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REVUE OUEST AFRICAINE
DE SCIENCES ECONOMIQUES
ET DE GESTION
ROASEG
Volume 7
N°1
Janvier 2014
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1
REVUE OUEST AFRICAINE
DE SCIENCES ECONOMIQUES
ET DE GESTION
ROASEG
Volume 7
N°1
Directeur de publication :
Ahmadou Aly MBAYE
Directeur de rédaction :
Ibrahima Samba DANKOCO
Rédacteur en chef :
Ibrahima Thione DIOP
Secrétaire de la Rédaction :
Fatou GUEYE
Conseil scientifique
Gero Fulbert AMOUSSOUGA
Tidjani BASSIROU
Nadejo BIGOU-LARE
Ibrahima Samba DANKOCO
Adama DIAW
Jean-Jacques EKOMIE
Steven GOLUB
Dominique HAUGHTON
Gilbert NGBO AKE
Birahim Bouna NIANG
Bachir WADE
Barthélémy BIAO
Mohamed Ben Omar NDIAYE
Taladidia THIOMBIANO
28
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1
Revue Ouest Africaine
de Sciences Economiques et de Gestion
© CREA, Centre de Recherches Economiques Appliquées (UCAD,
Dakar, Sénégal).
Tous les droits réservés pour les pays.
Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire partiellement ou
totalement un article de la présente revue, de le stocker dans une banque de données ou de le
communiquer au public, sous quelque motif que ce soit.
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Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1
Evaluation de l’impact de l’exportation du phosphate sur le développement économique
au Togo1
Dr Anani Nourredine Mensah2
Résumé
L’étude analyse l’impact des exportations de phosphate sur le développement économique au
Togo en vérifiant le phénomène de la malédiction des ressources. Alors que les tests
statistiques révèlent l’abondance en phosphate sur une période discontinue de 41 ans, la
dépendance qui en découle est avérée sur près de 32 ans. L’analyse économétrique montre
que la dépendance en phosphate influence très peu et non significativement le développement
économique ; par contre le facteur gouvernance agit négativement sur le développement
économique au Togo. En conséquence, le Togo doit améliorer la gestion du secteur du
phosphate et la chaîne des valeurs du produit.
Mots clés : Phosphate, Malédiction des ressources, Gouvernance, Développement.
Classement JEL : Z10 ; Q20 ; Q58 ; R22
1
Mes sincères remerciements à l’Institut Virtuel de la Conférence des Nations unies pour le Commerce et le
Développement (CNUCED), ainsi qu’à Dr Brigitte BOCOUM de la Division Hydrocarbures et Mines de la
Banque Mondiale, pour leur appui technique et financier à la réalisation de ce travail de recherche.
Mes remerciements vont également à Kodjo Evlo, Mawuli Couchoro, Ega Agbodji de la FASEG Lomé, ainsi
qu’à Komla Mally et Stéphane Lanié pour leur évaluation constructive.
2
Enseignant_chercheur FASEG/ université de Lomé
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Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1
Introduction
Beaucoup de pays riches en ressources minières ont su transformer leur richesse
naturelle en avantage économique et social, alors que d’autres ont souffert du phénomène dit
de la malédiction des ressources caractérisé par une croissance économique stagnante, la
mauvaise gouvernance et autres problèmes. Bien que ce n’est pas un phénomène nouveau, son
potentiel à devenir plus répandu et plus profondément inébranlable a augmenté
significativement ces dernières années, comme la hausse des cours des matières premières qui
a amené beaucoup de pays à devenir dépendants des exportations des produits minéraux.
Etant donné que l’incertitude économique grandissante pousse à la baisse les prix des matières
premières, beaucoup de ces pays pourraient être dangereusement exposés. Une étude publiée
par Oxford Policy management (Haglund, 2011) montre que le nombre de pays en
développement dépendant de ressources minières est passé de 46 à 61, soit une croissance de
30% entre 1996 et 2011 ; en outre, elle révèle que 50% de ces pays sont d’Afrique.
La concentration géographique des ressources naturelles amène certains pays à en être
dépendant en raison de son abondance. L’abondance ou la dépendance s’explique par la part
disproportionnée du produit dans les exportations totales ou dans le PIB du pays, ce qui
devrait conduire à un impact positif sur la croissance et donc le développement économique.
Et c’est l’absence de cette corrélation positive qui occasionne le ‘paradoxe de l’abondance’ ou
‘malédiction des ressources’.
Le secteur minier togolais comporte des ressources naturelles autres que le phosphate.
Il s’agit notamment du fer et de produits dérivés du calcaire tels que le clinker servant à
produire le ciment. En effet, le Togo produit et exporte des produits agricoles (coton, café, et
cacao) et miniers (clinker/ciment, et phosphate). Ces produits primaires ont généré au moins
60% des recettes d’exportations du pays jusqu’en 2000. Cette performance s’est dégradée
depuis 1989 avec une baisse des exportations de phosphate alors que les exportations totales
augmentaient. Ces dix dernières années, le phosphate a perdu sa place dans la structure des
exportations au profit d’autres produits comme le coton et le ciment/clinker.
Essentiellement exporté, la production du phosphate a culminé à 3,3 millions de
tonnes en 1989 avant de connaître une baisse régulière. En 2009, la production n’est que de
0,73 million de tonnes soit 22% de son niveau de 1989. Contrairement aux décennies qui ont
suivi les indépendances, sur la période 1990-2009, les exportations du phosphate ont perdu
leur importance dans l’économie togolaise. De 38% des exportations et 6% du PIB sur la
période 1990-1999, le phosphate n’en représente que 14% et 3% respectivement durant la
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décennie 2000-2009. Le graphique suivant montre la corrélation positive et directe entre les
revenus engendrés par le secteur des phosphates et la croissance économique. Sur les vingt
dernières années, le PIB croit régulièrement. Malgré la chute drastique de la production du
phosphate enregistrée de façon continue entre 1998 et 2007, la production et les revenus ont
enregistré un taux de croissance moyen annuel de 5% à partir des années 2000.
Graphique 1 : Evolution du produit intérieur brut (PIB), de la production et des exportations
de phosphate sur la période 1960 – 2009.
Sources : Ministère de l’Economie et des Finances/DE (2011)3et PNUD4-Togo (2010).
Note : « mio FCFA » indique « million de FCFA ».
A partir de 2007, les exportations du phosphate ont rebondi pour atteindre 70,0
milliards de FCFA. Cette performance relève toutefois d’un effet-prix5 car la production est
en baisse6 depuis 1990 en raison notamment d’une conjugaison de facteurs relevant de la
vétusté de l’outil de production, et de la baisse de la demande extérieure du fait
essentiellement du désengagement des principaux clients européens pour des mobiles
environnementaux, notamment la présence du cadmium7 dans le phosphate togolais.
Considéré comme un secteur de soutien à la croissance et un produit stratégique dans la
politique extérieure du pays (DSRP-C, 2009)8, le secteur du phosphate fait l’objet d’un suivi
régulier par les pouvoirs publics. En effet, depuis l’exploitation marchande du phosphate au
début des années 1960, le phosphate continue d’être une ressource minière stratégique en
raison de sa part importante dans les exportations et de sa contribution significative au produit
3
Données du cadre macroéconomique à fin 2010.
Programme des Nations Unies pour le Développement.
5
Le prix de référence du phosphate qui était en moyenne de 40 $US/tonne sur la période 1990-2005, a été
multiplié par 1,8 ; 8,7 et 3,0 respectivement en 2007 ; 2008 et 2009.
6
Réf. UNCTAD (2008, p. 1) : la faiblesse de l’offre est le principal frein aux exportations africaines.
7
Le cadmium est un produit toxique pour l’agriculture, même si le phosphate togolais est très riche en
phosphore, soit 79% BPL. Le BPL (Bone Phosphate of Lime) est l’unité de mesure de la qualité ou teneur en
phosphore, élément qui indique la pureté du produit phosphate.
8
Document complet de stratégie de réduction de la pauvreté (DRSP-C).
4
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intérieur brut (PIB). En effet, le phosphate contribue à plus de 40% des exportations et
environ 10% du PIB. Il demeure important dans le secteur minier même si sa valeur ajoutée
relative est en baisse passant de 78% à 59% entre 2000 et 2009.
Afin de consolider les bases d’une croissance forte et durable et assurer une bonne
gouvernance, des reformes structurelles des entreprises publiques ont été engagées touchant le
secteur du phosphate. Ainsi, depuis 2010, le Togo est officiellement engagé dans l’Initiative
pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE). De même, avec l’appui des
bailleurs de fonds institutionnels, le gouvernement a réalisé en 2009-2010 une étude
stratégique pour notamment accroitre le niveau de production du gisement actuel, exploiter
d’autres sources de production et transformer sur place en acide phosphorique le phosphate
carbonaté brut à l’horizon 2017.
En ce qui concerne le cas du Togo, bien qu’exportant beaucoup de phosphate, le pays
est passé du groupe des PMA au début des années 80 au groupe des PPTE au début du
21èmesiècle. Et cette situation semble militer à la présomption de la malédiction des ressources
naturelles. En effet, le Togo produit et exporte des produits agricoles (coton, café, et cacao) et
miniers (clinker/ciment, et phosphate). Ces produits primaires ont généré au moins 60% des
recettes d’exportations du pays jusqu’en 2000 et le phosphate à lui seul contribue à plus de
40% des exportations et environ 10% du PIB.
Considéré comme un secteur de soutien à la croissance et un produit stratégique dans
la politique extérieure du pays (DSRP-C, 2009), le secteur du phosphate fait l’objet d’un suivi
régulier par les pouvoirs publics. En effet, depuis l’exploitation marchande du phosphate au
début des années 1960, le phosphate continue d’être une ressource minière stratégique en
raison de sa part importante dans les exportations et de sa contribution significative au produit
intérieur brut (PIB).
Nonobstant l’importance du phosphate dans la stratégie de développement basée sur
les exportations, peu d’études ont analysé voire mesuré de manière quantitative l’impact de
cette ressource sur l’économie togolaise.
L’objectif principal dans cette étude est d’analyser la contribution de l’exportation du
phosphate au développement économique. Spécifiquement, il s’agit d’analyser l’impact de
l’exportation du phosphate sur le développement économique du Togo.
Précisément, nous cherchons à vérifier l’hypothèse selon laquelle l’exploitation du
phosphate au Togo à un impact significatif sur son développement économique.
28
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La suite du document fera d’abord (1) une revue de la littérature pertinente du lien entre
ressources naturelles, exportations et développement économique en vue de ressortir (2) le
cadre analytique conduisant (3) aux résultats et leurs interprétations.
1. Ressources naturelles, exportations et développement économique
Il est généralement admis que l’abondance en ressources naturelles ne conduit pas
nécessairement à la prospérité économique (WTO, 2010). Plusieurs analyses ont été faites sur
l’importance et l’effet des exportations des ressources naturelles sur le développement
économique. La plupart de ces études montrent que la relation entre ressources naturelles et
croissance reste controversée; en particulier, elle peut conduire à un paradoxe, être positive,
ou aboutir à une conclusion mitigée selon les cas visités par les auteurs.
De l’abondance au paradoxe : le syndrome hollandais et la malédiction des
1.1.
ressources
La théorie relative au rôle des ressources naturelles dans le développement est souvent
basée sur l’apport de Heckscher-Ohlin (1949 ; 1933) sur la dotation factorielle, l’hypothèse du
syndrome hollandais, l’importance de la qualité des institutions et les situations de conflits.9
Les théories classique et néoclassique du commerce international enseignent que chaque pays
se spécialise dans la production et donc l’exportation du bien utilisant intensément le facteur
de production dont il est abondamment doté (Heckscher-Ohlin, op. cit.). Cette théorie étend le
concept de facteurs de production aux ressources naturelles et sert de support aux stratégies
d’exportation des produits primaires, naturels ou bruts. Toutefois ces stratégies exposent
l’économie aux chocs extérieurs (termes de l’échange, fluctuation des prix et des recettes) et
confinent aussi les pays dans des secteurs à faibles potentialités et à faible valeur ajoutée
(Gillis et al, 1998). Une autre source atteste que l’abondance en ressources naturelles n’est pas
souvent favorable à la croissance et au développement. En effet, les ressources naturelles
peuvent être contre-productives et conduire au phénomène dénommé communément le
« paradoxe de l’abondance » (WTO, 2010).
Le « paradoxe de l’abondance » est souvent caractérisé par la dominance d’un produit
d’exportation de rente qui engendre des perturbations dans l’économie : inflation,
désindustrialisation, etc. L’abondance ou la dépendance des ressources naturelles quand elle
est mal suivie peut nuire à la performance d’une économie (WTO, 2010). Une autre
9
Le Togo n’a pas connu à proprement parler de conflit dans l’exploitation du phosphate.
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interprétation est fondée sur le « syndrome hollandais » ou « Dutchdisease » (Corden, 1984).
L’explication donnée relève du théorème de Rybczynski qui se caractérise par la croissance
d’une ressource abondante utilisée intensément dans la production d’un bien, entrainant une
augmentation de la production du bien et la diminution de celle des autres. Ce phénomène est
aussi mis en évidence très tôt par Bhagwati en 195810 sous l’appelation de « croissance
appauvrissante ».
Auty (1990) est l’un des auteurs à avoir le mieux mis en évidence le phénomène de la
malédiction des ressources. L’auteur fait une analyse transversale de l’industrialisation à base
des ressources naturelles et conclut qu’une telle stratégie associée à des projets intensifs en
capital est inefficace si les prix de vente attendus sont bas. De même, Sachs et Warner (1995)
montrent que les pays abondant en ressources en 1970 ont connu une faible croissance au
cours des 20 années suivantes. Ils expliquent que la faible performance entre autre par
l’abondance des ressources qui diminuerait la valeur totale des exportations du fait de la
baisse des prix engendrée par l’offre excédentaire sur le marché (Sachs et Warner, 2001).
Van Wijnbergen (1984) développe le premier modèle macro-économique démontrant
comment une ressource naturelle (le pétrole) peut réduire le revenu national à travers le
« learning-by-doing »11. Pour l’auteur, l’exploitation et l’exportation génèrent des revenus
supplémentaires dont une partie est dépensée en consommation de bien non échangeables. Il
s’en suit une croissance de la demande de ces derniers, tirant les ressources hors des secteurs
des échangeables et réduisant la production des biens échangeables. Le secteur en déclin à son
tour implique moins de « learning-by-doing » et une plus faible croissance de la productivité
qu’il ne le serait autrement. Cet effet peut être suffisamment prononcé pour contrebalancer la
croissance initiale de revenu que la découverte de la ressource a généré.
1.2.
Ressources naturelles et croissance économique
Pour les conséquences positives, Gylfason (2008) soutient qu’une dépendance excessive
vis-à-vis de quelques ressources peut nuire à la croissance, et l’abondance en ressources
naturelles, en cas de gestion judicieuse, peut être favorable à la croissance. Avec une
régression sur des données de panel, il trouve qu’en fonction de la qualité des institutions, le
poids des ressources naturelles favorise la croissance dans les pays développés contrairement
aux pays en développement. Il conclut que la diversité, donc la non-dépendance, favorise la
10
Bhagwati J. (1958). «Immiserisinggrowth : a geometrical note ».Review of Economic Studies25:201-205.
Le « learning-by-doing » est un phénomène de l’accumulation des connaissances par apprentissage.
11
28
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croissance. D’autres auteurs ont mis en exergue le rôle des institutions (Rodrik et al, 2004 ;
Torvik, 2009). Torvik (2009) aboutit à la conclusion que les ressources naturelles ne
favorisent la croissance que si les institutions sont de bonne qualité opérationnelle. En effet,
une bonne gouvernance et le choix de politiques économiques adéquates permet de mieux
gérer les revenus des ressources naturelles et de les réinvestir dans des secteurs productifs et
d’éviter aussi les phénomènes de corruption.
Pour Auty (1990), l’industrialisation à base des ressources peut entraîner une efficacité à
long terme, avec des conditions micro et macroéconomiques favorables à une réforme
financière. Selon Stijns (2001), l’abondance en ressource favorise l’accumulation du capital
humain et détermine la différence de croissance entre pays. Il encourage les pays à exploiter
leurs ressources naturelles. La mobilité internationale du capital est plus favorable aux pays
abondants en ressources naturelles, ayant un niveau d’éducation élevé et une démographie
dynamique (Clemens et Williamson, 2001).
Au niveau empirique, Hussain et al. (2009) analyse la contribution des ressources
naturelles à la croissance au Pakistan et trouvent que ces ressources ont un impact négatif sur
la croissance. De même, Saviotti et Frenken (2008) effectuent une étude similaire appliquée
aux pays de l’OCDE12 en examinant la relation entre la variété des exportations et le
développement. Ils arrivent à la conclusion que la diversification intra-sectorielle influence
plus rapidement la croissance que la variété intersectorielle,13 et que l’environnement
économique international influence le sentier de croissance. Dans son application sur le Togo,
Amadou (2009), à l’aide d’une fonction de production classique augmentée des exportations,
démontre que l’accroissement des exportations totales est favorable à la croissance,
contrairement à l’instabilité des exportations.
1.3.
Effets mitigés
Toutefois, certaines analyses aboutissent à des conclusions mitigées ou à l’existence
d’effets indirects ou conditionnels. Medina-Smith (2001), à l’aide d’une fonction de
production néoclassique augmentée par l’inclusion de l’indicateur des exportations, trouve
que l’effet positif des exportations sur la croissance n’est pas robuste. Modise (2000), dans
l’analyse de la gestion de ressources générées par le diamant au Botswana, observe que la
12
Organisation pour la Coopération et le Développement Economique (OCDE).
Ainsi, il est plus optimal pour un pays de se concentrer sur un seul secteur et de produire plusieurs produits
que de produire plusieurs produits de différents secteurs.
13
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ressource naturelle n’a d’effets positifs que si les revenus générés sont réinvestis pour
améliorer le capital productif et favoriser la diversification de l’économie.
En outre, l’instabilité ou la composition des exportations jouent un rôle majeur. Même si
la plupart des études mettent en évidence les conséquences négatives de la dotation en
ressources naturelles, certaines reconnaissent le bienfait qu’elles procurent. La solution n’est
pas évidente mais complexe et implique la prise en compte de facteurs de gouvernance ou de
politique économique (Stevens, 2003). En effet, après avoir indiqué que les canaux de
transmission de l’effet des ressources naturelles sur l’économie n’est pas direct, l’auteur
énumère deux catégories de facteurs : les facteurs favorisants et les facteurs défavorisants. Au
rang des facteurs défavorisants, il identifie de manière plus compréhensive la détérioration à
long terme des termes de l’échange, la volatilité des recettes, l’appréciation du taux de change
réel ou « Dutchdisease », l’effet d’éviction, l’influence négative que peut avoir un Etat
(mauvaises décisions, corruption et recherche de rente, choix inadéquat dans la hiérarchisation
des investissements, manque de politique industrielle ou de vision), les aspects socioculturels
et politiques. Les facteurs favorisants sont : la diversification, la stérilisation des revenus, la
stabilisation des recettes, la politique d’investissement, et les réformes politiques. Aussi
Kronenberg (2004) arrive-t-il à la conclusion que nombreuses sont les expériences qui
montrent que la possession de ressources est nécessaire mais pas suffisante pour assurer la
prospérité des pays.
2. Cadre analytique
En relation avec les objectifs, la présente étude utilise deux approches : une approche
statistique et une approche économétrique.
2.1. Abondance et dépendance
L’analyse statistique concerne la détermination des périodes d’abondance et de
dépendance en phosphate du Togo. Les notions d’abondance et de dépendance en ressources
naturelles sont interdépendantes dans la mesure où l’abondance peut conduire à la
dépendance.
En référence à Auty (1990), Sachs et Warner (2001), un pays est abondamment doté en
une ressource ou en un produit si : i) il offre une grande variété de produits ; ii) la part du
produit dans les exportations est élevée ; iii) la part du produit dans les exportations totales
excède sa part dans le PIB.
