Droit pénal international
EXPOSÉ : Les incriminations en Droit pénal international
A l’heure actuelle, une trentaine de crimes internationaux a été identifiée. Il est bien entendu
que, par manque de temps, il nous sera impossible de tous les étudier. Notre étude se bornera
donc aux infractions dont sont appelés à connaître le TPIY, le TPIR et la CPI à savoir les
crimes contre l’humanité, le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre la paix ou
crime d’agression. Il apparaît cependant, à la lecture des statuts de chacune de ces juridictions,
que la plupart des 28 incriminations internationales sont considérées comme entrant dans
l’une des catégories de crimes fondant la compétence rationae materiae de ces juridictions.
Après avoir étudié les modalités de détermination des incriminations au niveau international
ainsi que les spécificités de chacune d’entre elles (I), nous verrons que les éléments
constitutifs de ces quatre infractions peuvent varier d’une juridiction à l’autre : il est donc à
craindre que ce manque d’harmonisation soit une source de problèmes en terme de
responsabilité individuelle et de concours d’infractions (II).
I/ Détermination, nature et éléments constitutifs des incriminations en droit pénal
international
Lorsqu’une convention établit une incrimination internationale, elle doit d’abord respecter
certains principes généraux du droit pénal international tels que le principe de légalité des
délits et des peines. Une fois déterminées, ces incriminations sont, soit prescrites aux Etats
parties à cette convention qui ont l’obligation de criminaliser dans leur droit interne le fait
internationalement incriminé, de poursuivre ces infractions, de juger et éventuellement de
punir ceux qui ont été jugés coupables, et d’extrader ceux qui sont recherchés ou accusés dans
d’autres pays (système d’application indirecte), soit appliquées directement par les
juridictions internationales (système d’application directe). Les obligations imposées aux
Etats se justifient par la reconnaissance aux quatre infractions étudiées du statut de crime
contre le jus cogens.
A/ L’application du principe de légalité des délits et des peines à la termination de crimes
internationaux de jus cogens
1. L’infraction pénale internationale et le principe de galité des délits et des
peines
Ce principe, qui est contenu dans tous les grands systèmes pénaux quoique avec des rigueurs
différentes, énonce qu’il ne peut y avoir de crime sans loi, de peine sans loi, ni d’application
rétroactive de la loi pénale. Pour être conforme à ce principe, un crime doit être défini avec
suffisamment de précision pour avertir au préalable les personnes qu’une conduite particulière
est qualifiée de crime. Cette préoccupation relative à l’exigence de conformité au principe est
évidente dans les statuts du TPIY, du TPIR et CPI.
Le statut du TPIY, par exemple, dispose que : « Le tribunal international est habilité à juger
des personnes présumées responsables de violations graves du droit international
humanitaire commis sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991, conformément aux
dispositions du présent statut (Art. 1). Le Statut de la CPI contient quant à lui les dispositions
relatives au principe de légalité des délits et des peines dans ses articles 22 (Nullum crimen
sine lege), 23 (Nulla poena sine lege) et 24 (Non rétroactivité rationae personae).
Ces juridictions internationales sont compétentes pour juger de certains crimes internationaux
limitativement énumérés. Dans le système d’application indirecte, ce statut justifie les
obligations imposées aux Etats.
2. Jus cogens et obligations erga omnes
Même si le DPI conventionnel ne contient pas de norme explicite permettant de qualifier un
crime en terme de jus cogens, la littérature juridique a reconnu les crimes de jus cogens
suivants : l’agression, le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, la
piraterie, l’esclavage et les pratiques analogues à l’esclavage, et la torture : il est généralement
admis que le crime contre le jus cogens est un crime condamné par la conscience universelle.
Le Jus Cogens crée des obligations juridiques, sans quoi il ne serait pas une norme impérative
du droit international. Les implications de la reconnaissance du statut de jus cogens à certains
crimes internationaux sont les suivantes : obligation de juger ou d’extrader, non applicabilité
des causes d’exonération de la responsabilité telles que les immunités des chefs d’Etat et les
immunités diplomatiques, la compétence universelle c'est-à-dire que peu importe le lieu où les
crimes internationaux sont commis, leurs auteurs (y compris les chefs d’Etat), les catégories
des victimes contre lesquelles ces crimes sont commis ou le contexte dans lequel ils ont été
commis.
Nous pouvons donc remarquer que cette qualification a pour effet d’imposer aux Etats une
obligation erga omnes de ne pas accorder l’impunité aux contrevenants de ces crimes.
