Berlin et l`Allemagne dans la Guerre froide : Introduction En 1945, l

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Berlin et l’Allemagne dans la Guerre froide : Introduction
En 1945, l'Allemagne et Berlin ont été découpés en quatre zones d'occupation placées sous l'autorité des puissances victorieuses
du conflit, qui n'ont pas signé la paix avec l'Allemagne : États-Unis, Royaume-Uni, URSS, France. Berlin-Ouest, zone
d'occupation des forces occidentales américaines, britanniques et françaises – définie à Yalta et Potsdam en 1945 – est une enclave
au cœur de la zone d'occupation soviétique. En quoi l'histoire de l'Allemagne et de Berlin entre 1947 et 1991 montre la
bipolarisation du monde, mais aussi les limites de l'ordre voulu par les deux Grands ? Nous verrons d'abord que de 1947 à 1962,
l'Allemagne est au cœur de l'affrontement militaire et idéologique entre les deux Grands. Puis nous montrerons que de 1962
à 1985, si elle est au centre du rapprochement Est/ Ouest, elle tente aussi de prendre ses distances vis-à-vis des États-Unis et de
l'URSS. Enfin, nous étudierons le rôle clé de l'Allemagne dans l'effondrement du communisme, à partir de 1985.
Pendant la première partie de la Guerre Froide (1947-1962), l’Allemagne est en plein cœur des enjeux entre les deux Grands.
1. L'Allemagne, théâtre de la première crise entre les deux Grands
Entre 1945 et 1947, la plupart des Etats d’Europe de l’Est basculent dans le communisme et les États-Unis, le Royaume-Uni et la
France décident donc d'accélérer dans leur zone la reconstitution d'un État allemand économiquement et politiquement fort,
capable de faire barrage au communisme. Cette « trizone » est pour Staline une violation des traités ; il décide d'en faire autant en
fermant les liaisons terrestres entre Berlin et l'Allemagne occidentale. Une épreuve de force s'engage, qui préfigure le véritable
début de la guerre froide, car les armées des deux blocs y sont face à face. La réaction américaine au blocus est immédiate et
consiste en un pont aérien pour ravitailler Berlin-Ouest. Après 11 mois, en mai 1949, Staline doit renoncer au blocus. Cette
première crise de Berlin est révélatrice, car elle officialise concrètement la dislocation de la Grande Alliance et révèle les règles
implicites de la guerre froide : les Occidentaux n'ont pas cherché à forcer le blocus terrestre et les Soviétiques n'ont pas entravé le
pont aérien, cette maîtrise réciproque évitant la guerre. Cette situation aboutit à la constitution en 1949 de deux États, la RFA
(République fédérale d'Allemagne) et la RDA (République démocratique allemande). Elle est aussi à l'origine de la signature, en
avril 1949, du traité de l'Atlantique Nord, avant la mise en place l'année suivante de l'organisation du même nom (OTAN).
L’URSS réagit par la création du pendant oriental de l'OTAN, le pacte de Varsovie, en mai 1955.
2. Les deux Allemagne, vitrines des deux modèles concurrents
La crise de Berlin transforme la ville en un symbole de résistance à l'expansion du communisme. Berlin-Ouest est pour les
Américains une position géopolitique exceptionnelle et peut donc devenir pour les Occidentaux une « ville du front » de la guerre
froide, un avant-poste de l'Occident, une vitrine scintillante du capitalisme au cœur d'un monde socialiste démuni. C'est aussi une
base d'espionnage et de propagande avancée et un bureau de recrutement aisément accessible pour la main-d'œuvre allemande qui
souhaite passer d'Est en Ouest.
3. La seconde crise de Berlin
En 1960-1961, Khrouchtchev, qui a remplacé Staline, hésite à pousser la coexistence pacifique qu'il a proposée aux Américains :
l'URSS doit faire face à la rupture avec la Chine et au mouvement des non-alignés mené par la Yougoslavie. Il doit pourtant
mettre un terme à l'hémorragie de population qui quitte la RDA pour la RFA en passant par Berlin-Ouest (déjà 1,6 million de
personnes, soit l'équivalent de la population de Berlin-Est) – ce qui constitue un désaveu du régime communiste. Un mur de
46 km de long est alors construit à Berlin dans la nuit du 12 au 13 août 1961. Franchir le Mur constitue un crime et une trahison :
la photographie d'un membre de la police des frontières est-allemande (un Vopo, abréviation de Volkspolizei) sautant par-dessus
les barbelés, le 15 août 1961, fait le tour du monde. Même si la propagande est-allemande vante la construction du Mur comme
« protection antifasciste » pour éviter une agression venue de l'Ouest, celui-ci est entièrement orienté vers l'intérieur et ne vise pas
à empêcher les entrées mais à interdire les sorties. Comme en 1953, les Occidentaux n'interviennent pas, ce qui est une nouvelle
déception pour de nombreux Allemands.
Transition
Dès 1947, il apparaît clairement que l'Allemagne et Berlin représentent des enjeux cruciaux dans le conflit qui oppose les deux
Grands, chacun étant persuadé des volontés impérialistes et expansionnistes du camp adverse. La gestion du blocus par l'URSS et
les États-Unis révèle que si la paix est impossible, la guerre est improbable – ce qui constitue une dimension fondamentale de la
guerre froide. Mais la coexistence pacifique qui suit la mort de Staline déçoit des Allemands qui ont l'impression, en 1953 comme
en 1961, d'être quelque peu abandonnés par le bloc occidental.
A partir de 1962, l’Allemagne et Berlin voient, comme le reste du monde, un apaisement naître entre les 2 Grands dans le
cadre de la Détente.
