REVUE OUEST AFRICAINE DE SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION ROASEG Volume 7 N°1 Janvier 2014 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1 REVUE OUEST AFRICAINE DE SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION ROASEG Volume 7 N°1 Directeur de publication : Ahmadou Aly MBAYE Directeur de rédaction : Ibrahima Samba DANKOCO Rédacteur en chef : Ibrahima Thione DIOP Secrétaire de la Rédaction : Fatou GUEYE Conseil scientifique Gero Fulbert AMOUSSOUGA Tidjani BASSIROU Nadejo BIGOU-LARE Ibrahima Samba DANKOCO Adama DIAW Jean-Jacques EKOMIE Steven GOLUB Dominique HAUGHTON Gilbert NGBO AKE Birahim Bouna NIANG Bachir WADE Barthélémy BIAO Mohamed Ben Omar NDIAYE Taladidia THIOMBIANO 28 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion © CREA, Centre de Recherches Economiques Appliquées (UCAD, Dakar, Sénégal). Tous les droits réservés pour les pays. Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire partiellement ou totalement un article de la présente revue, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque motif que ce soit. 28 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1 Evaluation de l’impact de l’exportation du phosphate sur le développement économique au Togo1 Dr Anani Nourredine Mensah2 Résumé L’étude analyse l’impact des exportations de phosphate sur le développement économique au Togo en vérifiant le phénomène de la malédiction des ressources. Alors que les tests statistiques révèlent l’abondance en phosphate sur une période discontinue de 41 ans, la dépendance qui en découle est avérée sur près de 32 ans. L’analyse économétrique montre que la dépendance en phosphate influence très peu et non significativement le développement économique ; par contre le facteur gouvernance agit négativement sur le développement économique au Togo. En conséquence, le Togo doit améliorer la gestion du secteur du phosphate et la chaîne des valeurs du produit. Mots clés : Phosphate, Malédiction des ressources, Gouvernance, Développement. Classement JEL : Z10 ; Q20 ; Q58 ; R22 1 Mes sincères remerciements à l’Institut Virtuel de la Conférence des Nations unies pour le Commerce et le Développement (CNUCED), ainsi qu’à Dr Brigitte BOCOUM de la Division Hydrocarbures et Mines de la Banque Mondiale, pour leur appui technique et financier à la réalisation de ce travail de recherche. Mes remerciements vont également à Kodjo Evlo, Mawuli Couchoro, Ega Agbodji de la FASEG Lomé, ainsi qu’à Komla Mally et Stéphane Lanié pour leur évaluation constructive. 2 Enseignant_chercheur FASEG/ université de Lomé 28 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1 Introduction Beaucoup de pays riches en ressources minières ont su transformer leur richesse naturelle en avantage économique et social, alors que d’autres ont souffert du phénomène dit de la malédiction des ressources caractérisé par une croissance économique stagnante, la mauvaise gouvernance et autres problèmes. Bien que ce n’est pas un phénomène nouveau, son potentiel à devenir plus répandu et plus profondément inébranlable a augmenté significativement ces dernières années, comme la hausse des cours des matières premières qui a amené beaucoup de pays à devenir dépendants des exportations des produits minéraux. Etant donné que l’incertitude économique grandissante pousse à la baisse les prix des matières premières, beaucoup de ces pays pourraient être dangereusement exposés. Une étude publiée par Oxford Policy management (Haglund, 2011) montre que le nombre de pays en développement dépendant de ressources minières est passé de 46 à 61, soit une croissance de 30% entre 1996 et 2011 ; en outre, elle révèle que 50% de ces pays sont d’Afrique. La concentration géographique des ressources naturelles amène certains pays à en être dépendant en raison de son abondance. L’abondance ou la dépendance s’explique par la part disproportionnée du produit dans les exportations totales ou dans le PIB du pays, ce qui devrait conduire à un impact positif sur la croissance et donc le développement économique. Et c’est l’absence de cette corrélation positive qui occasionne le ‘paradoxe de l’abondance’ ou ‘malédiction des ressources’. Le secteur minier togolais comporte des ressources naturelles autres que le phosphate. Il s’agit notamment du fer et de produits dérivés du calcaire tels que le clinker servant à produire le ciment. En effet, le Togo produit et exporte des produits agricoles (coton, café, et cacao) et miniers (clinker/ciment, et phosphate). Ces produits primaires ont généré au moins 60% des recettes d’exportations du pays jusqu’en 2000. Cette performance s’est dégradée depuis 1989 avec une baisse des exportations de phosphate alors que les exportations totales augmentaient. Ces dix dernières années, le phosphate a perdu sa place dans la structure des exportations au profit d’autres produits comme le coton et le ciment/clinker. Essentiellement exporté, la production du phosphate a culminé à 3,3 millions de tonnes en 1989 avant de connaître une baisse régulière. En 2009, la production n’est que de 0,73 million de tonnes soit 22% de son niveau de 1989. Contrairement aux décennies qui ont suivi les indépendances, sur la période 1990-2009, les exportations du phosphate ont perdu leur importance dans l’économie togolaise. De 38% des exportations et 6% du PIB sur la période 1990-1999, le phosphate n’en représente que 14% et 3% respectivement durant la 28 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1 décennie 2000-2009. Le graphique suivant montre la corrélation positive et directe entre les revenus engendrés par le secteur des phosphates et la croissance économique. Sur les vingt dernières années, le PIB croit régulièrement. Malgré la chute drastique de la production du phosphate enregistrée de façon continue entre 1998 et 2007, la production et les revenus ont enregistré un taux de croissance moyen annuel de 5% à partir des années 2000. Graphique 1 : Evolution du produit intérieur brut (PIB), de la production et des exportations de phosphate sur la période 1960 – 2009. Sources : Ministère de l’Economie et des Finances/DE (2011)3et PNUD4-Togo (2010). Note : « mio FCFA » indique « million de FCFA ». A partir de 2007, les exportations du phosphate ont rebondi pour atteindre 70,0 milliards de FCFA. Cette performance relève toutefois d’un effet-prix5 car la production est en baisse6 depuis 1990 en raison notamment d’une conjugaison de facteurs relevant de la vétusté de l’outil de production, et de la baisse de la demande extérieure du fait essentiellement du désengagement des principaux clients européens pour des mobiles environnementaux, notamment la présence du cadmium7 dans le phosphate togolais. Considéré comme un secteur de soutien à la croissance et un produit stratégique dans la politique extérieure du pays (DSRP-C, 2009)8, le secteur du phosphate fait l’objet d’un suivi régulier par les pouvoirs publics. En effet, depuis l’exploitation marchande du phosphate au début des années 1960, le phosphate continue d’être une ressource minière stratégique en raison de sa part importante dans les exportations et de sa contribution significative au produit 3 Données du cadre macroéconomique à fin 2010. Programme des Nations Unies pour le Développement. 5 Le prix de référence du phosphate qui était en moyenne de 40 $US/tonne sur la période 1990-2005, a été multiplié par 1,8 ; 8,7 et 3,0 respectivement en 2007 ; 2008 et 2009. 6 Réf. UNCTAD (2008, p. 1) : la faiblesse de l’offre est le principal frein aux exportations africaines. 7 Le cadmium est un produit toxique pour l’agriculture, même si le phosphate togolais est très riche en phosphore, soit 79% BPL. Le BPL (Bone Phosphate of Lime) est l’unité de mesure de la qualité ou teneur en phosphore, élément qui indique la pureté du produit phosphate. 8 Document complet de stratégie de réduction de la pauvreté (DRSP-C). 4 28 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1 intérieur brut (PIB). En effet, le phosphate contribue à plus de 40% des exportations et environ 10% du PIB. Il demeure important dans le secteur minier même si sa valeur ajoutée relative est en baisse passant de 78% à 59% entre 2000 et 2009. Afin de consolider les bases d’une croissance forte et durable et assurer une bonne gouvernance, des reformes structurelles des entreprises publiques ont été engagées touchant le secteur du phosphate. Ainsi, depuis 2010, le Togo est officiellement engagé dans l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE). De même, avec l’appui des bailleurs de fonds institutionnels, le gouvernement a réalisé en 2009-2010 une étude stratégique pour notamment accroitre le niveau de production du gisement actuel, exploiter d’autres sources de production et transformer sur place en acide phosphorique le phosphate carbonaté brut à l’horizon 2017. En ce qui concerne le cas du Togo, bien qu’exportant beaucoup de phosphate, le pays est passé du groupe des PMA au début des années 80 au groupe des PPTE au début du 21èmesiècle. Et cette situation semble militer à la présomption de la malédiction des ressources naturelles. En effet, le Togo produit et exporte des produits agricoles (coton, café, et cacao) et miniers (clinker/ciment, et phosphate). Ces produits primaires ont généré au moins 60% des recettes d’exportations du pays jusqu’en 2000 et le phosphate à lui seul contribue à plus de 40% des exportations et environ 10% du PIB. Considéré comme un secteur de soutien à la croissance et un produit stratégique dans la politique extérieure du pays (DSRP-C, 2009), le secteur du phosphate fait l’objet d’un suivi régulier par les pouvoirs publics. En effet, depuis l’exploitation marchande du phosphate au début des années 1960, le phosphate continue d’être une ressource minière stratégique en raison de sa part importante dans les exportations et de sa contribution significative au produit intérieur brut (PIB). Nonobstant l’importance du phosphate dans la stratégie de développement basée sur les exportations, peu d’études ont analysé voire mesuré de manière quantitative l’impact de cette ressource sur l’économie togolaise. L’objectif principal dans cette étude est d’analyser la contribution de l’exportation du phosphate au développement économique. Spécifiquement, il s’agit d’analyser l’impact de l’exportation du phosphate sur le développement économique du Togo. Précisément, nous cherchons à vérifier l’hypothèse selon laquelle l’exploitation du phosphate au Togo à un impact significatif sur son développement économique. 28 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1 La suite du document fera d’abord (1) une revue de la littérature pertinente du lien entre ressources naturelles, exportations et développement économique en vue de ressortir (2) le cadre analytique conduisant (3) aux résultats et leurs interprétations. 1. Ressources naturelles, exportations et développement économique Il est généralement admis que l’abondance en ressources naturelles ne conduit pas nécessairement à la prospérité économique (WTO, 2010). Plusieurs analyses ont été faites sur l’importance et l’effet des exportations des ressources naturelles sur le développement économique. La plupart de ces études montrent que la relation entre ressources naturelles et croissance reste controversée; en particulier, elle peut conduire à un paradoxe, être positive, ou aboutir à une conclusion mitigée selon les cas visités par les auteurs. De l’abondance au paradoxe : le syndrome hollandais et la malédiction des 1.1. ressources La théorie relative au rôle des ressources naturelles dans le développement est souvent basée sur l’apport de Heckscher-Ohlin (1949 ; 1933) sur la dotation factorielle, l’hypothèse du syndrome hollandais, l’importance de la qualité des institutions et les situations de conflits.9 Les théories classique et néoclassique du commerce international enseignent que chaque pays se spécialise dans la production et donc l’exportation du bien utilisant intensément le facteur de production dont il est abondamment doté (Heckscher-Ohlin, op. cit.). Cette théorie étend le concept de facteurs de production aux ressources naturelles et sert de support aux stratégies d’exportation des produits primaires, naturels ou bruts. Toutefois ces stratégies exposent l’économie aux chocs extérieurs (termes de l’échange, fluctuation des prix et des recettes) et confinent aussi les pays dans des secteurs à faibles potentialités et à faible valeur ajoutée (Gillis et al, 1998). Une autre source atteste que l’abondance en ressources naturelles n’est pas souvent favorable à la croissance et au développement. En effet, les ressources naturelles peuvent être contre-productives et conduire au phénomène dénommé communément le « paradoxe de l’abondance » (WTO, 2010). Le « paradoxe de l’abondance » est souvent caractérisé par la dominance d’un produit d’exportation de rente qui engendre des perturbations dans l’économie : inflation, désindustrialisation, etc. L’abondance ou la dépendance des ressources naturelles quand elle est mal suivie peut nuire à la performance d’une économie (WTO, 2010). Une autre 9 Le Togo n’a pas connu à proprement parler de conflit dans l’exploitation du phosphate. 28 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1 interprétation est fondée sur le « syndrome hollandais » ou « Dutchdisease » (Corden, 1984). L’explication donnée relève du théorème de Rybczynski qui se caractérise par la croissance d’une ressource abondante utilisée intensément dans la production d’un bien, entrainant une augmentation de la production du bien et la diminution de celle des autres. Ce phénomène est aussi mis en évidence très tôt par Bhagwati en 195810 sous l’appelation de « croissance appauvrissante ». Auty (1990) est l’un des auteurs à avoir le mieux mis en évidence le phénomène de la malédiction des ressources. L’auteur fait une analyse transversale de l’industrialisation à base des ressources naturelles et conclut qu’une telle stratégie associée à des projets intensifs en capital est inefficace si les prix de vente attendus sont bas. De même, Sachs et Warner (1995) montrent que les pays abondant en ressources en 1970 ont connu une faible croissance au cours des 20 années suivantes. Ils expliquent que la faible performance entre autre par l’abondance des ressources qui diminuerait la valeur totale des exportations du fait de la baisse des prix engendrée par l’offre excédentaire sur le marché (Sachs et Warner, 2001). Van Wijnbergen (1984) développe le premier modèle macro-économique démontrant comment une ressource naturelle (le pétrole) peut réduire le revenu national à travers le « learning-by-doing »11. Pour l’auteur, l’exploitation et l’exportation génèrent des revenus supplémentaires dont une partie est dépensée en consommation de bien non échangeables. Il s’en suit une croissance de la demande de ces derniers, tirant les ressources hors des secteurs des échangeables et réduisant la production des biens échangeables. Le secteur en déclin à son tour implique moins de « learning-by-doing » et une plus faible croissance de la productivité qu’il ne le serait autrement. Cet effet peut être suffisamment prononcé pour contrebalancer la croissance initiale de revenu que la découverte de la ressource a généré. 1.2. Ressources naturelles et croissance économique Pour les conséquences positives, Gylfason (2008) soutient qu’une dépendance excessive vis-à-vis de quelques ressources peut nuire à la croissance, et l’abondance en ressources naturelles, en cas de gestion judicieuse, peut être favorable à la croissance. Avec une régression sur des données de panel, il trouve qu’en fonction de la qualité des institutions, le poids des ressources naturelles favorise la croissance dans les pays développés contrairement aux pays en développement. Il conclut que la diversité, donc la non-dépendance, favorise la 10 Bhagwati J. (1958). «Immiserisinggrowth : a geometrical note ».Review of Economic Studies25:201-205. Le « learning-by-doing » est un phénomène de l’accumulation des connaissances par apprentissage. 11 28 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1 croissance. D’autres auteurs ont mis en exergue le rôle des institutions (Rodrik et al, 2004 ; Torvik, 2009). Torvik (2009) aboutit à la conclusion que les ressources naturelles ne favorisent la croissance que si les institutions sont de bonne qualité opérationnelle. En effet, une bonne gouvernance et le choix de politiques économiques adéquates permet de mieux gérer les revenus des ressources naturelles et de les réinvestir dans des secteurs productifs et d’éviter aussi les phénomènes de corruption. Pour Auty (1990), l’industrialisation à base des ressources peut entraîner une efficacité à long terme, avec des conditions micro et macroéconomiques favorables à une réforme financière. Selon Stijns (2001), l’abondance en ressource favorise l’accumulation du capital humain et détermine la différence de croissance entre pays. Il encourage les pays à exploiter leurs ressources naturelles. La mobilité internationale du capital est plus favorable aux pays abondants en ressources naturelles, ayant un niveau d’éducation élevé et une démographie dynamique (Clemens et Williamson, 2001). Au niveau empirique, Hussain et al. (2009) analyse la contribution des ressources naturelles à la croissance au Pakistan et trouvent que ces ressources ont un impact négatif sur la croissance. De même, Saviotti et Frenken (2008) effectuent une étude similaire appliquée aux pays de l’OCDE12 en examinant la relation entre la variété des exportations et le développement. Ils arrivent à la conclusion que la diversification intra-sectorielle influence plus rapidement la croissance que la variété intersectorielle,13 et que l’environnement économique international influence le sentier de croissance. Dans son application sur le Togo, Amadou (2009), à l’aide d’une fonction de production classique augmentée des exportations, démontre que l’accroissement des exportations totales est favorable à la croissance, contrairement à l’instabilité des exportations. 1.3. Effets mitigés Toutefois, certaines analyses aboutissent à des conclusions mitigées ou à l’existence d’effets indirects ou conditionnels. Medina-Smith (2001), à l’aide d’une fonction de production néoclassique augmentée par l’inclusion de l’indicateur des exportations, trouve que l’effet positif des exportations sur la croissance n’est pas robuste. Modise (2000), dans l’analyse de la gestion de ressources générées par le diamant au Botswana, observe que la 12 Organisation pour la Coopération et le Développement Economique (OCDE). Ainsi, il est plus optimal pour un pays de se concentrer sur un seul secteur et de produire plusieurs produits que de produire plusieurs produits de différents secteurs. 13 28 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1 ressource naturelle n’a d’effets positifs que si les revenus générés sont réinvestis pour améliorer le capital productif et favoriser la diversification de l’économie. En outre, l’instabilité ou la composition des exportations jouent un rôle majeur. Même si la plupart des études mettent en évidence les conséquences négatives de la dotation en ressources naturelles, certaines reconnaissent le bienfait qu’elles procurent. La solution n’est pas évidente mais complexe et implique la prise en compte de facteurs de gouvernance ou de politique économique (Stevens, 2003). En effet, après avoir indiqué que les canaux de transmission de l’effet des ressources naturelles sur l’économie n’est pas direct, l’auteur énumère deux catégories de facteurs : les facteurs favorisants et les facteurs défavorisants. Au rang des facteurs défavorisants, il identifie de manière plus compréhensive la détérioration à long terme des termes de l’échange, la volatilité des recettes, l’appréciation du taux de change réel ou « Dutchdisease », l’effet d’éviction, l’influence négative que peut avoir un Etat (mauvaises décisions, corruption et recherche de rente, choix inadéquat dans la hiérarchisation des investissements, manque de politique industrielle ou de vision), les aspects socioculturels et politiques. Les facteurs favorisants sont : la diversification, la stérilisation des revenus, la stabilisation des recettes, la politique d’investissement, et les réformes politiques. Aussi Kronenberg (2004) arrive-t-il à la conclusion que nombreuses sont les expériences qui montrent que la possession de ressources est nécessaire mais pas suffisante pour assurer la prospérité des pays. 2. Cadre analytique En relation avec les objectifs, la présente étude utilise deux approches : une approche statistique et une approche économétrique. 