Malheureusement, la pratique des Etats montre que :
- l’impunité a été le plus souvent accordée pour les crimes de jus cogens
- la théorie de la compétence universelle est loin d’être reconnue et appliquée de façon
universelle (Ex : affaire Pinochet)
- l’obligation de juger ou d’extrader n’est véritablement établie que quand elle découle
d’une obligation conventionnelle particulière.
B/ L’évolution de quelques incriminations aux travers des instruments internationaux
Actuellement, le droit pénal international connaît près de 28 incriminations indépendantes
(même si la plupart correspondent à des faits constitutifs des infractions de crime de guerre,
de génocide ou de crime contre l’humanité notamment).
Il nous sera bien évidemment impossible ici de toutes les recenser. Nous nous attacherons
donc aux 4 infractions principales, qui sont les suivantes :
- L’agression (ou crime contre la paix)
- Le crime de guerre
- Le génocide
- Le crime contre l’humanité
Ces quatre incriminations relèvent toutes du jus cogens.
L’objectif ici est de retracer l’évolution de ces différentes incriminations au travers de
différents textes.
L’agression (ou crime contre la paix)
Les deux expressions sont anciennes. La seule nuance est d’ordre chronologique : le « crime
d’agression » est la formule employée jusqu’à la Seconde Guerre mondiale ; le « crime contre
la paix » est l’appellation la plus connue depuis. Pourtant, le Statut de Rome de la CPI, signé
le 17 juillet 1998, désigne de nouveau la notion étudiée sous le nom de « crime d’agression »
(article 5).
Cette catégorie de crime contient plus de 50 instruments datant de 1899 à 1998.
Le Statut du Tribunal Militaire International de Nuremberg définissait le crime contre la
paix comme « la direction, la préparation, le déclenchement ou la poursuite d'une guerre
d'agression, ou d'une guerre en violation des traités, assurances ou accords internationaux,
ou la participation à un plan concerté ou à un complot pour l'accomplissement de l'un
quelconque des actes qui précèdent ».
Toutefois, aucune définition de l’agression n’avait été acceptée par la communauté
internationale jusqu’à la résolution sur la définition de l’agression adoptée sans vote par
l’Assemblée générale des Nations Unies le 14 décembre 1974. Mais cette solution n’est
qu’une recommandation et son utilité juridique side dans son interprétation des obligations
de la Charte des Nations Unies.
Toutefois, la définition de l’agression adoptée dans le Code des crimes contre la paix et la
sécurité de l’humanité de la Commission du Droit International (CDI) se fonde sur la
résolution de 1974.
La difficulté de définir correctement un crime d'agression est apparue lors de l'élaboration du
Statut de Rome. Cette difficulté vient principalement du fait que la Charte des Nations
unies spécifie que c'est le Conseil de sécurité des Nations unies qui est le seul capable de
déterminer s'il y a oui ou non un crime d'agression.
Lors de l'élaboration du Statut de Rome, certains États ont demandé que la poursuite d'une
personne pour crime d'agression soit au préalablement acceptée par le Conseil de sécurité des
Nations unies. Mais d'autres États ainsi que les ONG préfèrent que ce soit uniquement le
Procureur de la CPI qui puisse lancer une procédure contre un tel crime.
Comme un consensus n'a pu être trouvé, un lai de réflexion a été choisi. Des travaux
préparatoires sont en cours, au sein d’organes spécialisés rattachés à la CPI, en vue de la
révision du Statut de Rome prévue pour 2009.
Le crime de guerre
L’incrimination de crime de guerre compte 71 instruments adoptés de 1854 à 1998 et 35
autres instruments applicables classés sous d’autres catégories d’infractions pénales.
De toutes les catégories de crimes internationaux, cette catégorie est celle qui possède le plus
grand nombre d’instruments détaillés couvrant un domaine étendu d’interdictions et de
réglementation.
Les crimes de guerre ont fait l’objet d’une réglementation plus précoce par le droit
international.
Au XIXème siècle, Henry Dunant, le fondateur de la Croix Rouge, a été à l’origine de traités
réglementant les pratiques de guerre, imposant notamment le principe de protection des
militaires blessés (cf. la Convention de Genève de 1864). C’est sur ces bases qu’est fondé le
droit international humanitaire (ou droit des conflits armés) consacré par la signature des
quatre conventions de Genève en 1949 :
- La première convention de Genève concerne « l’amélioration du sort des blessés et des
malades dans les forces armées en campagne » (elle reprend le texte, remanié, de la
convention de 1864)
- La seconde porte sur "l’amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés
des forces armées sur mer"
- La troisième concerne le traitement des prisonniers de guerre
- La quatrième est relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre.
