Le but de SIDABLOG est d’exposer, par des lettres d’information bimensuelles, les résultats
de travaux scientifiques publiés récemment dans les revues internationales les plus importantes.
Revue d’articles scientifiques
Les associations de la protéine Tat
Le facteur ARN polymérase II (RNAPII) joue un rôle essentiel dans le fonctionnement des gènes
en permettant la transcription, c'est-à-dire la synthèse des ARN messagers (ARNm). Celle-ci
nécessite également d’autres facteurs d’élongation tel que P-TEFb. Ce facteur agit sur RNAPII qui
active alors l’expression des gènes. En l’absence de stimulation, le facteur P-TEFb provoque un arrêt
de RNAPII peu après le début de la transcription. Dans le cas du VIH, de nombreux autres facteurs
cellulaires sont aussi nécessaires à l’expression optimale des gènes viraux.
On sait qu’après une synthèse courte d’ARNm, le facteur RNPII marque une pause et la protéine
du VIH Tat s’associe à P-TEFb qui fixe alors l’ARNm au niveau de TAR. Cela entraîne alors la
phosphorylation de RNAPII et P-TEFb permettant ainsi une élongation productive du brin d’ARNm.
Afin de mieux comprendre le rôle de P-TEFb, Sobhian et ses collaborateurs ont purifié la
protéine Tat et ses facteurs associés. Ils ont alors identifié 16 protéines associées à Tat dont CDK9 et
CycT1 déjà identifiées comme partenaires de Tat. En parallèle, He et ses collaborateurs ont analy
les facteurs interagissant avec P-TEFb en présence de Tat par des purifications d’affinités
séquentielles.
Sobhian et col. montrent alors que Tat forme deux complexes stables et distincts : Tatcom1 et
Tatcom2 rassemblent des protéines cellulaires connues pour régler la progression de la transcription
via RNAPII. Tatcom1 possède une activité CTD kinase (phosphorylation) et est directement impliqué
dans l’élongation de la transcription, alors que le rôle de Tatcom2 est moins bien compris.
He et col. montrent quant à eux que le complexe Tat/P-TEFb contient quatre facteurs
supplémentaires : ELL2, AFF4, ENL et AF9. AFF4 et ELL2 semblent essentiels pour stimuler la
transcription du VIH. Ils montrent également que le rôle d’ELL2 est tout aussi important que P-TEFb
qui jusqu’alors était considéré comme le seul élément modulateur d’une transcription optimale.
On savait déjà que l’élongation de la transcription par RNAPII est fortement régulée par
différents facteurs. Les chercheurs ont montré ici que Tat peut former un complexe transcriptionnel et
multifonctionnel si cette protéine s’associe avec différents partenaires ayant des activités
complémentaires.
HIV-1 Tat assembles a multifunctional transcription elongation complex and stably associates with the
7SK snRNP. Sobhian B, Laguette N, Yatim A, Nakamura M, Levy Y, Kiernan R, Benkirane M. Mol Cell.
2010 May 14;38(3):439-51.
HIV-1 Tat and host AFF4 recruit two transcription elongation factors into a bifunctional complex for
coordinated activation of HIV-1 transcription. He N, Liu M, Hsu J, Xue Y, Chou S, Burlingame A, Krogan
NJ, Alber T, Zhou Q. Mol Cell. 2010 May 14;38(3):428-38.
Lettre bimensuelle 41 (16-30 juin 2010)
La structure de la Téthérine
Il existe dans le monde des virus diverses familles dont les virus dit enveloppés. Leur génome est
protégé par une enveloppe comme c’est le cas du VIH. Ils ont besoin de plusieurs facteurs cellulaires
pour mener à bien leur cycle viral et ainsi pérenniser leur reproduction. D’autres facteurs protègent la
cellule, en particulier la Téthérine qui empêche le bourgeonnement des particules virales. Le VIH-1
produit la protéine Vpu pour détourner ce facteur de restriction cellulaire. Ce dernier serait alors
séquestré à l’intérieur de la cellule, puis détruit. Des chercheurs français viennent de caractériser la
structure tridimensionnelle de la Téthérine.
