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Droit pénal international
EXPOSÉ : Les incriminations en Droit pénal international
A l’heure actuelle, une trentaine de crimes internationaux a été identifiée. Il est bien entendu
que, par manque de temps, il nous sera impossible de tous les étudier. Notre étude se bornera
donc aux infractions dont sont appelés à connaître le TPIY, le TPIR et la CPI à savoir les
crimes contre l’humanité, le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre la paix ou
crime d’agression. Il apparaît cependant, à la lecture des statuts de chacune de ces juridictions,
que la plupart des 28 incriminations internationales sont considérées comme entrant dans
l’une des catégories de crimes fondant la compétence rationae materiae de ces juridictions.
Après avoir étudié les modalités de détermination des incriminations au niveau international
ainsi que les spécificités de chacune d’entre elles (I), nous verrons que les éléments
constitutifs de ces quatre infractions peuvent varier d’une juridiction à l’autre : il est donc à
craindre que ce manque d’harmonisation soit une source de problèmes en terme de
responsabilité individuelle et de concours d’infractions (II).
I/ Détermination, nature et éléments constitutifs des incriminations en droit pénal
international
Lorsqu’une convention établit une incrimination internationale, elle doit d’abord respecter
certains principes généraux du droit pénal international tels que le principe de légalité des
délits et des peines. Une fois déterminées, ces incriminations sont, soit prescrites aux Etats
parties à cette convention qui ont l’obligation de criminaliser dans leur droit interne le fait
internationalement incriminé, de poursuivre ces infractions, de juger et éventuellement de
punir ceux qui ont été jugés coupables, et d’extrader ceux qui sont recherchés ou accusés dans
d’autres pays (système d’application indirecte), soit appliquées directement par les
juridictions internationales (système d’application directe). Les obligations imposées aux
Etats se justifient par la reconnaissance aux quatre infractions étudiées du statut de crime
contre le jus cogens.
A/ L’application du principe de légalité des délits et des peines à la détermination de crimes
internationaux de jus cogens
1. L’infraction pénale internationale et le principe de légalité des délits et des
peines
Ce principe, qui est contenu dans tous les grands systèmes pénaux quoique avec des rigueurs
différentes, énonce qu’il ne peut y avoir de crime sans loi, de peine sans loi, ni d’application
rétroactive de la loi pénale. Pour être conforme à ce principe, un crime doit être défini avec
suffisamment de précision pour avertir au préalable les personnes qu’une conduite particulière
est qualifiée de crime. Cette préoccupation relative à l’exigence de conformité au principe est
évidente dans les statuts du TPIY, du TPIR et CPI.
Le statut du TPIY, par exemple, dispose que : « Le tribunal international est habilité à juger
des personnes présumées responsables de violations graves du droit international
humanitaire commis sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991, conformément aux
dispositions du présent statut (Art. 1). Le Statut de la CPI contient quant à lui les dispositions
relatives au principe de légalité des délits et des peines dans ses articles 22 (Nullum crimen
sine lege), 23 (Nulla poena sine lege) et 24 (Non rétroactivité rationae personae).
Ces juridictions internationales sont compétentes pour juger de certains crimes internationaux
limitativement énumérés. Dans le système d’application indirecte, ce statut justifie les
obligations imposées aux Etats.
2. Jus cogens et obligations erga omnes
Même si le DPI conventionnel ne contient pas de norme explicite permettant de qualifier un
crime en terme de jus cogens, la littérature juridique a reconnu les crimes de jus cogens
suivants : l’agression, le génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, la
piraterie, l’esclavage et les pratiques analogues à l’esclavage, et la torture : il est généralement
admis que le crime contre le jus cogens est un crime condamné par la conscience universelle.
Le Jus Cogens crée des obligations juridiques, sans quoi il ne serait pas une norme impérative
du droit international. Les implications de la reconnaissance du statut de jus cogens à certains
crimes internationaux sont les suivantes : obligation de juger ou d’extrader, non applicabilité
des causes d’exonération de la responsabilité telles que les immunités des chefs d’Etat et les
immunités diplomatiques, la compétence universelle c'est-à-dire que peu importe le lieu où les
crimes internationaux sont commis, leurs auteurs (y compris les chefs d’Etat), les catégories
des victimes contre lesquelles ces crimes sont commis ou le contexte dans lequel ils ont été
commis.
