Pour les lecteurs, à l'issu de ce récit de Saint Marc,
quelques remarques, hors homélie,
sur l’homme habité du Christ.
Le Verbe de Dieu cherche sans cesse à venir prendre place dans la chair de
l'homme pour lui offrir la vie éternelle ou la vie du Royaume de Dieu.
Le corps de tout homme est là où il est, il va où il va, il fait ce qu’il fait... Ainsi
l'homme est un "pauvre en esprit". Il ne sait jamais parfaitement qui il est, où il va, ce
qu’il fait. Les hommes se nomment eux-mêmes "des hommes", parce qu'ils ne peuvent
entendre personne d'autre qu'eux-mêmes les désigner. Et, cependant, Jésus parle de lui-
même en se désignant "le fils de l'homme". C'est bien que l'homme, les hommes ont
quelque chose en eux qui mérite que le Christ se manifeste à eux comme le fils de
l'homme.
Qui est alors cet homme qui occupe tout l'espace de la terre, qui est fait "à
l'image de Dieu et à sa ressemblance", "qui domine les animaux et tous les êtres
vivants" (Cf. Genèse 1) ? Il ne peut le savoir par lui-même. Cet aveuglement est lié à sa
dignité inconnue : le Verbe est enfoui dans la chair de l'homme, dans l’épaisseur de la
chair parce qu’il est en toute chose dès l’origine, aujourd’hui et dans l’avenir. Il est donc
aussi en tout homme mais en promesse, en enfantement et à accomplir. “ Il vient ”
depuis toujours et pour toujours.
Nous pouvons bien chercher à comprendre comment l'homme est génétiquement
constitué, sur quelle évolution il a été formé jusqu'à ce jour. Laissons cette recherche à
"la sagesse des sages et à l’intelligence des intelligents". Les solutions apportées à
l'énigme génétique de l'homme ne donneront jamais pleinement satisfaction pour
comprendre l’incompréhensible puisque ce n’est pas une affaire d’intelligence mais
d’écoute et de regard. Si l'homme a un fils tel que le verbe, c'est que l'homme est autre
que toutes les définitions qui lui sont livrées.
Pour cet homme, celui dont Jésus nous parle, la foi est ou elle n’est pas. Elle est
toujours petit grain : « la graine de sénevé », plus ou moins enfoui dans les corps, plus ou
moins “ éveillé ” et donc opérant. La foi n’est pas le discours conscient sur les réalités
religieuses. La foi est acte ou l’œuvre de quelqu'un qui ne cesse de venir à qui veut
l'accueillir, le voir et l'entendre, et non définition ou croyance. De même que l’enfant du
couple révèle à ses parents peu à peu comment ils sont père et mère, de même le verbe
présent et enfoui dans l’homme lui révèle peu à peu qui il est.
Celui qui est venu et qui vient encore est le Verbe-Corps. Il est la vérité enfouie
en chacun là où celui-ci ne sait pas qui il peut être. Et son Nom désigne ce lieu-là, le lieu
du Corps inconnu. Ce Corps réside en chacun et entre nous, car il est le lien avec le Père,
la filiation de chacun, filiation universelle.
Celui qui est venu, Jésus, Verbe de Dieu, a regardé la foule grouillante, s’agitant,
pensant, luttant, souffrant, jouissant, voulant, désirante, aimant, haïssant, tuant,
s’enorgueillissant, s’humiliant, humiliée, glorifiée, déprimant, éclatée et s’éclatant,
jugeant de haut, se frappant la poitrine etc. Il l’a regardée avec amour et miséricorde,
car c’est là qu’il est enfoui, perdu, oublié, demandé, cherché... C’est à elle, c’est déjà lui,
c’est le corps qui lui est donné à cette foule, en attente...