28
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La notion de dépendance quant à elle correspond à la situation d’un pays où le secteur des
ressources naturelles ou un produit occupe la place la plus importante du PIB.14
Alors pour apprécier l’abondance ou la dépendance du pays vis-à-vis du phosphate, nous
calculons les indicateurs mesurant la part des exportations d’un produit i ( EXPi ) dans les
exportations totales ( EXP ) et dans le PIB ( ECO ) qui sont déterminés selon les formules
suivantes:
 EXPEXPi 

EXPECOi 
EXPi
100 (1)
EXP
ECOi
100 (2)
PIB
Soit n , le nombre total de produits exportés. L’appréciation de l’abondance et de la
dépendance en ressources naturelles est faite en comparant la part des exportations du produit
considéré dans les exportations totales à la part moyenne des exportations du produit
100%
  % et au poids des exportations du produit dans le PIB
n
Un produit quelconque i est dit abondant en ressources naturelles si la condition
suivante est vérifiée :
EXPEXPi 
EXPi
100%
100 
  % (3).
EXP
n
Cette condition couplée par l’équation (2) donne la condition de dépendance en
ressources naturelles suivante :
EXPEXPi ,t   %  EXPECOi ,t
(4)
Pour qu’un pays soit dépendant d’un produit, il faut qu’il soit le plus important de
tous les produits ; autrement dit, si p désigne le phosphate, pour tout i = 1, …, n, le pays est
dépendant du phosphate si :
i  p, EXPEXPp ,t  max i ( EXPEXPi ,t ) (5)
i  p, EXPECO p ,t  max i ( EXPECOi ,t ) (6)
Des tests statistiques de comparaison de moyennes sont utilisés pour apprécier
l’abondance et la dépendance. Ces tests prendront en compte la variabilité élevée des données.
Autrement dit, il n’y a pas de ressource aussi importante que la ressource considérée. La dépendance peut se
mesurer aussi par la part des ressources dans les recettes fiscales au cas où l’exploitation n’est pas sous le
contrôle direct de l’Etat. Toutefois, les données sur la contribution du phosphate au budget de l’Etat ne sont pas
disponibles.
14
28
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Cette analyse statistique est précédée d’une analyse graphique qui permettra aussi d’apprécier
l’importance du phosphate dans l’économie togolaise.
2.2. Analyse économétrique
L’approche économétrique porte sur une régression linéaire générale du PIB/habitant
sur un indicateur d’exploitation du phosphate et sur la qualité institutionnelle du Togo.. Les
tests statistiques concernant l’analyse de corrélations simples et les tests non paramétriques
(rang de Spearman (1904) et Kendall (1955)) ont été faites.
Pour évaluer l’impact du phosphate, on utilise une fonction de croissance augmentée
telle que définie par Sachs et Warner (1997), Medina-Smith (2001), Hussain et al (2009) et
Amadou (2009). L’avantage de cette méthode réside en l’établissement d’un lien direct entre
les exportations et le PIB. En outre, le modèle prend en compte la ressource naturelle et la
qualité des institutions. L’équation estimée est la suivante :
PIBHABt  0  1TRAVAILt   2 INVESTt  3 PHOSPH t   4QUALITEt   t (7)
où les  i sont les coefficients à estimer, t désigne les années et PIBHAB, TRAVAIL,
INVEST, PHOSPH, et QUALITE sont respectivement les indicateurs du niveau d’activité
économique nationale ou de développement (PIB par habitant), de population en âge de
travailler, d’investissement ou formation brut du capital fixe, l’indicateur d’exploitation du
phosphate, de qualité des institutions/politiques et  t , le terme d’erreur.
La technique d’estimation utilisée est la méthode généralisée des moments (GMM. La
méthode GMM permet d’obtenir des estimateurs robustes sans tenir compte de la distribution
exacte des variables. Les variables sont normalisées pour l’année de référence 1990 pour
éviter le risque de présence d’effet de seuil. Si on désigne par
variable normalisée est donnée par la formule suivante :
Xt 
Zt
(8)
Z1990
Les effets marginaux sont donnés par les expressions suivantes :
Yk ,t
Y1990
 k
Yk ,t   k
28
X k ,t
X1990
(9) ;
Y1990
X k ,t (10)
X 1990
la variable non normalisée, la
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2.3. Variables et données
Les variables utilisées pour l’analyse sont toutes présentées dans l’Error! Reference
source not found.. La variable à expliquer est le produit intérieur brut nominal par habitant
(PIBHAB), mesure du niveau d’activité de l’économie ou le niveau de développement du
pays.
La variable d’intérêt est un indicateur d’exploitation du phosphate (PHOSPH). A la
différence des modèles antérieurs, l’indicateur de phosphate est mesuré par des variables
muettes et le prix du phosphate. A partir des indicateurs EXPEXP et EXPECO, les variables
muettes sont définies en fonction des périodes d’abondance et de dépendance de la façon
suivante :
DUMABOt  1 si abondance, et
DUMABOt  0
sinon ;
DUMDEPt  1 si
dépendance et DUMDEPt  0 sinon. L’indicateur de prix (le prix du phosphate en FCFA ou
en DOLLAR) capte l’effet des facteurs internationaux de prix du phosphate, facteurs qui ne
sont pas pris en compte par les variables travail (TRAVAIL) et capital (INVEST).
Les variables de contrôle sont le travail ou population en âge de travailler (TRAVAIL),
l’investissement (INVEST) et la qualité des institutions (QUALITE). Le travail est représenté
par la population active. L’investissement est la formation brute du capital fixe. La qualité des
institutions (polity2 et durable) est mesurée par les indicateurs de gouvernance politique et
institutionnelle.15 Les scores extrêmes sont +10 pour un pays très démocratique et -10 pour un
pays très autocratique. Durable (QUADUR) mesure le nombre d’années qu’a duré un régime
politique.
Les données proviennent principalement des bases de données macroéconomiques sur le
Togo du PNUD (2010), bases de données compilées à partir des annuaires statistiques de la
Direction Générale de Statistique et de la Comptabilité Nationale (DGSCN) par la FASEG
pour le PNUD. Elles sont complétées par des annuaires statistiques de la DGSCN 1987 à
2008, et des annuaires 2005 et 2006 de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest
(BCEAO) ainsi que par les données du cadre macroéconomique de la Direction de
l’Economie (2010) et de World Development Indicators (2010). Les données sur la qualité
des institutions (polity2) proviennent de la base du Center for Systemic Peace (CSP) en 2009.
Polity2 (QUAPOL) permet d’apprécier le caractère autoritaire des institutions et des politiques de bonne
qualité (démocratie) permettraient de relancer le secteur et de permettre le développement du pays.
15
28
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3. Impact du phosphate sur le développement économique
Après la description et l’évolution des données et indicateurs ainsi que de leur évolution,
les outils statistiques et économétriques sont utilisés.
3.1. Evolution de la structure des exportations
L’évolution de la composition des exportations (
28
) montre que la part du phosphate dans les exportations a connu deux grandes phases
d’évolution. Une hausse de 0,4% des exportations totales en 1961 à 57% de 1989 a été
enregistrée, avec un pic à 76% en 1973 du fait du choc favorable des prix. La part du
phosphate est restée prépondérante de 1973 à 1992. Avant 1973, le café et le cacao étaient les
deux principaux produits d’exportation. Entre 1993 et 2000, le coton a concurrencé le
phosphate. A partir de 2001-2002, le clinker, le ciment et les autres produits contribuent plus
aux recettes d’exportations du pays.
Graphique 2 : Part des produits dans les exportations de 1960 à 2009 (% des exportations
totales)
90
80
70
60
50
40
30
20
10
expexp_cac
expexp_cot
expexp_cli
expexp_cim
expexp_pho
2008
2006
2004
2002
2000
1998
1996
1994
1992
1990
1988
1986
1984
1982
1980
1978
1976
1974
1972
1970
1968
1966
1964
1962
1960
0
Graphique 3 : Poids des produits d’exportation dans l’économie (% du PIB)
La part et le poids des exportations du phosphate dans les exportations totales et dans
le PIB (Graphiques 2 et 3) ont évolué relativement ensemble. La place du phosphate a
augmenté en moyenne jusqu’en 1988-1989 suivi d’une baisse sur les 20 dernières années. Les
premières exportations du phosphate ont commencé en 1961. A partir de 2003, l’industrie du
phosphate connu une mauvaise performance due notamment à la mauvaise gestion. La part
du phosphate dans l’exportation a excédé son poids dans le PIB sur toute la période de
l’étude. Ainsi, sur les 49 années, le phosphate est resté abondant de 1963 à 2002 puis en 2009
soit sur 40 ans (Graphique 4).
Graphique 4 : Evolution des parts du phosphate dans les exportations totales
et dans le PIB (données normalisées à 100)
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1
Au total, le phosphate a été important dans le développement économique du Togo sur
la période 1966-1999, malgré une contre performance enregistrée depuis 1990. Au cours de
la décennie 2000, le clinker, le ciment et le coton sont devenus des produits concurrents du
phosphate.
3.2. Analyse de l’abondance et de la dépendance
L’analyse de l’abondance et de la dépendance est faite au moyen d’une analyse
graphique et des tests statistiques.
Pour la détermination des périodes d’abondance et de dépendance, l’analyse graphique
(Graphique 4) montre que le pays est dépendant du phosphate pendant 32 ans sur les 49 ans
d’exploitation (65,3%) et que ces périodes correspondent exactement à celles de dépendance
commerciale. Il ressort que le phosphate reste une ressource abondante de 1961 au début des
années 2000. Durant cette période, le Togo a été dépendant économiquement et
commercialement du phosphate en 30 années sur 40, soit 75% des cas.
Tableau 1 : Périodes d’abondance et de dépendance vis-à-vis du phosphate
Situations
Années correspondantes
Durée
Abondance
1963-2002, 2009
41 ans
Dépendance
1965-1968, 1971-1994, 1997, 1998, 2000, 2009
32 ans
Le Togo exporte six (6) produits principaux dont 3 variétés de produits agricoles (café,
cacao, coton) et 3 variétés de ressources naturelles (clinker, ciment et phosphate) et d’autres
produits mineurs. L’importance d’un produit est appréciée en comparant la part des
exportations du phosphate à la statistique  soit :  
100
 14, 29%  15% .16
6 1
Les résultats des analyses descriptives sont vérifiés par les tests statistiques de
comparaison des moyennes17. Les tests indiquent que le pays est abondant mais pas dépendant
vis-à-vis du phosphate. En effet, à part des exportations (EXPEXP) représente en moyenne
34,2% (plus du 1/3) des exportations totales (EXPORT) et sur toute la période d’étude,
16
Par ailleurs, on peut noter que le Fonds monétaire international donne un seuil de 25% pour apprécier la
dépendance (voir l’étude de Dan Haglund : « Blessing or curse? The rise of mineral dependence among low- and
middle-income countries », December 2011, Oxford Policy Management, www.opml.co.uk.
17
Les tests sont faits à l’aide du logiciel Stata.
28
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1
EXPEXP excède EXPECO. Ainsi, le phosphate est une ressource abondante pour le Togo.
Cette part de 34,2% est supérieure au seuil de 25% retenu par Dan Haglund (op. cit.). Sur la
période 1961-2009, globalement, la part des exportations du phosphate dans l’économie
(EXPECO) est de 6,7% du PIB ; et aucun produit n’a une part plus importante dans le PIB
sur les 49 ans. De même, EXPEXP représente 34,2% d’EXPORT et la part d’aucun des 5
autres produits n’est plus importante sur cette période. Cette situation a relativement changé
avant et après 1989 et surtout à partir de 2000. En effet, les tests indiquent qu’avant 1989, le
phosphate est prépondérant dans le PIB dans 99,99% des cas alors que sur la période 19892009, 63,87% des cas soit 12 ans sur 20. Durant la décennie 2000, le phosphate a perdu
99,64% de sa place au profit d’autres produits (le clinker, le ciment, et, dans une moindre
mesure, le coton).
En ce qui concerne la dépendance vis-à-vis du phosphate, les tests statistiques
montrent une forte corrélation positive entre l’abondance et la dépendance (le coefficient de
corrélation est de 88,75%) mais l’existence d’une relation de cause à effet entre les deux
phénomènes est rejetée, impliquant que le Togo n’est pas ‘’fortement’’ dépendant du
phosphate.
En substance, le Togo présente une situation d’abondance en phosphate depuis le
début des années 1960 mais est relativement moins en moins dépendant de ce produit à partir
de 1990 et surtout à partir de la décennie 2000. Même si cette situation de dépendance relative
du phosphate est réduite à partir de 1990, la faible performance des autres produits permet au
phosphate de garder sa place de choix.
3.3. Impact de l’abondance et de la dépendance relative du phosphate sur le
développement économique.
Etant donné l’hétérogénéité des grandeurs des données et pour éviter les effets d’échelle
liés à la disparité de l’étendue des données des variables, une normalisation est faite avec pour
base l’année 1990 qui est celle à partir de laquelle les performances du phosphate ont
commencé par se dégrader.
3.3.1. Analyse de l’impact de l’exploitation du phosphate sur le développement
économique
Le modèle de régression préconisé diffère de celui des études antérieures par la prise
en compte d’un produit particulier (le phosphate) et non l’ensemble des exportations ou
encore des exportations primaires par rapport aux exportations des produits manufacturés ou
29
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1
encore leur part dans le PIB. Compte tenu des résultats d’analyse de corrélation, le modèle ne
prend en compte que les variables en proportion EXPEXP et EXPECO. Toutefois, pour
mesurer l’effet-prix ou du taux de change, on utilise PFCFA et PDOLLAR.
En fonction des périodes d’abondance et de dépendance du phosphate, des tests de
stabilité seront faits pour apprécier la robustesse des paramètres estimés..18
Les résultats retenus (Error! Reference source not found.) considèrent les niveaux
d’intégration les plus fréquentes (2 options sur 3). La présence de trend et/ou d’interception
est le deuxième critère. Enfin, on recourt aux types de test IPS et au besoin à FADF qui prime
sur FPP du fait que le PP est plus applicable aux petits échantillons.
Tableau 2 : Résultats des tests de stationnarité
Degré
Probabilités
Nombre de retards
d’intégration
Invest
I(1)
0,0000*
0
Pdollar
I(0)
0,0108*
2
Pfcfa
I(1)
0,0000*
0
Pibhab
I(2)
0,0000*
0
Quadur
I(1)
0,0000*
0
Quapol
I(1)
0,0001*
0
Travail
I(2)
0,0000*
0
* indique le rejet de l’hypothèse nulle de présence de racine unitaire.
Variables
Tendance
Constante
Constante
Aucune
Tendance
Aucune
Aucune
Aucune
Tendance
D’après les résultats des tests, hormis la variable PDOLLAR qui est I(0) et les
variables PIBHAB et TRAVAIL qui sont I(2), les autres variables sont I(1).
Les tests de cointégration sont appliqués à 5 modèles : sans indicateurs de phosphate
(modèle de base), la variable indicatrice de l’abondance (modèle 1), la variable indicatrice de
la dépendance (modèle 2), le prix en FCFA (modèle 3) et le prix en dollar (modèle 4). Les
résultats montrent l’existe d’au moins une relation de long terme entre les variables.
La prise en compte du nombre de retards n’améliore pas les résultats. Les tests usuels sont
faits sur les régressions pour s’assurer de la vividité des modèles.
Le tableau 4 indique que seul le prix domestique du phosphate a un effet significatif
sur le niveau de développement économique mais l’effet multiplicateur est faible (Modèle 3).
La situation d’abondance (Modèle 1) ou de dépendance (Modèle 2) ainsi que le prix en dollar
du phosphate (Modèle 4) ne sont pas déterminants dans le niveau de développement
économique du Togo. . Une hausse du prix domestique de phosphate de 1 FCFA entraîne une
amélioration de 0,15 du PIB par habitant.
Les tests sont faits avec le logiciel Eviews qui permet d’appliquer les tests pour chaque variable avec les
options « Im Pesaran et Shin » (IPS), Fisher - AugmentedDickey-Fuller (FADF) et Fisher - Phillips-Perron
(FPP). Pour la détermination du nombre de retards, « ModifiedHannan-Quinn », la plus récente des options ou
une sélection automatiqueest utilisée. Les options antérieures sont les critères d’Akaike et de Schwarz.
18
30
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1
Par ailleurs, si la durabilité des régimes a un effet favorable, il est à noter que moins le
régime est autoritaire, moins le PIB est élevé. Les facteurs de production traditionnels (travail
et capital) ont un effet positif et significatif sur le PIB. En outre, l’investissement n’a pas
d’effet significatif sur le développement économique, contrairement au travail
Tableau 3 : Résultats des régressions
Variables
Modèle 0
(sans
phosphate)
0,93*
0,57
Travail
Invest
Phosph
Quadur
0,1
Quapol
-0,68*
Constante
31,95
R² ajusté
97,85%
DW
0,57
*indique une significativité à 5%.
Modèle 1
(DUMABO)
Modèle 2
(DUMDEP)
Modèle 3
(PFCFA)
Modèle 4
(PDOLLAR)
0,93*
0,57
0,00
0,12
-0,70*
31,78
97,84%
0,58
0,86*
0,60
-0,13
0,23
-0,77*
46,33*
98,01%
0,69
0,89*
0,52
0,03*
0,14
-0,77*
39,3
97,94%
0,57
0,92*
0,56
0,01
0,10
-0,69
32,95
97,85%
0,56
La rémunération des facteurs de production est plus ou moins significative du travail
au capital. Pour la relation positive significative du premier facteur, elle relève des dépenses
de consommation effectuées par les travailleurs du secteur avec une demande et donc une
production plus élevée en biens et services. La même interprétation économique est valable
pour les détenteurs de capitaux. Pour le prix domestique, la tendance à la hausse du taux de
change du dollar en FCFA explique l’effet positif sur la production dans la mesure où les
agents auraient un pouvoir d’achat plus élevé. Toutefois, l’effet positif conjugué de ces
variables explicatives sur le développement est amplifié ou atténué par la durabilité des
régimes politiques et la qualité des institutions qui riment avec une mauvaise gouvernance.
Le rapprochement de cette dernière explication de l’impact insignifiant de l’abondance
du phosphate sur le niveau de vie du togolais moyen est frappant ; en effet, depuis 2000, les
données statistiques ne signalent nulle part et sur la période d’étude de la contribution des
recettes d’exportation du produit via les recettes fiscales ou autres financements du
développement économique.19
Le Tableau 4 présente les effets de changement de nature du phosphate sur le
développement économique pour les périodes 1960-1990 et 1990-2009. Les analyses
précédentes ont montré que le pays est abondant et non dépendant en phosphate même si sa
place régresse cette dernière décennie sur le fait principalement de la baisse du niveau de
production depuis 1990.
Et l’adhésion du Togo à l’EITI en 2010 peut indiquer l’existence de détournement soutenu des opportunités de
la croissance et de développement par la grande corruption.
19
31
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1
Tableau 4 : Effets du changement de nature du phosphate sur le développement
Modèle 1
Modèle 2
Modèle 3
Modèle 4
Périodes
(DUMABO)
(DUMDEP)
(PFCFA)
(PDOLLAR)
1960-2009
0,00
-0,13
0,01
0,03*
1960-1990 (a)
-0,04
-0,01
0,03
-0,02
1990-2009 (b)
0,03
-0,07
0,00
-0,01
Rupture (a et b) Non
Non
Non
Non
On remarque que globalement, comparativement aux deux sous-périodes, la place du
phosphate n’a pas été modifiée. Mais, le prix domestique du phosphate n’est pas déterminant
sur les 2 sous-périodes et quasi-nul sur la période 1990-2009.
Conclusion
L’étude a eu pour objectif d’évaluer l’importance du phosphate dans le développement
économique du Togo. Les méthodes d’analyse d’ordre statistique et économétrique utilisées
ont donné des résultats concordants. Les tests statistiques ont consisté à la comparaison des
moyennes et à l’analyse des corrélations. La méthode GMM a été retenue dans l’analyse
économétrique.
Les résultats de l’étude permettent de conclure que, malgré son importance dans les
exportations et le PIB, le phosphate est une ressource abondante qui n’a pas jusque là mis le
Togo dans une situation de dépendance.. En effet, bien que le phosphate soit abondant depuis
les débuts des années 1960, il l’est de moins en moins à partir de 1990 et surtout durant la
dernière décennie. Toutefois, la faible performance économique des autres produits permet au
phosphate de garder sa place de choix même si au cours de la décennie 2000, le clinker, le
ciment et le coton sont devenus des produits concurrents. Les résultats montrent aussi que les
rémunérations du facteur travail, le phosphate et la gouvernance influencent significativement
le développement économique. Mais, cet impact est dérisoire pour le phosphate malgré que le
Togo soit abondant en phosphate. En outre, l’effet négatif de la gouvernance vient fortement
atténuer celui des deux autres déterminants.
