QUAND LES CHIENS VONT... A L'HOPITAL Devant le succès grandissant de Souky, l'équipe a vite réalisé qu'elle ne suffisait plus toute seule à satisfaire la demande... Pour les personnes âgées, une journée à l'hôpital peut être bien longue. On attend que le temps passe, on guette, on s'ennuie, on déprime et parfois on n'a plus envie de rien. Alors que reste-t-il du plaisir et du goût de vivre ? La journée est alternée de moments où il faut tout faire vite: vite se lever, vite se laver, vite s'habiller, vite déjeuner... de moments où il faut attendre: attendre le kinésithérapeute, attendre le médecin, attendre les soins, attendre jusqu'au repas, attendre le goûter, encore attendre jusqu'au souper et enfin attendre d'être couché. Des activités sont certes proposées mais ce sont toujours les mêmes personnes âgées qui acceptent d'y participer, les mêmes qui refusent et les mêmes qui ne peuvent s'y joindre car trop dépendantes ou trop malades. Une animation un peu particulière... Dans le service de gérontologie du Professeur Sebag-Lanöe à l'hôpital Paul Brousse (AP-HP), les personnes âgées, hospitalisées (en courts, moyens ou longs séjours, ainsi qu'en soins palliatifs), bénéficient depuis bientôt trois ans de la présence d'une soignante peu ordinaire: Souky, chienne caniche de 14 ans qui accompagne sa maîtresse, infirmière dans le service. Après quelques mois d'expérience, constatant à quel point la présence de Souky était source de joie et de plaisir, c'est une vériable animation qui fut alors créée privilégiant la relation: personnes âgées/chiens, appelée encore "animal-thérapie" ou TFA (Thérapie Facilitée par l'Animal). En effet, auditrice infatigable et complaisante, Souky devint vite un dérivatif puissant à la solitude, à l'angoisse, rôle que ne jouent hélas, ni la télévision, ni la radio, pourtant omniprésentes à tout moment de la journée. ...qui a entraîné la naissance d'une association... Après plusieurs contacts échangés avec différentes associations comme l'AFIRAC et l'association nationale d'éducation pour les chiens d'assistance aux handicapés (l'ANECAH) dont l'objectif principal est d'utiliser les rapports privilégiés entre les personnes âgées ou handicapées et les animaux, il a été décidé de créer en 1994, en accord avec le directeur de l'hôpital et le chef de service, une association similaire: l'Association française pour l'utilisation des chiens d'assistance (l'AFUCA). Cette association est constituée de sections autonomes par centres d'intérêt et d'action dont le CAPA (Chiens d'assistance aux personnes âgées). ...et un nouveau réseau de bénévoles: les maîtres et leurs chiens Le CAPA propose aux personnes âgées des visites individuelles et des animations-chiens dites brièvement "anichiens" ! - La visite individuelle est une visite personnalisée où le couple bénévole, maître et chien, rencontre la personne âgée dans un lieu où elle aime se retrouver, soit dans sa chambre, dans la salle à manger, dans le couloir, ou dehors dans le jardin. Cette visite est en fait un soin relationnel très important. Le chien va spontanément vers l'homme... - L'"anichien" est une animation proposée à un groupe de personnes. Cette animation est faite avec le chien et par son intermédiaire. Elle a pour but la resocialisation, la revalorisation, en proposant un soin par le jeu. situations le chien ne doit en aucun cas montrer les dents ou grogner. -> Il doit également * savoir marcher en laisse sans tirer sur celle-ci, * accepter d'être tenu en laisse par une personne autre que son maître, * être capable de répondre à des ordres simples, * être strictement propre. N'est pas maître et chien qui veut ! Le couple maître-chien est alors accepté au sein de l'équipe du CAPA et peut participer aux visites ainsi qu'aux animations. Une indispensable sélection est nécéssaire pour les uns comme pour les autres. Des chiens à l'hôpital ? Et l'hygiène ? * Pour le maître -> Un premier rendez-vous est donné au maître seul. L'entretien permet de connaître ses motivations, son histoire, l'existence d'événements