L’ensemble de ces conventions constitue le "droit de Genève" qui réglemente la conduite des
hostilités lors des conflits internationaux. Elles ont été complétées par deux Protocoles
additionnels adoptés en 1977 pour renforcer la protection notamment dans le cadre, cette
fois, de conflits armés non internationaux.
Avant la signature des quatre conventions de Genève en 1949, les crimes de guerre avaient
également été définis dans le Statut du Tribunal de Nuremberg comme « les violations des
lois et coutumes de la guerre. Ces violations comprennent, sans y être limitées, l’assassinat,
les mauvais traitements et la déportation pour des travaux forcés, ou pour tout autre but, des
populations civiles dans les territoires occupés, l’assassinat ou les mauvais traitements des
prisonniers de guerre ou des personnes en mer, l’exécution des otages, le pillage des biens
publics ou privés, la destruction sans motif des villes et des villages ou la dévastation que ne
justifient pas les exigences militaires. »
Le statut du TPIY (articles 2 et 3) reprend mot à mot la définition de certains crimes donnée
par le statut du Tribunal de Nuremberg, et en ajoute d’autres concernant l’emploi d’armes
toxiques et les destructions patrimoniales et fait explicitement référence aux Conventions de
Genève de 1949.
La définition donnée par le Statut du TPIR (article 4) fait en outre férence au Protocole
additionnel II de 1977 relatif à la protection des victimes de conflits armés non
internationaux et inclut dans la liste des crimes de guerre les « actes de terrorisme »
mentionnés dans ce protocole.
Les rédacteurs du Statut de la CPI ont également choisi de faire référence aux conventions
de Genève sans mentionner le Protocole II de 1977 sur la protection des victimes de conflits
non internationaux. Cependant, la liste des crimes de guerre énoncés à l’article 8.2 comprend
les crimes commis « en cas de conflit armé ne présentant pas de caractère international »
(article 8.2.c)
Le choix de ne pas s’appuyer sur le texte du Protocole II de 1977 a été motivé par le fait qu'il
n'a pas fait l'objet d'une ratification quasi-universelle à la différence des Conventions de
Genève. Ainsi, les Etats-Unis, l'Inde, l'Indonésie, Israël, le Japon, la République démocratique
du Congo, le Maroc, la Turquie etc. ne sont pas parties au Protocole II sur la protection des
victimes de conflits non internationaux.
Néanmoins, il faut préciser que les quatre conventions de Genève de 1949 et leurs deux
protocoles additionnels de 1977 restent les codifications les plus complètes des lois et règles
applicables en la matière et elles possèdent les caractéristiques pénales les plus précises et les
plus étendues parmi toutes les autres catégories de crimes internationaux.
Le génocide
L’incrimination de génocide est née des atrocités de la seconde guerre mondiale.
La notion de crime de nocide a été pour la première fois explicitée dans un texte à portée
internationale à l’issue du procès de Nuremberg. L’acte d’accusation des grands criminels
de guerre allemands précisait en effet qu’ils s’étaient livrés « au génocide délibéré et
systématique, c’est-à-dire à l’extermination de groupes raciaux et nationaux parmi la
population civile de certains territoires occupés, afin de détruire des races ou classes
déterminées de populations, et de groupes nationaux, raciaux ou religieux… ».
La finition a ensuite éformalisée juridiquement dans la Convention des Nations Unies
pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, définition
qui a été reprise mot à mot, dans les Statuts des Tribunaux pénaux internationaux pour la
Yougoslavie et le Rwanda et dans l’article 6 du Statut de Rome.
Ainsi, à la différence d’autres catégories de crimes, qui ont évolué dans le temps à travers une
succession d’instruments internationaux qui étendent ou précisent les termes de ces notions, la
définition du génocide, et donc de ses éléments, n’a pas évolué depuis 1948.
Selon ces textes, « on entend par crime de génocide l'un quelconque des actes ci-après
commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial
ou religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe,
b) Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe,
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa
....destruction physique totale ou partielle,
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe,
e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe. »
Certains auteurs, tel que Mr BASSIOUNI, regrettent que cette définition n’ait jamais été ni
amendée, ni complétée.
Les principales faiblesses de cette définition sont les suivantes :
- Les groupes protégés ne comprennent pas les groupes sociaux et politiques
(seuls les groupes ethniques, religieux et nationaux sont mentionnés)
- La nationalité du groupe protégé ne devrait pas être entendue par référence à la
nationalité du groupe pris dans son ensemble
- L’exigence du caractère intentionnel spécifique est trop stricte pour certaines
catégories de contrevenants.
Le crime contre l’Humanité
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