Il en ressort que le phosphate ne mérite pas une place de choix dans la stratégie de
croissance. Il serait donc primordial que la chaine des valeurs du produit soit améliorée par la
prise en compte du facteur gouvernance dans le cadre de l’ITIE et la transformation de la
ressource en acide phosphorique et engrais phosphatés en vue de mieux contrôler l’instabilité
des prix
32
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1
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Annexes : Désignation des variables
Variables
Expcac
Expcaf
Expcim
Expcli
Expcot
Expeco
Expexp
Export
Exppho
Invest
Pdollar
PFCFA
Pibhab
Population
Propho
Quadur
Qualpol
Travail
Dénominations
Exportations du cacao
Exportations du café
Exportations du ciment
Exportations du clinker
Exportations du coton
Part des exportations d’un produit i dans l’économie le PIB
Part des exportations d’un produit i dans les exportations totales
Exportations totales
Exportations du phosphate
Investissement (formation brut du capital fixe)
Prix de référence en dollar du phosphate
Prix de référence en FCFA du phosphate
Produit intérieur brut nominal par habitant
Population
Production du phosphate
Qualité des institutions - durable
Qualité des institutions - polity2
Population de 15 à 64 ans
20
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
Impact du Système Financier sur la Croissance Économique des Pays de l’UEMOA :
une Analyse par la Méthode des Moments Généralisés en Panel Dynamique
Dr Tarno Mamane20
Résumé
La crise des années 80 a montré les limites des stratégies de développement basées sur le
financement extérieur. L’adoption de ces stratégies procède d’une sous-estimation du
système financier ou d’un manque de volonté de remédier à sa faible résilience. Or selon
McKinnon (1973) et Shaw (1973), le développement de la sphère financière est
une condition nécessaire au développement économique. Nous vérifions cette
assertion dans le cas des pays de l’UEMOA en estimant un modèle GMM spécifié sur un
panel dynamique couvrant la période 1960-2010. L’analyse met en perspective des
indicateurs caractéristiques du développement interne du système financier et des
variables agissant sur ses canaux de transmission. Soulignant l’impact négatif des
Investissements Directs Etrangers (IDE) et de l’aide publique au développement sur la
croissance, les résultats suggèrent d’accroître l’épargne domestique et les crédits à
l’économie, aux fins de neutraliser les effets néfastes de ces variables et d’optimiser la
contribution du système financier.
Mots clés: croissance économique, système financier, méthode GMM.
Classement JEL :
20
Enseignant chercheur à la FSEJ, Université Abdou Moumouni de Niamey
21
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
1-Introduction
De 1960 à la fin des années 1980, la politique de développement dans les pays de
l’UEMOA a été menée sous l’égide de l’État qui réglementait les activités économiques et
prenait part aux tâches de production directes. Dictée par le niveau faible du secteur privé
et financée par des capitaux extérieurs, cette stratégie a permis aux pays riches en
ressources naturelles de relever le niveau de leur PIB. Mais en dépit d’un accès large et
facile à l’épargne étrangère, leurs performances sont restées globalement modestes21
(Correa, 2004 ; Jones and Williams, 2012). Creusant les déficits et entravant l’initiative
privée, la politique d’endettement et l’interventionnisme excessif de l’État ont eu raison de
la croissance à long terme.
Survenue au début des années 1980, la crise de la dette a exhumé les maux qui, des
décennies durant, gangrenaient ces économies. Ainsi, sont apparus au grand jour
l’ampleur des déficits, leur caractère insoutenable et l’incapacité du système financier à
combler le vide laissé par les bailleurs de fonds étrangers lassés par la récurrence des
échecs (Kpodar, 2003).
Du fait de cette faible résilience du système financier, le financement de la croissance
est devenu hypothétique en zone UEMOA. En effet, depuis de nombreuses années, ces
pays peinent à se financer par les mécanismes et circuits de marché. Ayant une faible
capacité de remboursement, ils doivent se contenter de l’aide publique au développement
et des emprunts à taux concessionnels. Mais, après l’effondrement du « bloc de l’Est »,
même pour ces fonds, les sources de financement tendent à s’amenuiser, une bonne partie
de l’aide destinée d’ordinaire aux pays du Sud étant absorbée par les pays d’Europe en
transition vers l’économie de marché. À cela, est venue s’ajouter la forte demande en
ressources énergétiques et financières des pays émergents consécutivement à leur
croissance économique exceptionnelle (Glachant et al. 2010 p.10, CEA/UA, 2013 p.4).
Dans le dernier tournant des années 2000, la situation s’est davantage aggravée, la crise
des crédits hypothécaires ayant contraint la plupart des pays développés à s’endetter
lourdement pour s’en sortir (Greiner, 2012), ce qui du coup a réduit les ressources devant
revenir aux pays du Sud.
21
De 1968 à 1997, le taux de croissance moyen du PIB par tête des pays africains est de -0,5% contre 1,24%
pour les autres PVD (Kpodar, 2003).
22
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
Du jour au lendemain donc, les pays africains ont dû réaliser l’impasse financière dans
laquelle leur stratégie de financement extravertie les a plongés. Le moyen de s’en sortir, et
d’accomplir leurs ambitions de développement, est de développer leur système financier.
Car comme l’ont fait remarquer McKinnon (1973) et Shaw (1973), le développement de la
sphère financière est une condition nécessaire au développement économique.
L’objectif de ce papier est d’analyser les déterminants de l’efficacité du système
financier dans les pays de l’UEMOA.
Avant nous, de nombreuses études ont été réalisées dans ce cadre. Seulement,
indépendamment des différences d’approches, de techniques d’estimation et des données
utilisés, ces études ont le défaut de se focaliser quasi-exclusivement sur des déterminants
financiers, négligeant ceux de l’environnement, singulièrement les variables de
transmission, pourtant très décisives. L’originalité de cette étude est d’intégrer ces deux
dimensions, le postulat étant qu’une influence forte ou faible du système financier sur la
croissance peut avoir comme origine, soit le système lui-même, soit les canaux par
lesquels il transmet ses effets à la croissance.
Le reste du papier se décline comme suit : le deuxième point présente le système
financier des pays de l’UEMOA, le troisième la revue de littérature, le quatrième le cadre
méthodologique et le cinquième les résultats et leurs interprétations.
2-Définition et état des lieux du système financier des pays de l’UEMOA
Un système financier est un ensemble cohérent de règles, de pratiques et d’institutions.
Ces dernières sont des banques et établissements financiers, des compagnies d’assurance,
des caisses d’épargne et centres de chèques postaux, d’institutions mutualistes d’épargne
et de crédits et des bourses des valeurs mobilières.
Leurs activités consistent à collecter des ressources financières, à les transformer et à
les allouer à l’économie, ce qui leur confère, vis-à-vis des agents économiques, un rôle
d’organisation, de sélection, de contrôle, d’orientation et d’incitation. Tout en garantissant
sa durabilité, ces attributs permettent au système financier d’atteindre les effets escomptés
sur les échanges, les risques, les coûts, la productivité et par conséquent sur la croissance.
En Afrique subsaharienne, le système financier est-il parvenu à accomplir ces fonctions ?
On peut en douter, car après une première période de relative croissance, l’envol
du système a été brutalement interrompu au début des années 80 par une crise économique
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Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
sans précédent. Environ un quart des institutions ont été emportés. Les politiques de
restructuration ont permis de reconstituer le système. C’est ainsi que d’une vingtaine de
banques et d’établissements financiers en 1990 on n’en est arrivé à une cinquantaine en
1999 auxquels il faudrait ajouter les SFD (environ 279 en 1999). Ensemble, ils totalisaient
une clientèle de 2 339 000 bénéficiaires, collectant une épargne de 100 milliards de FCFA
et distribuant des crédits dont l’encours au 31 décembre 1999 est estimé à 97 milliards. De
quelques centaines de titulaires de comptes, on est passé à 1 553 000 comptes en 1999 soit
un taux de bancarisation de moins de 3%.
En 2000, le nombre de banques et
d’établissements financiers s’est établi à 91 dont 64 banques et 27 établissements
financiers. Ils assuraient 600 guichets environ, soit un ratio de couverture géographique
d’un guichet pour 115 000 habitants. Au 31 décembre 2000, on estimait à 4 186 milliards
de FCFA les ressources collectées (81% de dépôts et emprunts et 12% de fonds propres)
et à 3 951 milliards les emplois dont 72% de crédits à l’économie (Attinwassonou, 2011).
En 2007, avec 92 banques agréées et une multitude d’institutions de micro-finance, le
réseau s’est davantage densifié faisant ainsi passer le taux de bancarisation à 6,1%. En
2008, le réseau s’est encore élargi, 14 nouvelles institutions étant créées, soit un total de
96 banques et 20 établissements financiers. Par rapport à 2007, les comptes de la clientèle
progressent de 36,6% (36% pour les comptes de particuliers et 42,3% pour les comptes
des personnes morales). Le nombre de guichets passe de 600 en 2000 à 1 197 en 2008
(pour un total de 4 132 103 comptes).
Comme on le voit, la densification du réseau s’est toujours accompagnée d’une
mobilisation conséquente des ressources, donnant lieu à une importante transformation
financière au profit des agents à un besoin de financement. Progressant au rythme annuel
de 8,9%, les dépôts et emprunts se sont établis à 7 345 milliards en 2008. Par rapport à
2007, les crédits à la clientèle ont augmenté de 15,0% en 2008, s’établissant à 6 120
milliards. Les fonds propres nets se sont élevés à 850 milliards contre 732 milliards en
2007. En dépit d’un environnement international difficile, loin de s’estomper cette
dynamique s’est poursuivie.
Notre intuition est que ce développement financier exceptionnel des pays de
l’UEMOA ne peut pas se faire sans produire des effets sur la croissance économique. Il est
fort à parier qu’il a affecté le secteur privé et stimulé les investissements productifs.
24
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
3-Revue de littérature
Cette revue s’articule autour de deux axes, élucider les liens entre croissance
économique et secteur financier et identifier les variables et les mécanismes par lesquels
ce dernier agit sur la croissance économique.
Les voies par lesquels un système financier agit sur la croissance économique sont
de six ordres selon Nord (2010): (i) développer les échanges de biens et services ; (ii)
mobiliser les capitaux, capturer l’épargne et réduire le coût du capital ; (iii) allouer le
capital aux emplois les plus productifs et, partant accroître la productivité globale ; (iv)
accroître la liquidité et la diversification du risque ; (v) suivre les entreprises, produire et
diffuser ex ante l’information relative aux investissements ; et (vi) améliorer les résultats
des entreprises, réduire les barrières à l’entrée sur le marché et renforcer la concurrence.
Le système financier réalise ces objectifs grâce à ses fonctions d’intermédiation de
représentation, de transformation et la création monétaire. Elles sont justifiées tant par le
souci de réduire les coûts de transactions conformément à l’« approche par les coûts »
développée par Coase (1937) que par la nécessité de produire la sécurité et la liquidité
suivant l’« approche par les risques » mise en évidence par Gurley et Shaw (1973). Selon
la première approche, le système financier agit sur la croissance et l’augmente en
économisant les coûts de transaction alors que d’après la seconde il stimule l’activité
économique, et donc la croissance, en rendant cohérents les risques individuels des
prêteurs et des emprunteurs.
Malgré l’évidence théorique, telle que cela est établi par ces deux approches, les
économistes continuent de s’interroger sur l’existence de ce lien et au-delà sur le sens de
la causalité.
3.1 Existence d’un lien entre le système financier et la croissance
Si on pose la question avec insistance, c’est qu’il y a un déphasage entre les fonctions
rappelées par Nord (2010) qui sont théoriques et propres à un système financier
développé, et les faits qui au contraire montrent des systèmes financiers avec un niveau de
maturité très variable. L’aptitude d’un système financier à remplir ces fonctions dépend de
sa maturité. Or dans ce cadre, des études macroéconomiques transversales, confirmées par
de nombreuses études microéconomiques, ont établi que c’est la différence de degrés de
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Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
développement financier entre pays qui explique les disparités de revenu et de croissance
par tête. Selon Rajan et Zingales (1998), les activités tributaires du secteur financier
connaissent une croissance beaucoup plus rapide dans les économies dont le secteur
financier est développé. Dabla-Norris, Kersting et Verdier (2010) ont montré que dans les
pays à système financier mature, les entreprises productives s’engagent davantage dans
des activités innovantes et le retour à l’innovation est plus répandu que dans les pays dont
le système financier est peu développé.
Beck et al. (2005) ont établi que les petites entreprises à faibles ressources financières
connaissent une expansion plus rapide dans les pays dont le système financier est
développé. La disponibilité des ressources financières encourage l’esprit d’entreprise et
accroît la concurrence (Guiso et al. 2004 et Haber, 2003). Fisman et Love (2004) et
Hartman et al. (2007) ont montré que le développement du secteur financier favorise la
réaffectation du capital au profit des secteurs d’activité à forte croissance.
Toutes ces réflexions s’inscrivent dans le cadre théorique tracé par Schumpeter (1911),
Gurley et Shaw (1955), Goldsmith (1969), McKinnon (1973) et Shaw (1973) qui sont les
pionniers en la matière. Ils admettent tous que le développement financier contribue à la
croissance, à l’innovation technologique et à l’accumulation de capital. Pour certains
auteurs tels qu’Ang et Mckibbin (2007), Singh (2008) et Giuliano et Ruiz-Arranz (2009),
le développement du système financier ne contribue pas seulement à la croissance
économique, il en est même sa condition sine qua non.
Devenue évidente vis-à-vis de la croissance, l’action vertueuse du système financier
l’est aussi à l’égard de la pauvreté ; et ces dernières années, des travaux de simulation ont
montré que le système financier peut aussi inspirer les politiques de réduction de la
pauvreté (Bruno, Ravallion et Squire, 1998). Ainsi, dans une étude économétrique sur des
données transversales, Honohan (2004) a montré que le développement de l'intermédiation
financière réduit la pauvreté absolue. De même Beck et al. (2004) ont prouvé qu’en
augmentant les revenus des pauvres, le développement financier réduit également les
inégalités. Avant ces derniers, Jalilian et Kirkpatrick (2001) ont montré qu’une
augmentation de 1% du poids des actifs des banques commerciales dans les PIB améliore
le revenu des pauvres de 0,4% dans les pays en développement.
Ces analyses montrent l’existence d’un lien de causalité entre le développement
financier et la croissance économique. C’est le cas d’une étude comparative de l’évolution
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Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
graphique des pays de l’UEMOA, d’une part de deux indicateurs du développement
financier en l’occurrence, les engagements exigibles du système financier (M3) et les
crédits des institutions financières (banques de dépôts et autres) accordés à l’économie, et
d’autre part du Produit Intérieur Brut. Cependant, le doute persiste pour ce qui est du sens
de cette relation (Attinwassonou, 2011).
Il y a certainement une relation, mais on ignore si c’est l'évolution du revenu ou de la
richesse qui provoque l'extension des activités financières ou si, au contraire, c’est cette
dernière qui entraîne l’accroissement du revenu et des richesses. Cette question a fait
l’objet d’une littérature abondante (Levine, 1997). La synthèse semble accréditer le sens
de causalité allant du développement financier vers la croissance. Pour autant que les
analyses établissent l’existence d’un lien positif allant du financier à la croissance, l’idée
d’une relation négative n’est pas totalement absente des réflexions.
Invoquant l’instabilité financière, des auteurs tels que de Gregorio et Guidotti (1995),
Arestis et Demetriades (1998), Berthélemy et Varoudakis (1998), Demirgüç-Kunt et
Detragiache (1988), Kaminsky et Reinhart (1998), Guillaumont et Kpodar (2004) et
Loayza et Rancière (2004) ont soutenu l’idée d’une finance passive à l’égard de la
croissance. Cette controverse théorique est corroborée par des travaux empiriques dont la
plupart se réfèrent aux pays en développement où les systèmes financiers sont sousdéveloppés (Kpodar, 2003 ; Hugon, 2007).
Une étude de Jude (2008) a établi un lien négatif entre le secteur financier (instabilité
financière) et la croissance économique. Sur un échantillon de 71 pays observés sur la
période 1960-2004, l’auteur a montré sur la base des données en coupe transversale et en
panel dynamique que l’impact négatif de l’instabilité financière sur la croissance
économique ne s’observe qu’à court terme. À long terme, elle est sans incidence sur la
croissance économique et sur le lien entre cette dernière et le développement financier.
Malgré les réserves émises sur le succès des mesures de libéralisation financière en
Afrique, les études empiriques dans leur majorité considèrent le développement financier
comme un facteur de croissance (Spears, 1992 ; Odedokun, 1996 ; Gelbard et Leite, 1999 ;
Collier et Gunning, 1999 ; Ndikumana, 2001 ; etc.). Mais cet impact est jugé minime.
3.2 Variables explicatives de la croissance
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Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
Nous partons du postulat que le système financier agit sur la croissance
économique. Selon ses forces et ses faiblesses, il régule à la hausse ou à la baisse le flux
de la croissance. Mais le problème reste de savoir quelles variables permettent le mieux de
capturer ces forces et ces faiblesses. Les études sur le secteur financier (développement,
approfondissement, répression financière, crises, faillites, etc.) révèlent un grand nombre
de variables potentiellement aptes à jouer le rôle de déterminants. Elles se classent en
deux catégories : la première regroupe les variables
utilisées d’ordinaire comme
indicateurs du développement financier et qui reflètent les caractéristiques intrinsèques du
système; la seconde comprend les variables prenant en compte ses caractéristiques
externes et qui, vis-à-vis des canaux de transmission, jouent le rôle de catalyseurs ou à
l’inverse d’« obstacles » ou de freins.
Les variables de la première catégorie sont, soit des agrégats monétaires ou
financiers, soit des ratios dérivés d’une combinaison de plusieurs agrégats, soit des
indices.
Dans une étude, la BCEAO (2010) a mesuré le développement financier par les
ratios dépôts bancaires et crédits à l’économie sur PIB. De même une étude consacrée aux
pays de l’UEMOA citée par Attinwassonou (2011), deux variables pour appréhender le
développement financier. Il s’agit des engagements exigibles du système financier (M3) et
des crédits des institutions financières accordés à l’économie. Spears (1992) a utilisé
comme indicateurs du développement financier, le ratio des dépôts à vue et des comptes
d’épargne sur l’agrégat monétaire M2, et les agrégats monétaires M2 et M3 en proportion
du PIB. Pour leur part, Bhatia et Khatkhate (1975) ont utilisé la part des actifs financiers
dans le PIB. Odedokun (1996) a pris comme indicateur le passif exigible du système
financier. Gelbard et Leite (1999) ont construit un indicateur composite de six indices
représentant les caractéristiques majeures des systèmes financiers des pays africains : la
structure de marché et la compétitivité du système financier, l’éventail des produits
financiers disponibles sur le marché financier, le degré de libéralisation financière, la
qualité de l’environnement institutionnel, le degré d’ouverture financière et le degré de
complexité des instruments de politiques monétaires. Kpodar (2003) a mesuré le
développement financier par trois indicateurs à savoir: l’agrégat monétaire M3 rapporté au
PIB22; la part relative des actifs des banques commerciales par rapport à ceux de la
22
M3 = Monnaie + dépôts à vue + autres dépôts + dettes financières des établissements de crédits.
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Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
Banque Centrale23 ; et la part dans le PIB des crédits octroyés au secteur privé par les
banques (Beck, Demirgüç-Kunt et Levine, 1999).
