Passons également sur des affirmations hautement fantaisistes selon lesquelles : « sans
reconnaissance de l’organisation grammaticale d’une phrase, il n’y a pas de construction du
sens » : que je sache, les enfants parlent français, bien avant d’avoir fait de la grammaire !!
C’est exactement le contraire : c’est précisément parce qu’ils ont compris, qu’ils peuvent
découvrir les moyens grammaticaux qui ont permis de comprendre.
Faire de la grammaire, c’est prendre conscience des règles d’un jeu auquel on joue sans les
connaître ! Il est très rare qu’on enseigne la grammaire pour que l’enfant puisse parler !
Quand on lit des affirmations pareilles, on croit rêver….
Oublions le paragraphe de démolition de la grammaire textuelle : comme si on pouvait
étudier le fonctionnement du verbe ou de la pronominalisation sur des phrases.. !
Oublions enfin la perpétuelle et agaçante confusion entre « simple » et « facile », faute de
logique plutôt grave : depuis belle lurette, on sait que le simple est ce qu’il y a de plus
difficile, car le simple, résultat d’une analyse, est chose abstraite.
Pour commenter comme il le mérite ce rapport de 33 pages, il en faudrait le double, tant il
abonde en erreurs ou affirmations discutables.
Je me contenterai de deux exemples parlants (mais il y en a d’autres !).
1) la notion de pronom personnel.
Pauvre Benveniste ! Il doit encore se retourner dans sa tombe, lui qui, il y a cinquante ans a de
façon si lumineuse, démontré le danger pour les enfants d’assimiler les mots JE, TU et IL,
comme appartenant à la même famille et méritant le même nom « pronom ».
Si un pronom est un mot qui remplace un nom, seul « il » ou « elle » peuvent être nommés
ainsi. JE, TU, NOUS, VOUS, ne remplacent évidemment point de nom. Leur rôle est de
désigner, non point une personne, mais « celui qui parle », pour JE, quel qu’il soit ; celui à qui
on s’adresse, pour TU ou VOUS, etc.
D’où la nécessité absolue de donner à ces mots un autre nom que celui de pronom (un terme
scientifique ne doit avoir qu’un seul sens et ne renvoyer qu’à une seule et même notion) Et je
peux affirmer que le terme d’ « embrayeurs de conjugaison », proposé par les linguistes, et
que nous utilisons depuis des années ne pose aucun problème aux enfants… Au contraire.
Quant aux parents, comme ils sont beaucoup moins bêtes que ce rapport ne semble le dire, il
suffit de leur expliquer rapidement cela — qu’ils comprennent du reste fort bien. L’essentiel
étant que très tôt, les enfants aient compris le phénomène de la pronominalisation, clé
essentielle de la cohérence d’un texte et donc de la maîtrise du langage.
2) la notion de compléments circonstanciels
Ici, (et c’est assez amusant), on découvre quelques miettes égarées de linguistique,
bizarrement mélangées à la terminologie habituelle, constituant ainsi un vrai galimatias, plein
de contradictions incompréhensibles.
Le paragraphe s’intitule : « les compléments circonstanciels : les compléments de phrase ».
Les deux points qui séparent les deux parties du titre signifient évidemment que pour l’auteur
du rapport, ces deux expressions sont synonymes.
Erreur grave : complément circonstanciel (au fait, vous êtes sûr que ce n’est pas du jargon, ce
terme-là ? Tous les enfants le comprennent ?) et compléments de phrase ne coïncident pas
forcément.
Soient les deux phrases suivantes :
P1 : « Pierre va à Paris »
P2 : « Pierre travaille à Paris »
La formule « à Paris » sera considérée dans les deux phrases comme un complément
circonstanciel de lieu.
Or, si l’on songe à d’autres langues (l’allemand, par exemple) il est clair que la traduction ne
sera pas la même pour les deux phrases. Ennuyeux de considérer comme semblable ce qui
ailleurs ne l’est pas, surtout si l’on veut développer chez les enfants, non seulement la
maîtrise de la langue, mais aussi le sens de la relativité du fonctionnement de cette langue.