rappels de narratologie - Le capes de lettres modernes en clair

Envoyé par Céline.
RAPPELS DE NARRATOLOGIE
Bibliographie :
Genette : Figure I, II et III
Bourneuf : L’univers du roman
Valette : Le roman, initiation aux méthodes
Jouve : La poétique du roman
Mitterand : Le discours du roman
Qu’est-ce que l’énonciation ?
« L’énonciation peut être définie comme la mise en fonction de la langue par un acte individuel d’utilisation »
Benveniste
Nous allons être amenés à faire une distinction entre le récit, l’histoire et la narration (cf Genette) :
Le récit : c’est le texte oral ou écrit qui présente l’intrigue
L’histoire : c’est l’objet du récit
La narration : c’est l’acte qui produit le récit
1) LA VOIX NARRATIVE (ou instance narrative) : Qui parle ?
Attention, il ne faut pas confondre auteur et narrateur / lecteur et narrataire (personne allocutaire).
Dans Aurélia et Sylvie, nous avons affaire à un texte à la 1° personne du singulier mais il ne faut pas s’imaginer
qu’il s’agit d’un texte autobiographique. Ce n’est pas Nerval qui parle mais le narrateur du roman.
Pour la voix narrative, il faut prendre en compte la relation du narrateur avec l’histoire:
- quand il est extérieur à l’histoire : le narrateur est hétérodiégétique
- quand il fait partie des personnages : le narrateur est homodiégétique
- quand il est le personnage principal : le narrateur est autodiégétique (c’est le cas de Sylvie et Aurélia)
- quand il est lui-même inclu dans le récit d’un autre narrateur : le narrateur est intradiégétique (cf Les mille et
une nuits)
- quand il est le même tout au long du récit : le narrateur est extradiégétique (c’est le cas de Sylvie et Aurélia car
il n’est pas question d’enchassements).
2) LE MODE NARRATIF :
La distance : il s’agit du degré d’implication du narrateur dans l’histoire qu’il raconte. Il peut choisir de donner
de nombreux détails sur ce qu’il raconte ou de laisser le lecteur sur sa fin.
La scène : l’auteur choisit de rapporter un événement dans son intégralité. C’est le discours rapporté qui est le
plus souvent utilisé (au choix : discours direct ou indirect).
Le sommaire : l’auteur choisit de faire un résumé de l’action.
Le discours direct : le narrateur se contente de rapporter les paroles de quelqu’un d’autre ce qui abolit toute
distance.
Le discours indirect : les paroles sont filtrées par l’instance narrative.
Le discours indirect libre : les paroles sont autonomes et encore plus filtrées par l’instance narrative.
Le discours direct libre : les paroles sont sans trace de discours rapporté.
A ce sujet, un passage dans Sylvie pose problème (cf § 6) « Oh ! que de richesses !…de diamants d’Irlande »
car il peut s’agir :
de Sylvie
du personnage narrateur enfant
du personnage narrateur adulte
de pensées de personnages enfants
PS : Toujours spécifique, l’imparfait estompe la précision temporelle donc il peut convenir à toutes les époques.
Alors que pour Genette, la pensée est une parole silencieuse, Cohn croit à la différence entre pensée silencieuse
et parole.
Psycho-récit : c’est le récit de la vie d’un personnage
Monologue narrativisé : c’est le discours indirect libre
Monologue rapporté : c’est le discours direct
3) LA FOCALISATION :
Focalisation externe : le narrateur est extérieur au récit, il en sait moins que le personnage.
Focalisation interne : le narrateur voit à travers les yeux d’un seul personnage et n’en sait pas plus que lui.
Focalisation zéro : le narrateur est omniscient, il sait tout et il s’agit le plus souvent d’un récit à la 3° personne
du sg.
Dans Sylvie, il y a une segmentation temporelle, le narrateur raconte son histoire mais il y a deux points de
vue :
- Point de vue d’aujourd’hui : le narrateur reconsidère les choses avec l’expérience qu’il a acquise
- Point de vue du passé : la façon dont le narrateur voyait les choses à l’époque
Le « je » est donc double, on parle de narration bi-vocale. Il intègre de plus les discours d’autres personnages…
Sylvie s’ouvre et se ferme sur une scène de théâtre, ce qui prouve que le « je » est ambigu (cf la scène du
déguisement §6). Le « je » est dédoublé sur le plan temporel mais il est en même temps protéiforme car il se
« déguise » tout au long du récit, ce qui fait que cette nouvelle n’est peut-être pas aussi simple qu’il y paraît.