L’impact du système financier dépend certes de ces variables, mais aussi et surtout
des variables de l’environnement externe du système, c’est-à-dire des facteurs qui agissent
sur les « canaux de transmission ». L’idée de canaux vient du postulat théorique selon
lequel le système financier agit sur la croissance économique par le canal du taux
d’investissement ou de la productivité marginale du capital. Toute variable agissant sur
l’un ou l’autre canal (jouant ainsi le rôle de catalyseur ou de frein) est susceptible
d’amplifier ou de réduire l’impact du développement financier sur la croissance. La
littérature a identifié cinq variables susceptibles de jouer ce rôle. Il s’agit de :
- la fragmentation ethnolinguistique : un niveau élevé de diversité ethnique est
significativement corrélé à un faible niveau de développement financier, à un faible
niveau d’infrastructure, à un faible taux de scolarisation et à des distorsions sur le marché
des changes. Plus portés vers des activités de recherche de rentes, les individus ont des
difficultés à s’accorder sur la production et la sauvegarde des biens publics (Easterly et
Levine, 1997) ;
- des crises bancaires de type (c) (Caprio et Klingebiel, 1996) : l’Afrique est le continent
le plus frappé par des crises structurelles qui affaiblissent non seulement la croissance
mais aussi la relation entre celle-ci et le développement financier (Kpodar, 2003) ;
- l’absence de concurrence dans le secteur financier : Demirgüç-Kunt, Laeven et Levine
(2003) ont montré que la concentration bancaire (en Afrique, sur la période 1988-1997,
92% des actifs financiers sont détenus par les trois plus grandes banques) a un impact
négatif et significatif sur l’efficacité du système bancaire ;
- la persistance de l’interventionnisme public dans le système financier : malgré la
libéralisation financière, une bonne partie des banques africaines appartiennent à l’État.
Plus promptes à servir les intérêts des hommes politiques, elles se soucient peu de la
rentabilité : le banquier ne se sent responsable ni des pertes, ni de la mauvaise allocation
des crédits, ni de la contre-performance des emprunteurs (Caprio et Klingebel, 1996) ;
- la faiblesse du système légal et de régulation des banques : les études empiriques ont
établi un lien étroit entre la qualité de l’environnement légal et le développement financier
(La Porta, Lopez-de-Silanes, Shleifer et Vishny 1998, Levine 1999). La qualité de la loi et
Calculée en divisant l’Actif des banques commerciales par la somme des Actifs de la Banque Centrale et
des Actifs des banques commerciales.
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29
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
l’effectivité de son application encouragent les banques à octroyer des prêts et minimisent
le risque qui les pousse souvent à rationner les crédits alors qu’elles sont surliquides. Ces
critères n’étant pas réunis en Afrique, la méfiance des particuliers et des banques
augmente, compromettant ainsi la mobilisation des ressources et le financement.
Une seule étude, à notre connaissance celle de Kpodar (2004), a essayé, à partir
des données empiriques, d’estimer l’influence conjointe de ces variables sur la croissance.
Son étude s’est appuyée sur un échantillon de 71 PVD dont 28 d’Afrique subsaharienne
sur la période 1968-1997. Utilisant un modèle standard de croissance endogène, les effets
des facteurs spécifiques sont capturés par le coefficient de l’indicateur du développement
financier. Les effets relatifs à l’Afrique ont été isolés en éclatant l’échantillon en deux
groupes, celui des pays africains d’une part et des autres PVD d’autre part. Les résultats
confirment la présomption d’un effet négatif du développement financier sur la croissance
dans les PVD en même temps qu’un faible impact pour ce qui concerne l’Afrique
subsaharienne24.
D’après donc cette revue, plusieurs variables sont susceptibles d’élucider
l’influence du système financier sur la croissance. Nous retenons les agrégats monétaires
et financiers reflétant le développement et mutations internes du système financier.
Persuadé que l’aptitude d’un système financier à influencer une économie dépend de la
réceptivité de celle-ci, nous assignons un rôle important aux canaux de transmission
censés capturer les effets de l’environnement externe. Mais les variables qui seront
retenues doivent coller aux réalités des économies étudiées, notamment leur niveau de
bancarisation et l’exclusion financière et bancaire dont la minorité bancarisée fait souvent
l’objet.
Au titre des indicateurs du développement financier et des variables reflétant ses
mutations internes, les variables pertinentes se rapportent aux opérations d’épargne et de
crédits. Ce choix découle du constat simple que, dans des économies fortement
informalisées et dans lesquelles en plus, seule une infime minorité est bancarisée, un
système financier est efficace s’il parvient à remplir les fonctions élémentaires de
mobilisation et d’allocation des ressources.
Une croissance supplémentaire d’un pour cent se repartit comme suit : 0,19 point pour les pays africains
contre 0,5 pour les autres PVD.
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30
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
À cet égard, deux variables paraissent essentielles : le taux d’épargne intérieure
brute (EIBPIB) qui se décline en taux de dépôts à vue (DAV) et à terme des banques
(DAT); et les crédits à l’économie (CE) répartis en crédits de court terme (CECT) et en
crédits de moyen et long terme (CMLT).
À ces variables, il convient d’ajouter l’inflation. Selon une approche monétaire,
l’inflation survient lorsque l’augmentation des crédits à l’économie devient incontrôlée et
crée une surabondance des moyens de paiement par rapport au volume des transactions.
Ceci est le cas lorsque la politique monétaire est laxiste, ce qui est loin d’être la situation
des pays de l’UEMOA. En revanche étant ouvertes, ces économies sont exposées à
l’inflation importée qui résulte des importations des biens des pays partenaires connaissant
une flambée des prix. Quand il y a inflation, en principe le signal donné par les prix n’est
plus à mesure de guider les agents au moment où ils formulent leurs prévisions et
anticipations. Pour cette raison, son signe attendu sur la croissance est négatif.
Quant à l’épargne, les avis sur sa relation avec la croissance sont partagés. Pour
les uns, elle contribue tandis que pour les autres, elle est un frein. Cette controverse
théorique tient à la diversité des déterminants de l’épargne. Les classiques pensent que le
taux d’intérêt détermine l’épargne alors que les keynésiens considèrent l’épargne comme
un résidu du revenu après consommation; elle freine l’activité économique plus qu’elle ne
l’accélère. L’observation empirique permet de constater une certaine corrélation positive
entre épargne et croissance à long terme et au plan international, alors qu’on note une
disparité au niveau des pays en développement (Tacoun et Reding, 2000 ; Esso, 2009).
Toute politique économique visant à assurer la croissance doit nécessairement
privilégier l’accroissement de l’épargne intérieure. Cependant, du point de vue théorique,
il n’y a pas de certitude quant au sens de causalité entre épargne et croissance. Il n’y a pas
non plus de certitude concernant le lien entre épargne et investissement. Pour que les
politiques de promotion de l'épargne domestique favorisent l'investissement national, la
mobilité du capital doit être faible, faute de quoi, les capitaux vont affluer vers les
marchés internationaux (Esso, 2009). Pour toutes ces raisons, nous escomptons une
relation positive entre l’épargne et la croissance.
Pour ce qui est du lien entre crédits et croissance économique, le problème est de
savoir si les prêts soutiennent le développement de l’économie ou au contraire constituent
une source d’appauvrissement et de dettes pour les particuliers et l’État. L’expérience a
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Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
montré que celui qui contracte un crédit bancaire, il s’enrichit de la somme empruntée
mais en même temps s’appauvrit dans la mesure où au moment du remboursement, il
restituera la somme majorée d’un intérêt. Plus il tardera à restituer les fonds empruntés,
plus l’intérêt augmente et plus le crédit devient cher. Cela est valable pour tous les cas de
prêts, prêt immobilier, crédit à la consommation, etc.
La littérature est unanime sur l’idée que le sous-développement financier freine la
croissance ; elle est aussi unanime qu’une hausse de la taille du crédit distribué permet de
financer davantage de projets d’investissements, donc augmente la croissance de long
terme (Artus, 2012). Mais, comme le prévient ce dernier, il y a un seuil à ne pas dépasser,
car un niveau d’endettement élevé accroît la fragilité financière et la probabilité de crises,
et réduit la croissance entraînant une destruction des capacités physiques et humaines de
production.
En tout état de cause, on s’attend à ce que pour des niveaux d’endettement faibles
que la hausse du poids du crédit dans l’économie ait d’abord un effet positif sur la
croissance de long terme, puis un effet négatif pour les niveaux d’endettement élevés.
Mais en partie, cette analyse est invalidée par l’observation empirique. Pour un échantillon
des pays de l’OCDE, il est apparu que l’endettement du secteur privé a eu d’abord un effet
positif puis négatif, l’effet étant négatif pour le global (qui inclut l’endettement public).
Pour les pays émergents, l’analyse a établi un effet d’abord positif puis négatif sur le long
terme. Au regard de tout ce qui précède, une relation positive est attendue entre cette
variable et la croissance.
S’agissant des canaux de transmission, nous avions précédemment soutenu que les
impulsions du système financier se répercutent sur la croissance en transitant par
l’investissement et la productivité marginale du capital. En effet, tel que postulé par la
théorie, une productivité marginale du capital égale ou supérieure au coût marginal est la
condition nécessaire pour que les perspectives de profits puissent inciter les investisseurs
potentiels à investir. L’investissement réalisé alimente l’accumulation du capital qui à son
tour stimule la croissance.
Or, c’est le système financier, en l’occurrence les banques en ce qui concerne les
économies d’endettement et le marché financier pour ce qui est des économies de marché,
qui finance l’investissement. Cependant, l’existence d’institutions financières avec en face
des entrepreneurs ne suffit pas pour que l’investissement se réalise. Pour qu’il en soit
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Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
ainsi, il est nécessaire que les opportunités de profits existent au sein de l’économie. Ces
opportunités dépendent du niveau d’équipement du pays, de sa compétitivité et attractivité
externes, de la place qu’occupe le secteur privé au sein de l’économie, de son niveau
d’endettement et des soutiens financiers qu’il reçoit de l’extérieur. Ces différents aspects
sont appréhendés respectivement par les indicateurs suivants : « formation brute du capital
fixe », « flux net des IDE », « crédits bancaires au gouvernement », « dette extérieure » et
« aide publique au développement ».
Nous résumons les variables potentiellement déterminantes dans le tableau cidessous.
Tableau n°1 : variables explicatives de la croissance économique
Variables explicatives
Indicateurs des forces et
faiblesses du système financier
Indicateurs agissant sur les
canaux de transmission
Crédits à l’économie (CE)
Crédits à l’économie à court terme (CECT)
Crédits à l’économie à moyen et long termes (CMLT)
Épargne intérieure brute (EIBPIB)
Dépôts à vue en banques (DAV)
Dépôts à terme en banques (DAT)
Taux d’inflation
Formation brute du capital fixe
Flux nets des IDE
Crédits bancaires alloués au gouvernement
Dette extérieure
Aide publique au développement
Signe
attendu
+
+
+
+
+
+
+
+
+/+/+/-
À présent, nous examinons les modalités selon lesquelles ces variables agissent sur
la croissance par le biais des canaux de transmission.
Formation brute du capital fixe (FBCF): elle est une mesure des investissements
réalisés dans le domaine des infrastructures et des équipements économiques, industriels,
commerciaux, sociaux, etc. Une partie du financement est assuré ou facilité par le secteur
financier. Plus ce financement augmente, plus le capital s’accumule, multipliant ainsi les
opportunités d’autres investissements et élevant la productivité du capital et du travail.
Selon une étude de l’Union Africaine et du NEPAD (2011), le développement des
infrastructures permet de promouvoir différents types d’activités économiques,
notamment parce qu’elles constituent un intrant dans la production. En outre, leur
développement améliore le produit marginal des autres capitaux utilisés dans le processus
de production. Ce lien entre l’économie et les infrastructures est multidimensionnel en ce
33
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
sens que la croissance économique crée le besoin en infrastructures diverses et génère les
ressources nécessaires pour financer ces infrastructures. Sous ces conditions donc, nous
entrevoyons un impact positif de cette variable sur la croissance.
Flux net des IDE (FNIDE) : elle donne une mesure de la compétitivité et
attractivité externes de l’économie. Par IDE, nous entendons les mouvements
internationaux des capitaux en vue de créer, de développer ou de maintenir une filiale à
l’étranger ou d’exercer le contrôle sur la gestion d’une entreprise. Ils ont de nombreux
avantages pour les pays d’accueil, pourvu que ces derniers adoptent les politiques
appropriées. Selon l’OCDE (2002), les IDE ont des retombées technologiques, contribuent
à la formation de capital humain, facilitent l’intégration aux échanges internationaux,
favorisent la création d’un climat plus compétitif pour les entreprises et améliorent le
développement des entreprises. Or, la matérialisation de ces effets présuppose et implique
d’intenses activités financières. Plus les activités financières s’intensifient, plus le pays est
attractif aux IDE et plus la croissance augmente. À cet effet, nous anticipons un impact
positif de cette variable sur la croissance.
Crédits bancaires alloués au gouvernement (CGOUV) : ils déterminent
indirectement le rôle du secteur privé, et donc mettent en évidence l’existence ou non de
l’effet d’éviction, c’est-à-dire l’opportunité (utilité) ou non (inutilité) de l’intervention
publique sous la forme d’une politique de déficit budgétaire pour relancer l’économie. Ils
permettent de savoir si la propension du secteur public supplante ou non le secteur privé.
Ils se rapportent au fait que les fonds nécessaires aux dépenses publiques supplémentaires
sont prélevés sur une épargne qui, autrement, aurait servi à financer des projets
d'investissement privé. Ainsi, pour une économie fermée donnée et à capacité de
financement déterminée, l’accroissement de la demande des capitaux par l’État tend à
renchérir les taux d’intérêts et à tirer à la baisse les investissements privés. En cas
d’éviction donc, la croissance faiblit, et dans le cas contraire stimulée. Nous prévoyons
donc que son effet sera positif ou négatif.
Dette extérieure (DETTE) : on la mesure par le ratio du service de la dette ou de
l'encours de la dette sur exportations ou sur le PIB. Il est généralement analysé sous
l’hypothèse d’éviction des investissements productifs ou de l’équivalence ricardienne.
Cette dernière stipule qu’un accroissement du déficit budgétaire annonce une future
augmentation des impôts pour des dépenses publiques données. Étant rationnels, les
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Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
agents économiques anticipent ces hausses et en conséquence, réduisent leur
consommation et augmentent leur épargne (Greiner, 2012).
Nautet et Van Meensel (2011) ont identifié théoriquement qu’un accroissement de
la dette publique affecte négativement la croissance économique de long terme à travers
une baisse du volume d’épargne net au niveau national et par conséquent une hausse des
taux d’intérêt, l’accroissement des charges d’intérêt qui comprimeront les dépenses
productives dont l’investissement public en infrastructures et à travers l’inflation
anticipée, l’incertitude et la volatilité macroéconomique.
Analysant l’évolution de la dette publique et du taux de croissance réel de long
terme pour un échantillon d’une quarantaine de pays sur la période s’étalant sur les deux
derniers siècles, Reinhart et Rogoff (2009, 2010) ont découvert que la relation entre la
dette gouvernementale et la croissance de long terme pour des niveaux d’endettement
inférieurs au seuil de 90 % du PIB est faible. Au-delà de 90 %, le taux de croissance
médian diminue d’un point de pourcentage et le taux de croissance moyen diminue
davantage. Dans le cas spécifique des économies en développement, le seuil de dette
publique que détiennent les agents étrangers est plus faible. En ce qui les concerne,
lorsque la dette publique détenue par le reste du monde dépasse 60 % du PIB, la
croissance diminue de deux points ; quand elle dépasse 90 % du PIB, la croissance devient
négative. Les deux auteurs privilégient l’« intolérance à la dette » comme explication à
cette relation non linéaire : les taux d’intérêt du marché s’élèvent lorsque l’économie
atteint les limites de tolérance à la dette.
Quant à Kumar et Woo (2010), ils explorent l’impact d’une dette publique élevée
sur la croissance économique à long terme. L’analyse d’un panel d’économies avancées et
émergentes au cours de la période 1970-2007 a révélé l’existence d’une relation inverse
entre la dette initiale et la croissance subséquente. Lorsque le ratio dette-PIB augmente de
dix points de pourcentage, la croissance annuelle du PIB réel par tête diminue d’environ
0,2 point de pourcentage par an. Seuls les niveaux élevés de dette, supérieurs à 90 % du
PIB, ont un effet négatif significatif sur la croissance.
En général donc, l’observation empirique montre que si le niveau d’endettement
est modéré, la dette accroît le bien-être et stimule la croissance. Par contre s’il est élevé,
les inconvénients prennent le pas sur les avantages. C’est ce que montrent les études de
Cecchetti, Mohanty et Zampolli (2011), de Reinhart et Rogoff (2009, 2010), de Panizza et
35
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
Presbitero (2012) pour lesquels pour des niveaux d’endettement élevés, il n’y a aucun
doute, la corrélation entre dette publique et croissance économique est négative. Toutefois,
pour eux, la corrélation n’est pas une causalité.
En conséquence de ce qui précède, le signe de cette variable sera positif ou négatif.
Aide publique au développement (APD): elle est constituée de fonds d'origine
publique apportés sous forme de dons, de prêts ou d'allègements de dettes aux pays en
développement. Elle est censée augmenter la croissance. Burnside et Dollar (2000)
affirment n’avoir pas trouvé de preuve attestant que les aides ont permis d'augmenter le
PIB en moyenne, mais vraisemblablement, elles ont permis de le faire dans les pays où
règne un « climat favorable aux bonnes politiques ». Un tel climat se traduit par un déficit
budgétaire faible, un haut degré d'ouverture commerciale et une inflation basse.
En d’autres mots, l'aide est efficace ou inefficace, tout dépend des conditions dans
lesquelles elle est reçue. Ainsi, à l’idée d’une aide ciblée, bien dosée et convenablement
gérée comme le Plan Marshall des États-Unis aux pays d'Europe occidentale ruinés par
guerre, s'oppose celle d’une aide mal pensée, inconditionnelle, octroyée à des régimes
corrompus (Douzounet, 2010).
Pour ce qui concerne l’Afrique subsaharienne, Douzounet (2010) a montré que
l’aide est efficace pour augmenter la croissance dans les pays pauvres pratiquant la bonne
gouvernance, rejoignant ainsi Burnside et Dollar (2000). Elle a un effet direct positif et
significatif : une augmentation de 1% de l’APD se traduit par une augmentation de 0,43%
de la croissance. Son effet indirect est également positif et significatif, mais il transite par
la gouvernance démocratique. Sa magnitude est 1,06% significative au seuil de 5%.
Abondant dans le même sens, Akpo et al (2006), soulignent que l’idée selon
laquelle l’aide accélère la croissance dépend de plusieurs circonstances parmi
lesquelles, les pratiques et les procédures des bailleurs de fonds, mais aussi et
surtout les caractéristiques des pays bénéficiaires. La propension à faire bon usage
des ressources dépendrait d’un certain nombre de facteurs parmi lesquels la qualité
administrative des gouvernements nationaux.
En conséquence de tout cela, nous entrevoyons une relation tantôt positive tantôt
négative de cette variable avec la croissance.
4-Cadre méthodologique
36
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
S’inspirant de Berthélémy et Varoudakis (1996) qui ont étudié l’influence du
développement financier dans la formation de clubs de convergence, Esso (2009) a utilisé
un modèle autorégressif pour modéliser l’impact du développement financier sur la
croissance
des
pays
de
yit  i yit1   i Fit   i X it   it
l’UEMOA.
Son
modèle
est
le
suivant:
(1)
où i et t sont des indices individuel et temporel variant respectivement de 1 à N et de 1 à
T,
yit est le PIB par tête en logarithme,
Fit un indicateur du développement
financier, X it un ensemble d’autres variables agissant sur la croissance, et  it un terme
d’erreur. Comme Esso (2009), notre analyse s’applique aussi aux pays de l’UEMOA.
Cependant, à la différence de ce dernier dont l’objectif est de déterminer l’impact du
développement financier sur la croissance, notre analyse s’inscrit dans un cadre plus
large : évaluer l’impact du système financier. Nous distinguons les effets sur la croissance
résultant du développement et mutations internes du système financier de ceux transitant
par les canaux de transmission. Cette distinction découle du postulat qu’un système
financier efficient (développé financièrement) peut induire une croissance faible si les
canaux de transmission ne fonctionnent pas correctement.
Nous adoptons le modèle d’Esso (2009), mais en le modifiant pour tenir compte de
cette nuance.
4-1 Spécification du modèle
Si nous notons par IDF, l’indicateur du développement financier et par ICT,
l’indicateur des canaux de transmission, le modèle précèdent s’écrit :
yit    i yit1   i  i IDFit   i ICTit   it
(2)
Cette équation décrit l’évolution chronologique de chaque pays à partir de deux types
de variables : d’une part des variables observables, à savoir yit1 , IDFit et ICTit , et d’autre
part des variables inobservables complétant les premières, modélisées sous forme d’effets
spécifiques (  i ), constantes dans le temps et supposées influencer leurs comportements
socioéconomiques.