Il s’agit d’une protéine traversant la membrane cellulaire avec un court domaine intracellulaire et
une grande partie extracellulaire. Son domaine transmembranaire est nécessaire à sa séquestration
intracellulaire par la protéine virale Vpu.
Hinz et ses collaborateurs ont alors réalisé des études cristallographiques de la téthérine humaine
pour comprendre plus finement son rôle dans l’arrêt du bourgeonnement des particules virales. Ces
analyses montrent que le domaine extracellulaire de la téthérine adopte une conformation étendue de
170 Å dont une partie prend la forme d’une hélice présentant des irrégularités. La partie
extracellulaire proche de la membrane est légèrement repliée. Cela lui offre une certaine flexibilité lui
permettant de mieux s’insérer à la fois dans la membrane du virion bourgeonnant et dans la
membrane cellulaire : ce qui permet alors de garder une certaine distance entre le virus et la cellule
qui empêche ainsi une éventuelle fusion de leur membrane ou le bourgeonnement des virions à
l’extérieur de la cellule.
Ils ignorent cependant à quelle étape a lieu l’assemblage de la téthérine et de la membrane virale.
Ils suggèrent pourtant que c’est précisément au moment du bourgeonnement du virus que la
Téthérine s’associe et s’insère efficacement dans la membrane virale.
Structural basis of HIV-1 tethering to membranes by the BST-2/tetherin ectodomain. Hinz A, Miguet N,
Natrajan G, Usami Y, Yamanaka H, Renesto P, Hartlieb B, McCarthy AA, Simorre JP, Göttlinger H,
Weissenhorn W. Cell Host Microbe. 2010 Apr 22;7(4):314-23.
Peut-on provoquer la production d’anticorps protecteurs ?
Les anticorps neutralisants jouent un rôle essentiel dans la protection contre les infections virales.
Ils agissent aux stades précoces de l'infection en empêchant la fixation ou la pénétration du virus. In
fine, il arrête la libération de son information génétique à l'intérieur de la cellule-cible. Obtenir une
réponse d'anticorps neutralisants capables de bloquer des souches VIH différentes constitue un défi
majeur. Une avancée vient d’être réalisée en ce sens : des parties modifiées d’une structure
particulière de l’enveloppe virale permettent d’obtenir des anticorps anti-VIH chez les animaux. On
peut facilement les caractériser même s’ils restent peu efficaces.
Pour rentrer dans la cellule cible, le virus va tout d’abord se fixer à ses récepteurs cellulaires par
l’intermédiaire de ses protéines d’enveloppe. Elles vont alors subir une série de changements de
conformation qui vont permettre aux membranes virales et cellulaires de fusionner. L’une des deux
protéines d’enveloppe, la gp41, adoptera transitoirement une forme dite en « épingle à cheveu »
nécessaire à ce processus.
Le contenu du virus, c'est-à-dire son matériel génétique, est alors déversé dans la cellule.
Différents laboratoires avaient déjà montqu’il est possible d'obtenir des anticorps neutralisants qui
ciblent cet intermédiaire de la protéine gp41 chez les animaux. Ceux-ci apparaissaient peu efficaces
et difficiles à caractériser.
Une nouvelle étude de E. Bianchia et ses collaborateurs a porté sur la construction d’analogues
de cette structure pour déclencher une production d’anticorps contre le VIH chez l’animal. Ils ont
aussi développé des outils de laboratoire pour les étudier même s’ils restent peu efficaces. Un certain
nombre d’analogues de fragments de la forme en « épingle à cheveu » de la gp41 ont ainsi été
obtenus et ont été inoculés à l’animal. Les anticorps produits ont pu être testés par deux méthodes :
d’une part, en utilisant un virus extrêmement sensible, d’autre part en concentrant les anticorps pour
les tester plus facilement.