2.1. Abondance et dépendance L’analyse statistique concerne la détermination des périodes d’abondance et de dépendance en phosphate du Togo. Les notions d’abondance et de dépendance en ressources naturelles sont interdépendantes dans la mesure où l’abondance peut conduire à la dépendance. En référence à Auty (1990), Sachs et Warner (2001), un pays est abondamment doté en une ressource ou en un produit si : i) il offre une grande variété de produits ; ii) la part du produit dans les exportations est élevée ; iii) la part du produit dans les exportations totales excède sa part dans le PIB. 28 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1 La notion de dépendance quant à elle correspond à la situation d’un pays où le secteur des ressources naturelles ou un produit occupe la place la plus importante du PIB.14 Alors pour apprécier l’abondance ou la dépendance du pays vis-à-vis du phosphate, nous calculons les indicateurs mesurant la part des exportations d’un produit i ( EXPi ) dans les exportations totales ( EXP ) et dans le PIB ( ECO ) qui sont déterminés selon les formules suivantes: EXPEXPi EXPECOi EXPi 100 (1) EXP ECOi 100 (2) PIB Soit n , le nombre total de produits exportés. L’appréciation de l’abondance et de la dépendance en ressources naturelles est faite en comparant la part des exportations du produit considéré dans les exportations totales à la part moyenne des exportations du produit 100% % et au poids des exportations du produit dans le PIB n Un produit quelconque i est dit abondant en ressources naturelles si la condition suivante est vérifiée : EXPEXPi EXPi 100% 100 % (3). EXP n Cette condition couplée par l’équation (2) donne la condition de dépendance en ressources naturelles suivante : EXPEXPi ,t % EXPECOi ,t (4) Pour qu’un pays soit dépendant d’un produit, il faut qu’il soit le plus important de tous les produits ; autrement dit, si p désigne le phosphate, pour tout i = 1, …, n, le pays est dépendant du phosphate si : i p, EXPEXPp ,t max i ( EXPEXPi ,t ) (5) i p, EXPECO p ,t max i ( EXPECOi ,t ) (6) Des tests statistiques de comparaison de moyennes sont utilisés pour apprécier l’abondance et la dépendance. Ces tests prendront en compte la variabilité élevée des données. Autrement dit, il n’y a pas de ressource aussi importante que la ressource considérée. La dépendance peut se mesurer aussi par la part des ressources dans les recettes fiscales au cas où l’exploitation n’est pas sous le contrôle direct de l’Etat. Toutefois, les données sur la contribution du phosphate au budget de l’Etat ne sont pas disponibles. 14 28 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1 Cette analyse statistique est précédée d’une analyse graphique qui permettra aussi d’apprécier l’importance du phosphate dans l’économie togolaise. 2.2. Analyse économétrique L’approche économétrique porte sur une régression linéaire générale du PIB/habitant sur un indicateur d’exploitation du phosphate et sur la qualité institutionnelle du Togo.. Les tests statistiques concernant l’analyse de corrélations simples et les tests non paramétriques (rang de Spearman (1904) et Kendall (1955)) ont été faites. Pour évaluer l’impact du phosphate, on utilise une fonction de croissance augmentée telle que définie par Sachs et Warner (1997), Medina-Smith (2001), Hussain et al (2009) et Amadou (2009). L’avantage de cette méthode réside en l’établissement d’un lien direct entre les exportations et le PIB. En outre, le modèle prend en compte la ressource naturelle et la qualité des institutions. L’équation estimée est la suivante : PIBHABt 0 1TRAVAILt 2 INVESTt 3 PHOSPH t 4QUALITEt t (7) où les i sont les coefficients à estimer, t désigne les années et PIBHAB, TRAVAIL, INVEST, PHOSPH, et QUALITE sont respectivement les indicateurs du niveau d’activité économique nationale ou de développement (PIB par habitant), de population en âge de travailler, d’investissement ou formation brut du capital fixe, l’indicateur d’exploitation du phosphate, de qualité des institutions/politiques et t , le terme d’erreur. La technique d’estimation utilisée est la méthode généralisée des moments (GMM. La méthode GMM permet d’obtenir des estimateurs robustes sans tenir compte de la distribution exacte des variables. Les variables sont normalisées pour l’année de référence 1990 pour éviter le risque de présence d’effet de seuil. Si on désigne par variable normalisée est donnée par la formule suivante : Xt Zt (8) Z1990 Les effets marginaux sont donnés par les expressions suivantes : Yk ,t Y1990 k Yk ,t k 28 X k ,t X1990 (9) ; Y1990 X k ,t (10) X 1990 la variable non normalisée, la Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1 2.3. Variables et données Les variables utilisées pour l’analyse sont toutes présentées dans l’Error! Reference source not found.. La variable à expliquer est le produit intérieur brut nominal par habitant (PIBHAB), mesure du niveau d’activité de l’économie ou le niveau de développement du pays. La variable d’intérêt est un indicateur d’exploitation du phosphate (PHOSPH). A la différence des modèles antérieurs, l’indicateur de phosphate est mesuré par des variables muettes et le prix du phosphate. A partir des indicateurs EXPEXP et EXPECO, les variables muettes sont définies en fonction des périodes d’abondance et de dépendance de la façon suivante : DUMABOt 1 si abondance, et DUMABOt 0 sinon ; DUMDEPt 1 si dépendance et DUMDEPt 0 sinon. L’indicateur de prix (le prix du phosphate en FCFA ou en DOLLAR) capte l’effet des facteurs internationaux de prix du phosphate, facteurs qui ne sont pas pris en compte par les variables travail (TRAVAIL) et capital (INVEST). Les variables de contrôle sont le travail ou population en âge de travailler (TRAVAIL), l’investissement (INVEST) et la qualité des institutions (QUALITE). Le travail est représenté par la population active. L’investissement est la formation brute du capital fixe. La qualité des institutions (polity2 et durable) est mesurée par les indicateurs de gouvernance politique et institutionnelle.15 Les scores extrêmes sont +10 pour un pays très démocratique et -10 pour un pays très autocratique. Durable (QUADUR) mesure le nombre d’années qu’a duré un régime politique. Les données proviennent principalement des bases de données macroéconomiques sur le Togo du PNUD (2010), bases de données compilées à partir des annuaires statistiques de la Direction Générale de Statistique et de la Comptabilité Nationale (DGSCN) par la FASEG pour le PNUD. Elles sont complétées par des annuaires statistiques de la DGSCN 1987 à 2008, et des annuaires 2005 et 2006 de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) ainsi que par les données du cadre macroéconomique de la Direction de l’Economie (2010) et de World Development Indicators (2010). Les données sur la qualité des institutions (polity2) proviennent de la base du Center for Systemic Peace (CSP) en 2009. Polity2 (QUAPOL) permet d’apprécier le caractère autoritaire des institutions et des politiques de bonne qualité (démocratie) permettraient de relancer le secteur et de permettre le développement du pays. 15 28 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1 3. Impact du phosphate sur le développement économique Après la description et l’évolution des données et indicateurs ainsi que de leur évolution, les outils statistiques et économétriques sont utilisés. 3.1. Evolution de la structure des exportations L’évolution de la composition des exportations ( 28 ) montre que la part du phosphate dans les exportations a connu deux grandes phases d’évolution. Une hausse de 0,4% des exportations totales en 1961 à 57% de 1989 a été enregistrée, avec un pic à 76% en 1973 du fait du choc favorable des prix. La part du phosphate est restée prépondérante de 1973 à 1992. Avant 1973, le café et le cacao étaient les deux principaux produits d’exportation. Entre 1993 et 2000, le coton a concurrencé le phosphate. A partir de 2001-2002, le clinker, le ciment et les autres produits contribuent plus aux recettes d’exportations du pays. Graphique 2 : Part des produits dans les exportations de 1960 à 2009 (% des exportations totales) 90 80 70 60 50 40 30 20 10 expexp_cac expexp_cot expexp_cli expexp_cim expexp_pho 2008 2006 2004 2002 2000 1998 1996 1994 1992 1990 1988 1986 1984 1982 1980 1978 1976 1974 1972 1970 1968 1966 1964 1962 1960 0 Graphique 3 : Poids des produits d’exportation dans l’économie (% du PIB) La part et le poids des exportations du phosphate dans les exportations totales et dans le PIB (Graphiques 2 et 3) ont évolué relativement ensemble. La place du phosphate a augmenté en moyenne jusqu’en 1988-1989 suivi d’une baisse sur les 20 dernières années. Les premières exportations du phosphate ont commencé en 1961. A partir de 2003, l’industrie du phosphate connu une mauvaise performance due notamment à la mauvaise gestion. La part du phosphate dans l’exportation a excédé son poids dans le PIB sur toute la période de l’étude. Ainsi, sur les 49 années, le phosphate est resté abondant de 1963 à 2002 puis en 2009 soit sur 40 ans (Graphique 4). Graphique 4 : Evolution des parts du phosphate dans les exportations totales et dans le PIB (données normalisées à 100) Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1 Au total, le phosphate a été important dans le développement économique du Togo sur la période 1966-1999, malgré une contre performance enregistrée depuis 1990. Au cours de la décennie 2000, le clinker, le ciment et le coton sont devenus des produits concurrents du phosphate. 3.2. Analyse de l’abondance et de la dépendance L’analyse de l’abondance et de la dépendance est faite au moyen d’une analyse graphique et des tests statistiques. Pour la détermination des périodes d’abondance et de dépendance, l’analyse graphique (Graphique 4) montre que le pays est dépendant du phosphate pendant 32 ans sur les 49 ans d’exploitation (65,3%) et que ces périodes correspondent exactement à celles de dépendance commerciale. Il ressort que le phosphate reste une ressource abondante de 1961 au début des années 2000. Durant cette période, le Togo a été dépendant économiquement et commercialement du phosphate en 30 années sur 40, soit 75% des cas. Tableau 1 : Périodes d’abondance et de dépendance vis-à-vis du phosphate Situations Années correspondantes Durée Abondance 1963-2002, 2009 41 ans Dépendance 1965-1968, 1971-1994, 1997, 1998, 2000, 2009 32 ans Le Togo exporte six (6) produits principaux dont 3 variétés de produits agricoles (café, cacao, coton) et 3 variétés de ressources naturelles (clinker, ciment et phosphate) et d’autres produits mineurs. L’importance d’un produit est appréciée en comparant la part des exportations du phosphate à la statistique soit : 100 14, 29% 15% .16 6 1 Les résultats des analyses descriptives sont vérifiés par les tests statistiques de comparaison des moyennes17. Les tests indiquent que le pays est abondant mais pas dépendant vis-à-vis du phosphate. En effet, à part des exportations (EXPEXP) représente en moyenne 34,2% (plus du 1/3) des exportations totales (EXPORT) et sur toute la période d’étude, 16 Par ailleurs, on peut noter que le Fonds monétaire international donne un seuil de 25% pour apprécier la dépendance (voir l’étude de Dan Haglund : « Blessing or curse? The rise of mineral dependence among low- and middle-income countries », December 2011, Oxford Policy Management, www.opml.co.uk. 17 Les tests sont faits à l’aide du logiciel Stata. 28 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1 EXPEXP excède EXPECO. Ainsi, le phosphate est une ressource abondante pour le Togo. Cette part de 34,2% est supérieure au seuil de 25% retenu par Dan Haglund (op. cit.). Sur la période 1961-2009, globalement, la part des exportations du phosphate dans l’économie (EXPECO) est de 6,7% du PIB ; et aucun produit n’a une part plus importante dans le PIB sur les 49 ans. De même, EXPEXP représente 34,2% d’EXPORT et la part d’aucun des 5 autres produits n’est plus importante sur cette période. Cette situation a relativement changé avant et après 1989 et surtout à partir de 2000. En effet, les tests indiquent qu’avant 1989, le phosphate est prépondérant dans le PIB dans 99,99% des cas alors que sur la période 19892009, 63,87% des cas soit 12 ans sur 20. Durant la décennie 2000, le phosphate a perdu 99,64% de sa place au profit d’autres produits (le clinker, le ciment, et, dans une moindre mesure, le coton). En ce qui concerne la dépendance vis-à-vis du phosphate, les tests statistiques montrent une forte corrélation positive entre l’abondance et la dépendance (le coefficient de corrélation est de 88,75%) mais l’existence d’une relation de cause à effet entre les deux phénomènes est rejetée, impliquant que le Togo n’est pas ‘’fortement’’ dépendant du phosphate. En substance, le Togo présente une situation d’abondance en phosphate depuis le début des années 1960 mais est relativement moins en moins dépendant de ce produit à partir de 1990 et surtout à partir de la décennie 2000. Même si cette situation de dépendance relative du phosphate est réduite à partir de 1990, la faible performance des autres produits permet au phosphate de garder sa place de choix. 3.3. Impact de l’abondance et de la dépendance relative du phosphate sur le développement économique. Etant donné l’hétérogénéité des grandeurs des données et pour éviter les effets d’échelle liés à la disparité de l’étendue des données des variables, une normalisation est faite avec pour base l’année 1990 qui est celle à partir de laquelle les performances du phosphate ont commencé par se dégrader. 3.3.1. Analyse de l’impact de l’exploitation du phosphate sur le développement économique Le modèle de régression préconisé diffère de celui des études antérieures par la prise en compte d’un produit particulier (le phosphate) et non l’ensemble des exportations ou encore des exportations primaires par rapport aux exportations des produits manufacturés ou 29 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1 encore leur part dans le PIB. Compte tenu des résultats d’analyse de corrélation, le modèle ne prend en compte que les variables en proportion EXPEXP et EXPECO. Toutefois, pour mesurer l’effet-prix ou du taux de change, on utilise PFCFA et PDOLLAR. En fonction des périodes d’abondance et de dépendance du phosphate, des tests de stabilité seront faits pour apprécier la robustesse des paramètres estimés..18 Les résultats retenus (Error! Reference source not found.) considèrent les niveaux d’intégration les plus fréquentes (2 options sur 3). La présence de trend et/ou d’interception est le deuxième critère. Enfin, on recourt aux types de test IPS et au besoin à FADF qui prime sur FPP du fait que le PP est plus applicable aux petits échantillons. Tableau 2 : Résultats des tests de stationnarité Degré Probabilités Nombre de retards d’intégration Invest I(1) 0,0000* 0 Pdollar I(0) 0,0108* 2 Pfcfa I(1) 0,0000* 0 Pibhab I(2) 0,0000* 0 Quadur I(1) 0,0000* 0 Quapol I(1) 0,0001* 0 Travail I(2) 0,0000* 0 * indique le rejet de l’hypothèse nulle de présence de racine unitaire. Variables Tendance Constante Constante Aucune Tendance Aucune Aucune Aucune Tendance D’après les résultats des tests, hormis la variable PDOLLAR qui est I(0) et les variables PIBHAB et TRAVAIL qui sont I(2), les autres variables sont I(1). Les tests de cointégration sont appliqués à 5 modèles : sans indicateurs de phosphate (modèle de base), la variable indicatrice de l’abondance (modèle 1), la variable indicatrice de la dépendance (modèle 2), le prix en FCFA (modèle 3) et le prix en dollar (modèle 4). Les résultats montrent l’existe d’au moins une relation de long terme entre les variables. La prise en compte du nombre de retards n’améliore pas les résultats. Les tests usuels sont faits sur les régressions pour s’assurer de la vividité des modèles. Le tableau 4 indique que seul le prix domestique du phosphate a un effet significatif sur le niveau de développement économique mais l’effet multiplicateur est faible (Modèle 3). La situation d’abondance (Modèle 1) ou de dépendance (Modèle 2) ainsi que le prix en dollar du phosphate (Modèle 4) ne sont pas déterminants dans le niveau de développement économique du Togo. . Une hausse du prix domestique de phosphate de 1 FCFA entraîne une amélioration de 0,15 du PIB par habitant. Les tests sont faits avec le logiciel Eviews qui permet d’appliquer les tests pour chaque variable avec les options « Im Pesaran et Shin » (IPS), Fisher - AugmentedDickey-Fuller (FADF) et Fisher - Phillips-Perron (FPP). Pour la détermination du nombre de retards, « ModifiedHannan-Quinn », la plus récente des options ou une sélection automatiqueest utilisée. Les options antérieures sont les critères d’Akaike et de Schwarz. 18 30 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1 Par ailleurs, si la durabilité des régimes a un effet favorable, il est à noter que moins le régime est autoritaire, moins le PIB est élevé. Les facteurs de production traditionnels (travail et capital) ont un effet positif et significatif sur le PIB. En outre, l’investissement n’a pas d’effet significatif sur le développement économique, contrairement au travail Tableau 3 : Résultats des régressions Variables Modèle 0 (sans phosphate) 0,93* 0,57 Travail Invest Phosph Quadur 0,1 Quapol -0,68* Constante 31,95 R² ajusté 97,85% DW 0,57 *indique une significativité à 5%. Modèle 1 (DUMABO) Modèle 2 (DUMDEP) Modèle 3 (PFCFA) Modèle 4 (PDOLLAR) 0,93* 0,57 0,00 0,12 -0,70* 31,78 97,84% 0,58 0,86* 0,60 -0,13 0,23 -0,77* 46,33* 98,01% 0,69 0,89* 0,52 0,03* 0,14 -0,77* 39,3 97,94% 0,57 0,92* 0,56 0,01 0,10 -0,69 32,95 97,85% 0,56 La rémunération des facteurs de production est plus ou moins significative du travail au capital. Pour la relation positive significative du premier facteur, elle relève des dépenses de consommation effectuées par les travailleurs du secteur avec une demande et donc une production plus élevée en biens et services. La même interprétation économique est valable pour les détenteurs de capitaux. Pour le prix domestique, la tendance à la hausse du taux de change du dollar en FCFA explique l’effet positif sur la production dans la mesure où les agents auraient un pouvoir d’achat plus élevé. Toutefois, l’effet positif conjugué de ces variables explicatives sur le développement est amplifié ou atténué par la durabilité des régimes politiques et la qualité des institutions qui riment avec une mauvaise gouvernance. Le rapprochement de cette dernière explication de l’impact insignifiant de l’abondance du phosphate sur le niveau de vie du togolais moyen est frappant ; en effet, depuis 2000, les données statistiques ne signalent nulle part et sur la période d’étude de la contribution des recettes d’exportation du produit via les recettes fiscales ou autres financements du développement économique.19 Le Tableau 4 présente les effets de changement de nature du phosphate sur le développement économique pour les périodes 1960-1990 et 1990-2009. Les analyses précédentes ont montré que le pays est abondant et non dépendant en phosphate même si sa place régresse cette dernière décennie sur le fait principalement de la baisse du niveau de production depuis 1990. Et l’adhésion du Togo à l’EITI en 2010 peut indiquer l’existence de détournement soutenu des opportunités de la croissance et de développement par la grande corruption. 19 31 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1 Tableau 4 : Effets du changement de nature du phosphate sur le développement Modèle 1 Modèle 2 Modèle 3 Modèle 4 Périodes (DUMABO) (DUMDEP) (PFCFA) (PDOLLAR) 1960-2009 0,00 -0,13 0,01 0,03* 1960-1990 (a) -0,04 -0,01 0,03 -0,02 1990-2009 (b) 0,03 -0,07 0,00 -0,01 Rupture (a et b) Non Non Non Non On remarque que globalement, comparativement aux deux sous-périodes, la place du phosphate n’a pas été modifiée. Mais, le prix domestique du phosphate n’est pas déterminant sur les 2 sous-périodes et quasi-nul sur la période 1990-2009. Conclusion L’étude a eu pour objectif d’évaluer l’importance du phosphate dans le développement économique du Togo. Les méthodes d’analyse d’ordre statistique et économétrique utilisées ont donné des résultats concordants. Les tests statistiques ont consisté à la comparaison des moyennes et à l’analyse des corrélations. La méthode GMM a été retenue dans l’analyse économétrique. Les résultats de l’étude permettent de conclure que, malgré son importance dans les exportations et le PIB, le phosphate est une ressource abondante qui n’a pas jusque là mis le Togo dans une situation de dépendance.. En effet, bien que le phosphate soit abondant depuis les débuts des années 1960, il l’est de moins en moins à partir de 1990 et surtout durant la dernière décennie. Toutefois, la faible performance économique des autres produits permet au phosphate de garder sa place de choix même si au cours de la décennie 2000, le clinker, le ciment et le coton sont devenus des produits concurrents. Les résultats montrent aussi que les rémunérations du facteur travail, le phosphate et la gouvernance influencent significativement le développement économique. Mais, cet impact est dérisoire pour le phosphate malgré que le Togo soit abondant en phosphate. En outre, l’effet négatif de la gouvernance vient fortement atténuer celui des deux autres déterminants. Il en ressort que le phosphate ne mérite pas une place de choix dans la stratégie de croissance. Il serait donc primordial que la chaine des valeurs du produit soit améliorée par la prise en compte du facteur gouvernance dans le cadre de l’ITIE et la transformation de la ressource en acide phosphorique et engrais phosphatés en vue de mieux contrôler l’instabilité des prix 32 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n°1 Références Amadou A. (2009). Analyse de l’effet de l’instabilité des exportations sur la croissance économique au Togo. Revue Africaine de l’Intégration. Vol. 3. No. 2, Octobre. 