4-2 Techniques d’estimation possibles
37
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
La présence dans l’équation (2) de la variable endogène retardée yit1 parmi les
variables explicatives pose un problème de dépendance entre cette variable vis-à-vis de
l’effet individuel (Trognon, 2003). Lorsque cet effet est aléatoire, il est corrélé avec cette
variable retardée. Lorsqu’il est fixe, il est une source de nuisance, il faut alors l’éliminer.
Le passage en différence première permet d’éliminer  i mais en même temps crée une
autocorrélation dans les résidus qui, compte tenu de la nature autorégressive du modèle,
est source de biais. Il n’y a pas de méthode simple, sans biais ou convergente, pour
estimer ce genre de modèle (Trognon, 2003). L’expérience de Balestra et Nerlove (1966)
et de Trognon (1978) permet d’affirmer que des procédures universelles telles que le
maximum de vraisemblance ne donnent pas de résultats concluants, on aboutit
généralement à des estimateurs biaisés. Alternativement à cette méthode, on peut recourir
à celle des Effets Fixes (MEF) ou Aléatoires (MEA), des Doubles Moindres Carrés
(DMC) ou à la Méthode des Moments Généralisés (GMM).
4-3 Base de données
Les données utilisées dans ce papier sont issues de sources diverses, notamment du
Fonds Monétaire International (Statistiques Financières Internationales et autres fichiers
de données), de Global Development Finance, de la Banque mondiale (Base de données
du programme international de comparaison et des Comptes nationaux), de l’OCDE
(fichiers de données sur les comptes nationaux) et de la BCEAO. Pour un souci de
cohérence, l’essentiel des données utilisées proviennent de cette dernière source. Nous
avions recouru aux autres seulement lorsque la source BCEAO n’est pas disponible. La
collecte a couvert la période 1960-2010. Les données étant annuelles, nous avions dû les
transformer en des moyennes de cinq ans, à l’exception de celles de l’année initiale
(1960). Ainsi, une base cylindrée de 70 observations est mise en place.
Le tableau ci-dessous récapitule les variables et indique les notations et unités utilisées.
Tableau n°2 : variables du modèle
Variables
Produit intérieur brut réel per capita
Formation brute du capital fixe
Crédits à l’économie
38
Notations
PIBRT
FBCF
CEPIB
Unités
En valeur (FCFA)
Pourcentage du
PIB
Pourcentage du
PIB
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
Crédits à l’économie à court terme
CECTPIB
Crédits à l’économie à moyen et long terme
CMLTPI
B
EIBPIB
Épargne intérieure brute
Flux nets des IDE
FNIDE
Aide publique au développement nette
APDPIB
Stock de la dette
Crédits au gouvernement
DETTEPI
B
CGOUV
Dépôts à vue en banques
Dépôts à termes en banques
Inflation (indice des prix à la consommation)
DAVPIB
DATPIB
INF
Pourcentage du
PIB
Pourcentage du
PIB
Pourcentage du
PIB
Pourcentage du
PIB
Pourcentage du
PIB
Pourcentage du
PIB
Pourcentage du
PIB
Pourcentage du PIB
Pourcentage du PIB
Pourcentage
5-Résultats et interprétations
Ce point présente les résultats des analyses descriptive et économétrique.
5-1 Analyse descriptive
L’analyse descriptive vise à décrire les variables et à prévenir les risques de
multicolinéarité.
Tableau n°3 : caractéristiques de distribution
PIBRT
1151,021
STD.
DEV.
574,7025
MEAN
SKEWNESS
KURTOSIS
JARQUE-BERA
0,989267
3,221572
4,459156
FBCF
17,79575
5,892124
1,061124
4,171876
6,611883
CIPIB
21,46900
12,25453
0,723548
2,098388
3,270364
EIBPIB
6,047122
8,782059
0,593781
2,082234
2,534173
APDPIB
16,64867
15,47151
1,576241
4,517363
13,77060
1,121817
0,983262
FNIDE
,05E+09
5,53E+09
DETTE
NB : CI/PIB : ratio crédits intérieurs - PIB
0,799453
1,417047
2,840329
3,438758
2,904742
9,252674
Les pays de l’UEMOA se caractérisent par une faible accumulation du capital, la
moyenne de la période étant de moins de 18% du PIB. Ceci est le reflet d’activités
économiques et financières peu étoffées. Le PIB réel par tête n’est que de 1151 FCFA
alors que les crédits intérieurs représentent seulement 21% du PIB. Bien qu’exprimé en
valeur absolue, le stock de la dette extérieure ne semble pas exorbitant. Le flux net d’IDE
est faible et ces pays dépendent beaucoup de l’aide publique au développement. La
39
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
plupart de ces variables sont normalement distribuées, la probabilité de Jarque-Bera étant
supérieure à 5%.
L’analyse de corrélation a révélé que les variables crédits à l’économie (CEPIB),
crédits à l’économie de court terme (CECTPIB) et de moyen et long terme (CMLTPIB),
les dépôts à vue (DAVPIB) et les dépôts à terme (DATPIB) sont étroitement liées entre
elles.
5-2 Analyse économétrique
Nonobstant ces corrélations, nous avons procédé pour chaque variable corrélée à une
régression excluant les autres. Comme il y a cinq variables corrélées, à raison d’une
régression par variable, il en résulte cinq modèles différents. Mais aucun de ces modèles
ne prend en compte la variable inflation. En effet, faute de données suffisantes, nous
avions dû l’éliminer.
L’estimation de chaque modèle par la méthode des effets fixes et des effets aléatoires a
entériné les deux effets; le choix par le test de Hausman (1998) s’est penché en faveur du
modèle à effets fixes. Les tests de normalité des résidus ont été concluants pour toutes les
régressions. En revanche, les tests d’omission de variables pertinentes ou de mauvaise
spécification (Ramsey Reset Test) ont invalidé la régression avec la variable « crédits à
l’économie de moyen et long terme ». Pour toutes les régressions, on s’est cependant
heurté aux problèmes d’hétéroscédasticité et d’autocorrélation des erreurs.
Invalidé pour toutes les régressions, nous avions dû abandonner le modèle à effets
fixes. La méthode alternative, les Doubles Moindres Carrés, s’est aussi avérée
infructueuse, le test d’endogénéité ayant indiqué l’existence parmi les variables
indépendantes de plusieurs variables endogènes.
Au vu donc de tout cela, la Méthode des Moments Généralisés (GMM) a été adoptée.
La procédure se présente comme suit :
De l’équation (2),
(3)
on
en
déduit :
yit1    i yit2   i  i IDFit1   i ICTit1   it1
Une soustraction membre à membre de (2) et (3) permet d’avoir :
yit  yit1   i ( yit1  yit2 )  i ( IDFit'  IDFit' 1 )   i ( ICTit  ICTit1 )  ( it   it1 )
40
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
( it   it1 ) sont corrélés, Arellano et Bond (1991) ont proposé
Comme ( yit1  yit2 ) et
d’instrumenter ( yit1  yit2 ) par tous les retards de yit1 , et ( xit  xit1 ) par leurs valeurs en
niveau retardées d’une période ou plus25.
Blundell et Bond (1998) ont montré que l’estimateur issu de cette démarche est
nécessairement biaisé dans les échantillons de petite taille parce que les niveaux retardés
des variables ne sont pas des instruments fiables. Ils suggèrent donc d’utiliser l’estimateur
GMM en système qui combine, pour chaque période, l’écriture en différence première et
celle en niveau. Ainsi, pour la régression de l’équation en différence première, la variable
endogène retardée ( yit1  yit2 ) et l’ensemble des variables explicatives ( xit  xit1 ) sont
instrumentées par leurs valeurs en niveau retardées ; à l’inverse, dans la régression en
niveau, les variables yit1 et xit sont instrumentées par leurs différences premières
retardées.
La qualité des estimations obtenues à l’aide de la méthode GMM en panel
dynamique est appréciée en fonction de deux critères : la validité des instruments,
hypothèse que l’on teste au moyen du test de sur-identification de Sargan/Hansen ; et
l’absence d’autocorrélation d’ordre 2 des résidus, ce que l’on vérifie à l’aide du test
d’autocorrélation d’Arellano-Bond.
Appliquée à notre base de données, cette méthode a donné les résultats présentés
dans le tableau ci-dessous.
Tableau n°4 : résultats des estimations par la méthode GMM système
Variable dépendante : PIBRT
PIBRT1
FBCF
EIBPIB
CGOUV
FNIDE
DETTEPIB
APDPIB
25
x est mis pour IDF ou ICT
41
(1)
-0,290
(0, 069)***
0,296
(0,334)
0,444
(0,184)**
0,149
(0,245)
-1,328
(0,610)***
-3926,038
(3188,248)
-0,504
(0,262)**
(2)
-0,277
(0,070)***
0,311
(0,358)
0,410
(0,162)**
0,145
(0,242)
-1,322
(0,644)**
-4380,775
(3279,522)
-0,467
(0,270)*
(3)
-0,238
(0,088)***
0,675
(0,342)**
0,279
(0,192)
0,072
(0,212)
-1,555
(0,615)**
5739,673
(5282,514)
-0,646
(0,313)**
(4)
-0,239
(0,072)***
0,522
(0,383)
0,337
(0,181)*
0,112
(0,156)
-1,517
(0,633)**
522,387
(5565,264)
-0,547
(0,289)*
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
55,234
(16,331)***
CEPIB
87,072
(29,538)***
CECTPIB
-40.055
(36,557)
DAVPIB
DATPIB
CONSTANTE
Nombre
d’observations
AR(1)
1.820
(5,744)
70
1,286
(5,762)
70
1,059
(4,570)
70
29,694
(39,499)
0,458
(5,585)
70
z = -1,70
Pr > z = 0,089
z = -1,73
Pr > z = 0,083
chi2(61) = 66,97
Pr >chi2=0,280
z = -1,70
z = -1,98
z = -1,77
Pr > z = 0,090
Pr > z = 0,047
Pr >z=0,077
z = -1,60
z = -1,33
z = -1,46
AR(2)
Pr > z = 0,109
Pr > z = 0,185
Pr>z= 0,143
chi2(61)
chi2(61) = 65,71
chi2(61) = 66,16
Test
de
= 65,11
Pr>chi2 = 0,317
Pr> chi2 = 0,303
Sargan
Pr>chi2 =
0,336
chi2(61)=0,00
chi2(61)=0
chi2(61)=0,00
chi2(61) = 0,00
Test
de
Pr>chi2 = 1,000
,00 Pr>chi2 =
Pr>chi2 = 1,000
Pr>chi2 = 1,000
Hansen
1,000
(***), (**), (*) : Significatif respectivement à 1%, 5% et 10%. AR(1) et AR(2): respectivement statistique
du test d'autocorrélation du 1er ordre et du second ordre. Les chiffres en parenthèses sont des écarts-types.
Les valeurs affichées par AR(1) et AR(2) montrent qu’il n’y a ni autocorrélation
du premier ordre ni autocorrélation de second ordre. Les tests de Sargan attestent que les
modèles sont bien spécifiés avec des instruments adéquats et qu’il n’y a pas de problème
de sur-identification. Confirmant le test de Sargan, le test de Hansen montre que les
variables en différences premières utilisées comme instruments sont statistiquement
valides. Les modèles sont donc validés.
La plupart des variables portent le signe attendu et sont significatives. On peut
donc considérer ces résultats comme globalement satisfaisants.
Le coefficient de la variable expliquée retardée (PIBRT1) est négatif et significatif
au seuil de 1%, ce qui confirme le processus de convergence conditionnelle au sein de
l’UEMOA.
L’objet de ce papier était d’évaluer la contribution du système financier à la
croissance, ce que nous avons essayé d’établir en supposant que si cette contribution
existe, elle doit être l’émanation des agrégats financiers dont l’apport est d’autant plus
vigoureux que les canaux de transmission jouent pleinement leur rôle.
Trois variables ont été introduites pour capturer l’effet des agrégats financiers: ce
sont l’épargne intérieure brute et les crédits à l’économie (modèle 1) avec respectivement
leurs composantes (modèles 2-4) et l’inflation. Excepté cette dernière (éliminée faute de
42
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
données statistiques suffisantes), toutes les variables régressées portent le signe
attendu ; et sur un total de cinq variables, trois se sont avérées significatives. Il s’agit du
taux d’épargne intérieure (EIBPIB), du taux des crédits à l’économie (CEPIB) et de sa
composante de court terme (CECTPIB).
En revanche, cinq variables ont été introduites pour capturer les effets des canaux
de transmission. Toutes portent le signe attendu mais seules trois ont été significatives. Ce
sont la formation brute du capital fixe (FBCF), le flux net des IDE en pourcentage du PIB
(FNIDE) et le taux de l’aide publique au développement (APDPIB). Les autres, à savoir le
taux des crédits au gouvernement (CGOUV), le taux d’endettement extérieur
(DETTEPIB), le taux des dépôts à vue (DAVPIB) et le taux des dépôts à terme (DATPIB)
n’ont pas été significatives, la deuxième et la troisième leurs signes étant instables et
contre-intuitifs.
Globalement donc, sur les onze variables du modèle, sept se sont avérées
significatives. Il est vrai que ces régressions présentent très peu de différence entre elles,
mais chaque fois qu’une nouvelle variable est introduite, le modèle estimé apporte une
information supplémentaire.
Pour l’appréciation des impacts individuels, nos commentaires se concentrent sur les
variables significatives et s’adressent aux quatre régressions. Les résultats se présentent
comme suit :
- l’épargne intérieure brute en pourcentage du PIB (EIBPIB) : elle a un coefficient positif
et significatif aux seuils respectifs de 5% (modèles 1 et 2) et 10% (modèle 4). Une
hausse d’un pour cent de cette variable entraîne une croissance additionnelle du PIB
réel par tête qui varie de 0,337% à 0,444%. L’accroissement de l’épargne suppose un
maillage plus large des activités économiques par le secteur financier. En finançant les
investissements, le système financier permet de produire davantage et de distribuer des
revenus dont une partie réintègre le circuit bancaire sous forme de dépôts autorisant
ainsi d’autres investissements. Plus ce maillage se raffermit, plus les occasions
d’investissements rentables augmentent, plus les moyens de les financer s’améliorent et
plus la croissance s’élève ;
- le taux des crédits à l’économie (CEPIB) : son coefficient est positif et significatif au
seuil de 1%. Cela signifie qu’un accroissement d’un pour cent de ce taux se traduit par
une hausse du PIB réel per capita de 55,234%. Cette variable a un pouvoir explicatif
43
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
très élevé parce que les crédits à l’économie sont concédés au secteur privé et servent à
financer des investissements productifs ;
- le taux des crédits à l’économie de court terme (CECTPIB) : comme la variable crédits
à l’économie, il a une influence remarquable sur la croissance. Une augmentation d’un
pour cent de ce taux entraîne une hausse du PIB réel per capita de 87,072%, ce qui est
exceptionnel. Son impact dépasse en ampleur celui des crédits à l’économie. Ceci est
dû au fait que ces crédits financent les dépenses de consommation des ménages, et
constituent des débouchés pour les entreprises. Les revenus étant très faibles en zone
UEMOA (en atteste la moyenne de l’échantillon), si minime soit elle, leur
augmentation a de grandes répercussions sur la croissance ;
- la formation brute du capital fixe (FBCF) : son coefficient est positif dans tous les
modèles, mais n’est significatif que dans le modèle 3 (seuil de 10%). Une variation de
dix pour cent de cette variable entraîne une croissance supplémentaire du PIB réel par
tête de 6,75%, ce qui est loin d’être négligeable ;
- le flux net des IDE (FNIDE) : il a un coefficient négatif dans toutes les régressions et
partout significatif aux seuils de 1 et 5%. Une croissance d’un pour cent de cette
variable se traduit par une baisse supplémentaire du PIB réel par tête qui varie de
1,322% à 1,555%. Cet impact négatif s’explique par le fait que les IDE se concentrent
généralement dans le secteur des ressources naturelles où la gestion, cadrée par des
accords léonins, fait la part belle aux firmes multinationales ;
- l’aide publique au développement en pourcentage du PIB (APDPIB) : son coefficient
est négatif et significatif aux seuils de 5% (modèles 1 et 3) et 10% (modèles 2 et 4).
Une croissance d’un pour cent de cette variable freine la croissance du PIB réel par tête
de 0,467% à 0,646%. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cet impact négatif. Malgré
les précautions prises par les donateurs, l’aide étrangère est généralement mal gérée ;
octroyée sous forme de biens d’équipement, de matériels ou sous forme financière, elle
profite généralement à l’administration connue pour sa faible productivité, ou finance
des projets de développement également réputés pour leur faible impact.
Pour le reste des variables, leurs coefficients n’étant pas significatifs, elles ne feront pas
l’objet d’une analyse d’impact.
Au total, on retient des résultats que les agrégats financiers contribuent conjointement à
la croissance à hauteur de 142,643 – 142,750%. En revanche, la contribution conjointe des
44
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
canaux de transmission est négative, elle varie entre -1,114 et -1,526%. L’effet cumulé
global, toutes les combinaisons confondues, est positif et supérieur à 141%.
D’après donc cette analyse, le système financier des pays de l’UEMOA est un moteur
puissant de la croissance économique ; sa contribution est remarquablement élevée.
Conclusion et perspectives
Au vu donc de ces résultats, on peut inférer que malgré les effets nocifs de ses
canaux de transmission, le système financier des pays de l’UEMOA contribue très
fortement à la croissance. On doit cette performance exceptionnelle aux agrégats
financiers primaires que sont les crédits à l’économie et dans une moindre mesure
l’épargne intérieure brute. L’impact global sur la croissance aurait été plus important si
l’effet catalyseur de la formation brute du capital fixe (FBCF) n’est pas amoindri par sa
faible significativité et si le flux net des IDE et l’aide publique au développement n’ont
pas eu des effets inhibants.
Nonobstant les effets néfastes des IDE et de l’aide publique au développement sur la
croissance, les résultats suggèrent aux fins d’optimiser la contribution du système
financier à la croissance, d’accroître les crédits à l’économie, en particulier ceux de court
terme, de stimuler l’épargne domestique et d’investir massivement pour relever le niveau
des infrastructures économiques, industrielles et sociales.
Bibliographie
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efficacité des politiques de financement du développement », [en ligne]. Adresse URL :
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Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
Infrastructures sociales et abandon scolaire
des élèves
Dr Samba MBAYE26
Résumé
L’objectif de ce papier est de mesurer l’impact des infrastructures sociales de base
sur l’abandon scolaire des enfants à l’école en milieu rural sénégalais. Les données
utilisées ont été collectées auprès de 38 communautés à travers le Sénégal. Parmi ces
38 CR, 19 avaient pu bénéficier de la construction d’infrastructures sociales grâce
au programme national d’infrastructures rurales et les 19 autres sont des CR non
bénéficiaires choisies par la méthode du propensity score matching. La technique
utilisée pour déterminer cet impact est l’estimation de Hausman Taylor par variables
instrumentales. Les résultats montrent que les infrastructures sociales réduisent le
niveau d’abandon scolaire. L’âge des enfants, la taille du ménage et le niveau des
élèves expliquent aussi cet effet des infrastructures.
Mots clés: Infrastructures sociales, Hausman Taylor,
Abandon scolaire
ClassementJEL : H54 ; C23 ; I29
enseignant Chercheur à l’université Gaston Berger de Saint-Louis à l’Unité de Formation et de
Recherche (UFR) en Sciences Economiques et Gestion.
26
49
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
1-Introduction
Conscient
de
l’importance
de
l’éducation
pour
le
développement,
le
gouvernement du Sénégal consacre plus de 40% de son budget de fonctionnement à
l’éducation (MEF, 2006)27 Des efforts soutenus dans ce domaine ont permis
d’enregistrer d’importants progrès dans le système éducatif. Le taux brut de
scolarisation primaire est passé de 68,3% en 2000 à 83 % en 2005, soit une hausse
de près de 15 points (ME, 2005)28. Cependant, malgré ces résultats encourageants, le
système a une faible capacité à faire progresser une proportion importante des élèves
du début jusqu’à la fin d’un cycle à cause du niveau élevé d’abandon. Les résultats de
l’Enquête Sénégalaise Auprès des Ménages (ESAM II, 2001) révèlent que près d’un
enfant, âgé de 7 à 14 ans, sur dix (8,4%) abandonne l’école. L’analyse des motifs
d’abandon scolaire montre que plus d’un enfant, âgé de 7 à 14 ans, sur quatre
abandonne le système scolaire du fait de son insertion professionnelle précoce dans
le marché du travail surtout en milieu urbain (27,2%). Outre le travail des enfants, les
échecs scolaires constituent une cause majeure d’abandon témoignant ainsi du
caractère sélectif du système scolaire. La transition du cycle primaire au collège est
conditionnée par la réussite au concours d’entrée en sixième dont les résultats sont
déterminés par la capacité d’accueil des établissements scolaires du moyen secondaire.