Ces résultats constituent un point de départ. On est parvenu à créer des analogues, à produire des
anticorps qui les reconnaissent et à mieux les mesurer. Il reste cependant à améliorer la production
d’anticorps neutralisants en plus grande quantité.
Vaccination with peptide mimetics of the gp41 prehairpin fusion intermediate yields neutralizing
antisera against HIV-1 isolates. Bianchi E, Joyce JG, Miller MD, Finnefrock AC, Liang X, Finotto M,
Ingallinella P, McKenna P, Citron M, Ottinger E, Hepler RW, Hrin R, Nahas D, Wu C, Montefiori D, Shiver
JW, Pessi A, Kim PS. Proc Natl Acad Sci U S A. 2010 Jun 8;107(23):10655-60.
Les adjuvants sont aussi des composants essentiels des vaccins.
Un adjuvant est une substance du vaccin capable d’augmenter l’intensité de la ponse
immunitaire dirigée contre un antigène administré en même temps. Dans le cadre de la vaccination
contre le VIH, il a donc pour but d’améliorer, d’accélérer et de prolonger la réponse immunitaire
spécifique contre le virus. On sait toutefois aujourd’hui qu’une combinaison d’adjuvants pourrait
stimuler efficacement la réponse immunitaire antivirale non spécifique.
Il existe en effet aujourd’hui de nombreux adjuvants : des sels minéraux, des matières huileuses,
des particules inertes, des dérivés microbiens et des cytokines. Ces dernières stimulent la réponse
immunitaire et l’orientent de façon très précise. C’est le cas de la cytokine IL-15. Une autre famille
d’adjuvants est composée de molécules qui se fixent naturellement sur les récepteurs Toll-like (TLR).
Ces molécules ajoutées à une préparation vaccinale augmentent la quantité et la qualité de la réponse
immunitaire T spécifique. Elles peuvent aussi stimuler l’immunité non spécifique en particulier via la
production d’interférons (voir lettre SIDABLOG 38). Ces adjuvants moléculaires sont importants
dans le développement de nouvelles stratégies vaccinales destinées à protéger les muqueuses de
l’entrée de certains virus comme le VIH.
Yongjun Suia et ses collaborateurs ont étudié les effets de 3 ligands des TLR combinés à de la
cytokine IL-15. 20 macaques on été vaccinés par voie rectale en utilisant ses adjuvants. Seuls les
macaques qui ont reçu les deux types d’adjuvants ont été protégés contre une inoculation intra-rectale
du virus réalisée 22 semaines après la vaccination.
Cette protection est due à l’action synergique des ligands des TLR et d’IL-15. Ils produisent non
seulement une réponse T CD8 + cellulaire spécifique de bonne qualité, mais aussi une immuni
innée à long terme fondée sur des taux élevés du facteur antirétroviral cellulaire APOBEC3G (A3G).
Les ligands des TLR stimuleraient l’IL-15 en favorisant la synthèse de son récepteur (l’IL-15R) et
l’IL-15 activerait la production d’A3G et d’IL-15R par les ligands des TRL. Ces effets sur
l’immunité non spécifique sont observés même lorsque le vaccin ne contient pas d’antigène. Ils ne
sont alors pas suffisants pour protéger les animaux.
Ainsi, l'utilisation d’adjuvants combinés protège les muqueuses en soutenant l’immunité non
spécifique et spécifique. Il reste néanmoins à déterminer les mécanismes mis en jeu et à optimiser ces
effets, dans le but de développer de futurs vaccins contre le VIH.
Innate and adaptive immune correlates of vaccine and adjuvant-induced control of mucosal
transmission of SIV in macaques. Sui Y, Zhu Q, Gagnon S, Dzutsev A, Terabe M, Vaccari M, Venzon D,
Klinman D, Strober W, Kelsall B, Franchini G, Belyakov IM, Berzofsky JA. Proc Natl Acad Sci U S A. 2010
May 25;107(21):9843-8.
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