Nous pouvons donc remarquer que cette qualification a pour effet d’imposer aux Etats une
obligation erga omnes de ne pas accorder l’impunité aux contrevenants de ces crimes.
Malheureusement, la pratique des Etats montre que :
-
l’impunité a été le plus souvent accordée pour les crimes de jus cogens
la théorie de la compétence universelle est loin d’être reconnue et appliquée de façon
universelle (Ex : affaire Pinochet)
l’obligation de juger ou d’extrader n’est véritablement établie que quand elle découle
d’une obligation conventionnelle particulière.
B/ L’évolution de quelques incriminations aux travers des instruments internationaux
Actuellement, le droit pénal international connaît près de 28 incriminations indépendantes
(même si la plupart correspondent à des faits constitutifs des infractions de crime de guerre,
de génocide ou de crime contre l’humanité notamment).
Il nous sera bien évidemment impossible ici de toutes les recenser. Nous nous attacherons
donc aux 4 infractions principales, qui sont les suivantes :
- L’agression (ou crime contre la paix)
- Le crime de guerre
- Le génocide
-
Le crime contre l’humanité
Ces quatre incriminations relèvent toutes du jus cogens.
L’objectif ici est de retracer l’évolution de ces différentes incriminations au travers de
différents textes.
L’agression (ou crime contre la paix)
Les deux expressions sont anciennes. La seule nuance est d’ordre chronologique : le « crime
d’agression » est la formule employée jusqu’à la Seconde Guerre mondiale ; le « crime contre
la paix » est l’appellation la plus connue depuis. Pourtant, le Statut de Rome de la CPI, signé
le 17 juillet 1998, désigne de nouveau la notion étudiée sous le nom de « crime d’agression »
(article 5).
Cette catégorie de crime contient plus de 50 instruments datant de 1899 à 1998.
Le Statut du Tribunal Militaire International de Nuremberg définissait le crime contre la
paix comme « la direction, la préparation, le déclenchement ou la poursuite d'une guerre
d'agression, ou d'une guerre en violation des traités, assurances ou accords internationaux,
ou la participation à un plan concerté ou à un complot pour l'accomplissement de l'un
quelconque des actes qui précèdent ».
Toutefois, aucune définition de l’agression n’avait été acceptée par la communauté
internationale jusqu’à la résolution sur la définition de l’agression adoptée sans vote par
l’Assemblée générale des Nations Unies le 14 décembre 1974. Mais cette résolution n’est
qu’une recommandation et son utilité juridique réside dans son interprétation des obligations
de la Charte des Nations Unies.
Toutefois, la définition de l’agression adoptée dans le Code des crimes contre la paix et la
sécurité de l’humanité de la Commission du Droit International (CDI) se fonde sur la
résolution de 1974.
La difficulté de définir correctement un crime d'agression est apparue lors de l'élaboration du
Statut de Rome. Cette difficulté vient principalement du fait que la Charte des Nations
unies spécifie que c'est le Conseil de sécurité des Nations unies qui est le seul capable de
déterminer s'il y a oui ou non un crime d'agression.
Lors de l'élaboration du Statut de Rome, certains États ont demandé que la poursuite d'une
personne pour crime d'agression soit au préalablement acceptée par le Conseil de sécurité des
Nations unies. Mais d'autres États ainsi que les ONG préfèrent que ce soit uniquement le
Procureur de la CPI qui puisse lancer une procédure contre un tel crime.
Comme un consensus n'a pu être trouvé, un délai de réflexion a été choisi. Des travaux
préparatoires sont en cours, au sein d’organes spécialisés rattachés à la CPI, en vue de la
révision du Statut de Rome prévue pour 2009.
Le crime de guerre
L’incrimination de crime de guerre compte 71 instruments adoptés de 1854 à 1998 et 35
autres instruments applicables classés sous d’autres catégories d’infractions pénales.
