Histoire du phénomène religieux ( Mme Lacoue-Labarthe )
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au XVIème siècle, par la redécouverte de la pensée grecque, par le progrès des sciences… On
crée des cabinets de curiosité, c’est-à-dire des lieux où l’on découvre les éléments d’autres
cultures ( voir le texte de Montaigne sur les cannibales ). Une distance critique commence à
se faire jour. C’est à la même époque que se développe la philologie ( étude d’une langue à
partir de ses textes ), et que celle-ci est appliquée à la Bible. On commence à avoir une
amorce de comparaison entre la Bible hébraïque et la Bible chrétienne.
Au XVIIIème siècle, Joseph François Lafitau publie une étude sur les Iroquois : Mœurs des
sauvages américains, comparées aux mœurs des premiers temps ( 1724 ). Il analyse en tant
qu’anthropologue ces sociétés pour elles-mêmes, et non pas comme faire-valoir des sociétés
européennes. Lafitau affirme la richesse de la civilisation des Iroquois. Ceux-ci ont une forme
de spiritualité et une transmission de cette spiritualité. Lafitau voit ces “sauvages“ comme les
héritiers des Grecs. Il y a une forme d’universalité de la culture. Ces Indiens sont en fait de la
même nature que les Européens. La curiosité que l’on trouve chez Lafitau est fondatrice d’un
nouveau regard, qui va surtout émerger au XIXème siècle ( anthropologie, philologie
comparée ). Des questions récurrentes : le rapprochement entre mythes et religion, l’origine
des religions, les liens entre les religions. On a des éléments communs dans l’ensemble des
religions étudiées. Voir Rudolph Otto, Le sacré ( 1917 ).
À la fin du XIXème siècle, on voit la naissance d’une véritable science universitaire historique
des religions ( exemple : une chaire est créée à Paris ; la science du phénomène religieux se
substitue à la théologie à la Sorbonne ). La méthode des sciences religieuses suppose qu’il y
ait un arrachement à la théologie dogmatique mais aussi à une stricte philosophie rationaliste.
Il faut une certaine souplesse d’esprit, pouvoir imaginer qu’on puisse être croyant. Pendant
longtemps, le savoir a été religieux, contrôlé par les représentants de la religion. Désormais, la
religion devient objet de savoir. Ce développement se fait en France à un moment où l’Etat
prend ses distances notamment vis-à-vis de l’Eglise catholique. On enlève l’enseignement aux
religieux. Ce renversement est important. Partout en Europe, la discipline apparaît à peu près
au même moment. En Allemagne, Max Weber entame une approche sociale de la religion.
Dans le monde anglophone, le mouvement est plus tardif ( après la deuxième guerre
mondiale ). Les religions sont présentées comme des ensembles, des systèmes, ce qui favorise
la comparabilité.
Etat des lieux des études du phénomène religieux
Une interrogation récurrente : pourquoi a-t-on une forme de nécessité du religieux chez les
hommes ? Comment le religieux se manifeste-t-il dans les sociétés ? Qu’est-ce qui caractérise
une société religieuse ?
On va chercher à déterminer des invariants. Il y a des responsables, un ou plusieurs dieux. Le
point commun est l’existence d’un personnel plus ou moins spécialisé : prédicateurs,
prophètes, ministres du culte. On a aussi un dogme, un culte, des croyances, la notion de
sacrifice, un sentiment individuel d’appartenance à une société. Lorsque l’on essaie de trouver
des invariants, on s’aperçoit que le bouddhisme est une religion qui les résume assez bien.
D’abord, l’on a un membre fondateur : Bouddha ( l’Illuminé, le Fondateur = le prince
Siddharta Gautama ), à la fois humain et divinisé. C’est autour de lui que se développe la
croyance, “dharma“ ( doctrine et lois ), et la communauté, “sangha“ ( avec son culte, ses
rites ). Il y a une correspondance entre Dieu et les hommes et entre les hommes entre eux.
Différentes approches du phénomène religieux