1. La RFA, moteur de la construction européenne
Méfiant envers l'alliance américaine, le chancelier ouest-allemand Adenauer est prêt à se rapprocher de la France de de Gaulle, qui
vient, en février 1960, de faire le premier essai de lancement de la bombe A. En janvier 1963, le traité de l'Élysée scelle la
réconciliation franco-allemande et fait naître un nouveau couple qui s'impose comme le moteur de la construction européenne.
Pour se réconcilier avec les Allemands, le président américain J. F. Kennedy se rend à Berlin-Ouest, le 26 juin 1963, et prononce
devant le chancelier Adenauer et le maire Willy Brandt un célèbre discours de soutien à la réunification.
2. L'Allemagne au cœur de l'amélioration des relations Est/ Ouest
La période de détente, qui s'ouvre après la crise de Cuba, est surtout visible en Europe, notamment en RFA. Dès son arrivée au
pouvoir en 1969, le social-démocrate Willy Brandt souhaite, pour préserver l'avenir interallemand et normaliser les rapports entre
les deux Allemagne, mener une politique réaliste « d'ouverture à l'Est » baptisée Ostpolitik. Son homologue Honecker est aussi
prêt à faire des concessions. À la suite de voyages à Moscou, Varsovie et Jérusalem en 1970 et 1971, Brandt normalise les
relations avec l'URSS et reconnaît l'inviolabilité de la frontière avec la Pologne et la responsabilité de l'Allemagne dans le
génocide juif. Sa politique, qui lui vaut le prix Nobel de la paix, est couronnée de succès : en décembre 1972, les deux Allemagne
signent le traité fondamental par lequel elles se reconnaissent mutuellement (d'où l'admission simultanée des deux pays à l'ONU
en septembre 1973). Ce rapprochement est à l'origine de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE)
d'Helsinki, rassemblant tous les États européens y compris l'URSS plus les USA et le Canada, et qui s'achève avec la signature des
accords d'Helsinki, en août 1975.
3. L'Allemagne et la crise des euromissiles
À partir de 1975, l'URSS profite du repli américain pour étendre sa zone d'influence : en Europe orientale, Moscou installe
en 1977 des missiles SS 20. Il faut attendre l'arrivée au pouvoir de Ronald Reagan pour assister à une contre-attaque de
Washington : les États-Unis décident, en 1983, l'installation de missiles Pershing II qui peuvent atteindre Moscou, ce qui
déclenche la guerre fraîche. En RFA, on assiste au développement du pacifisme avec de puissantes manifestations, en octobre
1983, dans les grandes villes (y compris Berlin-Ouest). Les pacifistes de l'Allemagne de l'Est étendent leurs revendications aux
questions d'environnement et surtout de respect des droits de l'homme.
Transition
À partir de 1962, les intérêts allemands et américains divergent. Cela se traduit pour la RFA par des accords bilatéraux avec la
France et avec les démocraties populaires, et par un rejet de la politique agressive des États-Unis en Europe au début des
années 1980.
A partir de 1985, la RDA suit les mêmes évolutions que le reste du Bloc soviétique.
1. Gorbatchev et la fin de la souveraineté limitée de la RDA
À partir de 1985, le nouveau premier secrétaire du PCUS, Mikhaïl Gorbatchev, souhaite mettre fin à la politique soviétique de
souveraineté limitée des démocraties populaires, dite « doctrine Brejnev », et promeut la glasnost (transparence) qui doit favoriser
la liberté d'expression et l'accès à l'information. Mais il est rapidement débordé. En Pologne, des élections semi-libres sont
organisées en août 1989, amenant au pouvoir le premier gouvernement non-communiste du bloc de l'Est. Dans le même temps,
Gorbatchev assure aux dirigeants réformistes hongrois que leur pays pourra quitter le pacte de Varsovie. Ceux-ci entreprennent
immédiatement de démanteler le rideau de fer séparant la Hongrie de l'Autriche. Par la brèche ainsi ouverte, 720 000 EstAllemands gagnent l'Ouest et passent en République fédérale.
2. La chute du mur : la levée du rideau de fer
Après la visite de Gorbatchev en Allemagne de l'Est en octobre 1989 (40 ans de la RDA), des manifestations populaires réclament
des réformes démocratiques et la fin du monopole communiste, en scandant : Wir sind das Volk « Nous sommes le peuple ». Le
dirigeant Honecker est poussé à la démission. Le 9 novembre 1989, après une conférence de presse annonçant l’autorisation de
circuler librement entre Berlin Est- et Berlin Ouest, le mur qui coupe Berlin en deux est abattu par la population. Des élections
renversent le pouvoir communiste. À partir de là, en Europe centrale et orientale, les régimes communistes tombent les uns après
les autres.
3. La difficile réunification
Le 3 octobre 1990 est signé le traité 4 + 2 (4 puissances occupantes et 2 Allemagne) marquant l'unification de l'Allemagne. La
RDA se fond dans la CEE et Berlin redevient la capitale du pays. Mais cette réunification ne va pas sans poser de problèmes pour
l'Allemagne et aussi pour l'ensemble de l'Europe.
Conclusion
Jusqu'en 1962-1963, c'est la guerre froide qui régit les rapports interallemands, mais à partir de la détente, les Allemands tentent
de gérer leur division entre eux et de ne plus dépendre du bon vouloir des deux Grands. Voici donc un excellent exemple de
l'évolution des relations internationales entre 1947 et 1991 : si celles-ci sont d'abord conditionnées par la bipolarisation
Est/ Ouest, elles échappent peu à peu à cette logique duale avec l'arrivée de nouveaux acteurs, comme la communauté
européenne à l'Ouest et la société civile à l'Est . A la fin de la Guerre Froide, l’Allemagne est finalement réunifiée, redevenant
une grande puissance européenne.
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