De toutes les catégories de crimes internationaux, cette catégorie est celle qui possède le plus
grand nombre d’instruments détaillés couvrant un domaine étendu d’interdictions et de
réglementation.
Les crimes de guerre ont fait l’objet d’une réglementation plus précoce par le droit
international.
Au XIXème siècle, Henry Dunant, le fondateur de la Croix Rouge, a été à l’origine de traités
réglementant les pratiques de guerre, imposant notamment le principe de protection des
militaires blessés (cf. la Convention de Genève de 1864). C’est sur ces bases qu’est fondé le
droit international humanitaire (ou droit des conflits armés) consacré par la signature des
quatre conventions de Genève en 1949 :
- La première convention de Genève concerne « l’amélioration du sort des blessés et des
malades dans les forces armées en campagne » (elle reprend le texte, remanié, de la
convention de 1864)
- La seconde porte sur "l’amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés
des forces armées sur mer"
- La troisième concerne le traitement des prisonniers de guerre
- La quatrième est relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre.
L’ensemble de ces conventions constitue le "droit de Genève" qui réglemente la conduite des
hostilités lors des conflits internationaux. Elles ont été complétées par deux Protocoles
additionnels adoptés en 1977 pour renforcer la protection notamment dans le cadre, cette
fois, de conflits armés non internationaux.
Avant la signature des quatre conventions de Genève en 1949, les crimes de guerre avaient
également été définis dans le Statut du Tribunal de Nuremberg comme « les violations des
lois et coutumes de la guerre. Ces violations comprennent, sans y être limitées, l’assassinat,
les mauvais traitements et la déportation pour des travaux forcés, ou pour tout autre but, des
populations civiles dans les territoires occupés, l’assassinat ou les mauvais traitements des
prisonniers de guerre ou des personnes en mer, l’exécution des otages, le pillage des biens
publics ou privés, la destruction sans motif des villes et des villages ou la dévastation que ne
justifient pas les exigences militaires. »
Le statut du TPIY (articles 2 et 3) reprend mot à mot la définition de certains crimes donnée
par le statut du Tribunal de Nuremberg, et en ajoute d’autres concernant l’emploi d’armes
toxiques et les destructions patrimoniales et fait explicitement référence aux Conventions de
Genève de 1949.
La définition donnée par le Statut du TPIR (article 4) fait en outre référence au Protocole
additionnel II de 1977 relatif à la protection des victimes de conflits armés non
internationaux et inclut dans la liste des crimes de guerre les « actes de terrorisme »
mentionnés dans ce protocole.
Les rédacteurs du Statut de la CPI ont également choisi de faire référence aux conventions
de Genève sans mentionner le Protocole II de 1977 sur la protection des victimes de conflits
non internationaux. Cependant, la liste des crimes de guerre énoncés à l’article 8.2 comprend
les crimes commis « en cas de conflit armé ne présentant pas de caractère international »
(article 8.2.c)
Le choix de ne pas s’appuyer sur le texte du Protocole II de 1977 a été motivé par le fait qu'il
n'a pas fait l'objet d'une ratification quasi-universelle à la différence des Conventions de
Genève. Ainsi, les Etats-Unis, l'Inde, l'Indonésie, Israël, le Japon, la République démocratique
du Congo, le Maroc, la Turquie etc. ne sont pas parties au Protocole II sur la protection des
victimes de conflits non internationaux.
Néanmoins, il faut préciser que les quatre conventions de Genève de 1949 et leurs deux
protocoles additionnels de 1977 restent les codifications les plus complètes des lois et règles
applicables en la matière et elles possèdent les caractéristiques pénales les plus précises et les
plus étendues parmi toutes les autres catégories de crimes internationaux.
Le génocide
L’incrimination de génocide est née des atrocités de la seconde guerre mondiale.