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L’adoption de ces stratégies procède d’une sous-estimation du système financier ou d’un manque de volonté de remédier à sa faible résilience. Or selon McKinnon (1973) et Shaw (1973), le développement de la sphère financière est une condition nécessaire au développement économique. Nous vérifions cette assertion dans le cas des pays de l’UEMOA en estimant un modèle GMM spécifié sur un panel dynamique couvrant la période 1960-2010. L’analyse met en perspective des indicateurs caractéristiques du développement interne du système financier et des variables agissant sur ses canaux de transmission. Soulignant l’impact négatif des Investissements Directs Etrangers (IDE) et de l’aide publique au développement sur la croissance, les résultats suggèrent d’accroître l’épargne domestique et les crédits à l’économie, aux fins de neutraliser les effets néfastes de ces variables et d’optimiser la contribution du système financier. Mots clés: croissance économique, système financier, méthode GMM. Classement JEL : 20 Enseignant chercheur à la FSEJ, Université Abdou Moumouni de Niamey 21 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 1-Introduction De 1960 à la fin des années 1980, la politique de développement dans les pays de l’UEMOA a été menée sous l’égide de l’État qui réglementait les activités économiques et prenait part aux tâches de production directes. Dictée par le niveau faible du secteur privé et financée par des capitaux extérieurs, cette stratégie a permis aux pays riches en ressources naturelles de relever le niveau de leur PIB. Mais en dépit d’un accès large et facile à l’épargne étrangère, leurs performances sont restées globalement modestes21 (Correa, 2004 ; Jones and Williams, 2012). Creusant les déficits et entravant l’initiative privée, la politique d’endettement et l’interventionnisme excessif de l’État ont eu raison de la croissance à long terme. Survenue au début des années 1980, la crise de la dette a exhumé les maux qui, des décennies durant, gangrenaient ces économies. Ainsi, sont apparus au grand jour l’ampleur des déficits, leur caractère insoutenable et l’incapacité du système financier à combler le vide laissé par les bailleurs de fonds étrangers lassés par la récurrence des échecs (Kpodar, 2003). Du fait de cette faible résilience du système financier, le financement de la croissance est devenu hypothétique en zone UEMOA. En effet, depuis de nombreuses années, ces pays peinent à se financer par les mécanismes et circuits de marché. Ayant une faible capacité de remboursement, ils doivent se contenter de l’aide publique au développement et des emprunts à taux concessionnels. Mais, après l’effondrement du « bloc de l’Est », même pour ces fonds, les sources de financement tendent à s’amenuiser, une bonne partie de l’aide destinée d’ordinaire aux pays du Sud étant absorbée par les pays d’Europe en transition vers l’économie de marché. À cela, est venue s’ajouter la forte demande en ressources énergétiques et financières des pays émergents consécutivement à leur croissance économique exceptionnelle (Glachant et al. 2010 p.10, CEA/UA, 2013 p.4). Dans le dernier tournant des années 2000, la situation s’est davantage aggravée, la crise des crédits hypothécaires ayant contraint la plupart des pays développés à s’endetter lourdement pour s’en sortir (Greiner, 2012), ce qui du coup a réduit les ressources devant revenir aux pays du Sud. 21 De 1968 à 1997, le taux de croissance moyen du PIB par tête des pays africains est de -0,5% contre 1,24% pour les autres PVD (Kpodar, 2003). 22 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 Du jour au lendemain donc, les pays africains ont dû réaliser l’impasse financière dans laquelle leur stratégie de financement extravertie les a plongés. Le moyen de s’en sortir, et d’accomplir leurs ambitions de développement, est de développer leur système financier. Car comme l’ont fait remarquer McKinnon (1973) et Shaw (1973), le développement de la sphère financière est une condition nécessaire au développement économique. L’objectif de ce papier est d’analyser les déterminants de l’efficacité du système financier dans les pays de l’UEMOA. Avant nous, de nombreuses études ont été réalisées dans ce cadre. Seulement, indépendamment des différences d’approches, de techniques d’estimation et des données utilisés, ces études ont le défaut de se focaliser quasi-exclusivement sur des déterminants financiers, négligeant ceux de l’environnement, singulièrement les variables de transmission, pourtant très décisives. L’originalité de cette étude est d’intégrer ces deux dimensions, le postulat étant qu’une influence forte ou faible du système financier sur la croissance peut avoir comme origine, soit le système lui-même, soit les canaux par lesquels il transmet ses effets à la croissance. Le reste du papier se décline comme suit : le deuxième point présente le système financier des pays de l’UEMOA, le troisième la revue de littérature, le quatrième le cadre méthodologique et le cinquième les résultats et leurs interprétations. 2-Définition et état des lieux du système financier des pays de l’UEMOA Un système financier est un ensemble cohérent de règles, de pratiques et d’institutions. Ces dernières sont des banques et établissements financiers, des compagnies d’assurance, des caisses d’épargne et centres de chèques postaux, d’institutions mutualistes d’épargne et de crédits et des bourses des valeurs mobilières. Leurs activités consistent à collecter des ressources financières, à les transformer et à les allouer à l’économie, ce qui leur confère, vis-à-vis des agents économiques, un rôle d’organisation, de sélection, de contrôle, d’orientation et d’incitation. Tout en garantissant sa durabilité, ces attributs permettent au système financier d’atteindre les effets escomptés sur les échanges, les risques, les coûts, la productivité et par conséquent sur la croissance. En Afrique subsaharienne, le système financier est-il parvenu à accomplir ces fonctions ? On peut en douter, car après une première période de relative croissance, l’envol du système a été brutalement interrompu au début des années 80 par une crise économique 23 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 sans précédent. Environ un quart des institutions ont été emportés. Les politiques de restructuration ont permis de reconstituer le système. C’est ainsi que d’une vingtaine de banques et d’établissements financiers en 1990 on n’en est arrivé à une cinquantaine en 1999 auxquels il faudrait ajouter les SFD (environ 279 en 1999). Ensemble, ils totalisaient une clientèle de 2 339 000 bénéficiaires, collectant une épargne de 100 milliards de FCFA et distribuant des crédits dont l’encours au 31 décembre 1999 est estimé à 97 milliards. De quelques centaines de titulaires de comptes, on est passé à 1 553 000 comptes en 1999 soit un taux de bancarisation de moins de 3%. En 2000, le nombre de banques et d’établissements financiers s’est établi à 91 dont 64 banques et 27 établissements financiers. Ils assuraient 600 guichets environ, soit un ratio de couverture géographique d’un guichet pour 115 000 habitants. Au 31 décembre 2000, on estimait à 4 186 milliards de FCFA les ressources collectées (81% de dépôts et emprunts et 12% de fonds propres) et à 3 951 milliards les emplois dont 72% de crédits à l’économie (Attinwassonou, 2011). En 2007, avec 92 banques agréées et une multitude d’institutions de micro-finance, le réseau s’est davantage densifié faisant ainsi passer le taux de bancarisation à 6,1%. En 2008, le réseau s’est encore élargi, 14 nouvelles institutions étant créées, soit un total de 96 banques et 20 établissements financiers. Par rapport à 2007, les comptes de la clientèle progressent de 36,6% (36% pour les comptes de particuliers et 42,3% pour les comptes des personnes morales). Le nombre de guichets passe de 600 en 2000 à 1 197 en 2008 (pour un total de 4 132 103 comptes). Comme on le voit, la densification du réseau s’est toujours accompagnée d’une mobilisation conséquente des ressources, donnant lieu à une importante transformation financière au profit des agents à un besoin de financement. Progressant au rythme annuel de 8,9%, les dépôts et emprunts se sont établis à 7 345 milliards en 2008. Par rapport à 2007, les crédits à la clientèle ont augmenté de 15,0% en 2008, s’établissant à 6 120 milliards. Les fonds propres nets se sont élevés à 850 milliards contre 732 milliards en 2007. En dépit d’un environnement international difficile, loin de s’estomper cette dynamique s’est poursuivie. Notre intuition est que ce développement financier exceptionnel des pays de l’UEMOA ne peut pas se faire sans produire des effets sur la croissance économique. Il est fort à parier qu’il a affecté le secteur privé et stimulé les investissements productifs. 24 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 3-Revue de littérature Cette revue s’articule autour de deux axes, élucider les liens entre croissance économique et secteur financier et identifier les variables et les mécanismes par lesquels ce dernier agit sur la croissance économique. Les voies par lesquels un système financier agit sur la croissance économique sont de six ordres selon Nord (2010): (i) développer les échanges de biens et services ; (ii) mobiliser les capitaux, capturer l’épargne et réduire le coût du capital ; (iii) allouer le capital aux emplois les plus productifs et, partant accroître la productivité globale ; (iv) accroître la liquidité et la diversification du risque ; (v) suivre les entreprises, produire et diffuser ex ante l’information relative aux investissements ; et (vi) améliorer les résultats des entreprises, réduire les barrières à l’entrée sur le marché et renforcer la concurrence. Le système financier réalise ces objectifs grâce à ses fonctions d’intermédiation de représentation, de transformation et la création monétaire. Elles sont justifiées tant par le souci de réduire les coûts de transactions conformément à l’« approche par les coûts » développée par Coase (1937) que par la nécessité de produire la sécurité et la liquidité suivant l’« approche par les risques » mise en évidence par Gurley et Shaw (1973). Selon la première approche, le système financier agit sur la croissance et l’augmente en économisant les coûts de transaction alors que d’après la seconde il stimule l’activité économique, et donc la croissance, en rendant cohérents les risques individuels des prêteurs et des emprunteurs. Malgré l’évidence théorique, telle que cela est établi par ces deux approches, les économistes continuent de s’interroger sur l’existence de ce lien et au-delà sur le sens de la causalité. 3.1 Existence d’un lien entre le système financier et la croissance Si on pose la question avec insistance, c’est qu’il y a un déphasage entre les fonctions rappelées par Nord (2010) qui sont théoriques et propres à un système financier développé, et les faits qui au contraire montrent des systèmes financiers avec un niveau de maturité très variable. L’aptitude d’un système financier à remplir ces fonctions dépend de sa maturité. Or dans ce cadre, des études macroéconomiques transversales, confirmées par de nombreuses études microéconomiques, ont établi que c’est la différence de degrés de 25 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 développement financier entre pays qui explique les disparités de revenu et de croissance par tête. Selon Rajan et Zingales (1998), les activités tributaires du secteur financier connaissent une croissance beaucoup plus rapide dans les économies dont le secteur financier est développé. Dabla-Norris, Kersting et Verdier (2010) ont montré que dans les pays à système financier mature, les entreprises productives s’engagent davantage dans des activités innovantes et le retour à l’innovation est plus répandu que dans les pays dont le système financier est peu développé. Beck et al. (2005) ont établi que les petites entreprises à faibles ressources financières connaissent une expansion plus rapide dans les pays dont le système financier est développé. La disponibilité des ressources financières encourage l’esprit d’entreprise et accroît la concurrence (Guiso et al. 2004 et Haber, 2003). Fisman et Love (2004) et Hartman et al. (2007) ont montré que le développement du secteur financier favorise la réaffectation du capital au profit des secteurs d’activité à forte croissance. Toutes ces réflexions s’inscrivent dans le cadre théorique tracé par Schumpeter (1911), Gurley et Shaw (1955), Goldsmith (1969), McKinnon (1973) et Shaw (1973) qui sont les pionniers en la matière. Ils admettent tous que le développement financier contribue à la croissance, à l’innovation technologique et à l’accumulation de capital. Pour certains auteurs tels qu’Ang et Mckibbin (2007), Singh (2008) et Giuliano et Ruiz-Arranz (2009), le développement du système financier ne contribue pas seulement à la croissance économique, il en est même sa condition sine qua non. Devenue évidente vis-à-vis de la croissance, l’action vertueuse du système financier l’est aussi à l’égard de la pauvreté ; et ces dernières années, des travaux de simulation ont montré que le système financier peut aussi inspirer les politiques de réduction de la pauvreté (Bruno, Ravallion et Squire, 1998). Ainsi, dans une étude économétrique sur des données transversales, Honohan (2004) a montré que le développement de l'intermédiation financière réduit la pauvreté absolue. De même Beck et al. (2004) ont prouvé qu’en augmentant les revenus des pauvres, le développement financier réduit également les inégalités. Avant ces derniers, Jalilian et Kirkpatrick (2001) ont montré qu’une augmentation de 1% du poids des actifs des banques commerciales dans les PIB améliore le revenu des pauvres de 0,4% dans les pays en développement. Ces analyses montrent l’existence d’un lien de causalité entre le développement financier et la croissance économique. C’est le cas d’une étude comparative de l’évolution 26 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 graphique des pays de l’UEMOA, d’une part de deux indicateurs du développement financier en l’occurrence, les engagements exigibles du système financier (M3) et les crédits des institutions financières (banques de dépôts et autres) accordés à l’économie, et d’autre part du Produit Intérieur Brut. Cependant, le doute persiste pour ce qui est du sens de cette relation (Attinwassonou, 2011). Il y a certainement une relation, mais on ignore si c’est l'évolution du revenu ou de la richesse qui provoque l'extension des activités financières ou si, au contraire, c’est cette dernière qui entraîne l’accroissement du revenu et des richesses. Cette question a fait l’objet d’une littérature abondante (Levine, 1997). La synthèse semble accréditer le sens de causalité allant du développement financier vers la croissance. Pour autant que les analyses établissent l’existence d’un lien positif allant du financier à la croissance, l’idée d’une relation négative n’est pas totalement absente des réflexions. Invoquant l’instabilité financière, des auteurs tels que de Gregorio et Guidotti (1995), Arestis et Demetriades (1998), Berthélemy et Varoudakis (1998), Demirgüç-Kunt et Detragiache (1988), Kaminsky et Reinhart (1998), Guillaumont et Kpodar (2004) et Loayza et Rancière (2004) ont soutenu l’idée d’une finance passive à l’égard de la croissance. Cette controverse théorique est corroborée par des travaux empiriques dont la plupart se réfèrent aux pays en développement où les systèmes financiers sont sousdéveloppés (Kpodar, 2003 ; Hugon, 2007). Une étude de Jude (2008) a établi un lien négatif entre le secteur financier (instabilité financière) et la croissance économique. Sur un échantillon de 71 pays observés sur la période 1960-2004, l’auteur a montré sur la base des données en coupe transversale et en panel dynamique que l’impact négatif de l’instabilité financière sur la croissance économique ne s’observe qu’à court terme. À long terme, elle est sans incidence sur la croissance économique et sur le lien entre cette dernière et le développement financier. Malgré les réserves émises sur le succès des mesures de libéralisation financière en Afrique, les études empiriques dans leur majorité considèrent le développement financier comme un facteur de croissance (Spears, 1992 ; Odedokun, 1996 ; Gelbard et Leite, 1999 ; Collier et Gunning, 1999 ; Ndikumana, 2001 ; etc.). Mais cet impact est jugé minime. 3.2 Variables explicatives de la croissance 27 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 Nous partons du postulat que le système financier agit sur la croissance économique. Selon ses forces et ses faiblesses, il régule à la hausse ou à la baisse le flux de la croissance. Mais le problème reste de savoir quelles variables permettent le mieux de capturer ces forces et ces faiblesses. Les études sur le secteur financier (développement, approfondissement, répression financière, crises, faillites, etc.) révèlent un grand nombre de variables potentiellement aptes à jouer le rôle de déterminants. Elles se classent en deux catégories : la première regroupe les variables utilisées d’ordinaire comme indicateurs du développement financier et qui reflètent les caractéristiques intrinsèques du système; la seconde comprend les variables prenant en compte ses caractéristiques externes et qui, vis-à-vis des canaux de transmission, jouent le rôle de catalyseurs ou à l’inverse d’« obstacles » ou de freins. Les variables de la première catégorie sont, soit des agrégats monétaires ou financiers, soit des ratios dérivés d’une combinaison de plusieurs agrégats, soit des indices. Dans une étude, la BCEAO (2010) a mesuré le développement financier par les ratios dépôts bancaires et crédits à l’économie sur PIB. De même une étude consacrée aux pays de l’UEMOA citée par Attinwassonou (2011), deux variables pour appréhender le développement financier. Il s’agit des engagements exigibles du système financier (M3) et des crédits des institutions financières accordés à l’économie. Spears (1992) a utilisé comme indicateurs du développement financier, le ratio des dépôts à vue et des comptes d’épargne sur l’agrégat monétaire M2, et les agrégats monétaires M2 et M3 en proportion du PIB. Pour leur part, Bhatia et Khatkhate (1975) ont utilisé la part des actifs financiers dans le PIB. Odedokun (1996) a pris comme indicateur le passif exigible du système financier. Gelbard et Leite (1999) ont construit un indicateur composite de six indices représentant les caractéristiques majeures des systèmes financiers des pays africains : la structure de marché et la compétitivité du système financier, l’éventail des produits financiers disponibles sur le marché financier, le degré de libéralisation financière, la qualité de l’environnement institutionnel, le degré d’ouverture financière et le degré de complexité des instruments de politiques monétaires. Kpodar (2003) a mesuré le développement financier par trois indicateurs à savoir: l’agrégat monétaire M3 rapporté au PIB22; la part relative des actifs des banques commerciales par rapport à ceux de la 22 M3 = Monnaie + dépôts à vue + autres dépôts + dettes financières des établissements de crédits. 