contenue […] dans la théorie générale des proportions »
. L'examen de la Géométrie ne fait - à
mes yeux - que confirmer ce jugement sur lequel insiste encore Vuillemin en étudiant la
solution cartésienne du problème de Pappus:
Or, quoiqu'il innove par ailleurs, Descartes continue de poser le problème de Pappus
dans les termes des anciens, c'est-à-dire en termes de proportions[...] Il y a sur ce point,
un entier accord entre la Géométrie et les Règles pour la direction de l'esprit, ainsi
qu'avec toutes les œuvres ultérieures de Descartes: la nouvelle Géométrie se réduit à
cette théorie des proportions
.
Sur ce point, au moins, G.G. Granger marque aussi son accord avec Vuillemin
; c’est aussi
l’avis Rosdi Rashed lorsqu’il demande « qu’on lui permette d’insister encore, une courbe
comme la quadratrice ou la spirale est « mécanique » parce qu’elle est engendrée par deux
mouvements continus séparés, « qui n’ont aucune relation mesurable exactement », et par
conséquent ne peuvent pas être étudiées dans les termes de la théorie des proportions »
.
La quatrième raison tient au fait que Descartes entend produire une mathématique ‘intérieure’
ou ’philosophique’ à l’abri de toute contestation (hormis celle qui serait inspirée par la
mauvaise foi ou l’incompétence). On voit bien, par une sorte de contraste, que lorsqu’il
s’éloigne de cette mathématique philosophique, il évoque les possibilités de controverses, de
doute légitime (ainsi dans le cas sur lequel je reviendrai de la quadrature de Cycloïde ou dans la
résolution du problème de Debeaune). Ce point étant peut-être moins souvent souligné, je m’y
attarde en quelques remarques. Giorgio Israël rappelait récemment un point de vue de René
Thom selon lequel « la science vise à constituer un savoir sur lequel le temps n’a plus de
prise »
. C’est certainement là une option qui convient excellemment à la science que prétend
bâtir Descartes, et particulièrement au savoir mathématique qui doit être à l’abri des épreuves
du temps, aussi sûrement que la méthode elle-même.
La règle III insiste sur l’opposition entre l’information historique et l’avancée scientifique. Il y
est fermement exposé que s’il « faut lire les ouvrages des anciens », c’est surtout pour s’en
méfier : en mathématiques, lorsque les anciens sont « tombés sur quelque chose de certain et
d’évident » c’est « par un heureux hasard ». D’ailleurs, ils ne manquent pas de « l’envelopper
dans des tournures énigmatiques » et, de toutes manières, « nous ne deviendrions jamais
Vuillemin J., Mathématiques et métaphysique chez Descartes, P.U.F., Paris, 1960, 2de éd., 1987, p. 10.
Ibid., p. 112. Evidemment l'expression ‘se réduit à’ est exagérée, prise à la lettre.
Granger, Essai d’une philosophie du style, op. cit., p. 52.
R. Rashed, « La Géométrie de Descartes » in Descartes et le moyen âge, Paris, Vrin, 1997, p. 21.
G. Israel, article à paraître, Revue d’histoire des sciences, 1998, 51/2-3, XXX.