Le tableau 1 présente les taux d’abandon dans l’enseignement primaire estimés à
partir des statistiques scolaires de 1997 à 2004. Les classes de début et de fin de
cycle affichent les taux d’abandon les plus élevés. Par exemple, les abandons
représentent 12,4% et 10,5% des effectifs inscrits respectivement au CI et au CM1
en 2002. Ces chiffres indiquent
que les phases les plus difficiles dans la
fréquentation scolaire sont justement celles qui marquent soit la promotion des
élèves dans un cycle, soit l’achèvement d’un cycle. Une autre tendance est
l’augmentation des taux d’abandon dans le temps. Il ressort du tableau 1, qu’en sept
ans, ils ont fortement augmenté. Une conséquence importante en est la baisse de la
capacité de rétention de l’enseignement primaire.
Les facteurs de risque les plus importants expliquant l’abandon des élèves à l’école
sont des habiletés intellectuelles et verbales faibles, l’échec et le retard scolaires, une
motivation et un sentiment de compétence affaiblis, des aspirations scolaires basses,
27
28
Ces informations sont fournies par le Ministère de l’Economie et des Finances.
Ces données sont fournies par le Ministère de l’Education (ME).
50
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
des problèmes d’agressivité et d’indiscipline, l’absentéisme, ainsi qu’un faible
investissement dans les activités scolaires et parascolaires (Bachman et al., 1971 ;
Cairns et al., 1989 ; Slusarcick, 1992 ; Howell et Frese, 1982 ; Janosz et al., 1997).
Le facteur familial joue aussi un rôle prépondérant sur l’abandon scolaire. Les
résultats de recherches indiquent que les enfants qui proviennent de familles désunies
ou reconstituées, à faible revenu ou en dépendance économique, où il y a plusieurs
enfants et dont les parents sont peu scolarisés, sont plus prédisposés à abandonner
l’école (Bachman et al., 1971 ; Cairns et al., 1989 ; Ekstrom et al., 1986 ; Elliott et
Voss, 1974 ; Howell et Frese, 1982 ; Janosz et al., 1997). L’environnement scolaire a
aussi un impact sur le niveau d’abandon (voir les travaux de Lloyd, El Tawila,
Clarket Mensch (2001) pour l’Egypte ; Glewwe et Jacoby (1995) pour le Ghana ;
Lloyd, Mensch et Clark (2000) pour le Kenya).
Ainsi, les facteurs susceptibles d’expliquer les abandons sont nombreux et de
différentes sources. Nous cherchons dans le cadre de cet article de voir si la mise en
place d’infrastructures sociales de base29 a un effet réducteur sur cette déperdition
scolaire en milieu rural. Les résultats obtenus montrent un impact positif et
significatif du programme de construction de ces infrastructures. Nous cherchons
ensuite de trouver quels sont les facteurs qui expliquent ces résultats.
Cet article est subdivisé en six sections principales. La deuxième section explique
la stratégie du Programme National d’Infrastructures Rurales (PNIR) qui construisait les
infrastructures, la troisième présente le modèle d’estimation économétrique, la
quatrième la conception
empirique du modèle, la cinquième
l’analyse et
l’interprétation des différents résultats et la sixième donne la conclusion.
2-Stratégie du Programme PNIR
Le Programme National d’Infrastructures Rurales (PNIR) était inscrit dans le
cadre du renforcement des capacités des communautés rurales (CR) dans leur
maîtrise du développement local. Le PNIR, qui n’a duré que cinq années (2001 à
2006) sur les douze initialement prévues, est un projet tiré par la demande qui a
pour ambition principale de contribuer à la réduction de la pauvreté et à l’amélioration
De nouvelles infrastructures ont été construites par le programme national d’infrastructures rurales
entre 2000 et 2006. Il s’agit d’infrastructures scolaires, sanitaires, hydrauliques, commerciales et
routières.
29
51
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
des conditions de vie en milieu rural par le financement d’infrastructures
(construction et équipement de salles de classe, de postes de santé, de maternités
rurales, de cases de santé, construction de latrines, équipement de forages, adduction
en eau potable, réalisation ou réhabilitation de pistes rurales) communautaires. La
démarche suivie par le programme est participative permettant d’améliorer la
gouvernance locale et d’assurer la participation des groupes vulnérables (les femmes
et les jeunes) à la prise de décision. La principale caractéristique de ce programme
est d’accompagner le transfert de fonds au profit des communautés rurales pour le
financement d’infrastructures publiques prioritaires par un appui au renforcement
des capacités des institutions à fournir des services de base de qualité aux
populations.
La démarche suivante a été adoptée pour mesurer l’impact de ces infrastructures sur le
taux
d’abandon à l’école dans les ménages.
3 -Modèle d’estimation économétrique
L’objectif de l’analyse économétrique est d’estimer la relation:
yivt = ψXivt + βZiv + λv + εivt
(1)
où yivt représente le taux d’abandon dans le ménage i du village v au temps t. Xivt
est un vecteur de caractéristiques du ménage variantes dans le temps, Ziv représente
l’ensemble des variables
constantes dans
le temps
(Il s’agit de certaines
caractéristiques du village comme le statut de bénéficiaire du PNIR et aussi des
ménages)30, λv est un effet fixe village commun à tous les ménages et constant dans le
temps, εivt est un terme d’erreur satisfaisant les propriétés Gauss-Markov habituelles.
L’impact de la présence du PNIR dans le village sur le niveau d’abandon à l’école,
tout en contrôlant pour les caractéristiques ménage, sera alors donné par l’un des
coefficients de β31.
Le problème économétrique principal de l’estimation de cette relation par les
moindres-carrés ordinaires est le fait que les coefficients seront estimés avec un biais
issus du fait qu’il y a très probablement des caractéristiques inobservables du village,
30
Voir tableau 2 pour plus de détails.
β représente le vecteur des coefficients des variables constantes dans le temps et notre variable
d’intérêt en fait partie.
31
52
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
représentées par λv, qui sont corrélées avec les vecteurs Ziv . La solution classique à
ce genre de problème est d’inclure des effets-spécifiques village32. Mais si l’inclusion
d’effets spécifiques village a l’avantage de contrôler pour cette source de biais, elle a
la malencontreuse conséquence de rendre non-identifiable les coefficients de toutes les
variables invariantes dans le temps dont la variable "présence du PNIR dans le
village", qui est notre centre d’intérêt. Généralement, la procédure des effets aléatoires
pour ce type d’estimation est rejetée par le test de Hausman correspondant33.
Une solution au problème posé passe par l’utilisation de l’estimateur de HausmanTaylor (1981) qui permettra de contrôler pour les effets inobservables village tout en
identifiant l’impact marginal de la présence du PNIR dans le village sur le niveau
d’abandon scolaire des enfants et de toutes les variables invariantes dans le temps34.
Le modèle à utiliser se présente sous la forme suivante:
yivt = ψ1 X1ivt + ψ2 X2ivt + δ1 Z1iv + δ2 Z2iv + λv + ε ivt
(2)
– X1ivt (Pour la spécification des variables voir tableau 2) constitue le vecteur des
variables exogènes, non constantes dans le temps et supposées non corrélées
avec λv et εivt;
– X2ivt est le vecteur des variables endogènes qui changent dans le temps et qui
sont supposées avoir une possible corrélation avec λv mais sont orthogonales à
εivt;
Cette procédure est appelée également l’estimateur "within". Algébriquement, on
exprime toutes les variables en déviation par rapport à leur moyenne-village. Cette
procédure contrôlera pour λv, qui sera éliminée de l’équation, pour la simple raison que,
étant commune à tous les ménages du même village, elle est balayée lorsque les
variables sont exprimées en déviation par rapport à la moyenne.
32
Ceci n’est pas surprenant dans la mesure où l’hypothèse nulle stipulant que les effets-villages sont
orthogonaux aux caractéristiques du ménage et du village est insoutenable statistiquement.
33
34
En résumé, cette procédure estime le modèle à effet aléatoire et utilise les variables
exogènes variantes dans le temps comme instruments pour les variables endogènes de même
type (c’est-à- dire variantes) et les variables exogènes invariantes plus les variables exogènes
ménage variantes exprimées en moyenne comme instruments pour les variables endogènes
invariantes (Wooldridge 2002 ; Hsiao 2003) Dans une perspective économétrique, la
procédure est une solution consistante pour les problèmes potentiels de corrélation entre les
effets individuels et les variables invariantes.
53
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
– Z1iv est le vecteur des variables exogènes, invariantes et supposées non corrélées
avec λv et εivt;
– Z2iv
est le vecteur des variables endogènes, invariantes dans le temps et
supposées corrélées avec λv mais orthogonales à εivt.
La présence de X2 et de Z2 dans le modèle est la cause du biais dans l’estimation à
effet aléatoire. La stratégie utilisée par Hausman et Taylor (1981) est d’utiliser les
informations contenues dans le modèle pour instrumenter les variables problématiques
que sont X2 et Z2 .
4 -Le modèle empirique
Pour évaluer l’effet de la présence des infrastructures sociales sur la performance
scolaire des enfants, nous utilisons un échantillon de 38 communautés rurales dont 19
qui bénéficient de l’action du programme d’infrastructures (PNIR), et les 19 autres
qui constituent
l’échantillon témoin avec les non bénéficiaires. Le problème
fondamental de toute étude d’impact est la constitution de cet échantillon témoin,
c’est-à-dire du contrefactuel. Nous avons utilisé pour cela les données d’enquête de la
Direction de la Prévision et des Statistiques(DPS)35, sur l’accessibilité aux
différentes infrastructures sociales de base dans les 320 communautés rurales (CR)
que compte le pays. Le principe adopté par le PNIR pour la priorité de l’inclusion
d’une CR dans son dispositif relevait de cinq indicateurs d’accès à l’eau, la santé,
une route, un lieu de commerce et une école. Nous avons calculé la probabilité
prédite pour chaque CR d’être incluse dans le PNIR sur la base de ces indicateurs
d’accès sur l’ensemble des 320 CR du Sénégal. Pour obtenir maintenant notre
échantillon on a choisi pour chaque CR bénéficiaire la CR non bénéficiaire qui aurait
la probabilité de participation la plus "proche". Cette démarche nous a permis
d’obtenir un échantillon de 19 CR qui constituent notre groupe de bénéficiaires36 et
les 19 autres qui servent de témoins. Dans les communautés rurales choisies 75
villages ont été sélectionnés aléatoirement, et 900 ménages enquêtés dont 600 dans
35
La DPS est devenue l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD).
En réalité, l’un des principes directeurs de l’étude d’impact du PNIR est l’utilisation des données
ménage issues de l’ESAM2 comme situation de référence. Donc une CR est considérée comme
bénéficiaire si elle est choisie par le PNIR et si elle a été enquêtée par l’ESAM2. Cette démarche nous
permis d’obtenir un échantillon de 19 CR qui constituent notre groupe de bénéficiaires.
36
54
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
les zones bénéficiaires et 300 dans les zones non bénéficiaires. Cinq passages d’enquête
de panel ont été effectués à un intervalle de 6 mois entre passages.
La variable dépendante est l’existence ou non d’un abandon dans le ménage
enquêté. Les statistiques descriptives des variables utilisées dans le modèle sont
présentées dans le tableau 2. Il s’agit principalement des caractéristiques du chef de
ménage, du ménage et de celles des enfants. Les informations relatives au chef de
ménage sont entre autres, l’ethnie et le niveau d’instruction. Les facteurs relatifs aux
enfants sont le genre, l’âge et le niveau d’instruction. Les caractéristiques des
ménages sont données par leur taille, leur accessibilité aux infrastructures sociales,
leur situation économique37 et le nombre d’enfants présents à l’école. Finalement les
informations communautaires (village) sont représentées par la présence du PNIR
dans le village. L’objectif est aussi de voir, d’une part, dans quelle mesure les
caractéristiques des élèves et celles des ménages influencent l’abandon scolaire, et
d’autre part, d’appréhender l’effet des
caractéristiques
communautaires
sur
l’abandon.
5 -L’analyse des résultats économétriques
Dans la première colonne du tableau 3 nous reproduisons l’estimation en
pooling38 sur l’ensemble de l’échantillon. On constate que notre variable d’intérêt qui
est la présence du PNIR dans la localité réduit le taux d’abandon de 9.3 % avec un
niveau de significativité de 1 %. Nous constatons que plus la taille du ménage est
importante moins les cas d’abandon sont présents. Dans les ménages composés entre
5 et 10 personnes, on a eu un effet réducteur sur le niveau d’abandon de 6,7%. Avec
les ménages de 11 à 15 personnes, l’effet sur l’abandon est de 7% tandis avec des
ménages de plus de 15 personnes l’effet sur l’abandon est de 10 % avec des niveaux
de significativité de 1%. Nous constatons en outre que le niveau d’abandon diminue
avec l’augmentation de l’âge à un niveau de 1%. Les résultats obtenus sur la variable
niveau d’éducation des élèves montrent que plus le niveau est élevé moins l’effet
réducteur sur l’abandon est grand. En d’autres termes, le niveau primaire réduit
37
La situation économique du ménage obtenue est une enquête de perception des
gens sur leur niveau de bien-être.
38
Il s’agit ici d’une régression linéaire sur l’ensemble de l’échantillon utilisé.
55
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
l’abandon de 35% tandis que les niveaux secondaire et supérieur réduisent l’abandon
respectivement de 33% et 21% avec des niveaux de significativité de 1%. L’ethnie du
chef de ménage de même que son niveau d’étude n’expliquent pas l’abandon à l’école.
Avec l’estimateur within (l’estimateur par effet fixe) enregistré dans la colonne 3 du
tableau 3, les résultats obtenus sont similaires. Plus la taille du ménage est
importante, plus l’effet sur la réduction de l’abandon l’est aussi mais avec des
niveaux de significativité de 10 %. Pour ce qui est du niveau des élèves, les tendances
sont identiques. Cependant avec l’estimation par effet fixe, notre variable d’intérêt qui
est la présence du PNIR est supprimée car elle est constante dans le temps. La même
chose est aussi constatée pour les variables comme l’ethnie du chef de ménage, son
niveau de même que le genre l’enfant. Les résultats obtenus dans la colonne 5 du
même tableau représentent l’estimation par les effets aléatoires (Moindres Carrés
Généralisés). Les estimations obtenues, montrent des tendances identiques avec la
colonne 1 (régression par pooling) sur l’effet de la taille du ménage, de l’âge de
l’élève et de son niveau avec des significativités de 1%.
Le tableau 4 présente les estimations par Hausman Taylor. Les résultats de la
colonne 1 montrent que la taille du ménage a un impact positif sur la réduction de
l’abandon. Un ménage de taille moyenne réduit l’abandon de 8.9%, celui de grande
taille a un effet réducteur 10% tandis que pour les ménages de très grande taille,
l’effet est de presque 12%. Pour ces différentes catégories de ménages, le niveau de
significativité obtenue est de 10%. Nous constatons que l’abandon diminue de 1%
avec l’augmentation de l’âge et à un niveau de significativité de 1%. Aussi plus le
niveau de l’élève est élevé moins l’effet sur l’abandon est grand. Le niveau primaire a
un effet réducteur sur l’abandon de 35%, le niveau secondaire un effet de 32% tandis
que le supérieur a un effet réducteur de 21%. Pour ce qui est de notre variable
d’intérêt (la présence du PNIR dans le village), on obtient un impact significatif
à10% avec un effet de 21%. Les variables de contrôle comme la situation économique
du ménage, l’ethnie du chef de ménage, les niveaux du chef de ménage, ainsi que
le genre des enfants ne sont pas significatifs. Dans ce tableau, nous avons essayé de
voir l’effet spécifique de la présence d’une école ou bien d’un marché dans les zones
de l’étude sur l’abandon des élèves.
La significativité de la présence du PNIR montre toute l’importance de la présence
d’une infrastructure sociale dans les villages du programme. La construction
56
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
d’infrastructures de proximité permet de mieux lutter contre la désertion des élèves
en réduisant les frais relatifs au coût des déplacements et en rendant plus facile le
suivi de l’enfant. En d’autres termes, la fréquentation de l’école peut dépendre dans
une large mesure de sa proximité ou de son éloignement du domicile des parents.
Cependant, des programmes comme le PNIR peuvent aussi avoir des effets
pervers. Le développement des infrastructures économiques dans les villages tels que
les marchés peut favoriser la désertion des enfants à l’école. Ceci pourrait s’expliquer
par le fait que, plus il y a d’opportunités économiques, plus les enfants (surtout
issus de ménages pauvres) sont exposés à l’abandon, les parents préférant souvent les
placer dans des activités lucratives (voir Diagne, Kafondo et Ounteni 2006). En
essayant de mesurer l’effet d’un marché sur l’abandon, on obtient un effet négatif
mais pas significatif. En d’autres termes, l’impact du programme sur les abandons
n’a pas été neutralisé par la construction d’autres infrastructures comme les marchés
qui créent des opportunités économiques.
Pour les variables de contrôle, l’estimation par Hausman-Taylor (1981) nous donne
des résultats intéressants. Pour ce qui est de l’âge des élèves, les résultats révèlent
que plus les élèves prennent de l’âge, moins ils abandonnent. En fait cette situation
pourrait être expliquée par une prise de conscience de l’importance de l’école que
l’on acquiert avec l’âge. Aussi, plus le niveau de l’élève est élevé plus la probabilité
d’abandonner est importante. Ce résultat s’explique par le fait qu’au Sénégal les
niveaux les plus élevés sont relativement les plus difficiles. Ce qui peut aussi
expliquer l’abandon à ce niveau, c’est que la majorité des élèves ne font pas leur
cycle secondaire et supérieur dans leur localité d’origine car l’infrastructure n’y
existe pas. Ils sont obligés d’aller dans les grandes villes pour poursuivre leurs études
et ils y rencontrent souvent des conditions de vie difficiles. Généralement tous ceux
qui ne trouvent pas des moyens existentiels adéquats préfèrent arrêter leurs études.
Parmi les caractéristiques de l’environnement familial, on constate que plus la
taille du ménage est importante moins l’abandon est élevé. Ce résultat peut sembler
contradictoire si on fait une analyse en termes de coûts. On peut dire qu’un
ménage plus nombreux entraine des charges plus importantes dans un milieu souvent
caractérisé par une très grande pauvreté. Cela peut pousser certaines familles
démunies à ne pas s’opposer à l’abandon des élèves par manque de moyens.
Cependant l’avantage qui peut exister dans une famille nombreuse est la possibilité
57
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
d’avoir un membre instruit capable de suivre la scolarité de l’enfant. Cet
encadrement a un effet positif et les travaux de Diagne, Kafandon et Ounteni
(2006), ont montré que les enfants dont les frères et sœurs sont instruits bénéficient
d’un meilleur encadrement à la maison et cela contribue à améliorer leur rétention.
Pour mesurer la validité des instruments utilisés dans le cadre de cette étude, la
stratégie suivante a été adoptée. En fait, les instruments utilisés ne sont valides que
si X̄1i et Z1i sont non corrélées avec les effets spécifiques39. Nous estimons la
variable présence du PNIR sur les instruments (X1 et Z1) pour apprécier la validité des
ceux ci. Les résultats obtenus au niveau du tableau 5 montrent une certaine
corrélation entre les variables de la classe X1 et Z1 et la présence du PNIR. Sauf
certaines variables comme l’âge de l’élève, la taille du ménage, les niveaux primaires
et secondaires des chefs de ménages et certaines ethnies (Peuls et autres Sénégalais)
qui ne sortent pas significatives, toutes les variables sont significatives40.
6-Conclusion
L’éducation se caractérise en milieu rural par un niveau d’abandon assez élevé.