récents comme une mise à la retraite, un deuil, et son expérience personnelle. De même est pris en compte sa façon d'appréhender l'autre, le handicap, le bénévolat... -> Après avoir présenté le service, le personnel et les patients, le soignant insiste particulièrement à la fin de l'entretien sur l'engagement moral du bénévole vis-à-vis de l'hôpital et de ses visites. Il sera en effet soumis à quelques obligations: - la régularité des visites, l'idéal étant à jour fixe, en général une à quatre fois par mois, de telle sorte qu'à titre collectif il y ait au moins une rencontre mensuelle pour chaque groupe de résidents. - la présence à la réunion de coordination avec la surveillante responsable. Elle a lieu régulièrement une fois par mois. - le secret moral: en aucun cas le bénévole ne doit communiquer à l'extérieur le vécu de ses visites, l'identité des patients ou ce que lui confient les aides-soignantes, les infirmières, un membre d'une famille ou le patient lui-même. En collaboration avec la surveillante du service d'hygiène de l'hôpital, "une charte du chien à l'hôpital" a été élaborée. * Pour le chien -> On utilisera des tests d'aptitude. Ils sont faits afin de mieux connaître l'animal. Avec son maître on va rechercher le caractère de l'animal et savoir si ce chien est un dominant ou un dominé (les chiens dominants étant contreindiqués). Puis, on va essayer de se rendre compte s'il est sociable, peureux ou non, généreux ou pas. Quel est son comportement avec les membres de la famille, avec ceux qu'il rencontre à l'exérieur, avec ses congénères ? -> Pendant la première visite, on va observer son comportement et le mettre en situation d'épreuve: comment va-t-il réagir à un effet de surprise, à un bruit inattendu comme une sonnette d'alarme, de téléphone... à une caresse mais aussi quand on lui tire volontairement les poils... dans toutes ces -> Il doit être: * en bonne santé; * exempt de dermatoses (eczéma, perte de poils); * vacciné et vermifugé (deux fois par an ) avec certificat du vétérinaire; * un traitement anti-parasitaire doit être fait à l'aide d'un produit vaporisé et non d'un collier, tous les trois mois, voire plus pendant l'été; * l'animal doit être brossé systématiquement avant chaque visite. En période de mue (deux fois par an), il doit être brossé deux fois par jour; * en fonction des intempéries, de la taille du chien, de la longueur de ses poils et de son lieu habituel de promenade, le rythme de ses shampoings sera à évaluer. Dans tous les cas, les jours de pluie, avant de rentrer dans le service, le maître procédera à l'essuyage des coussinets, voire du ventre; * le chien est toujours tenu en laisse, sauf autorisation expresse de l'infirmière-animatrice; * lui sont interdits: - l'office alimentaire, - les postes de soin. La chambre sera accessible avec l'accord de la personne âgée et des médecins. Une caresse évoque tant de souvenirs... Mieux vaut prévenir que guérir et chacun s'applique à anticiper toutes sortes de risques en respectant "la charte du chien à l'hôpital". Puisque chacun y met du sien, les risques s'effacent pour laisser place aux avantages et à la réussite. Une personne qui a assisté à des visites et à des "anichiens", comprend que le risque est bien minime par rapport à toute la joie et à tous ces moments complices et heureux que partagent les personnes âgées, les maîtres et leurs chiens, les soignants et les familles. Si les "anichiens" n'existaient pas, il faudrait les inventer ! Ces animations sous forme de jeux sont en fait des séances de kinésithérapie et d'orthophonie. Elles vont stimuler différents sens: l'écoute, l'attention, la concentration, la parole (parler, réfléchir, compter, comparer), la mémoire actuelle et passée, le toucher, l'ouïe, la mobilisation des différents membres et articulations, la marche, l'équilibre et les repères dans l'espace. Ces séances sont destinées à un groupe de patients de degré d'autonomie relativement homogène; patients déments qui s'expriment verbalement ou non, valides ou non... Les activités sont