C’est la voix du narrateur principal qui va dominer et tenir tous les « je » de la polyphonie, faisant ainsi titre
d’autorité.
4) LE TEMPS :
Les moments de la narration
- ultérieure : l’histoire s’est passée avant la narration (c’est le cas de Sylvie et Aurélia)
- simultanée : l’histoire se passe en même temps que la narration
- antérieure : l’histoire se passe après la narration
- intercalée : à la fois présent et passé (cf récit épistolaire, l’autobiographie)
L’ordre des événements rapportés
Il est possible soit de respecter la chronologie soit de ne pas la respecter. Dans ce cas nous parlons d’anachronie
narrative :
- analepse : il s’agit d’un retour en arrière, le mouvement est rétrospectif
- prolepse : il s’agit d’un événement qui va se produire
PS : Il est aussi intéressant d’étudier l’amplitude de l’anachronie qui peut se passer sur un an ou sur un jour
etc…
La fréquence des événements
- récit itératif : l’auteur raconte une fois ce qu’il s’est passé plusieurs fois
- récit singulatif : l’auteur raconte n fois ce qu’il s’est passé n fois
- récit répétitif : l’auteur raconte plusieurs fois ce qu’il s’est passé une fois
La vitesse
- l’ellipse } l’histoire est racontée rapidement impression d’accélération
- le sommaire
- la description } l’histoire est racontée simultanément  le temps de l’histoire équivaut au
- la scène temps de la scène
- la pause : l’histoire est racontée lentement le narrateur prend son temps et la narration ne progresse pas
5) LES FORMES DU DISCOURS RAPPORTE :
L’emploi du discours direct
Il y a une notion d’hétérogénéité dans ce type de discours (cf J. Authier-Revuz). Le discours direct sépare deux
formes, le discours citant et le discours cité. Il n’y a aucune ambiguité entre les deux sources énonciatives. C’est
souvent Sylvie qui a le privilège du discours direct. Lorsque le narrateur choisit le style direct pour rapporter ses
propres paroles de lui enfant, c’est à ce moment là qu’il s’en distance le plus clairement.
On peut parler de « zoom énonciatif » qui rapproche le narrateur du côté enfant. Des fois, le lecteur sent la
présence du monologue intérieur repérés grâce à « me dis-je », « que sais-je »…
Il n’y a pas de narrateur omniscient, le lecteur voit tout par son regard mais en même temps que lui.
Il y a un décalage entre le discours de Sylvie (direct) et le discours du narrateur (indirect). Sylvie dispose
toujours du pouvoir de décision car elle utilise souvent des tournures impersonnelles telles « il faut ». Le
lecteur voit une opposition entre un personnage dans le flou et Sylvie, qui est toujours en activité, dans l’action.
Le personnage narrateur est toujours en marge, hors de l’action. Là où Sylvie est ferme, claire, le narrateur est
maladroit.
L’emploi du discours indirect
Le discours indirect efface les frontières, le lecteur sent une notion d’homogénéité à tel point qu’il ne sait plus à
qui il a affaire. En tant que discours indirect libre, la voix d’Adrienne est toujours narrativisée, elle ne dit jamais
« je ». Le personnage même d’Adrienne perd en réalité…
Ex. « C’est une image que je poursuis… », les formules que nous notons entourent la jeune fille d’un halo de
flou. De même que ses paroles s’éloignent dans le discours narrativisé, elle apparaît distante dans le réel de la
description. Sylvie est assimilée au signe du feu, c’est une voix qui est associée à la nature, l’enfance qui se
réalise dans le discours direct alors que celle d’Adrienne représente une tentation.
Selon Yves Bonnefoy « Sylvie représente l’expérience de l’immédiat, du plein du monde et Adrienne est
troublée désormais par le travail des mots sur le monde ».
Aurélie est la voix poétique de la nouvelle, elle est en quelque sorte le double poétique du narrateur. Aurélie est
protéiforme, elle ne peut pas jouer le rôle d’Adrienne mais c’est une beauté artificielle et double. Elle est la
seule à écrire et à envoyer des lettres. Aurélie s’attache à la réactivation du passé enfoui, préservant ainsi la
mémoire universelle.
Pour Sylvie, chaque souvenir est associé à une fête. La mémoire est assurée par la construction de la même
structure.
Adrienne pourrait être une allégorie de la poésie qui traite avec mépris le temps référentiel par le silence. Nous
ne savons pas si elle existe vraiment ou si elle a été inventée car elle apparaît toujours dans un cadre onirique,
flou. Elle devient l’absente de la nouvelle car elle disparaît à la fin (cf. autotélite).