Dans
les communautés rurales
bénéficiaires
du
programme de
construction
d’infrastructures le niveau d’abandon scolaire est moins élevé comparé aux
communautés rurales non bénéficiaires. Nous avons pu montrer que l’ethnie du chef
de ménage n’a aucun effet sur la rétention des enfants à l’école, ce qui n’est pas le
cas pour les caractéristiques comme la taille du ménage ainsi que les niveaux
d’éducation des enfants et l’âge des enfants. Les variables comme le niveau
De façon plus précise, les instruments sont valides quand P limn→∞
P limn→∞
Z1i λi = 0 (voir Hausman et Taylor 1 981).
39
X̄1i λi = 0 et
40
Les variables qui ne sortent pas significatives sont considérées comme les mauvais
instruments.
Le choix de nos instruments est motivé par l’argumentaire ci après. Etant donné que l’attribution des
infrastructures est faite au niveau des conseils ruraux par les conseillers ruraux des communautés
rurales, il peut exister certains facteurs qui influencent le choix des lieux où implanter les projets. En
considérant l’ethnie comme un instrument, cela provient du fait que certaines ethnies ne privilégient
pas l’école et par conséquent leurs villages pourraient être choisis afin de résorber ce déficit
d’éducation dans ces dites localités. En plus, les zones historiquement sans école se caractérisent par
un niveau relativement faible des chefs de ménage. Pour éviter que les jeunes enfants subissent aussi le
même sort, de tels villages pourraient être choisis afin de permettre leur scolarisation. Finalement la
taille des ménages donne une idée de la démographie du village. Plus le village est peuplé plus il peut
avoir une chance de recevoir un projet du programme. Cette stratégie a permis au PNIR de toucher le
maximum de personnes.
58
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
d’éducation du chef de ménage, et la situation économique du ménage n’expliquent
pas l’abandon scolaire des enfants. En essayant de mesurer la présence spécifique
d’une école ou d’un marché sur l’abandon des élèves, on constate que la présence de
l’école a un effet positif tandis que l’effet de la présence d’un marché est plutôt négatif
dans la lutte contre la désertion scolaire. Ces deux variables ne sont cependant pas
significatives.
En termes de recommandations de politique économique, nous pensons que
des programmes d’infrastructures sociales peuvent participer à l’augmentation du taux
de scolarisation brut et à la réduction de l’abandon scolaire. Pour atteindre de tels
résultats, il faut procéder à la construction d’écoles pouvant favoriser une meilleure
accessibilité pour les apprenants. Aussi, il est important de veiller à la qualité des
infrastructures sociales construites et à leur bon fonctionnement en y mettant un
personnel qualifié. Cela est d’autant plus important car la demande que les
populations ont pour l’éducation dépend de la disponibilité et de la qualité des
infrastructures. L’opinion que se font les parents sur les conditions d’étude à l’intérieur
des établissements d’enseignement public peut affecter leur décision de scolariser leurs
enfants ou bien même d’encourager l’abandon scolaire, surtout quand l’école est mal
entretenue ou délabrée. Aussi, la décision de construire des établissements scolaires doit
toujours être accompagnée d’une campagne de sensibilisation sur l’utilité d’aller à
l’école et d’y rester.
59
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
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Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
SOLVABILITÉ DES EMPRUNTEURS SOUVERAINS ET PRIMES DE RISQUE
SUR LES TITRES DE LA DETTE PUBLIQUE EN ZONE UEMOA
Dr Babacar Sène41
Résumé
Cet article a pour objectif d’évaluer l’impact de la solvabilité des États membres de l’UEMOA sur
la prime de risque des titres publics (obligations et bons du Trésor) exigée par les investisseurs sur
la période allant de 2002 à 2012. Les résultats des régressions sur données de panel à l’aide de
l’estimateur du Mean Group montrent que les facteurs de solvabilité budgétaire les plus pertinents
qui ont affecté les spreads sont le ratio dette sur PIB, le fardeau de la dette, les arriérés de paiement
et la position nette du gouvernement. Le rating des agences notation explique aussi la différence
de primes de risque entre les pays. Le résultat important qui émerge de l’analyse est la nécessité
pour les États de respecter les critères de convergence de premier et second rangs permettant de
lever des fonds à des taux plus abordables auprès des investisseurs afin de les préserver contre le
risque de jeu de Ponzi.
Mots clés : Prime de risque, variables souveraines, titres publics, UEMOA
Classements JEL : E43 ; E63 ; G18 ; H63.
41
Enseignant-chercheur en économie à la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion (FASEG) Université Cheikh Anta Diop de
Dakar Sénégal.
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
1. Introduction
Dans les pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), les
titres publics restent aujourd’hui une opportunité importante d’investissement pour les
banques et institutionnels. La majeure partie des titres détenus par les investisseurs est sous
la forme de dette publique. Le marché des titres publics a connu un développement sans
précédent à la suite de la décision prise par le Conseil de Ministres de l’UEMOA, de
supprimer les avances statutaires de la BCEAO.
Les États membres de l’Union étant souvent confrontés à des difficultés budgétaires
font de plus en plus recours à l’émission de titres par voie d’adjudication ou par appel
public à l’épargne via le marché financier. L’engouement des banques pour les titres
publics s’explique par leur caractère sûr, mais aussi par la possibilité d’utiliser ces actifs
souverains comme moyen de garanties au refinancement de la banque centrale.
D’après une étude réalisée par la Banque de France, les émissions de titres publics
dans l’Union sont passées de 0,1% du PIB en 2000 à 6,5% en 2011. Dans le cas du Bénin
on constate une progression dynamique de 3,8% en 2008 à 9,2% en 2011. Toutefois, ce
développement financier pose un certain nombre de problèmes qui mérite d’être souligné.
En effet, des études récentes réalisées dans le contexte des pays développés et en
développement ont montré les enjeux liés au financement des dettes souveraines. Dans le
cas des pays développés, les investigations ont fait ressortir d’abord un lien entre les
critères budgétaires (déficit budgétaire et endettement) et les primes de risque sur les titres
d’État. Ensuite récemment, les recherches ont montré une interconnexion entre la
solvabilité des États et le secteur financier suite aux crises des « subprimes » et des dettes
souveraines en Europe. Dans le contexte des pays en développement, les résultats font
ressortir les effets potentiels de la solvabilité des gouvernements sur les rendements des
obligations d’État. Si les titres d’État incorporent des primes de risque, une augmentation
de l’endettement ou une détérioration du solde budgétaire peut entraîner une montée des
taux exigés par le marché.
Plusieurs arguments ont été avancés pour expliquer l’impact de la situation financière
du gouvernement sur le marché des capitaux. Selon une certaine étude, les inquiétudes
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
relatives à la solvabilité des emprunteurs souverains ont sérieusement affecté la santé des
systèmes financiers sur le plan national et international (Caruana, Avdjiev, 2012). Alors
qu’une autre montre que la détérioration des finances publiques et le comportement
d’aversion au risque des investisseurs sont à l’origine de la montée des spreads de taux
relatifs aux actifs souverains (Bernoth, von Hagen et Schuknecht, 2004). Partant de ce
constat, cette contribution tente de répondre à la question suivante : quel est l’impact de la
solvabilité des États de l’UEMOA sur les spreads de taux d’intérêt publics ? En d’autres
termes, la situation des finances publiques contribue-t-elle à renchérir le coût des
ressources lié aux emprunts d’État ? C’est tout l’enjeu de cette réflexion qui cherche à
trouver une connexion entre la situation budgétaire des États et la volatilité des taux sur le
marché des capitaux.
L’intérêt
est
d’examiner théoriquement et
empiriquement les
déterminants
macroéconomiques des primes de risque souverain en zone UEMOA. Plus spécifiquement,
il s’agit d’analyser d’une part, les effets de la discipline budgétaire sur les écarts de taux
d’intérêt et, d’autre part, d’étudier les moyens à mobiliser pour mettre en place un cadre
budgétaire efficace, voire coordonné pour assurer la crédibilité des émissions. La relation
entre discipline budgétaire et prime de risque est une littérature récente dans le contexte
des pays en développement, et à notre connaissance, seules quelques études descriptives
ont été effectuées dans le contexte de l’UEMOA. Le propos est donc d’essayer de voir le
lien entre les deux phénomènes d’un point de vue théorique et empirique. Voilà comment
se présente la section 1.
La suite de la réflexion s’organise de la façon suivante : les sections 2 et 3 présentent
respectivement une revue de la littérature sur la question et un modèle théorique
expliquant les déterminants des primes de risque souverain. La section 4 envisage
l’estimation empirique de la forme réduite du modèle et
conclusion et des recommandations de politiques économiques.
2. Revue de la littérature
la section 5 expose une
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Cette section analyse les études qui ont été réalisées dans le contexte de pays développés et
en développement. Dans une première partie nous examinons la relation entre solvabilité
des États et primes de risque dans les pays développés et en développement. Dans la
deuxième partie, nous exposons la littérature naissante en zone UEMOA.
2.1 Solvabilité des États et primes de risque dans les pays développés et en
développement
Une vaste littérature liée aux déterminants des primes de risque sur les titres publics
des pays développés et en développement a émergé ces dernières années. D’une part, dans
le cas des pays en développement, la crise de la dette des années 1980 et les crises
financières dans les pays asiatiques et latino-américains ont montré l’importance de
l’environnement économique sur le pricing des titres de la dette publique. D’autre part, la
crise récente des dettes souveraines en Europe a donné un regain d’intérêt pour cette
littérature. Edwards (1986) utilise une approche comparative pour évaluer les déterminants
des primes de risque des crédits bancaires aux États et des obligations souveraines de pays
en développement. Les résultats montrent que les marchés obligataires ont anticipé la crise
de la dette des années 1980 à travers la hausse des écarts de taux. Dans le prolongement
des travaux d’Edwards, (Kamin et Kleist,1999) évaluent le comportement des primes de
risque liées à 304 obligations et 358 prêts bancaires syndiqués négociés dans les années
1990. Les auteurs se servent des spreads de Moody’s et Standard and Poor’s. Ils trouvent
que les taux exigés aux pays de l’Amérique latine étaient plus élevés que ceux des pays
asiatiques. Toutefois, ces analyses ont été nuancées par (Eichengreen et Mody,1998) qui
étudient les déterminants de la hausse des spreads de taux sur un échantillon de pays en
développement en contrôlant les facteurs d’offre et de demande de titres sur les marchés
obligataires. Les résultats sont différents d’un continent à un autre. L’offre de titres
émanant des pays de l’Amérique latine est moins sensible aux conditions du marché. Les
travaux de De Mendonça et Pereira Duarte Nunes (2011) montrent que les variables
budgétaires publiques ont une influence sur la tarification des titres obligataires d’État.
L’étude révèle que la stabilisation du ratio dette/PIB et les excédents budgétaires réalisés
par le gouvernement brésilien sont à l’origine de la baisse des taux. Les auteurs donnent de
nouvelles pistes de politiques budgétaires pour les pays en développement. Cependant,
l’approche de (Ciocchini, Durbin et Ng,2003) introduit une dimension gouvernance dans
la détermination des primes de risque à travers l’indice de corruption. Les auteurs
analysent la relation entre la corruption et le coût des emprunts d’État et des obligations
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
d’entreprise. En se fondant sur l’indice de corruption développé par Transparency
International, ils montrent que les pays les plus corrompus paient généralement des primes
de risque plus élevées. La littérature sur les déterminants des primes de risque s’est
enrichie récemment avec de nouvelles publications suite à la crise qui a secoué les pays
développés notamment ceux de la zone euro. (Schuknecht, von Hagen et Wolswijk, 2010)
s’intéressent aux émissions d’emprunts d’État en dollar et en euro. Les investigations
aboutissent à une relation étroite entre les écarts de rendement et les conditions
économiques en vigueur avant et après la crise financière récente. La montée de l’aversion
au risque et les déséquilibres fiscaux ont été à l’origine des sanctions du marché en matière
de tarification. (Bolton et Jeanne, 2011) estiment l’impact de la crise des dettes
souveraines sur le système financier de la zone euro. La montée de l’intégration financière
a poussé les banques à diversifier leurs portefeuilles. Cette diversification a généré des
bénéfices ex ante et une contagion ex post. Ils soulignent que l’intégration financière sans
l’intégration budgétaire peut être source de déséquilibre de l’offre de titres publics. En
résumé, cette revue de la littérature montre l’importance des facteurs budgétaires,
macroéconomiques et institutionnels dans la détermination des gaps de taux sur le marché
des actifs publics. La fragilisation de l’environnement économique est source de hausse
des taux d’intérêt exigés par les investisseurs aux emprunteurs publics qui étaient
considérés auparavant comme des émetteurs sans risques. Avec l’avènement du marché
des capitaux en zone UEMOA, une littérature naissante s’est intéressée à cet axe de
recherche.
2.2 La littérature naissante en zone UEMOA
Cette littérature s’est développée durant les années 2000. Le FMI, dans le cadre de ses
analyses de l’évolution des marchés des capitaux des pays émergents, a lancé une série
d’études s’intéressant aux caractéristiques et à la spécificité du marché financier de
l’UEMOA
(Sy,
2010
et
Diouf
et
Boutin-Dufresne,
2012).
(Guillaumont
et
Guérineau,2007) analysent la possibilité, pour les États membres de l’UEMOA, de faire
recours aux emprunts internes dans un contexte d’annulation de la dette suivant les
initiatives pays pauvres très endettés et multilatérales. La situation de surliquidité des
banques et de faiblesse des obstacles institutionnels peuvent favoriser le développement du
marché des titres publics. Dans la lignée des travaux précédents, (Cabrillac et
Rocher,2009) diagnostiquent le marché des titres africains y compris celui de l’UEMOA ;
les auteurs concluent que l’intérêt accru des investisseurs étrangers a entraîné l’attractivité
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de ces marchés naissants. Ces derniers ont constitué une opportunité d’investissement dans
un contexte où les primes de risque sur les actifs souverains avaient fortement baissé.
Mbengue (2009) explore les déterminants des spreads de crédit dans les pays de
l’UEMOA en prenant comme référence pour l’actif sans risque, la BOAD. L’étude montre
que les primes de risque sur le marché obligataire sont étroitement liées à des facteurs
comme la corruption, le niveau d’endettement des États, les réserves extérieures, le crédit
domestique et le service de la dette. Toutefois, Sy (2010) souligne que les ratings des
agences de notation n’ont pas joué un rôle important dans la détermination des taux
d’intérêt liés aux émissions de dette publique interne des pays de l’UEMOA. En effet,
quatre pays avaient fait l’objet de notation de l’agence Standard & Poor’s. Le Sénégal était
le pays le mieux noté (B+) et les autres (Bénin, Burkina Faso et Mali) disposaient de la
cote B. La Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau et le Togo n’étaient pas évalués. L’étude
montre que les intérêts payés par les gouvernements n’avaient pas augmenté suite à la
dégradation des notes. Les spreads du Sénégal ont évolué de (-99 points de base ou pb à 56
pb) pour les bons du Trésor et de (75 pb à 100 pb) pour les obligations d’État.
Contrairement à Mbengue (2009), son benchmark pour le taux sans risque est celui de la
SFI notée AAA pour les émissions en monnaie locale suivant la même maturité de dette.
Une recherche plus récente développée par (Diouf et Boutin-Dufresne,2012) examine dans
le contexte de l’UEMOA les déterminants des taux d’intérêt et de la courbe des taux grâce
à une analyse en composantes principales. Le principal facteur qui affecte les taux d’intérêt
publics est la notation des Etats. Les primes de risque étaient aussi expliquées par la
liquidité du marché, la maturité des émissions, les taux de couverture, d’autres éléments
comme les effets saisonniers, les types d’adjudication ou de syndication et la fréquence des
émissions. Ils trouvent que les taux d’intérêt des obligations régionales et Kolas (SFI,
AFD) étaient parmi les plus faibles du marché contrairement aux titres d’entreprise. D’où
la nécessité pour les États de profiler leur dette.
Au total, la revue de la littérature montre que le lien entre la prime de risque sur les
titres publics et les fondamentaux économiques a fait l’objet d’un débat assez approfondi.
Le résultat principal qui se dégage est que l’environnement macroéconomique influence le
comportement des investisseurs en matière de taux exigés aux emprunteurs souverains qui
étaient considérés comme des débiteurs sans risques. Notre investigation s’intéresse
exclusivement à l’impact de la solvabilité des emprunteurs souverains sur les primes de
risque des titres publics des pays de l’UEMOA. Il s’agit d’analyser la relation entre les
spreads de taux et les facteurs budgétaires comme le ratio dette sur PIB, les arriérés de
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
paiement, le solde budgétaire, le fardeau de la dette, la position nette du gouvernement et
d’autres variables identifiées par la littérature. L’étude sera fondée sur une construction
théorique et une analyse empirique basée sur l’économétrie des données de panel non
stationnaires. La contribution par rapport à la littérature est, d’une part, de s’inspirer des
mesures de solvabilité de la commission de l’UEMOA et d’estimer leur impact sur le
pricing des actifs souverains et, d’autre part, d’élaborer une stratégie permettant de rendre
efficace les émissions dans le contexte de l’union économique et monétaire.
3- Le modèle théorique
Le cadre théorique que nous adoptons s’inscrit dans le prolongement des travaux de
(Goldstein, Woglom, King et Tanzi,1992, Bayoumi, Goldstein et Woglom,1995 et
Bernoth, von Hagen et Schuknecht,2004) qui analysent la relation entre les primes de
risque et la situation budgétaire des États dans un monde à deux pays. Nous adaptons le
modèle au contexte de l’UEMOA en supposant l’émission de deux types de titre sur le
marché des capitaux (les titres d’État et les titres émis par des entités dont la probabilité de
défaut est faible).
Considérons un investisseur domestique qui maximise sa fonction d’utilité qui dépend
positivement de sa richesse espérée Et Rt 1  et négativement du risque  t2 Rt 1  . Le
programme d’optimisation se présente comme suit :


Max U Et Rt 1 ,  t2 Rt 1 
U E'  0 et
U'  0
(1)
L’investisseur alloue une fraction α de sa richesse aux titres d’État et (1 –α) à
d’autres titres dont les rendements sont plus faibles et supposés moins risqués (BOAD, SFI
et AFD) qui ont émis des titres à la bourse régionale des valeurs mobilières en faisant
valoir leur qualité de signature ;
 t Rt  DG
1   t Rt  DRF
où DG représente le montant investi sur les titres d’État et D RF celui placé sur les titres
sans risques. Nous supposons que les titres d’État peuvent faire l’objet d’un risque de
défaut potentiel. À titre d’exemple, le Sénégal est noté B+ par Standard & Poor’s pour les
émissions en devise et en monnaie nationale. Alors que la SFI dispose de la meilleure
qualité de signature sur le marché (AAA+).
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Le gouvernement a une probabilité 1  Px de ne pas pouvoir servir sa dette.
x t représente un ensemble de variables susceptible d’engendrer un risque de défaut sur les
titres d’État ( le ratio dette sur PIB, le solde budgétaire de base rapporté au PIB, le service
de la dette). En cas de défaut, l’investisseur reçoit une fraction  du placement initial avec
  0,1  r  où r est le coût de l’endettement public et perd une fraction l de sa richesse.
L’espérance mathématique et le risque du portefeuille de l’investisseur s’écrivent :
E Rt 1   1  rt  t Rt Pxt    t  t Rt 1  P( xt )   t Rt l t  1  rRF 1   t Rt
(2)
 t2 Rt 1    t2 Rt2 1  rt   t 2 Pxt 1  Pxt 
(3)
La maximisation de l’utilité de l’agent donne le résultat suivant :
ˆt 

P  xt
1  rt    t 1  P  xt   lt  1 
 t 1  rt   t 2 P  xt 1  P  xt 
rRF

(4)
 2 RtU ''
où  t 
est le coefficient d’aversion relative au risque de l’investisseur.
U'
La part de la richesse placée par l’investisseur dépend de plusieurs facteurs : la prime de
risque liée à l’arbitrage entre les placements risqués et sans risques, les fondamentaux
budgétaires contrôlés à travers la variable x t , l’aversion au risque θ, la part récupérée en
cas de défaut de paiement  et la perte potentielle sur l’obligation souveraine l .
4. Estimation empirique de la forme réduite du modèle
4.1 Méthodologie d’estimation
La méthode du Mean Group est choisie pour estimer la forme réduite du modèle :
p 1
q 1
j 1
j 0
 y it   i y i ,t 1   i' x it    ij*  y it  j    ij*' x it  j   i   it
(5)
où t  1..........T
, i = 1…..N. , p le nombre de retards de la variable endogène retardée
et q le nombre de retards des variables exogènes. xit représente la matrice des variables
explicatives du modèle, i les effets fixes,  ij les coefficients liés à la variable endogène
retardée,  ij les coefficients à estimer.