28 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 Banque Centrale23 ; et la part dans le PIB des crédits octroyés au secteur privé par les banques (Beck, Demirgüç-Kunt et Levine, 1999). L’impact du système financier dépend certes de ces variables, mais aussi et surtout des variables de l’environnement externe du système, c’est-à-dire des facteurs qui agissent sur les « canaux de transmission ». L’idée de canaux vient du postulat théorique selon lequel le système financier agit sur la croissance économique par le canal du taux d’investissement ou de la productivité marginale du capital. Toute variable agissant sur l’un ou l’autre canal (jouant ainsi le rôle de catalyseur ou de frein) est susceptible d’amplifier ou de réduire l’impact du développement financier sur la croissance. La littérature a identifié cinq variables susceptibles de jouer ce rôle. Il s’agit de : - la fragmentation ethnolinguistique : un niveau élevé de diversité ethnique est significativement corrélé à un faible niveau de développement financier, à un faible niveau d’infrastructure, à un faible taux de scolarisation et à des distorsions sur le marché des changes. Plus portés vers des activités de recherche de rentes, les individus ont des difficultés à s’accorder sur la production et la sauvegarde des biens publics (Easterly et Levine, 1997) ; - des crises bancaires de type (c) (Caprio et Klingebiel, 1996) : l’Afrique est le continent le plus frappé par des crises structurelles qui affaiblissent non seulement la croissance mais aussi la relation entre celle-ci et le développement financier (Kpodar, 2003) ; - l’absence de concurrence dans le secteur financier : Demirgüç-Kunt, Laeven et Levine (2003) ont montré que la concentration bancaire (en Afrique, sur la période 1988-1997, 92% des actifs financiers sont détenus par les trois plus grandes banques) a un impact négatif et significatif sur l’efficacité du système bancaire ; - la persistance de l’interventionnisme public dans le système financier : malgré la libéralisation financière, une bonne partie des banques africaines appartiennent à l’État. Plus promptes à servir les intérêts des hommes politiques, elles se soucient peu de la rentabilité : le banquier ne se sent responsable ni des pertes, ni de la mauvaise allocation des crédits, ni de la contre-performance des emprunteurs (Caprio et Klingebel, 1996) ; - la faiblesse du système légal et de régulation des banques : les études empiriques ont établi un lien étroit entre la qualité de l’environnement légal et le développement financier (La Porta, Lopez-de-Silanes, Shleifer et Vishny 1998, Levine 1999). La qualité de la loi et Calculée en divisant l’Actif des banques commerciales par la somme des Actifs de la Banque Centrale et des Actifs des banques commerciales. 23 29 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 l’effectivité de son application encouragent les banques à octroyer des prêts et minimisent le risque qui les pousse souvent à rationner les crédits alors qu’elles sont surliquides. Ces critères n’étant pas réunis en Afrique, la méfiance des particuliers et des banques augmente, compromettant ainsi la mobilisation des ressources et le financement. Une seule étude, à notre connaissance celle de Kpodar (2004), a essayé, à partir des données empiriques, d’estimer l’influence conjointe de ces variables sur la croissance. Son étude s’est appuyée sur un échantillon de 71 PVD dont 28 d’Afrique subsaharienne sur la période 1968-1997. Utilisant un modèle standard de croissance endogène, les effets des facteurs spécifiques sont capturés par le coefficient de l’indicateur du développement financier. Les effets relatifs à l’Afrique ont été isolés en éclatant l’échantillon en deux groupes, celui des pays africains d’une part et des autres PVD d’autre part. Les résultats confirment la présomption d’un effet négatif du développement financier sur la croissance dans les PVD en même temps qu’un faible impact pour ce qui concerne l’Afrique subsaharienne24. D’après donc cette revue, plusieurs variables sont susceptibles d’élucider l’influence du système financier sur la croissance. Nous retenons les agrégats monétaires et financiers reflétant le développement et mutations internes du système financier. Persuadé que l’aptitude d’un système financier à influencer une économie dépend de la réceptivité de celle-ci, nous assignons un rôle important aux canaux de transmission censés capturer les effets de l’environnement externe. Mais les variables qui seront retenues doivent coller aux réalités des économies étudiées, notamment leur niveau de bancarisation et l’exclusion financière et bancaire dont la minorité bancarisée fait souvent l’objet. Au titre des indicateurs du développement financier et des variables reflétant ses mutations internes, les variables pertinentes se rapportent aux opérations d’épargne et de crédits. Ce choix découle du constat simple que, dans des économies fortement informalisées et dans lesquelles en plus, seule une infime minorité est bancarisée, un système financier est efficace s’il parvient à remplir les fonctions élémentaires de mobilisation et d’allocation des ressources. Une croissance supplémentaire d’un pour cent se repartit comme suit : 0,19 point pour les pays africains contre 0,5 pour les autres PVD. 24 30 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 À cet égard, deux variables paraissent essentielles : le taux d’épargne intérieure brute (EIBPIB) qui se décline en taux de dépôts à vue (DAV) et à terme des banques (DAT); et les crédits à l’économie (CE) répartis en crédits de court terme (CECT) et en crédits de moyen et long terme (CMLT). À ces variables, il convient d’ajouter l’inflation. Selon une approche monétaire, l’inflation survient lorsque l’augmentation des crédits à l’économie devient incontrôlée et crée une surabondance des moyens de paiement par rapport au volume des transactions. Ceci est le cas lorsque la politique monétaire est laxiste, ce qui est loin d’être la situation des pays de l’UEMOA. En revanche étant ouvertes, ces économies sont exposées à l’inflation importée qui résulte des importations des biens des pays partenaires connaissant une flambée des prix. Quand il y a inflation, en principe le signal donné par les prix n’est plus à mesure de guider les agents au moment où ils formulent leurs prévisions et anticipations. Pour cette raison, son signe attendu sur la croissance est négatif. Quant à l’épargne, les avis sur sa relation avec la croissance sont partagés. Pour les uns, elle contribue tandis que pour les autres, elle est un frein. Cette controverse théorique tient à la diversité des déterminants de l’épargne. Les classiques pensent que le taux d’intérêt détermine l’épargne alors que les keynésiens considèrent l’épargne comme un résidu du revenu après consommation; elle freine l’activité économique plus qu’elle ne l’accélère. L’observation empirique permet de constater une certaine corrélation positive entre épargne et croissance à long terme et au plan international, alors qu’on note une disparité au niveau des pays en développement (Tacoun et Reding, 2000 ; Esso, 2009). Toute politique économique visant à assurer la croissance doit nécessairement privilégier l’accroissement de l’épargne intérieure. Cependant, du point de vue théorique, il n’y a pas de certitude quant au sens de causalité entre épargne et croissance. Il n’y a pas non plus de certitude concernant le lien entre épargne et investissement. Pour que les politiques de promotion de l'épargne domestique favorisent l'investissement national, la mobilité du capital doit être faible, faute de quoi, les capitaux vont affluer vers les marchés internationaux (Esso, 2009). Pour toutes ces raisons, nous escomptons une relation positive entre l’épargne et la croissance. Pour ce qui est du lien entre crédits et croissance économique, le problème est de savoir si les prêts soutiennent le développement de l’économie ou au contraire constituent une source d’appauvrissement et de dettes pour les particuliers et l’État. L’expérience a 31 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 montré que celui qui contracte un crédit bancaire, il s’enrichit de la somme empruntée mais en même temps s’appauvrit dans la mesure où au moment du remboursement, il restituera la somme majorée d’un intérêt. Plus il tardera à restituer les fonds empruntés, plus l’intérêt augmente et plus le crédit devient cher. Cela est valable pour tous les cas de prêts, prêt immobilier, crédit à la consommation, etc. La littérature est unanime sur l’idée que le sous-développement financier freine la croissance ; elle est aussi unanime qu’une hausse de la taille du crédit distribué permet de financer davantage de projets d’investissements, donc augmente la croissance de long terme (Artus, 2012). Mais, comme le prévient ce dernier, il y a un seuil à ne pas dépasser, car un niveau d’endettement élevé accroît la fragilité financière et la probabilité de crises, et réduit la croissance entraînant une destruction des capacités physiques et humaines de production. En tout état de cause, on s’attend à ce que pour des niveaux d’endettement faibles que la hausse du poids du crédit dans l’économie ait d’abord un effet positif sur la croissance de long terme, puis un effet négatif pour les niveaux d’endettement élevés. Mais en partie, cette analyse est invalidée par l’observation empirique. Pour un échantillon des pays de l’OCDE, il est apparu que l’endettement du secteur privé a eu d’abord un effet positif puis négatif, l’effet étant négatif pour le global (qui inclut l’endettement public). Pour les pays émergents, l’analyse a établi un effet d’abord positif puis négatif sur le long terme. Au regard de tout ce qui précède, une relation positive est attendue entre cette variable et la croissance. S’agissant des canaux de transmission, nous avions précédemment soutenu que les impulsions du système financier se répercutent sur la croissance en transitant par l’investissement et la productivité marginale du capital. En effet, tel que postulé par la théorie, une productivité marginale du capital égale ou supérieure au coût marginal est la condition nécessaire pour que les perspectives de profits puissent inciter les investisseurs potentiels à investir. L’investissement réalisé alimente l’accumulation du capital qui à son tour stimule la croissance. Or, c’est le système financier, en l’occurrence les banques en ce qui concerne les économies d’endettement et le marché financier pour ce qui est des économies de marché, qui finance l’investissement. Cependant, l’existence d’institutions financières avec en face des entrepreneurs ne suffit pas pour que l’investissement se réalise. Pour qu’il en soit 32 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 ainsi, il est nécessaire que les opportunités de profits existent au sein de l’économie. Ces opportunités dépendent du niveau d’équipement du pays, de sa compétitivité et attractivité externes, de la place qu’occupe le secteur privé au sein de l’économie, de son niveau d’endettement et des soutiens financiers qu’il reçoit de l’extérieur. Ces différents aspects sont appréhendés respectivement par les indicateurs suivants : « formation brute du capital fixe », « flux net des IDE », « crédits bancaires au gouvernement », « dette extérieure » et « aide publique au développement ». Nous résumons les variables potentiellement déterminantes dans le tableau cidessous. Tableau n°1 : variables explicatives de la croissance économique Variables explicatives Indicateurs des forces et faiblesses du système financier Indicateurs agissant sur les canaux de transmission Crédits à l’économie (CE) Crédits à l’économie à court terme (CECT) Crédits à l’économie à moyen et long termes (CMLT) Épargne intérieure brute (EIBPIB) Dépôts à vue en banques (DAV) Dépôts à terme en banques (DAT) Taux d’inflation Formation brute du capital fixe Flux nets des IDE Crédits bancaires alloués au gouvernement Dette extérieure Aide publique au développement Signe attendu + + + + + + + + +/+/+/- À présent, nous examinons les modalités selon lesquelles ces variables agissent sur la croissance par le biais des canaux de transmission. Formation brute du capital fixe (FBCF): elle est une mesure des investissements réalisés dans le domaine des infrastructures et des équipements économiques, industriels, commerciaux, sociaux, etc. Une partie du financement est assuré ou facilité par le secteur financier. Plus ce financement augmente, plus le capital s’accumule, multipliant ainsi les opportunités d’autres investissements et élevant la productivité du capital et du travail. Selon une étude de l’Union Africaine et du NEPAD (2011), le développement des infrastructures permet de promouvoir différents types d’activités économiques, notamment parce qu’elles constituent un intrant dans la production. En outre, leur développement améliore le produit marginal des autres capitaux utilisés dans le processus de production. Ce lien entre l’économie et les infrastructures est multidimensionnel en ce 33 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 sens que la croissance économique crée le besoin en infrastructures diverses et génère les ressources nécessaires pour financer ces infrastructures. Sous ces conditions donc, nous entrevoyons un impact positif de cette variable sur la croissance. Flux net des IDE (FNIDE) : elle donne une mesure de la compétitivité et attractivité externes de l’économie. Par IDE, nous entendons les mouvements internationaux des capitaux en vue de créer, de développer ou de maintenir une filiale à l’étranger ou d’exercer le contrôle sur la gestion d’une entreprise. Ils ont de nombreux avantages pour les pays d’accueil, pourvu que ces derniers adoptent les politiques appropriées. Selon l’OCDE (2002), les IDE ont des retombées technologiques, contribuent à la formation de capital humain, facilitent l’intégration aux échanges internationaux, favorisent la création d’un climat plus compétitif pour les entreprises et améliorent le développement des entreprises. Or, la matérialisation de ces effets présuppose et implique d’intenses activités financières. Plus les activités financières s’intensifient, plus le pays est attractif aux IDE et plus la croissance augmente. À cet effet, nous anticipons un impact positif de cette variable sur la croissance. Crédits bancaires alloués au gouvernement (CGOUV) : ils déterminent indirectement le rôle du secteur privé, et donc mettent en évidence l’existence ou non de l’effet d’éviction, c’est-à-dire l’opportunité (utilité) ou non (inutilité) de l’intervention publique sous la forme d’une politique de déficit budgétaire pour relancer l’économie. Ils permettent de savoir si la propension du secteur public supplante ou non le secteur privé. Ils se rapportent au fait que les fonds nécessaires aux dépenses publiques supplémentaires sont prélevés sur une épargne qui, autrement, aurait servi à financer des projets d'investissement privé. Ainsi, pour une économie fermée donnée et à capacité de financement déterminée, l’accroissement de la demande des capitaux par l’État tend à renchérir les taux d’intérêts et à tirer à la baisse les investissements privés. En cas d’éviction donc, la croissance faiblit, et dans le cas contraire stimulée. Nous prévoyons donc que son effet sera positif ou négatif. Dette extérieure (DETTE) : on la mesure par le ratio du service de la dette ou de l'encours de la dette sur exportations ou sur le PIB. Il est généralement analysé sous l’hypothèse d’éviction des investissements productifs ou de l’équivalence ricardienne. Cette dernière stipule qu’un accroissement du déficit budgétaire annonce une future augmentation des impôts pour des dépenses publiques données. Étant rationnels, les 34 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 agents économiques anticipent ces hausses et en conséquence, réduisent leur consommation et augmentent leur épargne (Greiner, 2012). Nautet et Van Meensel (2011) ont identifié théoriquement qu’un accroissement de la dette publique affecte négativement la croissance économique de long terme à travers une baisse du volume d’épargne net au niveau national et par conséquent une hausse des taux d’intérêt, l’accroissement des charges d’intérêt qui comprimeront les dépenses productives dont l’investissement public en infrastructures et à travers l’inflation anticipée, l’incertitude et la volatilité macroéconomique. Analysant l’évolution de la dette publique et du taux de croissance réel de long terme pour un échantillon d’une quarantaine de pays sur la période s’étalant sur les deux derniers siècles, Reinhart et Rogoff (2009, 2010) ont découvert que la relation entre la dette gouvernementale et la croissance de long terme pour des niveaux d’endettement inférieurs au seuil de 90 % du PIB est faible. Au-delà de 90 %, le taux de croissance médian diminue d’un point de pourcentage et le taux de croissance moyen diminue davantage. Dans le cas spécifique des économies en développement, le seuil de dette publique que détiennent les agents étrangers est plus faible. En ce qui les concerne, lorsque la dette publique détenue par le reste du monde dépasse 60 % du PIB, la croissance diminue de deux points ; quand elle dépasse 90 % du PIB, la croissance devient négative. Les deux auteurs privilégient l’« intolérance à la dette » comme explication à cette relation non linéaire : les taux d’intérêt du marché s’élèvent lorsque l’économie atteint les limites de tolérance à la dette. Quant à Kumar et Woo (2010), ils explorent l’impact d’une dette publique élevée sur la croissance économique à long terme. L’analyse d’un panel d’économies avancées et émergentes au cours de la période 1970-2007 a révélé l’existence d’une relation inverse entre la dette initiale et la croissance subséquente. Lorsque le ratio dette-PIB augmente de dix points de pourcentage, la croissance annuelle du PIB réel par tête diminue d’environ 0,2 point de pourcentage par an. Seuls les niveaux élevés de dette, supérieurs à 90 % du PIB, ont un effet négatif significatif sur la croissance. En général donc, l’observation empirique montre que si le niveau d’endettement est modéré, la dette accroît le bien-être et stimule la croissance. Par contre s’il est élevé, les inconvénients prennent le pas sur les avantages. C’est ce que montrent les études de Cecchetti, Mohanty et Zampolli (2011), de Reinhart et Rogoff (2009, 2010), de Panizza et 35 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 Presbitero (2012) pour lesquels pour des niveaux d’endettement élevés, il n’y a aucun doute, la corrélation entre dette publique et croissance économique est négative. Toutefois, pour eux, la corrélation n’est pas une causalité. En conséquence de ce qui précède, le signe de cette variable sera positif ou négatif. Aide publique au développement (APD): elle est constituée de fonds d'origine publique apportés sous forme de dons, de prêts ou d'allègements de dettes aux pays en développement. Elle est censée augmenter la croissance. Burnside et Dollar (2000) affirment n’avoir pas trouvé de preuve attestant que les aides ont permis d'augmenter le PIB en moyenne, mais vraisemblablement, elles ont permis de le faire dans les pays où règne un « climat favorable aux bonnes politiques ». Un tel climat se traduit par un déficit budgétaire faible, un haut degré d'ouverture commerciale et une inflation basse. En d’autres mots, l'aide est efficace ou inefficace, tout dépend des conditions dans lesquelles elle est reçue. Ainsi, à l’idée d’une aide ciblée, bien dosée et convenablement gérée comme le Plan Marshall des États-Unis aux pays d'Europe occidentale ruinés par guerre, s'oppose celle d’une aide mal pensée, inconditionnelle, octroyée à des régimes corrompus (Douzounet, 2010). Pour ce qui concerne l’Afrique subsaharienne, Douzounet (2010) a montré que l’aide est efficace pour augmenter la croissance dans les pays pauvres pratiquant la bonne gouvernance, rejoignant ainsi Burnside et Dollar (2000). Elle a un effet direct positif et significatif : une augmentation de 1% de l’APD se traduit par une augmentation de 0,43% de la croissance. Son effet indirect est également positif et significatif, mais il transite par la gouvernance démocratique. Sa magnitude est 1,06% significative au seuil de 5%. Abondant dans le même sens, Akpo et al (2006), soulignent que l’idée selon laquelle l’aide accélère la croissance dépend de plusieurs circonstances parmi lesquelles, les pratiques et les procédures des bailleurs de fonds, mais aussi et surtout les caractéristiques des pays bénéficiaires. La propension à faire bon usage des ressources dépendrait d’un certain nombre de facteurs parmi lesquels la qualité administrative des gouvernements nationaux. En conséquence de tout cela, nous entrevoyons une relation tantôt positive tantôt négative de cette variable avec la croissance. 