Il y a ainsi un hiatus irréductible entre passé et présent car la polyphonie nait de cette irréductibilité. La seule
possibilité qu’à le narrateur pour défier le temps est ……….
LA MODALISATION
C’est l’ensemble des marques données par le sujet à son énoncé, les traces du degré d’adhésion de l’énonciateur
à son énoncé.
Ex. un manuel de biologie doit être le plus transparent possible, avec le moins de marques énonciatives. Il ne
doit pas y avoir de sensibilité ni de marques de l’auteur.
Ex. la poésie lyrique est un autre extrême où le « je » est omniprésent.
1) LES MODALITES DENONCIATION :
La grammaire dite générative considère que les 4 modalités de phrase sont énonciatives et ne peuvent se
combiner entre elles :
- assertive
- injonctive ou jussive
- exclamative
- interrogative
Certaines grammaires partent sur l’énonciation dans sa matérialité, ce qui est un retour sur son propre discours
Ex. « en deux mots commençant »…
D’autres encore caractérisent l’acte illocutoire accompli, ce qui est un commentaire de l’énonciation elle-même
Ex. « franchement », « entre nous »…
Chaque phrase correspond à une implication différente du locuteur dans l’énoncé :
Assertive : pose l’énoncé comme vrai et le rythme de la phrase est en forme d’accent circonflexe (protase et
apodose ).
Interrogative : impose une situation d’interlocution entre deux personnages et l’attente d’une réponse. Le
rythme est ascendant car la voix est suspendue en bout de phrase.
Jussive : implique un ordre qui vise à être suivi d’un acte concret de l’autre (cf pragmatique) et le rythme de la
phrase est descendant.
Exclamative : manifeste une réaction affective du locuteur.
La modalité repose sur une opposition dictum / modus
Ex. Pierre viendra / Que Pierre vienne
Ici, le dictum (contenu) est le même mais le modus change et traduit l’attitude du locuteur à l’égard du contenu.
Ex.2 : Il a répondu naturellement : modifie uniquement le verbe, il s’agit de la manière dont il a répondu/
Naturellement, il a répondu !: modifie non pas l’énoncé mais l’énonciation (ton peut-être péjoratif)
2) LES MODALITES DENONCE :
Ils affectent la valeur logique de l’énoncé et nous avons coûtume d’en distinguer trois :
- nécessité (modalité aléthique) : un forgeron doit savoir forger
- obligation (modalité déontique) : Hector doit rendre son argent à Andromaque avant demain
Un propriétaire peut expulser son locataire a le droit de…
- probabilité (modalité epistémique) forme qui exprime la croyance du locuteur en l’énoncé, certitude ou non…
Elle doit avoir oublié son rendez-vous
Il se peut qu’Hector vienne…
3) LES MODALITES DE MESSAGE :
L’emphase utilise des procédés de focalisation qui sont la dislocation et l’encadrement.
La dislocation
Procédé qui détache un constituant de la phrase pour le mettre en valeur
- l’élément est en prolepse quand il est à gauche (tête de phrase)
- l’élément est analepse quand il est à droite (fin de phrase)
Le phénomène de dislocation s’accompagne de la reprise d’un élément énoncé par un pronom (soit
anaphorique, soit cataphorique).
Ex. Et Sylvie que j’aimais tant pourquoi l’ai-je oubliée depuis trois ans ? mise en relief de « Sylvie » et
reprise par le pronom élidé « l’ » qui assure le rôle de COD en dislocation gauche.
Ex.2 Quant aux lauriers, les a-t-on coupés ?
La reprise peut être assurée soit par un pronom personnel soit par un démonstratif.
Ex. Dieu, c’est le soleil ( Aurélia)
L’encadrement
Nous parlons de procédé d’extraction ou de phrase clivée par « c’est…que / c’est…qui ». L’élément encadré qui
est mis en valeur s’appelle le propos.
Ex. C’est moi qu’ils sont venus chercher : COD encadré
Ex.2 C’est à toi qu’il s’adresse : COI encadré
Ex.3 C’est avec cela qu’il l’a frappée : CC encadré
Attention : C’est un rêve transparent qui couvre le monde ce n’est pas une extraction mais simplement une
proposition relative explicative.
C’est une fatalité qui m’était réservée d’avoir un frère de lait dans un pays illustré par Rousseau
il n’y a pas de phrase clivée mais une dislocation uniquement.
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