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En effet, elle implique une déformation continue du partage de la valeur ajoutée au
détriment des revenus du travail et au profit des revenus du capital, ce qui ne paraît
soutenable ni au niveau pratique ni au niveau théorique »
.
Du point de vue de la nécessité de favoriser l’épargne au moyen de la
constitution de fonds de pension, il convient de relever que la faiblesse des taux
d’épargne dans un certain nombre de pays industrialisés est plus le résultat d’une
croissance molle (et non sa cause au passage) que de l’absence de fond de pension, et
qu’aux Etats-Unis, le taux d’épargne, fonds de pension inclus, est particulièrement
faible. Il en résulte que le véritable argument en faveur des fonds de pension ne se situe
pas autour de la question de leurs capacités à élever le taux d’épargne, mais plus
fondamentalement, à même niveau de taux d’épargne, à assurer une meilleure allocation
des ressources en capital. Les défenseurs des fonds de pension considèrent que ceux-ci
permettent de renforcer les mécanismes de financement de l’économie par les marchés
financiers (développement des marchés d’actions et d’obligations), mécanismes qui sont
considérés comme plus efficaces économiquement que le système traditionnel de
financement bancaire. Or, les observations empiriques ne permettent guère de
démontrer une telle efficacité, et du point de vue du financement, la tendance aux Etats-
Unis est au « buy-back », c’est-à-dire au rachat par les entreprises de leurs actions
.
Du point de vue de la possibilité de voir émerger un véritable pouvoir de gestion et
de contrôle par et pour les salariés, le tableau est moins idyllique qu’il n’y paraît.
L’histoire des fonds de pension aux Etats-Unis est avant tout l’histoire d’une montée
en puissance du pouvoir actionnarial, le temps des « entreprises providence » dans
lesquelles des plans de retraite à prestations définies, sous le contrôle et la gestion de
l’entreprise même et de son chef, est désormais largement remis en cause.
Document n°127
Se développe aujourd’hui « (…) une formule de retraite de fait individualisée
puisque les cotisations sont versées sur un compte personnel associé à chaque salarié et
transférable d’un employeur à un autre. Le terme logique de ce désengagement
progressif de l’entreprise réside dans son retrait de la gestion même qui se retrouve
déléguée à des intermédiaires financiers spécialisés : les fonds de pension et les fonds
mutuels »
.
Ces intermédiaires financiers, ce nouveau pouvoir actionnarial, ne laissent guère de
place aux petits actionnaires salariés et à une démarche éthique ou sociale, puisque par
nécessité, ces fonds de pension se doivent de garantir une maximisation de la rentabilité
des capitaux propres, au mépris parfois de stratégies industrielles de croissance.
« Cette possibilité d’un « socialisme des fonds de pension » est démentie par
l’expérience des fonds gérés par les syndicats américains qui montre que la logique
financière l’emporte nécessairement sur la logique salariale dans leur gestion »
.
Jean Claude Barbier, Bruno Théret, « Le nouveau système français de protection sociale », Ed
La Découverte, coll « Repères », 2004, p.60.
Cf. F. Lordon, op-cit, p.41-42.
F. Lordon, op-cit, p.34.
Jean Claude Barbier, Bruno Théret, « Le nouveau système français de protection sociale », Ed
La Découverte, coll « Repères », 2004, p.63.