Se nourrir contre le cancer BENRABAH T, ECKES S, GALLE JB, REMY P L'intérêt de la nutrition dans la prévention des maladies n'est pas nouveau. En 400 avant J.C., Hippocrate énonçait déjà : « Que ta nourriture soit ton médicament et ton médicament ta nourriture». Si la nourriture peut exercer un effet préventif vis à vis du processus de cancérisation, elle peut aussi constituer dans certains cas un facteur de risque. La nourriture comme facteur de risque du cancer Certains aliments ou habitudes alimentaires sont susceptibles de favoriser la survenue de cancers. S'ils ne sont pas à bannir de notre alimentation, des précautions et une consommation raisonnable sont recommandées dans la prévention des cancers. Sont principalement identifiés : Les Boissons alcoolisées : L'éthanol entraîne la formation de métabolites mutagènes (acétaldéhyde, radicaux libres) et exerce une action de solvant augmentant la perméabilité muqueuse aux cancérogènes tels que le tabac. Le vin rouge fait débat, car il contient du resvératrol et de nombreux polyphénols, qui préviendraient le développement du cancer et semblent bénéfiques pour le système cardio-vasculaire. Néanmoins, de récentes recommandations ne lui accordent pas de statut particulier et conseillent d'éviter tout type de boissons alcoolisées. Les Viandes rouges et la charcuterie : Les sels nitrités et la fumaison des charcuteries, le fer héminique, générateur de radicaux libres et la formation d'amines hétérocycliques suite à une cuisson trop vive de la viande rouge entraînent une augmentation du risque de cancer colorectal. Il est conseillé de réduire la consommation de charcuterie et de ne pas dépasser 500g de viande rouge par semaine. Le Sel : Il augmente le risque de cancer de l'estomac par altération de la muqueuse gastrique et par synergie avec des facteurs de risque comme les composés nitrosés ou Helicobacter pylori. Le Bêta-carotène : A doses non nutritionnelles (compléments alimentaires de 20 à 30 mg/j), il n'a pas démontré d'effet protecteur vis à vis du cancer et augmenterait même le risque de cancers du poumon chez les fumeurs. Se nourrir en prévenant la survenue d'un cancer L'organisme est constamment sujet à la formation de microtumeurs qui, dans la plupart des cas, sont prises en charge par nos défenses naturelles. Les aliments d'origine végétale peuvent contribuer à prévenir précocement le développement de ces microtumeurs par différents mécanismes : Action inhibitrice directe sur les cellules tumorales : Les isothiocyanates contenus dans les brassicacées (choux, navets...) et l'ail réduisent des dommages causés à l'ADN en modulant les systèmes enzymatiques qui neutralisent les substances carcinogènes soit en les inactivant, soit en augmentant leur excrétion. Des substances comme le phénétyl isothiocyanate des brassicacées, la curcumine du curcuma ou le resvératrol contenu dans le raisin ont montré in vitro une certaine cytotoxicité vis à vis des cellules cancéreuses. D'autres phytoconstituants sensibilisent les cellules tumorales aux signaux pro-apoptotiques. Les terpènes contenus dans les agrumes ont la capacité d’augmenter le potentiel anticancéreux de composés phytochimiques présents dans l’alimentation en bloquant le cytochrome P4503A4 qui métabolise ces composés. Le lycopène de la tomate, par son action sur des enzymes responsables de la croissance des tumeurs, prévient la survenue du cancer de la prostate. Effet sur le microenvironnement de la tumeur : Les polyphénols du thé et du cacao et les acides phénols contenus en grande quantité dans les petits fruits (framboises, fraises…) et les noix ont montré une inhibition de l'expression de VEGFR-2, un récepteur impliqué dans la néovascularisation des tumeurs, phénomène nécessaire à leur extension. La curcumine, les polyphénols du thé et le resvératrol ont montré un effet anti-inflammatoire bénéfique, tout comme les oméga-3 contenus dans les poissons gras, le soja et les noix par exemple. Or l'implication du processus inflammatoire est reconnue dans la progression de certains cancers. Les fibres en agissant sur le transit, empêchent un contact prolongé des muqueuses intestinales avec des constituants ou des métabolites cancérigènes réduisant le risque de cancers colorectaux. Les végétaux sont constitués d'un ensemble de composés phytochimiques présents dans une matrice. Ces constituants agissent en synergie, c’est pourquoi on ne peut les remplacer par de simples compléments alimentaires. Une alimentation équilibrée et diversifiée en fruits et légumes permet de lutter efficacement contre l'apparition de différents cancers. Ceci en évitant le surpoids, reconnu lui aussi comme facteur de risque de certains cancers. Les recommandations actuelles conseillent de consommer chaque jour au moins 5 fruits et légumes variés (quelle que soit la forme : crus, cuits, frais, en conserve ou surgelés) pour atteindre au minimum 400 g par jour et d’autres aliments contenant des fibres tels que les aliments céréaliers peu transformés et les légumes secs. Références : Béliveau R, Gingras D – 2007 - Role of nutrition in preventing cancer - Can Fam Physician – 53 (11) : 1905-11 | Béliveau R, Gingras D – 2006 – Les aliments contre le cancer – Editions SOLAR | Nutrition & prévention des cancers : Des connaissances scientifiques aux recommandations – 2009 – Institut National du Cancer.