La notion de crime de génocide a été pour la première fois explicitée dans un texte à portée
internationale à l’issue du procès de Nuremberg. L’acte d’accusation des grands criminels
de guerre allemands précisait en effet qu’ils s’étaient livrés « au génocide délibéré et
systématique, c’est-à-dire à l’extermination de groupes raciaux et nationaux parmi la
population civile de certains territoires occupés, afin de détruire des races ou classes
déterminées de populations, et de groupes nationaux, raciaux ou religieux… ».
La définition a ensuite été formalisée juridiquement dans la Convention des Nations Unies
pour la prévention et la répression du crime de génocide du 9 décembre 1948, définition
qui a été reprise mot à mot, dans les Statuts des Tribunaux pénaux internationaux pour la
Yougoslavie et le Rwanda et dans l’article 6 du Statut de Rome.
Ainsi, à la différence d’autres catégories de crimes, qui ont évolué dans le temps à travers une
succession d’instruments internationaux qui étendent ou précisent les termes de ces notions, la
définition du génocide, et donc de ses éléments, n’a pas évolué depuis 1948.
Selon ces textes, « on entend par crime de génocide l'un quelconque des actes ci-après
commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial
ou religieux, comme tel :
a) Meurtre de membres du groupe,
b) Atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe,
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa
....destruction physique totale ou partielle,
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe,
e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe. »
Certains auteurs, tel que Mr BASSIOUNI, regrettent que cette définition n’ait jamais été ni
amendée, ni complétée.
Les principales faiblesses de cette définition sont les suivantes :
- Les groupes protégés ne comprennent pas les groupes sociaux et politiques
(seuls les groupes ethniques, religieux et nationaux sont mentionnés)
- La nationalité du groupe protégé ne devrait pas être entendue par référence à la
nationalité du groupe pris dans son ensemble
- L’exigence du caractère intentionnel spécifique est trop stricte pour certaines
catégories de contrevenants.
Le crime contre l’Humanité
Il n’y a pas de convention spécifique relative aux crimes contre l’humanité, mais cette
catégorie de crime compte 11 instruments s’y rapportant et 41 instruments applicables mais
classés sous d’autres catégories de crimes.
Contrairement à l’incrimination de génocide, celle de crime contre l’humanité a évolué à
travers la succession des instruments internationaux :
Le crime contre l’humanité a vu le jour avec le Statut du Tribunal Militaire International
de Nuremberg. Selon l’article 6c), le crime contre l’humanité englobait « l'assassinat,
l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation, et tout autre acte inhumain commis
contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre, ou bien les persécutions pour
des motifs politiques, raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou persécutions, sont commis à
la suite d'un crime contre la paix ou d'un crime de guerre, ou en liaison avec ces crimes ».
Après les procès de Nuremberg et Tokyo, l’Assemblée générale des Nations Unies adopta le
11 décembre 1946 une résolution confirmant les principes de droit international reconnus par
la charte du tribunal de Nuremberg, et la Commission du Droit International supprima le
lien, exigé par l’article 6c) du Statut du Tribunal de Nuremberg, entre ce crime et une
situation de guerre, et les crimes de guerre. Mais ces deux instruments n’ont pas un caractère
contraignant et n’ont pas le degré de précision exigé par le principe de légalité.
Par contre, ils sont inclus dans le Statut du TPIY, le Statut du TPIR et le Statut de la CPI
et, dans les trois statuts, on trouve une définition différente de cette catégorie de crimes.
Dans le Statut du TPIY, le crime contre l’humanité est défini comme les « crimes
(Assassinat, Extermination, Réduction en esclavage, Expulsion, Emprisonnement, Torture, Viol,
Persécutions pour des raisons politiques, raciales et religieuses, Autres actes inhumains)
commis au cours d'un conflit armé, de caractère international ou interne, et dirigés contre
une population civile quelle qu'elle soit ».
La définition donnée par le Statut du TPIR est différente en plusieurs points bien qu’elle
énonce les mêmes crimes caractéristiques:
- Tout d’abord elle supprime la condition de « conflit armé » inapplicable à la
situation du Rwanda étant donné qu’il s’agit d’un conflit interne et non d’un
conflit opposant deux Etats.