4-Cadre méthodologique 36 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 S’inspirant de Berthélémy et Varoudakis (1996) qui ont étudié l’influence du développement financier dans la formation de clubs de convergence, Esso (2009) a utilisé un modèle autorégressif pour modéliser l’impact du développement financier sur la croissance des pays de yit i yit1 i Fit i X it it l’UEMOA. Son modèle est le suivant: (1) où i et t sont des indices individuel et temporel variant respectivement de 1 à N et de 1 à T, yit est le PIB par tête en logarithme, Fit un indicateur du développement financier, X it un ensemble d’autres variables agissant sur la croissance, et it un terme d’erreur. Comme Esso (2009), notre analyse s’applique aussi aux pays de l’UEMOA. Cependant, à la différence de ce dernier dont l’objectif est de déterminer l’impact du développement financier sur la croissance, notre analyse s’inscrit dans un cadre plus large : évaluer l’impact du système financier. Nous distinguons les effets sur la croissance résultant du développement et mutations internes du système financier de ceux transitant par les canaux de transmission. Cette distinction découle du postulat qu’un système financier efficient (développé financièrement) peut induire une croissance faible si les canaux de transmission ne fonctionnent pas correctement. Nous adoptons le modèle d’Esso (2009), mais en le modifiant pour tenir compte de cette nuance. 4-1 Spécification du modèle Si nous notons par IDF, l’indicateur du développement financier et par ICT, l’indicateur des canaux de transmission, le modèle précèdent s’écrit : yit i yit1 i i IDFit i ICTit it (2) Cette équation décrit l’évolution chronologique de chaque pays à partir de deux types de variables : d’une part des variables observables, à savoir yit1 , IDFit et ICTit , et d’autre part des variables inobservables complétant les premières, modélisées sous forme d’effets spécifiques ( i ), constantes dans le temps et supposées influencer leurs comportements socioéconomiques. 4-2 Techniques d’estimation possibles 37 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 La présence dans l’équation (2) de la variable endogène retardée yit1 parmi les variables explicatives pose un problème de dépendance entre cette variable vis-à-vis de l’effet individuel (Trognon, 2003). Lorsque cet effet est aléatoire, il est corrélé avec cette variable retardée. Lorsqu’il est fixe, il est une source de nuisance, il faut alors l’éliminer. Le passage en différence première permet d’éliminer i mais en même temps crée une autocorrélation dans les résidus qui, compte tenu de la nature autorégressive du modèle, est source de biais. Il n’y a pas de méthode simple, sans biais ou convergente, pour estimer ce genre de modèle (Trognon, 2003). L’expérience de Balestra et Nerlove (1966) et de Trognon (1978) permet d’affirmer que des procédures universelles telles que le maximum de vraisemblance ne donnent pas de résultats concluants, on aboutit généralement à des estimateurs biaisés. Alternativement à cette méthode, on peut recourir à celle des Effets Fixes (MEF) ou Aléatoires (MEA), des Doubles Moindres Carrés (DMC) ou à la Méthode des Moments Généralisés (GMM). 4-3 Base de données Les données utilisées dans ce papier sont issues de sources diverses, notamment du Fonds Monétaire International (Statistiques Financières Internationales et autres fichiers de données), de Global Development Finance, de la Banque mondiale (Base de données du programme international de comparaison et des Comptes nationaux), de l’OCDE (fichiers de données sur les comptes nationaux) et de la BCEAO. Pour un souci de cohérence, l’essentiel des données utilisées proviennent de cette dernière source. Nous avions recouru aux autres seulement lorsque la source BCEAO n’est pas disponible. La collecte a couvert la période 1960-2010. Les données étant annuelles, nous avions dû les transformer en des moyennes de cinq ans, à l’exception de celles de l’année initiale (1960). Ainsi, une base cylindrée de 70 observations est mise en place. Le tableau ci-dessous récapitule les variables et indique les notations et unités utilisées. Tableau n°2 : variables du modèle Variables Produit intérieur brut réel per capita Formation brute du capital fixe Crédits à l’économie 38 Notations PIBRT FBCF CEPIB Unités En valeur (FCFA) Pourcentage du PIB Pourcentage du PIB Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 Crédits à l’économie à court terme CECTPIB Crédits à l’économie à moyen et long terme CMLTPI B EIBPIB Épargne intérieure brute Flux nets des IDE FNIDE Aide publique au développement nette APDPIB Stock de la dette Crédits au gouvernement DETTEPI B CGOUV Dépôts à vue en banques Dépôts à termes en banques Inflation (indice des prix à la consommation) DAVPIB DATPIB INF Pourcentage du PIB Pourcentage du PIB Pourcentage du PIB Pourcentage du PIB Pourcentage du PIB Pourcentage du PIB Pourcentage du PIB Pourcentage du PIB Pourcentage du PIB Pourcentage 5-Résultats et interprétations Ce point présente les résultats des analyses descriptive et économétrique. 5-1 Analyse descriptive L’analyse descriptive vise à décrire les variables et à prévenir les risques de multicolinéarité. Tableau n°3 : caractéristiques de distribution PIBRT 1151,021 STD. DEV. 574,7025 MEAN SKEWNESS KURTOSIS JARQUE-BERA 0,989267 3,221572 4,459156 FBCF 17,79575 5,892124 1,061124 4,171876 6,611883 CIPIB 21,46900 12,25453 0,723548 2,098388 3,270364 EIBPIB 6,047122 8,782059 0,593781 2,082234 2,534173 APDPIB 16,64867 15,47151 1,576241 4,517363 13,77060 1,121817 0,983262 FNIDE ,05E+09 5,53E+09 DETTE NB : CI/PIB : ratio crédits intérieurs - PIB 0,799453 1,417047 2,840329 3,438758 2,904742 9,252674 Les pays de l’UEMOA se caractérisent par une faible accumulation du capital, la moyenne de la période étant de moins de 18% du PIB. Ceci est le reflet d’activités économiques et financières peu étoffées. Le PIB réel par tête n’est que de 1151 FCFA alors que les crédits intérieurs représentent seulement 21% du PIB. Bien qu’exprimé en valeur absolue, le stock de la dette extérieure ne semble pas exorbitant. Le flux net d’IDE est faible et ces pays dépendent beaucoup de l’aide publique au développement. La 39 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 plupart de ces variables sont normalement distribuées, la probabilité de Jarque-Bera étant supérieure à 5%. L’analyse de corrélation a révélé que les variables crédits à l’économie (CEPIB), crédits à l’économie de court terme (CECTPIB) et de moyen et long terme (CMLTPIB), les dépôts à vue (DAVPIB) et les dépôts à terme (DATPIB) sont étroitement liées entre elles. 5-2 Analyse économétrique Nonobstant ces corrélations, nous avons procédé pour chaque variable corrélée à une régression excluant les autres. Comme il y a cinq variables corrélées, à raison d’une régression par variable, il en résulte cinq modèles différents. Mais aucun de ces modèles ne prend en compte la variable inflation. En effet, faute de données suffisantes, nous avions dû l’éliminer. L’estimation de chaque modèle par la méthode des effets fixes et des effets aléatoires a entériné les deux effets; le choix par le test de Hausman (1998) s’est penché en faveur du modèle à effets fixes. Les tests de normalité des résidus ont été concluants pour toutes les régressions. En revanche, les tests d’omission de variables pertinentes ou de mauvaise spécification (Ramsey Reset Test) ont invalidé la régression avec la variable « crédits à l’économie de moyen et long terme ». Pour toutes les régressions, on s’est cependant heurté aux problèmes d’hétéroscédasticité et d’autocorrélation des erreurs. Invalidé pour toutes les régressions, nous avions dû abandonner le modèle à effets fixes. La méthode alternative, les Doubles Moindres Carrés, s’est aussi avérée infructueuse, le test d’endogénéité ayant indiqué l’existence parmi les variables indépendantes de plusieurs variables endogènes. Au vu donc de tout cela, la Méthode des Moments Généralisés (GMM) a été adoptée. La procédure se présente comme suit : De l’équation (2), (3) on en déduit : yit1 i yit2 i i IDFit1 i ICTit1 it1 Une soustraction membre à membre de (2) et (3) permet d’avoir : yit yit1 i ( yit1 yit2 ) i ( IDFit' IDFit' 1 ) i ( ICTit ICTit1 ) ( it it1 ) 40 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 ( it it1 ) sont corrélés, Arellano et Bond (1991) ont proposé Comme ( yit1 yit2 ) et d’instrumenter ( yit1 yit2 ) par tous les retards de yit1 , et ( xit xit1 ) par leurs valeurs en niveau retardées d’une période ou plus25. Blundell et Bond (1998) ont montré que l’estimateur issu de cette démarche est nécessairement biaisé dans les échantillons de petite taille parce que les niveaux retardés des variables ne sont pas des instruments fiables. Ils suggèrent donc d’utiliser l’estimateur GMM en système qui combine, pour chaque période, l’écriture en différence première et celle en niveau. Ainsi, pour la régression de l’équation en différence première, la variable endogène retardée ( yit1 yit2 ) et l’ensemble des variables explicatives ( xit xit1 ) sont instrumentées par leurs valeurs en niveau retardées ; à l’inverse, dans la régression en niveau, les variables yit1 et xit sont instrumentées par leurs différences premières retardées. La qualité des estimations obtenues à l’aide de la méthode GMM en panel dynamique est appréciée en fonction de deux critères : la validité des instruments, hypothèse que l’on teste au moyen du test de sur-identification de Sargan/Hansen ; et l’absence d’autocorrélation d’ordre 2 des résidus, ce que l’on vérifie à l’aide du test d’autocorrélation d’Arellano-Bond. Appliquée à notre base de données, cette méthode a donné les résultats présentés dans le tableau ci-dessous. Tableau n°4 : résultats des estimations par la méthode GMM système Variable dépendante : PIBRT PIBRT1 FBCF EIBPIB CGOUV FNIDE DETTEPIB APDPIB 25 x est mis pour IDF ou ICT 41 (1) -0,290 (0, 069)*** 0,296 (0,334) 0,444 (0,184)** 0,149 (0,245) -1,328 (0,610)*** -3926,038 (3188,248) -0,504 (0,262)** (2) -0,277 (0,070)*** 0,311 (0,358) 0,410 (0,162)** 0,145 (0,242) -1,322 (0,644)** -4380,775 (3279,522) -0,467 (0,270)* (3) -0,238 (0,088)*** 0,675 (0,342)** 0,279 (0,192) 0,072 (0,212) -1,555 (0,615)** 5739,673 (5282,514) -0,646 (0,313)** (4) -0,239 (0,072)*** 0,522 (0,383) 0,337 (0,181)* 0,112 (0,156) -1,517 (0,633)** 522,387 (5565,264) -0,547 (0,289)* Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 55,234 (16,331)*** CEPIB 87,072 (29,538)*** CECTPIB -40.055 (36,557) DAVPIB DATPIB CONSTANTE Nombre d’observations AR(1) 1.820 (5,744) 70 1,286 (5,762) 70 1,059 (4,570) 70 29,694 (39,499) 0,458 (5,585) 70 z = -1,70 Pr > z = 0,089 z = -1,73 Pr > z = 0,083 chi2(61) = 66,97 Pr >chi2=0,280 z = -1,70 z = -1,98 z = -1,77 Pr > z = 0,090 Pr > z = 0,047 Pr >z=0,077 z = -1,60 z = -1,33 z = -1,46 AR(2) Pr > z = 0,109 Pr > z = 0,185 Pr>z= 0,143 chi2(61) chi2(61) = 65,71 chi2(61) = 66,16 Test de = 65,11 Pr>chi2 = 0,317 Pr> chi2 = 0,303 Sargan Pr>chi2 = 0,336 chi2(61)=0,00 chi2(61)=0 chi2(61)=0,00 chi2(61) = 0,00 Test de Pr>chi2 = 1,000 ,00 Pr>chi2 = Pr>chi2 = 1,000 Pr>chi2 = 1,000 Hansen 1,000 (***), (**), (*) : Significatif respectivement à 1%, 5% et 10%. AR(1) et AR(2): respectivement statistique du test d'autocorrélation du 1er ordre et du second ordre. Les chiffres en parenthèses sont des écarts-types. Les valeurs affichées par AR(1) et AR(2) montrent qu’il n’y a ni autocorrélation du premier ordre ni autocorrélation de second ordre. Les tests de Sargan attestent que les modèles sont bien spécifiés avec des instruments adéquats et qu’il n’y a pas de problème de sur-identification. Confirmant le test de Sargan, le test de Hansen montre que les variables en différences premières utilisées comme instruments sont statistiquement valides. Les modèles sont donc validés. La plupart des variables portent le signe attendu et sont significatives. On peut donc considérer ces résultats comme globalement satisfaisants. Le coefficient de la variable expliquée retardée (PIBRT1) est négatif et significatif au seuil de 1%, ce qui confirme le processus de convergence conditionnelle au sein de l’UEMOA. L’objet de ce papier était d’évaluer la contribution du système financier à la croissance, ce que nous avons essayé d’établir en supposant que si cette contribution existe, elle doit être l’émanation des agrégats financiers dont l’apport est d’autant plus vigoureux que les canaux de transmission jouent pleinement leur rôle. Trois variables ont été introduites pour capturer l’effet des agrégats financiers: ce sont l’épargne intérieure brute et les crédits à l’économie (modèle 1) avec respectivement leurs composantes (modèles 2-4) et l’inflation. Excepté cette dernière (éliminée faute de 42 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 données statistiques suffisantes), toutes les variables régressées portent le signe attendu ; et sur un total de cinq variables, trois se sont avérées significatives. Il s’agit du taux d’épargne intérieure (EIBPIB), du taux des crédits à l’économie (CEPIB) et de sa composante de court terme (CECTPIB). En revanche, cinq variables ont été introduites pour capturer les effets des canaux de transmission. Toutes portent le signe attendu mais seules trois ont été significatives. Ce sont la formation brute du capital fixe (FBCF), le flux net des IDE en pourcentage du PIB (FNIDE) et le taux de l’aide publique au développement (APDPIB). Les autres, à savoir le taux des crédits au gouvernement (CGOUV), le taux d’endettement extérieur (DETTEPIB), le taux des dépôts à vue (DAVPIB) et le taux des dépôts à terme (DATPIB) n’ont pas été significatives, la deuxième et la troisième leurs signes étant instables et contre-intuitifs. Globalement donc, sur les onze variables du modèle, sept se sont avérées significatives. Il est vrai que ces régressions présentent très peu de différence entre elles, mais chaque fois qu’une nouvelle variable est introduite, le modèle estimé apporte une information supplémentaire. Pour l’appréciation des impacts individuels, nos commentaires se concentrent sur les variables significatives et s’adressent aux quatre régressions. Les résultats se présentent comme suit : - l’épargne intérieure brute en pourcentage du PIB (EIBPIB) : elle a un coefficient positif et significatif aux seuils respectifs de 5% (modèles 1 et 2) et 10% (modèle 4). Une hausse d’un pour cent de cette variable entraîne une croissance additionnelle du PIB réel par tête qui varie de 0,337% à 0,444%. L’accroissement de l’épargne suppose un maillage plus large des activités économiques par le secteur financier. En finançant les investissements, le système financier permet de produire davantage et de distribuer des revenus dont une partie réintègre le circuit bancaire sous forme de dépôts autorisant ainsi d’autres investissements. Plus ce maillage se raffermit, plus les occasions d’investissements rentables augmentent, plus les moyens de les financer s’améliorent et plus la croissance s’élève ; - le taux des crédits à l’économie (CEPIB) : son coefficient est positif et significatif au seuil de 1%. Cela signifie qu’un accroissement d’un pour cent de ce taux se traduit par une hausse du PIB réel per capita de 55,234%. Cette variable a un pouvoir explicatif 43 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 très élevé parce que les crédits à l’économie sont concédés au secteur privé et servent à financer des investissements productifs ; - le taux des crédits à l’économie de court terme (CECTPIB) : comme la variable crédits à l’économie, il a une influence remarquable sur la croissance. Une augmentation d’un pour cent de ce taux entraîne une hausse du PIB réel per capita de 87,072%, ce qui est exceptionnel. Son impact dépasse en ampleur celui des crédits à l’économie. Ceci est dû au fait que ces crédits financent les dépenses de consommation des ménages, et constituent des débouchés pour les entreprises. Les revenus étant très faibles en zone UEMOA (en atteste la moyenne de l’échantillon), si minime soit elle, leur augmentation a de grandes répercussions sur la croissance ; - la formation brute du capital fixe (FBCF) : son coefficient est positif dans tous les modèles, mais n’est significatif que dans le modèle 3 (seuil de 10%). Une variation de dix pour cent de cette variable entraîne une croissance supplémentaire du PIB réel par tête de 6,75%, ce qui est loin d’être négligeable ; - le flux net des IDE (FNIDE) : il a un coefficient négatif dans toutes les régressions et partout significatif aux seuils de 1 et 5%. Une croissance d’un pour cent de cette variable se traduit par une baisse supplémentaire du PIB réel par tête qui varie de 1,322% à 1,555%. Cet impact négatif s’explique par le fait que les IDE se concentrent généralement dans le secteur des ressources naturelles où la gestion, cadrée par des accords léonins, fait la part belle aux firmes multinationales ; - l’aide publique au développement en pourcentage du PIB (APDPIB) : son coefficient est négatif et significatif aux seuils de 5% (modèles 1 et 3) et 10% (modèles 2 et 4). Une croissance d’un pour cent de cette variable freine la croissance du PIB réel par tête de 0,467% à 0,646%. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cet impact négatif. Malgré les précautions prises par les donateurs, l’aide étrangère est généralement mal gérée ; octroyée sous forme de biens d’équipement, de matériels ou sous forme financière, elle profite généralement à l’administration connue pour sa faible productivité, ou finance des projets de développement également réputés pour leur faible impact. Pour le reste des variables, leurs coefficients n’étant pas significatifs, elles ne feront pas l’objet d’une analyse d’impact. Au total, on retient des résultats que les agrégats financiers contribuent conjointement à la croissance à hauteur de 142,643 – 142,750%. En revanche, la contribution conjointe des 44 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 canaux de transmission est négative, elle varie entre -1,114 et -1,526%. L’effet cumulé global, toutes les combinaisons confondues, est positif et supérieur à 141%. D’après donc cette analyse, le système financier des pays de l’UEMOA est un moteur puissant de la croissance économique ; sa contribution est remarquablement élevée. Conclusion et perspectives Au vu donc de ces résultats, on peut inférer que malgré les effets nocifs de ses canaux de transmission, le système financier des pays de l’UEMOA contribue très fortement à la croissance. On doit cette performance exceptionnelle aux agrégats financiers primaires que sont les crédits à l’économie et dans une moindre mesure l’épargne intérieure brute. L’impact global sur la croissance aurait été plus important si l’effet catalyseur de la formation brute du capital fixe (FBCF) n’est pas amoindri par sa faible significativité et si le flux net des IDE et l’aide publique au développement n’ont pas eu des effets inhibants. Nonobstant les effets néfastes des IDE et de l’aide publique au développement sur la croissance, les résultats suggèrent aux fins d’optimiser la contribution du système financier à la croissance, d’accroître les crédits à l’économie, en particulier ceux de court terme, de stimuler l’épargne domestique et d’investir massivement pour relever le niveau des infrastructures économiques, industrielles et sociales. 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Parmi ces 38 CR, 19 avaient pu bénéficier de la construction d’infrastructures sociales grâce au programme national d’infrastructures rurales et les 19 autres sont des CR non bénéficiaires choisies par la méthode du propensity score matching. La technique utilisée pour déterminer cet impact est l’estimation de Hausman Taylor par variables instrumentales. Les résultats montrent que les infrastructures sociales réduisent le niveau d’abandon scolaire. L’âge des enfants, la taille du ménage et le niveau des élèves expliquent aussi cet effet des infrastructures. Mots clés: Infrastructures sociales, Hausman Taylor, Abandon scolaire ClassementJEL : H54 ; C23 ; I29 enseignant Chercheur à l’université Gaston Berger de Saint-Louis à l’Unité de Formation et de Recherche (UFR) en Sciences Economiques et Gestion. 