adaptées à chaque "niveau" et favorisent par un entraînement bien précis et dosé les différentes aptitudes physiques et mentales. Les aides-soignantes et infirmières qui ont en charge ces résidents peuvent ainsi observer et noter leurs comportements, leurs participations, leurs réactions et leurs réflexes par rapport aux jeux proposés. Une feuille d'observation a d'ailleurs été élaborée dans le but d'une utilisation simple, rapide et aussi complète que possible (un seul soignant peut observer deux ou trois patients). Pour la réussite bénéfique de ces "anichiens", il est important d'obtenir la collaboration de l'équipe médicale et paramédicale: pour les patients, il s'agit aussi de soin et de rééducation... mais il ne faut certainement pas oublier le plaisir qui s'en dégage: plaisir de jouer, de toucher, de caresser, de faire de tendres câlins, d'échanger des regards complices... Voici quelques exemples d'activités: - brosser un chien, retirer les poils de la brosse et les mettre à la poubelle; - enlever la laisse et le collier, puis les remettre; - lancer une balle; - toucher ou comparer les chiens ou leurs accessoires; - marcher avec le chien en laisse; - citer les différentes parties du corps du chien. De petits moments uniques, presque magiques Chacun participe selon ses envies, selon son plaisir. Personne n'est forcé, juste encouragé, rassuré, complimenté, admiré. Toutes les personnes âgées ont droit à un petit bonjour canin. Qu'elles soient dans la salle à manger, dans le couloir, dans leur chambre, dans un fauteuil roulant ou dans un lit, personne n'est oublié (toujours avec l'accord du patient et de l'équipe médicale). Des évaluations en pointillés S'il est trop tôt pour faire des évaluations, de nombreuses observations ont été notées: * Une dame atteinte de maladie d'Alzheimer, qui ne sait plus ni s'habiller, ni se coiffer, brosse un grand chien à poils longs. * Un monsieur handicapé de son bras gauche, s'en plaignant continuellement malgré les antalgiques, enlace d'un seul élan un chien sur ses genoux. * Un autre ne sortant quasiment jamais de sa chambre, ne se fait pas prier pour sortir promener un chien. * Une dame ayant très peur du contact avec les malades déments, s'est peu à peu familiarisée avec eux, pouvant même se promener dans les couloirs et prendre ses repas en commun. Les projets du CAPA Ils sont multiples face à la demande des personnes âgées voulant participer aux différentes animations ou rencontrer leur animal favori ! Il est maintenant urgent d'agrandir l'équipe de bénévoles en arrivant à proposer une "anichien" deux fois par mois au lieu de six actuellement dans l'année. Il est de même tout aussi important d'arriver à démontrer que cette animation est un soin, un véritable outil de travail en complément des séances d'orthophonie, de rééducation ou de kinésithérapie. Effectuer les gestes de la vie quotidienne par plaisir et non par obligation, tel est l'objectif que s'est fixé l'association. Nous sommes convaincus que la présence d'un animal maintient la vie la plus proche possible des conditions naturelles, permettant de découvrir un champ d'intérêt nouveau ou de renouer avec des activités oubliées. L'hôpital, la résidence, un lieu de soin et de vie, pourquoi pas ? Intervention de Catherine Barthalot, infirmière, service du Docteur Sebag-Lanoë, hôpital Paul Brousse, aux 2èmes journées de l'AP-HP, septembre 1995 Synthèse Elisabeth Rogez, "L'aide Soignante" Carnet d'adresses * AFIRAC Association Française d'Information et de Recherche sur l'Animal de Compagnie : 7 rue du Pasteur Wagner, 75011 Paris- Tel 01 49 29 12 00 * ANECAH Association Nationale d'Education pour les Chiens d'Assistance aux Handicapés : Ferme du Mont, 45240 Ménestreau en Vilette - Tel : 04 38 76 99 50 * AFUCA Association Française pour l'Utilisation du Chien d'Assistance : 34 rue des Erables, 78450 Chavenay. * CAPA Chiens d'Assistance aux Personnes Agées: Hôpital Paul Brousse, service du Docteur Sebag-Lanoë, 14 avenue Paul Vaillant Couturier, 94800 Villejuif. Présidente Catharine Barthalot.