- Ensuite, la définition en elle-même est largement modifiée : il s’agit des
« crimes commis dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique dirigée
contre une population civile quelle qu’elle soit, en raison de son appartenance
nationale, politique, ethnique, raciale ou religieuse.
Ainsi on voit apparaître des notions / conditions nouvelles telles que « attaque
généralisée et systématique » et celle d’« appartenance nationale, politique,
ethnique, raciale ou religieuse » qui n’avaient jusqu’alors jamais été évoquées.
Enfin, c’est ce contexte élargi qui a été choisi dans la rédaction du Statut de la Cour pénale
internationale, l'article 7 reprenant la formulation de l'article 3 du Statut du TPIR en y
ajoutant la prise en compte de la connaissance qu'ont eu les auteurs des crimes de l'attaque
généralisée et systématique contre une population civile.
Quelques modifications sont cependant à noter :
- Il ne s’agit plus d’une « attaque généralisée et systématique » mais d’une
« attaque généralisée ou systématique »
De plus, et c’est là une grande innovation du statut de Rome, la liste des crimes
contre l’humanité a été précisée et allongée, notamment pour inclure les
disparitions, l’apartheid et les crimes sexuels graves autres que le viol.
Meurtre, Extermination, Réduction en esclavage, Déportation ou transfert forcé de
population, Emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique
en violation des dispositions fondamentales du droit international, Torture, Viol,
esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée et toute
autre forme de violence sexuelle de gravité comparable, Disparitions forcées,
Apartheid, Autres actes inhumains de caractère analogue causant
intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l'intégrité
physique ou à la santé physique ou mental.
-
L’ensemble des faits énumérés sous la qualification de crime contre l’humanité
(comme ceux pour le crime de guerre et le génocide) sont repris dans un texte
annexé au Statut de Rome ou sont détaillés les éléments de ces crimes, l’objectif
étant de faciliter l’identification de leurs éléments respectifs.
Avec toutes ces modifications on obtient donc une définition plus large permettant de faire
entrer plus de faits sous cette qualification.
Cette définition, pour résumer, est la suivante : « on entend par crime contre l'humanité l'un
des actes ci-après commis dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée
contre une population civile et en connaissance de cette attaque ».
Une précision : Le premier Jugement dans lequel un Tribunal pénal international a défini le
viol comme un crime contre l’humanité et comme un instrument du génocide a été prononcé
le 2 septembre 1998 par la Chambre de première instance I du Tribunal, en l’affaire Le
Procureur contre Akayesu.
II/ Les conséquences du manque d’harmonisation dans la détermination des
incriminations
A/ Le Concours d’infraction
Ces incriminations que nous venons d’étudier peuvent comporter des chevauchements,
notamment entre les crimes de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité.
Pourtant, si ces recoupements paraissent très clairs lorsqu’on compare ces incriminations,
aucun des traités qui abordent et définissent ces trois infractions ne traitent de cette difficulté.
Tel est le cas des statuts du Tribunal Pénal International pour la Yougoslavie (TPIY), du
Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) et enfin du Statut de Rome, qui institut la
Cour Pénale Internationale (CPI).
Est-ce à dire donc qu’en la matière le concours d’infractions n’existe pas ? Que les
qualifications ne sont pas interchangeables, et que chacune correspond à des faits précis ?
Si on regarde de plus près, on s’aperçoit très vite que les actes constitutifs, les listes dont
parlait Tatiana, se recoupent réellement (le meurtre, les mesures entravant les naissances,
atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale…).
Est-ce alors les conditions même qui entourent ces actes qui détermineraient de manière
fiable si nous sommes face à un meurtre dans le cadre d’un génocide, ou un meurtre dans le
cadre d’une crime contre l’humanité ?
En effet, nous l’avons vu les définitions sont de ce point de vue différentes (intention de
détruire/attaque généralisée ; groupe/population).
N’y a-t-il pas pourtant des hypothèses la confusion règne :
Si l’on prend pour exemple une campagne de stérilisation d’une population précise de
femme.