26 49 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 1-Introduction Conscient de l’importance de l’éducation pour le développement, le gouvernement du Sénégal consacre plus de 40% de son budget de fonctionnement à l’éducation (MEF, 2006)27 Des efforts soutenus dans ce domaine ont permis d’enregistrer d’importants progrès dans le système éducatif. Le taux brut de scolarisation primaire est passé de 68,3% en 2000 à 83 % en 2005, soit une hausse de près de 15 points (ME, 2005)28. Cependant, malgré ces résultats encourageants, le système a une faible capacité à faire progresser une proportion importante des élèves du début jusqu’à la fin d’un cycle à cause du niveau élevé d’abandon. Les résultats de l’Enquête Sénégalaise Auprès des Ménages (ESAM II, 2001) révèlent que près d’un enfant, âgé de 7 à 14 ans, sur dix (8,4%) abandonne l’école. L’analyse des motifs d’abandon scolaire montre que plus d’un enfant, âgé de 7 à 14 ans, sur quatre abandonne le système scolaire du fait de son insertion professionnelle précoce dans le marché du travail surtout en milieu urbain (27,2%). Outre le travail des enfants, les échecs scolaires constituent une cause majeure d’abandon témoignant ainsi du caractère sélectif du système scolaire. La transition du cycle primaire au collège est conditionnée par la réussite au concours d’entrée en sixième dont les résultats sont déterminés par la capacité d’accueil des établissements scolaires du moyen secondaire. Le tableau 1 présente les taux d’abandon dans l’enseignement primaire estimés à partir des statistiques scolaires de 1997 à 2004. Les classes de début et de fin de cycle affichent les taux d’abandon les plus élevés. Par exemple, les abandons représentent 12,4% et 10,5% des effectifs inscrits respectivement au CI et au CM1 en 2002. Ces chiffres indiquent que les phases les plus difficiles dans la fréquentation scolaire sont justement celles qui marquent soit la promotion des élèves dans un cycle, soit l’achèvement d’un cycle. Une autre tendance est l’augmentation des taux d’abandon dans le temps. Il ressort du tableau 1, qu’en sept ans, ils ont fortement augmenté. Une conséquence importante en est la baisse de la capacité de rétention de l’enseignement primaire. Les facteurs de risque les plus importants expliquant l’abandon des élèves à l’école sont des habiletés intellectuelles et verbales faibles, l’échec et le retard scolaires, une motivation et un sentiment de compétence affaiblis, des aspirations scolaires basses, 27 28 Ces informations sont fournies par le Ministère de l’Economie et des Finances. Ces données sont fournies par le Ministère de l’Education (ME). 50 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 des problèmes d’agressivité et d’indiscipline, l’absentéisme, ainsi qu’un faible investissement dans les activités scolaires et parascolaires (Bachman et al., 1971 ; Cairns et al., 1989 ; Slusarcick, 1992 ; Howell et Frese, 1982 ; Janosz et al., 1997). Le facteur familial joue aussi un rôle prépondérant sur l’abandon scolaire. Les résultats de recherches indiquent que les enfants qui proviennent de familles désunies ou reconstituées, à faible revenu ou en dépendance économique, où il y a plusieurs enfants et dont les parents sont peu scolarisés, sont plus prédisposés à abandonner l’école (Bachman et al., 1971 ; Cairns et al., 1989 ; Ekstrom et al., 1986 ; Elliott et Voss, 1974 ; Howell et Frese, 1982 ; Janosz et al., 1997). L’environnement scolaire a aussi un impact sur le niveau d’abandon (voir les travaux de Lloyd, El Tawila, Clarket Mensch (2001) pour l’Egypte ; Glewwe et Jacoby (1995) pour le Ghana ; Lloyd, Mensch et Clark (2000) pour le Kenya). Ainsi, les facteurs susceptibles d’expliquer les abandons sont nombreux et de différentes sources. Nous cherchons dans le cadre de cet article de voir si la mise en place d’infrastructures sociales de base29 a un effet réducteur sur cette déperdition scolaire en milieu rural. Les résultats obtenus montrent un impact positif et significatif du programme de construction de ces infrastructures. Nous cherchons ensuite de trouver quels sont les facteurs qui expliquent ces résultats. Cet article est subdivisé en six sections principales. La deuxième section explique la stratégie du Programme National d’Infrastructures Rurales (PNIR) qui construisait les infrastructures, la troisième présente le modèle d’estimation économétrique, la quatrième la conception empirique du modèle, la cinquième l’analyse et l’interprétation des différents résultats et la sixième donne la conclusion. 2-Stratégie du Programme PNIR Le Programme National d’Infrastructures Rurales (PNIR) était inscrit dans le cadre du renforcement des capacités des communautés rurales (CR) dans leur maîtrise du développement local. Le PNIR, qui n’a duré que cinq années (2001 à 2006) sur les douze initialement prévues, est un projet tiré par la demande qui a pour ambition principale de contribuer à la réduction de la pauvreté et à l’amélioration De nouvelles infrastructures ont été construites par le programme national d’infrastructures rurales entre 2000 et 2006. Il s’agit d’infrastructures scolaires, sanitaires, hydrauliques, commerciales et routières. 29 51 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 des conditions de vie en milieu rural par le financement d’infrastructures (construction et équipement de salles de classe, de postes de santé, de maternités rurales, de cases de santé, construction de latrines, équipement de forages, adduction en eau potable, réalisation ou réhabilitation de pistes rurales) communautaires. La démarche suivie par le programme est participative permettant d’améliorer la gouvernance locale et d’assurer la participation des groupes vulnérables (les femmes et les jeunes) à la prise de décision. La principale caractéristique de ce programme est d’accompagner le transfert de fonds au profit des communautés rurales pour le financement d’infrastructures publiques prioritaires par un appui au renforcement des capacités des institutions à fournir des services de base de qualité aux populations. La démarche suivante a été adoptée pour mesurer l’impact de ces infrastructures sur le taux d’abandon à l’école dans les ménages. 3 -Modèle d’estimation économétrique L’objectif de l’analyse économétrique est d’estimer la relation: yivt = ψXivt + βZiv + λv + εivt (1) où yivt représente le taux d’abandon dans le ménage i du village v au temps t. Xivt est un vecteur de caractéristiques du ménage variantes dans le temps, Ziv représente l’ensemble des variables constantes dans le temps (Il s’agit de certaines caractéristiques du village comme le statut de bénéficiaire du PNIR et aussi des ménages)30, λv est un effet fixe village commun à tous les ménages et constant dans le temps, εivt est un terme d’erreur satisfaisant les propriétés Gauss-Markov habituelles. L’impact de la présence du PNIR dans le village sur le niveau d’abandon à l’école, tout en contrôlant pour les caractéristiques ménage, sera alors donné par l’un des coefficients de β31. Le problème économétrique principal de l’estimation de cette relation par les moindres-carrés ordinaires est le fait que les coefficients seront estimés avec un biais issus du fait qu’il y a très probablement des caractéristiques inobservables du village, 30 Voir tableau 2 pour plus de détails. β représente le vecteur des coefficients des variables constantes dans le temps et notre variable d’intérêt en fait partie. 31 52 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 représentées par λv, qui sont corrélées avec les vecteurs Ziv . La solution classique à ce genre de problème est d’inclure des effets-spécifiques village32. Mais si l’inclusion d’effets spécifiques village a l’avantage de contrôler pour cette source de biais, elle a la malencontreuse conséquence de rendre non-identifiable les coefficients de toutes les variables invariantes dans le temps dont la variable "présence du PNIR dans le village", qui est notre centre d’intérêt. Généralement, la procédure des effets aléatoires pour ce type d’estimation est rejetée par le test de Hausman correspondant33. Une solution au problème posé passe par l’utilisation de l’estimateur de HausmanTaylor (1981) qui permettra de contrôler pour les effets inobservables village tout en identifiant l’impact marginal de la présence du PNIR dans le village sur le niveau d’abandon scolaire des enfants et de toutes les variables invariantes dans le temps34. Le modèle à utiliser se présente sous la forme suivante: yivt = ψ1 X1ivt + ψ2 X2ivt + δ1 Z1iv + δ2 Z2iv + λv + ε ivt (2) – X1ivt (Pour la spécification des variables voir tableau 2) constitue le vecteur des variables exogènes, non constantes dans le temps et supposées non corrélées avec λv et εivt; – X2ivt est le vecteur des variables endogènes qui changent dans le temps et qui sont supposées avoir une possible corrélation avec λv mais sont orthogonales à εivt; Cette procédure est appelée également l’estimateur "within". Algébriquement, on exprime toutes les variables en déviation par rapport à leur moyenne-village. Cette procédure contrôlera pour λv, qui sera éliminée de l’équation, pour la simple raison que, étant commune à tous les ménages du même village, elle est balayée lorsque les variables sont exprimées en déviation par rapport à la moyenne. 32 Ceci n’est pas surprenant dans la mesure où l’hypothèse nulle stipulant que les effets-villages sont orthogonaux aux caractéristiques du ménage et du village est insoutenable statistiquement. 33 34 En résumé, cette procédure estime le modèle à effet aléatoire et utilise les variables exogènes variantes dans le temps comme instruments pour les variables endogènes de même type (c’est-à- dire variantes) et les variables exogènes invariantes plus les variables exogènes ménage variantes exprimées en moyenne comme instruments pour les variables endogènes invariantes (Wooldridge 2002 ; Hsiao 2003) Dans une perspective économétrique, la procédure est une solution consistante pour les problèmes potentiels de corrélation entre les effets individuels et les variables invariantes. 53 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 – Z1iv est le vecteur des variables exogènes, invariantes et supposées non corrélées avec λv et εivt; – Z2iv est le vecteur des variables endogènes, invariantes dans le temps et supposées corrélées avec λv mais orthogonales à εivt. La présence de X2 et de Z2 dans le modèle est la cause du biais dans l’estimation à effet aléatoire. La stratégie utilisée par Hausman et Taylor (1981) est d’utiliser les informations contenues dans le modèle pour instrumenter les variables problématiques que sont X2 et Z2 . 4 -Le modèle empirique Pour évaluer l’effet de la présence des infrastructures sociales sur la performance scolaire des enfants, nous utilisons un échantillon de 38 communautés rurales dont 19 qui bénéficient de l’action du programme d’infrastructures (PNIR), et les 19 autres qui constituent l’échantillon témoin avec les non bénéficiaires. Le problème fondamental de toute étude d’impact est la constitution de cet échantillon témoin, c’est-à-dire du contrefactuel. Nous avons utilisé pour cela les données d’enquête de la Direction de la Prévision et des Statistiques(DPS)35, sur l’accessibilité aux différentes infrastructures sociales de base dans les 320 communautés rurales (CR) que compte le pays. Le principe adopté par le PNIR pour la priorité de l’inclusion d’une CR dans son dispositif relevait de cinq indicateurs d’accès à l’eau, la santé, une route, un lieu de commerce et une école. Nous avons calculé la probabilité prédite pour chaque CR d’être incluse dans le PNIR sur la base de ces indicateurs d’accès sur l’ensemble des 320 CR du Sénégal. Pour obtenir maintenant notre échantillon on a choisi pour chaque CR bénéficiaire la CR non bénéficiaire qui aurait la probabilité de participation la plus "proche". Cette démarche nous a permis d’obtenir un échantillon de 19 CR qui constituent notre groupe de bénéficiaires36 et les 19 autres qui servent de témoins. Dans les communautés rurales choisies 75 villages ont été sélectionnés aléatoirement, et 900 ménages enquêtés dont 600 dans 35 La DPS est devenue l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD). En réalité, l’un des principes directeurs de l’étude d’impact du PNIR est l’utilisation des données ménage issues de l’ESAM2 comme situation de référence. Donc une CR est considérée comme bénéficiaire si elle est choisie par le PNIR et si elle a été enquêtée par l’ESAM2. Cette démarche nous permis d’obtenir un échantillon de 19 CR qui constituent notre groupe de bénéficiaires. 36 54 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 les zones bénéficiaires et 300 dans les zones non bénéficiaires. Cinq passages d’enquête de panel ont été effectués à un intervalle de 6 mois entre passages. La variable dépendante est l’existence ou non d’un abandon dans le ménage enquêté. Les statistiques descriptives des variables utilisées dans le modèle sont présentées dans le tableau 2. Il s’agit principalement des caractéristiques du chef de ménage, du ménage et de celles des enfants. Les informations relatives au chef de ménage sont entre autres, l’ethnie et le niveau d’instruction. Les facteurs relatifs aux enfants sont le genre, l’âge et le niveau d’instruction. Les caractéristiques des ménages sont données par leur taille, leur accessibilité aux infrastructures sociales, leur situation économique37 et le nombre d’enfants présents à l’école. Finalement les informations communautaires (village) sont représentées par la présence du PNIR dans le village. L’objectif est aussi de voir, d’une part, dans quelle mesure les caractéristiques des élèves et celles des ménages influencent l’abandon scolaire, et d’autre part, d’appréhender l’effet des caractéristiques communautaires sur l’abandon. 5 -L’analyse des résultats économétriques Dans la première colonne du tableau 3 nous reproduisons l’estimation en pooling38 sur l’ensemble de l’échantillon. On constate que notre variable d’intérêt qui est la présence du PNIR dans la localité réduit le taux d’abandon de 9.3 % avec un niveau de significativité de 1 %. Nous constatons que plus la taille du ménage est importante moins les cas d’abandon sont présents. Dans les ménages composés entre 5 et 10 personnes, on a eu un effet réducteur sur le niveau d’abandon de 6,7%. Avec les ménages de 11 à 15 personnes, l’effet sur l’abandon est de 7% tandis avec des ménages de plus de 15 personnes l’effet sur l’abandon est de 10 % avec des niveaux de significativité de 1%. Nous constatons en outre que le niveau d’abandon diminue avec l’augmentation de l’âge à un niveau de 1%. Les résultats obtenus sur la variable niveau d’éducation des élèves montrent que plus le niveau est élevé moins l’effet réducteur sur l’abandon est grand. En d’autres termes, le niveau primaire réduit 37 La situation économique du ménage obtenue est une enquête de perception des gens sur leur niveau de bien-être. 38 Il s’agit ici d’une régression linéaire sur l’ensemble de l’échantillon utilisé. 55 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 l’abandon de 35% tandis que les niveaux secondaire et supérieur réduisent l’abandon respectivement de 33% et 21% avec des niveaux de significativité de 1%. L’ethnie du chef de ménage de même que son niveau d’étude n’expliquent pas l’abandon à l’école. Avec l’estimateur within (l’estimateur par effet fixe) enregistré dans la colonne 3 du tableau 3, les résultats obtenus sont similaires. Plus la taille du ménage est importante, plus l’effet sur la réduction de l’abandon l’est aussi mais avec des niveaux de significativité de 10 %. Pour ce qui est du niveau des élèves, les tendances sont identiques. Cependant avec l’estimation par effet fixe, notre variable d’intérêt qui est la présence du PNIR est supprimée car elle est constante dans le temps. La même chose est aussi constatée pour les variables comme l’ethnie du chef de ménage, son niveau de même que le genre l’enfant. Les résultats obtenus dans la colonne 5 du même tableau représentent l’estimation par les effets aléatoires (Moindres Carrés Généralisés). Les estimations obtenues, montrent des tendances identiques avec la colonne 1 (régression par pooling) sur l’effet de la taille du ménage, de l’âge de l’élève et de son niveau avec des significativités de 1%. Le tableau 4 présente les estimations par Hausman Taylor. Les résultats de la colonne 1 montrent que la taille du ménage a un impact positif sur la réduction de l’abandon. Un ménage de taille moyenne réduit l’abandon de 8.9%, celui de grande taille a un effet réducteur 10% tandis que pour les ménages de très grande taille, l’effet est de presque 12%. Pour ces différentes catégories de ménages, le niveau de significativité obtenue est de 10%. Nous constatons que l’abandon diminue de 1% avec l’augmentation de l’âge et à un niveau de significativité de 1%. Aussi plus le niveau de l’élève est élevé moins l’effet sur l’abandon est grand. Le niveau primaire a un effet réducteur sur l’abandon de 35%, le niveau secondaire un effet de 32% tandis que le supérieur a un effet réducteur de 21%. Pour ce qui est de notre variable d’intérêt (la présence du PNIR dans le village), on obtient un impact significatif à10% avec un effet de 21%. Les variables de contrôle comme la situation économique du ménage, l’ethnie du chef de ménage, les niveaux du chef de ménage, ainsi que le genre des enfants ne sont pas significatifs. Dans ce tableau, nous avons essayé de voir l’effet spécifique de la présence d’une école ou bien d’un marché dans les zones de l’étude sur l’abandon des élèves. La significativité de la présence du PNIR montre toute l’importance de la présence d’une infrastructure sociale dans les villages du programme. La construction 56 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 d’infrastructures de proximité permet de mieux lutter contre la désertion des élèves en réduisant les frais relatifs au coût des déplacements et en rendant plus facile le suivi de l’enfant. En d’autres termes, la fréquentation de l’école peut dépendre dans une large mesure de sa proximité ou de son éloignement du domicile des parents. Cependant, des programmes comme le PNIR peuvent aussi avoir des effets pervers. Le développement des infrastructures économiques dans les villages tels que les marchés peut favoriser la désertion des enfants à l’école. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que, plus il y a d’opportunités économiques, plus les enfants (surtout issus de ménages pauvres) sont exposés à l’abandon, les parents préférant souvent les placer dans des activités lucratives (voir Diagne, Kafondo et Ounteni 2006). En essayant de mesurer l’effet d’un marché sur l’abandon, on obtient un effet négatif mais pas significatif. En d’autres termes, l’impact du programme sur les abandons n’a pas été neutralisé par la construction d’autres infrastructures comme les marchés qui créent des opportunités économiques. Pour les variables de contrôle, l’estimation par Hausman-Taylor (1981) nous donne des résultats intéressants. Pour ce qui est de l’âge des élèves, les résultats révèlent que plus les élèves prennent de l’âge, moins ils abandonnent. En fait cette situation pourrait être expliquée par une prise de conscience de l’importance de l’école que l’on acquiert avec l’âge. Aussi, plus le niveau de l’élève est élevé plus la probabilité d’abandonner est importante. Ce résultat s’explique par le fait qu’au Sénégal les niveaux les plus élevés sont relativement les plus difficiles. Ce qui peut aussi expliquer l’abandon à ce niveau, c’est que la majorité des élèves ne font pas leur cycle secondaire et supérieur dans leur localité d’origine car l’infrastructure n’y existe pas. Ils sont obligés d’aller dans les grandes villes pour poursuivre leurs études et ils y rencontrent souvent des conditions de vie difficiles. Généralement tous ceux qui ne trouvent pas des moyens existentiels adéquats préfèrent arrêter leurs études. Parmi les caractéristiques de l’environnement familial, on constate que plus la taille du ménage est importante moins l’abandon est élevé. Ce résultat peut sembler contradictoire si on fait une analyse en termes de coûts. On peut dire qu’un ménage plus nombreux entraine des charges plus importantes dans un milieu souvent caractérisé par une très grande pauvreté. Cela peut pousser certaines familles démunies à ne pas s’opposer à l’abandon des élèves par manque de moyens. Cependant l’avantage qui peut exister dans une famille nombreuse est la possibilité 57 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 d’avoir un membre instruit capable de suivre la scolarité de l’enfant. Cet encadrement a un effet positif et les travaux de Diagne, Kafandon et Ounteni (2006), ont montré que les enfants dont les frères et sœurs sont instruits bénéficient d’un meilleur encadrement à la maison et cela contribue à améliorer leur rétention. Pour mesurer la validité des instruments utilisés dans le cadre de cette étude, la stratégie suivante a été adoptée. En fait, les instruments utilisés ne sont valides que si X̄1i et Z1i sont non corrélées avec les effets spécifiques39. Nous estimons la variable présence du PNIR sur les instruments (X1 et Z1) pour apprécier la validité des ceux ci. Les résultats obtenus au niveau du tableau 5 montrent une certaine corrélation entre les variables de la classe X1 et Z1 et la présence du PNIR. Sauf certaines variables comme l’âge de l’élève, la taille du ménage, les niveaux primaires et secondaires des chefs de ménages et certaines ethnies (Peuls et autres Sénégalais) qui ne sortent pas significatives, toutes les variables sont significatives40. 