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Il existe une relation de co-intégration entre les variables du modèle si 1  0 . Dans ce
cas :


yit   i xit  it  où  it est I(0).
 i

4.2 Analyse empirique des déterminants des primes de risque sur les titres publics
La modélisation théorique et la revue de la littérature ont permis d’identifier des
variables susceptibles d’impacter les spreads de crédit des titres d’État. Les
environnements macroéconomique et institutionnel sont des facteurs déterminants des
gaps de taux sur le marché des titres publics. Étant donné l’importance des facteurs
budgétaires dans le comportement de placement des investisseurs, nous posons la relation
suivante :
     
SBB
Dette
Dette 2
log(spread) it   1
 2
 3
  4 IPC it   5 PNG it   6 ARRit   7 crit   8 Ratingit   9 infit   i   it
PIB it
PIB it
PIB it


(6)
où spread = rit  rRFt désigne la prime de risque sur les titres d’État, le taux sans risque est
variable suivant la période (BOAD, SFI pour les obligations et État français pour les Bons
du Trésor), Dette/PIB, l’encours de la dette publique sur le PIB, (Dette/PIB)2 le fardeau
de la dette, SBB le solde budgétaire de base, PNG la position nette du gouvernement
auprès des institutions monétaires et financières, ARR les arriérés de paiement, IPC
l’indice de perception de la corruption publié par Transparency International, cr le taux de
croissance réelle de l’économie qui explique l’impact du cycle des affaires sur les primes
de risque, INF le taux d’inflation, Rating une variable muette qui représente la note
attribuée par l’agence de notation Moody’s ou Standard & Poor’s ( 0 si le pays n’est pas
noté, 1 pour les pays notés B ou B+),  i les effets individuels, et  it l’erreur du modèle.
L’échantillon est composé de 77 observations et 7 pays couvrant la période 20022012. Les données sont relatives aux 7 pays de l’UEMOA : Bénin, Burkina Faso, Côte
d’Ivoire, Mali, Niger, Sénégal et Togo. Les statistiques sont tirées de la base de données
économiques et financières de la BCEAO, des données de la BRVM et du marché
monétaire, des
annexes statistiques du rapport de surveillance multilatérale de la
commission de l’UEMOA et des publications de Transparency International.
4.2.1 Impact des facteurs budgétaires et économiques sur la prime de risque des
titres publics
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La prime de risque sur les titres publics est liée à plusieurs facteurs dont les principaux
sont identifiés au niveau de l’équation (6). On distingue alors les variables relatives à la
solvabilité des États (le ratio dette/PIB, le fardeau de la dette, le solde budgétaire de base
rapporté au PIB, les arriérés de paiement, la position nette du gouvernement) et celles
spécifiques à l’environnement économique et institutionnel (la croissance réelle,
l’inflation, l’indice de corruption). Les signes attendus par rapport à ces variables sont :
 le ratio dette/PIB a un impact ambigu sur les spreads de taux, une dette soutenable
tend à réduire la prime de risque sur le marché des capitaux. Cette situation peut
être expliquée par la capacité de remboursement des souverains en période
d’endettement maîtrisé. On s’attend à un signe négatif c’est-à-dire une hausse de
l’endettement lorsqu’il est soutenable, car il réduit la prime de risque. Notons que
dans le cas des critères de convergence de l’UEMOA, le ratio dette sur PIB cible
est fixé à 70% (critère de premier rang) ;
 le ratio (Dette/PIB)2 permet de contrôler l’effet du surendettement sur les écarts de
taux d’intérêt publics. Les investisseurs exigent des taux de rendement plus élevés
lorsqu’ils jugent que la dette est insoutenable. Dans ce cas un signe positif est
attendu. Cette variable permet d’introduire des effets non linéaires de l’emprunt
sur les gaps de taux ;
 le solde budgétaire de base rapporté au PIB est un critère de premier rang, dont la
valeur doit être supérieure ou égale à 0. Une situation de déficit budgétaire tend à
renchérir le spread de taux. Ce solde permet de capturer l’impact des efforts et de
l’équilibre budgétaire de l’État sur la volatilité des taux d’intérêt publics ;
 les arriérés de paiement représentent un indicateur important de solvabilité
budgétaire (critère de premier rang). Une constitution d’arriérés de paiement
donne un mauvais signal aux investisseurs qui vont exiger des taux d’intérêt plus
élevés pour rémunérer le risque encouru. Une hausse des arriérés de paiement
entraîne une augmentation de la prime de risque ;
 la position nette du gouvernement (PNG) est mesurée par la différence entre les
prêts des institutions monétaires et financières accordés à l’État et les dépôts du
Trésor auprès de celles-ci. Une hausse de la PNG a un effet positif sur les gaps de
taux d’intérêt. Cette variable permet aux banques de mesurer la capacité de
remboursement des États de l’union ;
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 la croissance réelle est un indicateur permettant de mesurer l’impact du cycle
économique sur la tarification des actifs publics. Une amélioration de la situation
économique réduit les spreads de taux. Le PIB étant un proxy pour mesurer
l’assiette fiscale, une augmentation de l’activité est susceptible d’engendrer des
recettes budgétaires plus considérables, réduisant ainsi le risque de défaut de
paiement de l’État ;
 l’inflation a un effet positif sur la prime de risque. Une progression de l’indice des
prix entraîne une baisse des rendements réels des titres. En période de forte
inflation, les investisseurs exigent des rendements plus élevés ;
 la corruption affecte positivement la prime de risque. La littérature a montré que les
pays les plus corrompus paient des primes de risque plus élevées ;
 le rating est une mesure synthétique de la capacité de remboursement et de
solvabilité d’un gouvernement. Dans le cas de l’UEMOA, le Bénin, le Burkina
Faso et le Mali font actuellement l’objet d’une notation B ; le rating du Sénégal
(B+) étant sensiblement meilleur que les autres. Les notes de qualité B sont
qualifiées de grade spéculatif et exigent des primes de risque plus élevées si les
pays font appel au marché international. À titre de rappel, en 2012 le Sénégal a
levé
500 millions de dollars sur le marché des euro-obligations à un taux
avoisinant 8%.
4.2.2 Analyse préliminaire des données statistiques et faits stylisés
La prime de risque moyenne sur les obligations d’État et les bons du Trésor
(tableau 1) varie d’un pays à un autre. Le Togo, le Niger et la Côte d’Ivoire disposaient de
primes de risque plus élevées. La comparaison permet de montrer que le Sénégal dispose
en moyenne d’une prime de risque plus faible que les autres pays durant la période
d’estimation. Les spreads du Bénin, du Burkina Faso et du Mali varient entre 125 pb et
142 pb ; leurs médianes sont assez proches. En revanche, en termes d’instabilité, des écarts
importants sont notés pour le Bénin et le Niger. Cette situation s’explique par le caractère
hétérogène des émissions qui sont effectuées sur le marché obligataire et des bons du
Trésor de l’UEMOA. Les États peuvent émettre des obligations via la BCEAO ou par
appel public à l’épargne. Les bons du Trésor sont émis par voie d’adjudication à taux
multiples par l’intermédiaire de la Banque centrale. Cette concentration des primes de
risque s’explique aussi par la spécificité des investisseurs qui interviennent sur le marché
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des capitaux de l’union. Les banques, de par leur situation de surliquidité, ne prennent pas
de risques et appliquent la stratégie de « buy and hold » ; ce qui rend le marché secondaire
peu liquide.
Tableau 1 : Statistiques relatives aux primes de risque par pays en points de base (2002-2012)
Côte d'Ivoire
Bénin
Burkina Faso
Mali
Niger
Sénégal
Togo
T
11
11
11
11
11
11
11
Moyenne
187
142
138
125
225
97
235
Médiane
174
114
124
124
172,2
105
175
Écart-type
99
127
94
58
182
42
125
Source : Calculs de l’auteur à partir des bases de données de la BCEAO, de la BRVM, de la
Banque de France ( statistiques Zone Franc) et du Trésor français
L’évolution des variables de solvabilité budgétaire (tableau 2) est différente d’un pays à
un autre. Les meilleures performances économiques ont été réalisées en moyenne par le
Bénin, le Burkina Faso et le Sénégal. La situation politique en Côte d’Ivoire explique la
détérioration de ses fondamentaux économiques. Ce pays a constitué d’énormes arriérés de
paiement et a vu sa dette exploser et sa position nette se dégrader. La dette publique
interne ivoirienne a fait l’objet d’une restructuration de la part des autorités de la
supervision bancaire suite au défaut de paiement de l’État ivoirien sur le marché des titres
publics. Cette situation à un moment avait envoyé un mauvais signal aux investisseurs de
la zone, entraînant ainsi une flambée des taux exigés à l’État ivoirien. Le ratio dette sur
PIB est assez stable pour les pays à l’exception du Togo et de la Côte d’Ivoire. Le respect
de ce critère de premier rang s’explique par les initiatives pays pauvres très endettés et
multilatérale dont ont bénéficié certains pays de la zone. Cependant, il faut souligner que
certains pays comme le Sénégal ont connu un rythme d’endettement assez soutenu entre
2005 et 2012.
L’observation préliminaire des statistiques permet de ressortir un lien étroit entre
l’évolution des spreads de taux et des variables budgétaires. La détérioration de la situation
financière des États semble affecter sensiblement les taux d’intérêt exigés aux États
émetteurs. Cette première analyse des données se confirme avec les résultats obtenus par la
littérature dans les pays développés et en développement. La modélisation à travers
l’économétrie des données de panel nous édifiera de façon plus explicite de l’impact des
variables de solvabilité budgétaire sur les gaps de taux publics tout en contrôlant d’autres
chroniques comme l’inflation, la corruption et le taux de croissance économique.
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Tableau 2 : Moyenne des variables de solvabilité budgétaire et Rating ( 2002 - 2012)
Solde
budgétaire/PIB
Dette/PIB
Arriérés de
paiement
PNG
Rating
Côte
d'Ivoire
Bénin
Burkina
Faso
Mali
Niger
Sénégal
Togo
-0,86%
75,79%
0,50%
30,64%
-1,95%
31,70%
0,43%
43,34%
-0,64%
47,50%
-0,81%
43,11%
0,35%
90,46%
137,49
216,57
NN
-16,05
-96,36
B
0,06
-6,79
B
-10,32
-86,96
B
-13,81
15,54
NN
0,00
20,11
B+
-1,70
45,24
NN
Source : Rapport de surveillance multilatérale de l’UEMOA, la PNG et les arriérés de paiement qui
sont en milliards de FCFA. Pour la PNG, une valeur positive signifie une détérioration. NN : Non noté
4.2.3 Analyse de la stationnarité des variables du modèle et relation de co-intégration
Les tests de racine unitaire sont élaborés suivant deux approches : (Levin, Lin et
Chu, 2002) et (Im, Pesaran et Shin,2003). Les résultats sont répertoriés dans les tableaux
3 et 4 de l’annexe. Les résultats suggèrent que la croissance économique, l’inflation et les
arriérés de paiement sont stationnaires en niveau d’après l’interprétation des deux tests (
LLC et IPS). La stationnarité de la prime de risque, de la position nette du gouvernement,
du solde budgétaire, du ratio dette sur PIB et du fardeau de la dette est confirmée
uniquement par les statistiques de LLC.
Cependant l’indice de corruption est non
stationnaire quel que soit le test utilisé. Le calcul des différences premières montre que
toutes les variables qui ont fait l’objet de doute durant la première analyse sont
stationnaires. Nous pouvons donc présager une relation de co-intégration entre le spread
de taux et les variables exogènes du modèle. Nous utilisons le test de Kao (Tableau 5) pour
analyser l’existence d’une relation de co-intégration. Compte tenu de la faiblesse de
l’échantillon, nous n’avons pas pu appliquer les statistiques de Pédroni. À la lecture de la
statistique de Kao (p-value < à 1%), nous pouvons affirmer l’existence d’une relation de
co-intégration entre l’écart de taux sur les titres publics et les autres variables du modèle.
La relation de long terme peut être évaluée à l’aide de l’estimateur Mean Group de
(Pesaran et Smith,1995).
4.2.4 Estimation de la relation de long terme par la méthode du Mean Group
Plusieurs spécifications sont utilisées pour mesurer la contribution des variables de
solvabilité budgétaire à la variation des écarts de taux d’intérêt sur les actifs publics. Les
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résultats observés sont synthétisés au niveau du tableau 6 en annexe. Les conclusions
suivantes sont dégagées à la lecture des statistiques associées aux différents coefficients.
D’une part, une hausse de l’endettement, de l’indice de perception de la corruption, de la
croissance entraîne une réduction des primes de risque. Cependant, seuls le niveau de la
dette et celui de l’indice de perception sont significatifs. Le coefficient lié au taux de
croissance réelle est non significatif quelle que soit la spécification utilisée. D’autre part,
les arriérés de paiement, la position nette du gouvernement, le solde budgétaire, l’inflation
et le fardeau de la dette affectent positivement les spreads de taux. Parmi ces variables,
seul le solde budgétaire n’est pas statistiquement significatif aux seuils choisis (1%, 5% et
10%). La variable rating qui permet de contrôler de façon synthétique la solvabilité des
États impacte négativement les taux d’intérêt car mieux le pays est noté et plus le marché
exige un taux faible. Les résultats des estimations laissent apparaître une relation robuste
entre la solvabilité des États et les taux de rendement exigés par les investisseurs. En effet,
lorsque le gouvernement s’endette à un niveau raisonnable, une hausse des emprunts
influence favorablement la confiance des investisseurs. Si le pays est confronté à un
fardeau de l’endettement, le service de la dette pompe une bonne partie des recettes
budgétaires, fragilisant la situation financière de l’État auprès des apporteurs de capitaux.
Un pays, qui constitue des arriérés de paiement, fragilise la situation des banques, car les
fournisseurs de l’État se préfinancent généralement auprès d’elles. Quant à la position
nette du gouvernement, c’est une variable budgétaire très suivie par les institutions
financières et monétaires. Concernant les estimations, elle est dans la plupart des cas
pertinente. Par ailleurs, les signes attendus pour l’endettement et le fardeau de la dette
confirment l’existence de non-linéarité dans le modèle. À partir d’un seuil d’endettement
critique estimé entre 45% et 60%, toute hausse supplémentaire de la dette influence les
spreads de taux des titres publics. Une politique d’endettement saine est nécessaire pour
préserver la confiance des investisseurs par rapport aux émissions de titres publics.
5 - Conclusion et recommandations
L’objectif principal de ce travail est d’évaluer l’influence des variables budgétaires
et économiques sur les primes de risque des titres publics dans les pays de l’UEMOA.
L’étude est fondée sur une analyse préliminaire des séries financières et économiques et
sur une estimation empirique à l’aide des données de panels non stationnaires.
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Les résultats de la recherche montrent que le ratio dette sur PIB, l’indice de
perception de la corruption et le rating des titres d’État influencent négativement et
significativement les gaps de taux. En revanche, les arriérés de paiement, la position nette
du gouvernement, l’inflation et le fardeau de la dette sont positivement corrélés aux
spreads de taux. Plusieurs spécifications sont utilisées pour rendre les résultats plus
robustes. Par ailleurs, des non-linéarités sont introduites dans le modèle pour estimer des
effets seuils de l’endettement sur les écarts de taux.
Un autre résultat important qui émerge de l’analyse est la nécessité pour les États
de respecter les critères de convergence de premier et second rangs permettant de lever
des fonds à des taux plus abordables auprès des investisseurs. L’émission de titres de la
dette publique à un coût plus faible permet d’éviter aux États des situations de jeu de Ponzi
à long terme. En effet, il est reconnu que si le coût de la dette est plus important que le
taux de croissance de l’économie, la dette évolue vers une situation de surendettement.
Globalement, il ressort des estimations que les États doivent mettre en place un
cadre de gestion budgétaire efficace pour encadrer les émissions de titres publics dans les
pays de l’Union. Ce constat est en phase avec la création de l’agence UMOA-Titres à
l’image de l’agence France Trésor dont le rôle essentiel sera le pilotage stratégique des
émissions d’actifs publics pour le compte des États membres. L’interconnexion entre les
variables financières et les fondamentaux budgétaires nécessite la mise en place d’un
cadre de concertation plus étroit entre les autorités de la supervision bancaire et de la
surveillance économique (commission de l’UEMOA).
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
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Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
Annexe
Tableau 3 : Tests de stationnarité sur les variables en niveau ( en données de panel)
Tests
Lspread
LLC(2002)
IPS (2003)
Statistiques
p-values
N
NT
-3,1305
-0,8288
0,0009*
0,2037
7
7
77
77
-1,6818
-0,5901
0,046*
0,2776
7
7
77
77
-2,8226
-1,3147
0,0024*
0,0934
7
7
77
77
-0,6290
-1,317
0,2647
0,0938
7
7
77
77
-2,2242
0,3334
0,013*
0,6306
7
7
77
77
(Dette/PIB)2
LLC(2002)
IPS (2003)
-4,1127
-1,0453
0,0000*
0,1479
7
7
77
77
Arr
LLC(2002)
IPS (2003)
-6,2552
-3,1933
0,0000*
0,0007*
7
7
77
77
inf
LLC(2002)
IPS (2003)
-8,2163
-5,3940
0,0000*
0,0000*
7
7
77
77
Cr
LLC(2002)
IPS (2003)
-6,0095
-1,0453
0,0000*
0,0000*
7
7
77
77
PNG
LLC(2002)
IPS (2003)
SBB
LLC(2002)
IPS (2003)
IPC
LLC(2002)
IPS (2003)
Dette/PIB
LLC(2002)
IPS (2003)
*signifie que la variable est stationnaire
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
Tableau 4 : Tests de stationnarité sur les variables en différences premières (en
données de panel )
Tests
Statistiques
p-values
N
NT
 Lspread
LLC(2002)
IPS (2003)
 PNG
LLC(2002)
IPS (2003)
-7,2462
0,0000*
7
77
-3,8251
0,0001*
7
77
-4,3621
0,0000*
7
77
-11,5799
-6,0206
0,0000*
0,0000*
7
7
77
77
-4,0669
0,0000*
7
77
-4,0065
0,0000*
7
 SBB
IPS (2003)
 IPC
LLC(2002)
IPS (2003)
 Dette/PIB
LLC(2002)
IPS (2003)

(Dette/PIB)2
LLC(2002)
IPS (2003)
77
*signifie que la variable est stationnaire
Tableau 5 : Test de co-intégration de Kao
sur les séries en panel.
Test
Statistique
p-value
N
NT
Kao (1999)
2,6934
0,0035*
7
* signifie que les variables sont co-intégrées au seuil de 1%
77
Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1
Tableau 6 : Résultats des estimations du Mean Group ( MG) suivant plusieurs
spécifications ( variable endogène Log(spread))
Variables
exogènes
Spécification
1
PNG
SBB
0,0293
(0,18)
IPC
-0,3036***
(0,07)
Dette/PIB
-0,1648*
(0,003)
Spécification Spécification
2
3
Spécification
4
0,0077*
(0,0047)
0,011
(0,2190)
0,0026*
(0,009)
0,1182
(0,6900)
0,2345
(0,2470)
0,1287
(0,557)
-0,5017**
(0,023)
0,12
(0,24)
-0,1631**
(0,013)
-0,1369*
(0,0000)
-0,2867*
(0,005)
-0,0307**
(0,048)
0,0012**
(0,013)
0,003*
(0,007)
0,00017
(0,150)
0,090***
(0,08)
0,00018
(0,817)
0,058***
(0,071)
0,0064***
(0,097)
(Dette/PIB)2
0,0018**
(0,015)
0,00159*
(0,0008)
Arr
0,0547
(0,18)
0,048**
(0,022)
inf
(0,0976)*
(0,001)
0,091**
(0,035)
Cr
-0,2040
(0,269)
0,0850**
(0,041)
-0,1548
(0,313)
-0,119
(0,526)
-0,5188*
(0,003)
Rating
Constante
NT
Spécification
5
11,46*
(0,0000)
10,75*
(0,0000)
11,12*
(0,0000)
13,62*
(0,0000)
6,1688*
(0,0000)
77
77
77
77
77
p- value entre parenthèses
***Significatif à 10%
*Significatif à 1%, **Significatif à 5% et
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