A priori, cette infraction peut tout aussi bien être considérée comme un génocide ou comme
une crime contre l’humanité puisque le fait de « stériliser » des femmes appartient à la liste de
chacune de ces incriminations.
Ensuite, il faut s’intéresser au contexte de la commission de cet acte.
Pour le génocide, il faut une intention de détruire un groupe (national, ethnique, racial,
religieux). L’intention de détruire est très claire ici, interdire toute descendance pour un
groupe c’est à terme le faire disparaître. Enfin sur la notion de groupe, là on peut discuter, estce que cette campagne est contre cette partie des femmes pour des raisons nationales,
raciales… ? Ou est-ce simplement parce que cette population est actuellement « ennemie » et
donc qu’on fait tout pour la faire disparaître.
Dans cette dernière hypothèse, on se rapprocherait donc plutôt du crime contre l’humanité.
Cette infraction demande une attaque généralisé ou (Statut CPI) systématique, la connaissance
de cette attaque par les auteurs, et que les personnes incriminées soient des personnes soient le
population civile, mais ne demande d’intention précise quant au critère du groupe. Ici, nous
n’avons pas vraiment de détails, donc on peut tout à fait imaginer que l’attaque soit
systématique contre toute les femmes du groupe (point commun avec génocide si on
s’attaque à ce groupe précis. Encore faudrait-il que la raison soit nationale, ethnique, raciale
ou religieuse). Si on parle de « campagne », a priori on sait qu’il s’agit bien d’une attaque
globale à laquelle on participe en le sachant. Pour finir, que les femmes appartiennent à la
population civile, ne fait pas en soi trop de difficulté (sauf l’hypothèse ou elles auraient pris
les armes mais rien ne nous l’indique en l’espèce).
La solution dépendra donc de l’interprétation de chacun, à priori tout peut se défendre. Il faut
bien entendu tenir compte des faits relatés, dont nous avons ici aucune connaissance précise.
Ce qui donc fera le plus sûrement pencher la balance est le problème de la preuve !
A la vue des faits, le procureur en charge de l’affaire va préférer l’incrimination qui entraînera
le plus certainement une condamnation parce que les preuves seront plus nettes (les faits, les
témoignages…).
En effet, face au résultat cela na pas vraiment d’importance, que l’on admette un crime contre
l’humanité ou un génocide, la personne inculpée risque la prison à vie.
Certes les victimes peuvent, elles, préférer une incrimination à une autre, mais elles
préféreront malgré tout une inculpation qui aboutisse à une condamnation plutôt qu’à un
acquittement faute de preuve suffisante.
B/ La responsabilité pénale des auteurs d’infractions internationales
D’abord il faut distinguer la notion d’infractions internationales.
Les éléments constitutifs de l’infraction internationale.- C’est à la lumière des travaux
doctrinaux qu’il faut tenter d’examiner le concept d’infraction internationale, et spécialement
son élément légal et son élément matériel.
1.-L’élément légal: Divers points sont ici en discussion, relativement à l’influence de la règle
de la légalité criminelle, et à la théorie internationale des faits justificatifs.
a) Le principe de légalité criminelle, admis comme une charte fondamentale du droit pénal
interne par la plupart de pays, mais souvent dévaorisé ou ecarté comme trop gênant par
certains nations, doit il régir le droit internacional pénal? Le problème est singulièrment
délicat, car le Droit International Pénal, come le droit international public dont il procède
sovant, est en grande partie coutumier. Faut-il ne traiter comme infractions internationals que
les faits defines par des accords écrits internationaux? Dans l’ensamble, la doctrine
contemporaine est favorable au respect de la règle nullum crimen sine lege et a l’élaboration
d’une codification du droit international pénal.
b) La théorie des faits justificatifs applicables aux violations de la norme internationale
suscite, elle aussi, d’épineuses controverses. Comment, pour l’exercice de la légitime defense
par example, définira-t-on et prouvera-t-on l’existence d’un acte d’agression internationale et
son caractère injustifié? Comment établira-t-on le caractère actuelle de cette aggression?
Assimilera-t-on la menace d’agression à l’attaque réalisée, et à quelles conditions?
