beaucoup à faire pour faire prendre conscience aux musulmans, dans les terres
musulmanes, de la vivacité, de la profondeur de la spiritualité de leur propre religion. S’il y a une terre
de djihad, une terre d’islamisation, s’il y a une croisade à mener, c’est la croisade contre l’ignorance,
islamiser l’islam et redonner aux musulmans un minimum de vertus humanistes et universalistes pour
que leur religion, si elle n’est pas « universalisable » dans l’immédiat, qu’elle soit un peu plus
comprise, un peu moins redoutée comme étant une religion de croisade et de mort.
Rien ne me peine plus que d’entendre quelqu’un me dire que l’islam est une religion guerrière, fondée
sur le rapport de force et uniquement sur la guerre sainte et la djihad. Déjà dans l’histoire de l’islam, il
y a un siècle de djihad pure, le premier siècle de l’Islam, du VIIe au VIIIe siècle. À partir de 750, il n’y
a pas eu une seule mort au nom de l’Islam, commise par les musulmans pour asseoir leur religion. À
partir du moment où l’Andalousie était devenue un espace des musulmans, il n’y a plus eu de guerre
sainte. Je conteste donc la validité de toute guerre au nom de Dieu, après le VIIIe siècle. La guerre
sainte proprement dite, pour imposer l’islam par la violence et un combat meurtrier, ce n’était valable
qu’au premier siècle. Le reste, c’est la deuxième prédication.
Toute l’Asie musulmane, par exemple, a été convertie à l’Islam, sans qu’il y ait jamais un sabre tiré de
son fourreau. Toute l’Asie musulmane, c’est-à-dire les 8/10èmes des musulmans, en nombre, à l’est de
l’Iran. L’Iran, lui, a été islamisé par la force, au temps des califes. L’Inde, le Pakistan, la Malaisie, etc.
ont été islamisés par la conviction interne, par un travail de maillage sur plusieurs siècles, de
cohabitation pacifique. Sociologiquement, cet exemple là suffit à lui seul pour clouer le bec à tous
ceux qui pensent que l’islam est une religion de guerre, de mort et de violence. Statistiquement
parlant, la plupart des musulmans sont devenus musulmans sans qu’ils aient eu à subir la moindre
pression de qui que ce soit, ni à être soumis comme ennemis, ni à être violentés, ni à être persécutés.
Ce qui a été islamisé par la force, c’est l’Iran, le Proche Orient et le Maghreb.
Une clef, l’apprentissage des langues des musulmans
Depuis 1492, les musulmans ont reflué des terres européennes, où ils étaient présents dès le VIIIe
siècle après Jésus-Christ, en grand nombre et sur 7 siècles : Portugal, Espagne, sud de la France, Italie,
Balkans. Et ils étaient maîtres sur ces terres. Il faut considérer cette perspective historique à la manière
de Fernand Braudel, pas à la manière d’un historien étriqué ou de certains, en France, qui considèrent
que l’islam est une religion indigente, faite pour des indigents, ce qui justifie que des spécialistes
indigents parlent d’elle. J’ai physiquement rencontré des personnes ayant un DEA et se disant
spécialistes de l’Iraq ou de l’Afghanistan, en n’y ayant jamais mis les pieds. Ils ne comprenaient
évidemment ni le pachtou, l’urdu ou l’afgani, ni l’arabe, ou le persan.
La première condition pour être spécialiste de quoi que ce soit, c’est de pouvoir communiquer, de
connaître la langue. Aujourd’hui, en France, on peut être spécialiste, avec même une étiquette et des
fonds publics, sans connaître la langue d’un pays. Je suis, depuis peu, expert auprès de la Commission
européenne pour les questions de culture, notamment la culture euro-méditerranéenne. Récemment,
lors d’une intervention à la fondation Ana Lindt, j’ai dit à tous les spécialistes présents, eux de culture
européenne, que nous (arabes) avions gagné la première mi-temps en apprenant vos langues (anglais,
français, néerlandais, etc.) et qu’il leur restait à eux, en tant que spécialistes de renommée
internationale, à apprendre l’arabe, le persan, l’hébreu, le kabyle. Pratiquement personne n’y avait
pensé. Et je leur ai dit, voilà le programme que nous devrons maintenant proposer. Voilà où l’islam
peut être créatif : il peut proposer à toute l’Europe de l’aider à apprendre l’arabe. Ce qui permettra,
déjà, d’avoir des nuances en deux langues et, par ce seul fait, d’avoir une avance sur les semeurs de
guerre et de haine.
En disant à mes camarades européens, certains venant des pays du Nord, qu’il faut apprendre l’arabe,
c’est un ancien monde qui tombe et un nouveau qui se lève. Ce sont des horizons qui s’ouvrent à vous,
400 millions de gens que vous allez pouvoir travailler au corps à corps, dans leur langue. Et peut-être
même un jour lire leurs textes sacrés : le Coran lu, non pas dans des traductions biseautées et