6-Conclusion L’éducation se caractérise en milieu rural par un niveau d’abandon assez élevé. Dans les communautés rurales bénéficiaires du programme de construction d’infrastructures le niveau d’abandon scolaire est moins élevé comparé aux communautés rurales non bénéficiaires. Nous avons pu montrer que l’ethnie du chef de ménage n’a aucun effet sur la rétention des enfants à l’école, ce qui n’est pas le cas pour les caractéristiques comme la taille du ménage ainsi que les niveaux d’éducation des enfants et l’âge des enfants. Les variables comme le niveau De façon plus précise, les instruments sont valides quand P limn→∞ P limn→∞ Z1i λi = 0 (voir Hausman et Taylor 1 981). 39 X̄1i λi = 0 et 40 Les variables qui ne sortent pas significatives sont considérées comme les mauvais instruments. Le choix de nos instruments est motivé par l’argumentaire ci après. Etant donné que l’attribution des infrastructures est faite au niveau des conseils ruraux par les conseillers ruraux des communautés rurales, il peut exister certains facteurs qui influencent le choix des lieux où implanter les projets. En considérant l’ethnie comme un instrument, cela provient du fait que certaines ethnies ne privilégient pas l’école et par conséquent leurs villages pourraient être choisis afin de résorber ce déficit d’éducation dans ces dites localités. En plus, les zones historiquement sans école se caractérisent par un niveau relativement faible des chefs de ménage. Pour éviter que les jeunes enfants subissent aussi le même sort, de tels villages pourraient être choisis afin de permettre leur scolarisation. Finalement la taille des ménages donne une idée de la démographie du village. Plus le village est peuplé plus il peut avoir une chance de recevoir un projet du programme. Cette stratégie a permis au PNIR de toucher le maximum de personnes. 58 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 d’éducation du chef de ménage, et la situation économique du ménage n’expliquent pas l’abandon scolaire des enfants. En essayant de mesurer la présence spécifique d’une école ou d’un marché sur l’abandon des élèves, on constate que la présence de l’école a un effet positif tandis que l’effet de la présence d’un marché est plutôt négatif dans la lutte contre la désertion scolaire. Ces deux variables ne sont cependant pas significatives. En termes de recommandations de politique économique, nous pensons que des programmes d’infrastructures sociales peuvent participer à l’augmentation du taux de scolarisation brut et à la réduction de l’abandon scolaire. Pour atteindre de tels résultats, il faut procéder à la construction d’écoles pouvant favoriser une meilleure accessibilité pour les apprenants. Aussi, il est important de veiller à la qualité des infrastructures sociales construites et à leur bon fonctionnement en y mettant un personnel qualifié. Cela est d’autant plus important car la demande que les populations ont pour l’éducation dépend de la disponibilité et de la qualité des infrastructures. L’opinion que se font les parents sur les conditions d’étude à l’intérieur des établissements d’enseignement public peut affecter leur décision de scolariser leurs enfants ou bien même d’encourager l’abandon scolaire, surtout quand l’école est mal entretenue ou délabrée. Aussi, la décision de construire des établissements scolaires doit toujours être accompagnée d’une campagne de sensibilisation sur l’utilité d’aller à l’école et d’y rester. 59 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 Bibliographie [1] Ainsworth, M., Beegle, K., Nyamete, A. (1995): "Impact of Female Schooling on Fertility and Contraceptive Use: A Study of Fourteen Sub-Saharan Countries," [2] Amemiya T., T. MaCurdy, (1986): "Instrumental-variable Estimation of an Error-components Model," Econometrica, 54(4): 869-880. [3] Angrist, J. D., G. W. Imbens, and D. B. 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(2002): "Econometric Analysis of Cross-Section and Panel Data," Cambridge, Mass.: MIT Press. Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 SOLVABILITÉ DES EMPRUNTEURS SOUVERAINS ET PRIMES DE RISQUE SUR LES TITRES DE LA DETTE PUBLIQUE EN ZONE UEMOA Dr Babacar Sène41 Résumé Cet article a pour objectif d’évaluer l’impact de la solvabilité des États membres de l’UEMOA sur la prime de risque des titres publics (obligations et bons du Trésor) exigée par les investisseurs sur la période allant de 2002 à 2012. Les résultats des régressions sur données de panel à l’aide de l’estimateur du Mean Group montrent que les facteurs de solvabilité budgétaire les plus pertinents qui ont affecté les spreads sont le ratio dette sur PIB, le fardeau de la dette, les arriérés de paiement et la position nette du gouvernement. Le rating des agences notation explique aussi la différence de primes de risque entre les pays. Le résultat important qui émerge de l’analyse est la nécessité pour les États de respecter les critères de convergence de premier et second rangs permettant de lever des fonds à des taux plus abordables auprès des investisseurs afin de les préserver contre le risque de jeu de Ponzi. Mots clés : Prime de risque, variables souveraines, titres publics, UEMOA Classements JEL : E43 ; E63 ; G18 ; H63. 41 Enseignant-chercheur en économie à la Faculté des Sciences Économiques et de Gestion (FASEG) Université Cheikh Anta Diop de Dakar Sénégal. Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 1. Introduction Dans les pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), les titres publics restent aujourd’hui une opportunité importante d’investissement pour les banques et institutionnels. La majeure partie des titres détenus par les investisseurs est sous la forme de dette publique. Le marché des titres publics a connu un développement sans précédent à la suite de la décision prise par le Conseil de Ministres de l’UEMOA, de supprimer les avances statutaires de la BCEAO. Les États membres de l’Union étant souvent confrontés à des difficultés budgétaires font de plus en plus recours à l’émission de titres par voie d’adjudication ou par appel public à l’épargne via le marché financier. L’engouement des banques pour les titres publics s’explique par leur caractère sûr, mais aussi par la possibilité d’utiliser ces actifs souverains comme moyen de garanties au refinancement de la banque centrale. D’après une étude réalisée par la Banque de France, les émissions de titres publics dans l’Union sont passées de 0,1% du PIB en 2000 à 6,5% en 2011. Dans le cas du Bénin on constate une progression dynamique de 3,8% en 2008 à 9,2% en 2011. Toutefois, ce développement financier pose un certain nombre de problèmes qui mérite d’être souligné. En effet, des études récentes réalisées dans le contexte des pays développés et en développement ont montré les enjeux liés au financement des dettes souveraines. Dans le cas des pays développés, les investigations ont fait ressortir d’abord un lien entre les critères budgétaires (déficit budgétaire et endettement) et les primes de risque sur les titres d’État. Ensuite récemment, les recherches ont montré une interconnexion entre la solvabilité des États et le secteur financier suite aux crises des « subprimes » et des dettes souveraines en Europe. Dans le contexte des pays en développement, les résultats font ressortir les effets potentiels de la solvabilité des gouvernements sur les rendements des obligations d’État. Si les titres d’État incorporent des primes de risque, une augmentation de l’endettement ou une détérioration du solde budgétaire peut entraîner une montée des taux exigés par le marché. Plusieurs arguments ont été avancés pour expliquer l’impact de la situation financière du gouvernement sur le marché des capitaux. Selon une certaine étude, les inquiétudes Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 relatives à la solvabilité des emprunteurs souverains ont sérieusement affecté la santé des systèmes financiers sur le plan national et international (Caruana, Avdjiev, 2012). Alors qu’une autre montre que la détérioration des finances publiques et le comportement d’aversion au risque des investisseurs sont à l’origine de la montée des spreads de taux relatifs aux actifs souverains (Bernoth, von Hagen et Schuknecht, 2004). Partant de ce constat, cette contribution tente de répondre à la question suivante : quel est l’impact de la solvabilité des États de l’UEMOA sur les spreads de taux d’intérêt publics ? En d’autres termes, la situation des finances publiques contribue-t-elle à renchérir le coût des ressources lié aux emprunts d’État ? C’est tout l’enjeu de cette réflexion qui cherche à trouver une connexion entre la situation budgétaire des États et la volatilité des taux sur le marché des capitaux. L’intérêt est d’examiner théoriquement et empiriquement les déterminants macroéconomiques des primes de risque souverain en zone UEMOA. Plus spécifiquement, il s’agit d’analyser d’une part, les effets de la discipline budgétaire sur les écarts de taux d’intérêt et, d’autre part, d’étudier les moyens à mobiliser pour mettre en place un cadre budgétaire efficace, voire coordonné pour assurer la crédibilité des émissions. La relation entre discipline budgétaire et prime de risque est une littérature récente dans le contexte des pays en développement, et à notre connaissance, seules quelques études descriptives ont été effectuées dans le contexte de l’UEMOA. Le propos est donc d’essayer de voir le lien entre les deux phénomènes d’un point de vue théorique et empirique. Voilà comment se présente la section 1. La suite de la réflexion s’organise de la façon suivante : les sections 2 et 3 présentent respectivement une revue de la littérature sur la question et un modèle théorique expliquant les déterminants des primes de risque souverain. La section 4 envisage l’estimation empirique de la forme réduite du modèle et conclusion et des recommandations de politiques économiques. 2. Revue de la littérature la section 5 expose une Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 Cette section analyse les études qui ont été réalisées dans le contexte de pays développés et en développement. Dans une première partie nous examinons la relation entre solvabilité des États et primes de risque dans les pays développés et en développement. Dans la deuxième partie, nous exposons la littérature naissante en zone UEMOA. 2.1 Solvabilité des États et primes de risque dans les pays développés et en développement Une vaste littérature liée aux déterminants des primes de risque sur les titres publics des pays développés et en développement a émergé ces dernières années. D’une part, dans le cas des pays en développement, la crise de la dette des années 1980 et les crises financières dans les pays asiatiques et latino-américains ont montré l’importance de l’environnement économique sur le pricing des titres de la dette publique. D’autre part, la crise récente des dettes souveraines en Europe a donné un regain d’intérêt pour cette littérature. Edwards (1986) utilise une approche comparative pour évaluer les déterminants des primes de risque des crédits bancaires aux États et des obligations souveraines de pays en développement. Les résultats montrent que les marchés obligataires ont anticipé la crise de la dette des années 1980 à travers la hausse des écarts de taux. Dans le prolongement des travaux d’Edwards, (Kamin et Kleist,1999) évaluent le comportement des primes de risque liées à 304 obligations et 358 prêts bancaires syndiqués négociés dans les années 1990. Les auteurs se servent des spreads de Moody’s et Standard and Poor’s. Ils trouvent que les taux exigés aux pays de l’Amérique latine étaient plus élevés que ceux des pays asiatiques. Toutefois, ces analyses ont été nuancées par (Eichengreen et Mody,1998) qui étudient les déterminants de la hausse des spreads de taux sur un échantillon de pays en développement en contrôlant les facteurs d’offre et de demande de titres sur les marchés obligataires. Les résultats sont différents d’un continent à un autre. L’offre de titres émanant des pays de l’Amérique latine est moins sensible aux conditions du marché. Les travaux de De Mendonça et Pereira Duarte Nunes (2011) montrent que les variables budgétaires publiques ont une influence sur la tarification des titres obligataires d’État. L’étude révèle que la stabilisation du ratio dette/PIB et les excédents budgétaires réalisés par le gouvernement brésilien sont à l’origine de la baisse des taux. Les auteurs donnent de nouvelles pistes de politiques budgétaires pour les pays en développement. Cependant, l’approche de (Ciocchini, Durbin et Ng,2003) introduit une dimension gouvernance dans la détermination des primes de risque à travers l’indice de corruption. Les auteurs analysent la relation entre la corruption et le coût des emprunts d’État et des obligations Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 d’entreprise. En se fondant sur l’indice de corruption développé par Transparency International, ils montrent que les pays les plus corrompus paient généralement des primes de risque plus élevées. La littérature sur les déterminants des primes de risque s’est enrichie récemment avec de nouvelles publications suite à la crise qui a secoué les pays développés notamment ceux de la zone euro. (Schuknecht, von Hagen et Wolswijk, 2010) s’intéressent aux émissions d’emprunts d’État en dollar et en euro. Les investigations aboutissent à une relation étroite entre les écarts de rendement et les conditions économiques en vigueur avant et après la crise financière récente. La montée de l’aversion au risque et les déséquilibres fiscaux ont été à l’origine des sanctions du marché en matière de tarification. (Bolton et Jeanne, 2011) estiment l’impact de la crise des dettes souveraines sur le système financier de la zone euro. La montée de l’intégration financière a poussé les banques à diversifier leurs portefeuilles. Cette diversification a généré des bénéfices ex ante et une contagion ex post. Ils soulignent que l’intégration financière sans l’intégration budgétaire peut être source de déséquilibre de l’offre de titres publics. En résumé, cette revue de la littérature montre l’importance des facteurs budgétaires, macroéconomiques et institutionnels dans la détermination des gaps de taux sur le marché des actifs publics. La fragilisation de l’environnement économique est source de hausse des taux d’intérêt exigés par les investisseurs aux emprunteurs publics qui étaient considérés auparavant comme des émetteurs sans risques. Avec l’avènement du marché des capitaux en zone UEMOA, une littérature naissante s’est intéressée à cet axe de recherche. 2.2 La littérature naissante en zone UEMOA Cette littérature s’est développée durant les années 2000. Le FMI, dans le cadre de ses analyses de l’évolution des marchés des capitaux des pays émergents, a lancé une série d’études s’intéressant aux caractéristiques et à la spécificité du marché financier de l’UEMOA (Sy, 2010 et Diouf et Boutin-Dufresne, 2012). (Guillaumont et Guérineau,2007) analysent la possibilité, pour les États membres de l’UEMOA, de faire recours aux emprunts internes dans un contexte d’annulation de la dette suivant les initiatives pays pauvres très endettés et multilatérales. La situation de surliquidité des banques et de faiblesse des obstacles institutionnels peuvent favoriser le développement du marché des titres publics. Dans la lignée des travaux précédents, (Cabrillac et Rocher,2009) diagnostiquent le marché des titres africains y compris celui de l’UEMOA ; les auteurs concluent que l’intérêt accru des investisseurs étrangers a entraîné l’attractivité Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 de ces marchés naissants. Ces derniers ont constitué une opportunité d’investissement dans un contexte où les primes de risque sur les actifs souverains avaient fortement baissé. Mbengue (2009) explore les déterminants des spreads de crédit dans les pays de l’UEMOA en prenant comme référence pour l’actif sans risque, la BOAD. L’étude montre que les primes de risque sur le marché obligataire sont étroitement liées à des facteurs comme la corruption, le niveau d’endettement des États, les réserves extérieures, le crédit domestique et le service de la dette. Toutefois, Sy (2010) souligne que les ratings des agences de notation n’ont pas joué un rôle important dans la détermination des taux d’intérêt liés aux émissions de dette publique interne des pays de l’UEMOA. En effet, quatre pays avaient fait l’objet de notation de l’agence Standard & Poor’s. Le Sénégal était le pays le mieux noté (B+) et les autres (Bénin, Burkina Faso et Mali) disposaient de la cote B. La Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau et le Togo n’étaient pas évalués. L’étude montre que les intérêts payés par les gouvernements n’avaient pas augmenté suite à la dégradation des notes. Les spreads du Sénégal ont évolué de (-99 points de base ou pb à 56 pb) pour les bons du Trésor et de (75 pb à 100 pb) pour les obligations d’État. Contrairement à Mbengue (2009), son benchmark pour le taux sans risque est celui de la SFI notée AAA pour les émissions en monnaie locale suivant la même maturité de dette. Une recherche plus récente développée par (Diouf et Boutin-Dufresne,2012) examine dans le contexte de l’UEMOA les déterminants des taux d’intérêt et de la courbe des taux grâce à une analyse en composantes principales. Le principal facteur qui affecte les taux d’intérêt publics est la notation des Etats. Les primes de risque étaient aussi expliquées par la liquidité du marché, la maturité des émissions, les taux de couverture, d’autres éléments comme les effets saisonniers, les types d’adjudication ou de syndication et la fréquence des émissions. Ils trouvent que les taux d’intérêt des obligations régionales et Kolas (SFI, AFD) étaient parmi les plus faibles du marché contrairement aux titres d’entreprise. D’où la nécessité pour les États de profiler leur dette. Au total, la revue de la littérature montre que le lien entre la prime de risque sur les titres publics et les fondamentaux économiques a fait l’objet d’un débat assez approfondi. Le résultat principal qui se dégage est que l’environnement macroéconomique influence le comportement des investisseurs en matière de taux exigés aux emprunteurs souverains qui étaient considérés comme des débiteurs sans risques. Notre investigation s’intéresse exclusivement à l’impact de la solvabilité des emprunteurs souverains sur les primes de risque des titres publics des pays de l’UEMOA. Il s’agit d’analyser la relation entre les spreads de taux et les facteurs budgétaires comme le ratio dette sur PIB, les arriérés de Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 paiement, le solde budgétaire, le fardeau de la dette, la position nette du gouvernement et d’autres variables identifiées par la littérature. L’étude sera fondée sur une construction théorique et une analyse empirique basée sur l’économétrie des données de panel non stationnaires. La contribution par rapport à la littérature est, d’une part, de s’inspirer des mesures de solvabilité de la commission de l’UEMOA et d’estimer leur impact sur le pricing des actifs souverains et, d’autre part, d’élaborer une stratégie permettant de rendre efficace les émissions dans le contexte de l’union économique et monétaire. 3- Le modèle théorique Le cadre théorique que nous adoptons s’inscrit dans le prolongement des travaux de (Goldstein, Woglom, King et Tanzi,1992, Bayoumi, Goldstein et Woglom,1995 et Bernoth, von Hagen et Schuknecht,2004) qui analysent la relation entre les primes de risque et la situation budgétaire des États dans un monde à deux pays. Nous adaptons le modèle au contexte de l’UEMOA en supposant l’émission de deux types de titre sur le marché des capitaux (les titres d’État et les titres émis par des entités dont la probabilité de défaut est faible). Considérons un investisseur domestique qui maximise sa fonction d’utilité qui dépend positivement de sa richesse espérée Et Rt 1 et négativement du risque t2 Rt 1 . Le programme d’optimisation se présente comme suit : Max U Et Rt 1 , t2 Rt 1 U E' 0 et U' 0 (1) L’investisseur alloue une fraction α de sa richesse aux titres d’État et (1 –α) à d’autres titres dont les rendements sont plus faibles et supposés moins risqués (BOAD, SFI et AFD) qui ont émis des titres à la bourse régionale des valeurs mobilières en faisant valoir leur qualité de signature ; t Rt DG 1 t Rt DRF où DG représente le montant investi sur les titres d’État et D RF celui placé sur les titres sans risques. Nous supposons que les titres d’État peuvent faire l’objet d’un risque de défaut potentiel. À titre d’exemple, le Sénégal est noté B+ par Standard & Poor’s pour les émissions en devise et en monnaie nationale. Alors que la SFI dispose de la meilleure qualité de signature sur le marché (AAA+). Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 Le gouvernement a une probabilité 1 Px de ne pas pouvoir servir sa dette. x t représente un ensemble de variables susceptible d’engendrer un risque de défaut sur les titres d’État ( le ratio dette sur PIB, le solde budgétaire de base rapporté au PIB, le service de la dette). En cas de défaut, l’investisseur reçoit une fraction du placement initial avec 0,1 r où r est le coût de l’endettement public et perd une fraction l de sa richesse. L’espérance mathématique et le risque du portefeuille de l’investisseur s’écrivent : E Rt 1 1 rt t Rt Pxt t t Rt 1 P( xt ) t Rt l t 1 rRF 1 t Rt (2) t2 Rt 1 t2 Rt2 1 rt t 2 Pxt 1 Pxt (3) La maximisation de l’utilité de l’agent donne le résultat suivant : ˆt P xt 1 rt t 1 P xt lt 1 t 1 rt t 2 P xt 1 P xt rRF (4) 2 RtU '' où t est le coefficient d’aversion relative au risque de l’investisseur. U' La part de la richesse placée par l’investisseur dépend de plusieurs facteurs : la prime de risque liée à l’arbitrage entre les placements risqués et sans risques, les fondamentaux budgétaires contrôlés à travers la variable x t , l’aversion au risque θ, la part récupérée en cas de défaut de paiement et la perte potentielle sur l’obligation souveraine l . 4. Estimation empirique de la forme réduite du modèle 4.1 Méthodologie d’estimation La méthode du Mean Group est choisie pour estimer la forme réduite du modèle : p 1 q 1 j 1 j 0 y it i y i ,t 1 i' x it ij* y it j ij*' x it j i it (5) où t 1..........T , i = 1…..N. , p le nombre de retards de la variable endogène retardée et q le nombre de retards des variables exogènes. xit représente la matrice des variables explicatives du modèle, i les effets fixes, ij les coefficients liés à la variable endogène retardée, ij les coefficients à estimer. Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 Il existe une relation de co-intégration entre les variables du modèle si 1 0 . Dans ce cas : yit i xit it où it est I(0). i 4.2 Analyse empirique des déterminants des primes de risque sur les titres publics La modélisation théorique et la revue de la littérature ont permis d’identifier des variables susceptibles d’impacter les spreads de crédit des titres d’État. Les environnements macroéconomique et institutionnel sont des facteurs déterminants des gaps de taux sur le marché des titres publics. Étant donné l’importance des facteurs budgétaires dans le comportement de placement des investisseurs, nous posons la relation suivante : SBB Dette Dette 2 log(spread) it 1 2 3 4 IPC it 5 PNG it 6 ARRit 7 crit 8 Ratingit 9 infit i it PIB it PIB it PIB it (6) où spread = rit rRFt désigne la prime de risque sur les titres d’État, le taux sans risque est variable suivant la période (BOAD, SFI pour les obligations et État français pour les Bons du Trésor), Dette/PIB, l’encours de la dette publique sur le PIB, (Dette/PIB)2 le fardeau de la dette, SBB le solde budgétaire de base, PNG la position nette du gouvernement auprès des institutions monétaires et financières, ARR les arriérés de paiement, IPC l’indice de perception de la corruption publié par Transparency International, cr le taux de croissance réelle de l’économie qui explique l’impact du cycle des affaires sur les primes de risque, INF le taux d’inflation, Rating une variable muette qui représente la note attribuée par l’agence de notation Moody’s ou Standard & Poor’s ( 0 si le pays n’est pas noté, 1 pour les pays notés B ou B+), i les effets individuels, et it l’erreur du modèle. L’échantillon est composé de 77 observations et 7 pays couvrant la période 20022012. Les données sont relatives aux 7 pays de l’UEMOA : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Mali, Niger, Sénégal et Togo. Les statistiques sont tirées de la base de données économiques et financières de la BCEAO, des données de la BRVM et du marché monétaire, des annexes statistiques du rapport de surveillance multilatérale de la commission de l’UEMOA et des publications de Transparency International. 4.2.1 Impact des facteurs budgétaires et économiques sur la prime de risque des titres publics Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 La prime de risque sur les titres publics est liée à plusieurs facteurs dont les principaux sont identifiés au niveau de l’équation (6). On distingue alors les variables relatives à la solvabilité des États (le ratio dette/PIB, le fardeau de la dette, le solde budgétaire de base rapporté au PIB, les arriérés de paiement, la position nette du gouvernement) et celles spécifiques à l’environnement économique et institutionnel (la croissance réelle, l’inflation, l’indice de corruption). Les signes attendus par rapport à ces variables sont : le ratio dette/PIB a un impact ambigu sur les spreads de taux, une dette soutenable tend à réduire la prime de risque sur le marché des capitaux. Cette situation peut être expliquée par la capacité de remboursement des souverains en période d’endettement maîtrisé. On s’attend à un signe négatif c’est-à-dire une hausse de l’endettement lorsqu’il est soutenable, car il réduit la prime de risque. Notons que dans le cas des critères de convergence de l’UEMOA, le ratio dette sur PIB cible est fixé à 70% (critère de premier rang) ; le ratio (Dette/PIB)2 permet de contrôler l’effet du surendettement sur les écarts de taux d’intérêt publics. Les investisseurs exigent des taux de rendement plus élevés lorsqu’ils jugent que la dette est insoutenable. Dans ce cas un signe positif est attendu. Cette variable permet d’introduire des effets non linéaires de l’emprunt sur les gaps de taux ; le solde budgétaire de base rapporté au PIB est un critère de premier rang, dont la valeur doit être supérieure ou égale à 0. Une situation de déficit budgétaire tend à renchérir le spread de taux. Ce solde permet de capturer l’impact des efforts et de l’équilibre budgétaire de l’État sur la volatilité des taux d’intérêt publics ; les arriérés de paiement représentent un indicateur important de solvabilité budgétaire (critère de premier rang). Une constitution d’arriérés de paiement donne un mauvais signal aux investisseurs qui vont exiger des taux d’intérêt plus élevés pour rémunérer le risque encouru. Une hausse des arriérés de paiement entraîne une augmentation de la prime de risque ; la position nette du gouvernement (PNG) est mesurée par la différence entre les prêts des institutions monétaires et financières accordés à l’État et les dépôts du Trésor auprès de celles-ci. Une hausse de la PNG a un effet positif sur les gaps de taux d’intérêt. Cette variable permet aux banques de mesurer la capacité de remboursement des États de l’union ; Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 la croissance réelle est un indicateur permettant de mesurer l’impact du cycle économique sur la tarification des actifs publics. Une amélioration de la situation économique réduit les spreads de taux. Le PIB étant un proxy pour mesurer l’assiette fiscale, une augmentation de l’activité est susceptible d’engendrer des recettes budgétaires plus considérables, réduisant ainsi le risque de défaut de paiement de l’État ; l’inflation a un effet positif sur la prime de risque. Une progression de l’indice des prix entraîne une baisse des rendements réels des titres. En période de forte inflation, les investisseurs exigent des rendements plus élevés ; la corruption affecte positivement la prime de risque. La littérature a montré que les pays les plus corrompus paient des primes de risque plus élevées ; le rating est une mesure synthétique de la capacité de remboursement et de solvabilité d’un gouvernement. Dans le cas de l’UEMOA, le Bénin, le Burkina Faso et le Mali font actuellement l’objet d’une notation B ; le rating du Sénégal (B+) étant sensiblement meilleur que les autres. Les notes de qualité B sont qualifiées de grade spéculatif et exigent des primes de risque plus élevées si les pays font appel au marché international. À titre de rappel, en 2012 le Sénégal a levé 500 millions de dollars sur le marché des euro-obligations à un taux avoisinant 8%. 4.2.2 Analyse préliminaire des données statistiques et faits stylisés La prime de risque moyenne sur les obligations d’État et les bons du Trésor (tableau 1) varie d’un pays à un autre. Le Togo, le Niger et la Côte d’Ivoire disposaient de primes de risque plus élevées. La comparaison permet de montrer que le Sénégal dispose en moyenne d’une prime de risque plus faible que les autres pays durant la période d’estimation. Les spreads du Bénin, du Burkina Faso et du Mali varient entre 125 pb et 142 pb ; leurs médianes sont assez proches. En revanche, en termes d’instabilité, des écarts importants sont notés pour le Bénin et le Niger. Cette situation s’explique par le caractère hétérogène des émissions qui sont effectuées sur le marché obligataire et des bons du Trésor de l’UEMOA. Les États peuvent émettre des obligations via la BCEAO ou par appel public à l’épargne. Les bons du Trésor sont émis par voie d’adjudication à taux multiples par l’intermédiaire de la Banque centrale. Cette concentration des primes de risque s’explique aussi par la spécificité des investisseurs qui interviennent sur le marché Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 des capitaux de l’union. Les banques, de par leur situation de surliquidité, ne prennent pas de risques et appliquent la stratégie de « buy and hold » ; ce qui rend le marché secondaire peu liquide. Tableau 1 : Statistiques relatives aux primes de risque par pays en points de base (2002-2012) Côte d'Ivoire Bénin Burkina Faso Mali Niger Sénégal Togo T 11 11 11 11 11 11 11 Moyenne 187 142 138 125 225 97 235 Médiane 174 114 124 124 172,2 105 175 Écart-type 99 127 94 58 182 42 125 Source : Calculs de l’auteur à partir des bases de données de la BCEAO, de la BRVM, de la Banque de France ( statistiques Zone Franc) et du Trésor français L’évolution des variables de solvabilité budgétaire (tableau 2) est différente d’un pays à un autre. Les meilleures performances économiques ont été réalisées en moyenne par le Bénin, le Burkina Faso et le Sénégal. La situation politique en Côte d’Ivoire explique la détérioration de ses fondamentaux économiques. Ce pays a constitué d’énormes arriérés de paiement et a vu sa dette exploser et sa position nette se dégrader. La dette publique interne ivoirienne a fait l’objet d’une restructuration de la part des autorités de la supervision bancaire suite au défaut de paiement de l’État ivoirien sur le marché des titres publics. Cette situation à un moment avait envoyé un mauvais signal aux investisseurs de la zone, entraînant ainsi une flambée des taux exigés à l’État ivoirien. Le ratio dette sur PIB est assez stable pour les pays à l’exception du Togo et de la Côte d’Ivoire. Le respect de ce critère de premier rang s’explique par les initiatives pays pauvres très endettés et multilatérale dont ont bénéficié certains pays de la zone. Cependant, il faut souligner que certains pays comme le Sénégal ont connu un rythme d’endettement assez soutenu entre 2005 et 2012. L’observation préliminaire des statistiques permet de ressortir un lien étroit entre l’évolution des spreads de taux et des variables budgétaires. La détérioration de la situation financière des États semble affecter sensiblement les taux d’intérêt exigés aux États émetteurs. Cette première analyse des données se confirme avec les résultats obtenus par la littérature dans les pays développés et en développement. La modélisation à travers l’économétrie des données de panel nous édifiera de façon plus explicite de l’impact des variables de solvabilité budgétaire sur les gaps de taux publics tout en contrôlant d’autres chroniques comme l’inflation, la corruption et le taux de croissance économique. Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 Tableau 2 : Moyenne des variables de solvabilité budgétaire et Rating ( 2002 - 2012) Solde budgétaire/PIB Dette/PIB Arriérés de paiement PNG Rating Côte d'Ivoire Bénin Burkina Faso Mali Niger Sénégal Togo -0,86% 75,79% 0,50% 30,64% -1,95% 31,70% 0,43% 43,34% -0,64% 47,50% -0,81% 43,11% 0,35% 90,46% 137,49 216,57 NN -16,05 -96,36 B 0,06 -6,79 B -10,32 -86,96 B -13,81 15,54 NN 0,00 20,11 B+ -1,70 45,24 NN Source : Rapport de surveillance multilatérale de l’UEMOA, la PNG et les arriérés de paiement qui sont en milliards de FCFA. Pour la PNG, une valeur positive signifie une détérioration. NN : Non noté 4.2.3 Analyse de la stationnarité des variables du modèle et relation de co-intégration Les tests de racine unitaire sont élaborés suivant deux approches : (Levin, Lin et Chu, 2002) et (Im, Pesaran et Shin,2003). Les résultats sont répertoriés dans les tableaux 3 et 4 de l’annexe. Les résultats suggèrent que la croissance économique, l’inflation et les arriérés de paiement sont stationnaires en niveau d’après l’interprétation des deux tests ( LLC et IPS). La stationnarité de la prime de risque, de la position nette du gouvernement, du solde budgétaire, du ratio dette sur PIB et du fardeau de la dette est confirmée uniquement par les statistiques de LLC. Cependant l’indice de corruption est non stationnaire quel que soit le test utilisé. Le calcul des différences premières montre que toutes les variables qui ont fait l’objet de doute durant la première analyse sont stationnaires. Nous pouvons donc présager une relation de co-intégration entre le spread de taux et les variables exogènes du modèle. Nous utilisons le test de Kao (Tableau 5) pour analyser l’existence d’une relation de co-intégration. Compte tenu de la faiblesse de l’échantillon, nous n’avons pas pu appliquer les statistiques de Pédroni. À la lecture de la statistique de Kao (p-value < à 1%), nous pouvons affirmer l’existence d’une relation de co-intégration entre l’écart de taux sur les titres publics et les autres variables du modèle. La relation de long terme peut être évaluée à l’aide de l’estimateur Mean Group de (Pesaran et Smith,1995). 4.2.4 Estimation de la relation de long terme par la méthode du Mean Group Plusieurs spécifications sont utilisées pour mesurer la contribution des variables de solvabilité budgétaire à la variation des écarts de taux d’intérêt sur les actifs publics. Les Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 résultats observés sont synthétisés au niveau du tableau 6 en annexe. Les conclusions suivantes sont dégagées à la lecture des statistiques associées aux différents coefficients. D’une part, une hausse de l’endettement, de l’indice de perception de la corruption, de la croissance entraîne une réduction des primes de risque. Cependant, seuls le niveau de la dette et celui de l’indice de perception sont significatifs. Le coefficient lié au taux de croissance réelle est non significatif quelle que soit la spécification utilisée. D’autre part, les arriérés de paiement, la position nette du gouvernement, le solde budgétaire, l’inflation et le fardeau de la dette affectent positivement les spreads de taux. Parmi ces variables, seul le solde budgétaire n’est pas statistiquement significatif aux seuils choisis (1%, 5% et 10%). La variable rating qui permet de contrôler de façon synthétique la solvabilité des États impacte négativement les taux d’intérêt car mieux le pays est noté et plus le marché exige un taux faible. Les résultats des estimations laissent apparaître une relation robuste entre la solvabilité des États et les taux de rendement exigés par les investisseurs. En effet, lorsque le gouvernement s’endette à un niveau raisonnable, une hausse des emprunts influence favorablement la confiance des investisseurs. Si le pays est confronté à un fardeau de l’endettement, le service de la dette pompe une bonne partie des recettes budgétaires, fragilisant la situation financière de l’État auprès des apporteurs de capitaux. Un pays, qui constitue des arriérés de paiement, fragilise la situation des banques, car les fournisseurs de l’État se préfinancent généralement auprès d’elles. Quant à la position nette du gouvernement, c’est une variable budgétaire très suivie par les institutions financières et monétaires. Concernant les estimations, elle est dans la plupart des cas pertinente. Par ailleurs, les signes attendus pour l’endettement et le fardeau de la dette confirment l’existence de non-linéarité dans le modèle. À partir d’un seuil d’endettement critique estimé entre 45% et 60%, toute hausse supplémentaire de la dette influence les spreads de taux des titres publics. Une politique d’endettement saine est nécessaire pour préserver la confiance des investisseurs par rapport aux émissions de titres publics. 5 - Conclusion et recommandations L’objectif principal de ce travail est d’évaluer l’influence des variables budgétaires et économiques sur les primes de risque des titres publics dans les pays de l’UEMOA. L’étude est fondée sur une analyse préliminaire des séries financières et économiques et sur une estimation empirique à l’aide des données de panels non stationnaires. Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 Les résultats de la recherche montrent que le ratio dette sur PIB, l’indice de perception de la corruption et le rating des titres d’État influencent négativement et significativement les gaps de taux. En revanche, les arriérés de paiement, la position nette du gouvernement, l’inflation et le fardeau de la dette sont positivement corrélés aux spreads de taux. Plusieurs spécifications sont utilisées pour rendre les résultats plus robustes. Par ailleurs, des non-linéarités sont introduites dans le modèle pour estimer des effets seuils de l’endettement sur les écarts de taux. Un autre résultat important qui émerge de l’analyse est la nécessité pour les États de respecter les critères de convergence de premier et second rangs permettant de lever des fonds à des taux plus abordables auprès des investisseurs. L’émission de titres de la dette publique à un coût plus faible permet d’éviter aux États des situations de jeu de Ponzi à long terme. En effet, il est reconnu que si le coût de la dette est plus important que le taux de croissance de l’économie, la dette évolue vers une situation de surendettement. Globalement, il ressort des estimations que les États doivent mettre en place un cadre de gestion budgétaire efficace pour encadrer les émissions de titres publics dans les pays de l’Union. Ce constat est en phase avec la création de l’agence UMOA-Titres à l’image de l’agence France Trésor dont le rôle essentiel sera le pilotage stratégique des émissions d’actifs publics pour le compte des États membres. L’interconnexion entre les variables financières et les fondamentaux budgétaires nécessite la mise en place d’un cadre de concertation plus étroit entre les autorités de la supervision bancaire et de la surveillance économique (commission de l’UEMOA). Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 Bibliographie [1] Bayoumi, T., Goldstein, M. & Woglom, G. (1995). “Do Credit Markets Discipline Sovereign Borrowers? Evidence from U. S. States”, Journal of Money, Credit and Banking, vol. 27 Part 1 (November), pp. 1046-59. 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Test Statistique p-value N NT Kao (1999) 2,6934 0,0035* 7 * signifie que les variables sont co-intégrées au seuil de 1% 77 Revue Ouest Africaine de Sciences Economiques et de Gestion, Vol 7, n 1 Tableau 6 : Résultats des estimations du Mean Group ( MG) suivant plusieurs spécifications ( variable endogène Log(spread)) Variables exogènes Spécification 1 PNG SBB 0,0293 (0,18) IPC -0,3036*** (0,07) Dette/PIB -0,1648* (0,003) Spécification Spécification 2 3 Spécification 4 0,0077* (0,0047) 0,011 (0,2190) 0,0026* (0,009) 0,1182 (0,6900) 0,2345 (0,2470) 0,1287 (0,557) -0,5017** (0,023) 0,12 (0,24) -0,1631** (0,013) -0,1369* (0,0000) -0,2867* (0,005) -0,0307** (0,048) 0,0012** (0,013) 0,003* (0,007) 0,00017 (0,150) 0,090*** (0,08) 0,00018 (0,817) 0,058*** (0,071) 0,0064*** (0,097) (Dette/PIB)2 0,0018** (0,015) 0,00159* (0,0008) Arr 0,0547 (0,18) 0,048** (0,022) inf (0,0976)* (0,001) 0,091** (0,035) Cr -0,2040 (0,269) 0,0850** (0,041) -0,1548 (0,313) -0,119 (0,526) -0,5188* (0,003) Rating Constante NT Spécification 5 11,46* (0,0000) 10,75* (0,0000) 11,12* (0,0000) 13,62* (0,0000) 6,1688* (0,0000) 77 77 77 77 77 p- value entre parenthèses ***Significatif à 10% *Significatif à 1%, **Significatif à 5% et