Plus aisé à apprécier est l’effet justificatif du commendement hiérarchique. L’unanimité s’est
faite, en droit interne comme sur le plan international, pour refuser à ce commandement la
valeur d’une cause de justification, mais pour admettre qu’exceptionellement il peut être
générateur de contrainte morale ou constituer la source d’une excuse absolutoire ou de
circunstances atténuantes.
2.-L’élément matériel: Des classifications apparaissent à cet égard, dans les travaux
doctrinaux, entre les infractions par action et les infractions d’omission, et les infractions
simples ou complexes; la première est empruntée au droit interne, la seconde est spécifique du
droit des gens.
Quant aux infractions simples, on entend par là un fait illicite international dont l’élément
objectif, celui de la conduite lésant une obligation juridique, est représenté par une action ou
une omission unique due à un seul organe; l’infraction est complexe lorsqu’elle est le résultat
de la conduite de chacun des différents organs don’t l’activité était susceptible de produire le
fait vise par la norme internationale.
Le délinquant international.1.- Les personnes responsables.-
La discussion est ardue quand il faut déterminer les personnes responsables des
infractions internationales. La controverse classique est ici celle qui oposse les partisans de la
responsabilité pénale des individus et ceux de la responsabilité pénale des Etats.
Le projet du Code élaboré en 1954 par la Comision du Droit International des Nations Unies
se rattache à la première tendance (responsabilité exclusive des individus) qui fut à la base des
procès de Nuremberg et de Tokio et qui est d’ailleurs conforme aux principes du Droit Pénale
Interne, marqué par une attitude hostile à la responsabilité pénale des personnes morales.
Mais cette position n’est pas celle d’autres auteurs, qui affirment que seuls les Etats ont une
personalité juridique internationale et qu’ils doivent répondre des infractions commises par
leurs organes; les individus, eux, ne sauraient être poursuivis devant une juridiction
internationale et il apartiendrait aux seules autorités nationales dont ils dépendent d’assurer la
represión des forfaits qu’ils ont commis. Mais l’objection se présente immédiatement à
l’esprit: les ressortissants de leur pays? Et que faire, si l’Etat a disparu comme cela fut le cas
lors de la défaite de l’Allemagne en 1945?
Il apparaît finalment que la solution la plus satisfaisante consisterait à retenir égalment la
responsabilité internationale des Etats et des individus, qu’on pourrait poursuivre, selon les
circunstances, devant la juridiction internationale.
2.- La Culpabilité Pénale.Le problème est délicat de savoir si une faute (dol ou imprudence) est nécessaire pour
engager la responsabilité pénale sur le plan international. Certains auteurs, ceux notamment
qui admettent le principe de la responsabilité des Etats, pensent que l’on peut se contenter
d’un simple rapport de causalité objective entre l’activité déployée et le résultat illicite. Plus
nombreux sont ceux qui, à l’imitation de la position adoptée par le Tribunal militaire
internationale de Nuremberg, estiment que la répression pénale internationale est inseparable
de l’idée d’une culpabilité.
On peut, entrant plus avant dans l’examen du problème, se demander si la distinction
classique du Droit interne entre faute intentionelle et faut d’imprudence ne s’estompe pas ici
et s’il ne faudrait pas décider que l’une et l’autre faute doivent entraîner au même titre la
répression (une guerre d’agression peut être déclanchée par imprudence); la seule différence
se traduirait sur le plan des pénalités, plus sévères dans la première hypothèse.
Dans la même ligne de pensée, on peut aussi s’interroger sur la nécessité d’assimiler
en toutes circonstances le dol éventuel au dol direct; admise par certains législations
nationales, mais repousée par d’autres (notamment par la jurisprudence interne française),
l’assimilation paraît souhaitable dans le domaine international: celui qui fait abattre un avion
appartenant à une tierce puissance sait qu’il peut déclencher une guerre; il ne la veut peut-être
pas, mais il accepte cette éventualité et son attitude délibérée ne diffère pas fondamentalment
de celle qu’on découvre dans l’infraction intentionnelle.
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