Enjeux stratégiques – Les soins palliatifs et les personnes handicapées Les personnes handicapées peuvent bénéficier de soins palliatifs inclusifs et accessibles, si lors de l’application des modules en vigueur, les obstacles prévalant dans certaines pratiques sont éliminés. Selon le Portail canadien en soins palliatifs « les soins palliatifs aident les patients à obtenir la meilleure qualité de vie possible jusqu’à la fin de leur existence. » 1 . De bons soins palliatifs visent la gestion des préoccupations physiques, émotionnelles et spirituelles, le maintien de la dignité et le respect des valeurs sociales et culturelles des patients et de leurs familles. Selon les recherches de l’équipe de la thématique Politique du projet VP-Net, ces buts ne sont pas toujours atteints en ce qui concerne les personnes avec des déficiences. L’absence de politiques inclusives en fin de vie pour les personnes handicapées, altère fortement la quantité de soins qui leur sont dispensés. « Les problèmes de soins palliatifs pour les personnes ayant des déficiences physiques, psychologiques ou intellectuelles de longue durée – qu’il s’agisse d’état de co-morbidité fatale ou de complications éphémères et épisodiques mortellement dangereuses-, ont nettement été occultés. (Stienstra, Chochinov, p.166, 2006) L’équipe de la thématique Politique du projet VP-Net était chargée de scruter les contextes stratégiques canadiens au sein desquels sont administrés les soins de fin de vie pour les personnes handicapées, qualifiées de vulnérables, et d’évaluer dans quelle mesure ces personnes sont intégrées, comme populations cibles, dans les initiatives de soins palliatifs. Elle devait également examiner les lacunes dans les programmes en vigueur ainsi que l’impact, sur les soins palliatifs, des politiques actuelles visant les personnes handicapées. Selon les résultats obtenus, les personnes handicapées sont confrontées à des obstacles entravant l’accès financier, l’accès physique, l’accès aux soins palliatifs communautaires, l’accès aux informations sur le processus décisionnel en fin de vie, la continuité des soins pendant la transition vers les services de soins palliatifs et en tant que soignants naturels. Accès et obstacles aux soins palliatifs Les soins palliatifs absorbent la reconnaissance de cheminements multiples en fin de vie, certains assez éloignés des trajectoires de cancers qui impulsent la création de soins palliatifs. Pourtant, ces soins ont tendance à être établis en fonction du pronostic au lieu d’être basés sur les besoins personnels des malades en phase terminale ou subissant des conditions de vie limitée. Il est quelquefois difficile pour les professionnels de la santé traitant des personnes avec des déficiences ou un état chronique ou fluctuant, d’évaluer à quel moment les soins palliatifs doivent être administrés, qui doit les recevoir et où, et les traitements requis en complément de ces soins. Ce cheminement imprévisible de fin de vie peut créer des obstacles entravant l’accès des personnes handicapées aux soins palliatifs. 1 www.virtualhospice.ca Les personnes handicapées subissent souvent une pauvreté chronique, sont sans emploi et ont des difficultés à obtenir un logement abordable et accessible. Ce qui, par ricochet, peut engendre l’absence de revenu et de soutiens pour les soins palliatifs et entraver l’accessibilité. Certains groupes sont particulièrement vulnérables, notamment les sansabri et les personnes ayant de tenaces maladies mentales. (Woods et al., 2008). Les personnes pauvres et celles vivant dans des logements de transition peuvent également en faire partie. Cet enjeu stratégique peut être réglé de différentes manières. Notamment, par la création dans tous les coins de la ville, d’établissements de soins palliatifs accessibles et indépendants. (Stienstra, D’Aubin, Derksen, p.26, à paraître). L’autre solution consiste à créer des parcs résidentiels abordables et accessibles permettant aux personnes handicapées de sortir des institutions et des logements de transition et, ainsi, d’accéder aux services communautaires de soins palliatifs. (Stienstra, D’Aubin, Derksen, p.27, à paraître). La plupart des personnes handicapées qui sont capables de choisir le lieu de leur décès préfèrent mourir dans leur communauté qu’à l’hôpital. Des soins palliatifs peuvent être dispensés à domicile de concert avec les soins quotidiens et autres soutiens, permettant ainsi aux patients de mourir chez eux. Mais il est arrivé que le fait de maintenir une personne handicapée en fin de vie dans un cadre communautaire ait été jugé trop difficile, surtout si un respirateur/ventilateur doit être utilisé. L’inclusion dépend forcément de la souplesse appliquée aux politiques et pratiques de soins palliatifs. Cela peut vouloir dire d’inclure des ventilateurs dans le programme de soins palliatifs à domicile. (Stienstra, Chochinov, à paraître). Prise de décision en fin de vie La prise de décision en fin de vie s’effectue dans le cadre d’une relation médecin-patient et famille du patient (Stienstra, Chochinov, p.169, 2006). L’idéal, ancré dans les normes standards de soins palliatifs, serait que la décision soit prise par le patient en toute autonomie. Mais cela implique qu’il ait accès aux informations lui permettant de faire des choix avisés sur les options de traitements en fin de vie. Par exemple, les personnes ayant des problèmes de communication, y compris les personnes sourdes, peuvent constater qu’en l’absence de leur propre réseau de soutien, nul ne fera « écho » à leurs désirs ou encore, interprètera les renseignements en leur nom. Par conséquent, elles risquent de ne pas obtenir, en format accessible, les informations requises pour prendre des décisions en fin de vie. (Stienstra, Chochinov, p.169, 2006). Les personnes handicapées peuvent également se retrouver dans des situations d’exclusion décisionnelle parce que l’on les croit moins aptes à prendre ce type de décision. Par exemple, « des gens peu familiers avec la vie des personnes ayant des déficiences intellectuelles peuvent estimer qu’elles sont légalement incapables, Pourtant, ces personnes handicapées peuvent, avec l’aide d’un réseau de soutien qui veille à ce qu’elles reçoivent et assimilent toutes les informations nécessaires, qu’elles comprennent bien toutes les options offertes, qu’elles ont le temps requis pour enclencher ce processus décisionnel, ces personnes peuvent donc prendre des décisions sur une base continue; (Stienstra, Chochinov, p.170, 2006). Les personnes handicapées peuvent devenir encore plus vulnérables lorsqu’on les empêche de participer aux décisions concernant leurs traitements de fin de vie. Selon les recherches du projet VP-Net, des politiques spécifiques visant les services communautaires de soins palliatifs, une coordination entre les traditionnels soignants officiels ainsi qu’un soutien et un respect pour les soignants naturels, peuvent redresser le cours accentué de ces vulnérabilités. (Stienstra, D’Aubin, Derksen, p.2, à paraître). Continuité interrompue lors de la transition vers les soins palliatifs Lors de la transition vers les milieux institutionnels, les personnes handicapées doivent souvent changer de médecin et de fournisseurs de soins personnels. Dans certains cas, l’accès à des accessoires et appareils fonctionnels et des aides techniques (comme les fauteuils roulants) peut être interrompu lorsque la personne entre dans l’institution. Par conséquent, pour garantir une meilleure coordination entre le domicile et le milieu institutionnel et assurer moins de perturbations, les médecins familiaux et les fournisseurs de soins de santé doivent participer à l’élaboration initiale des régimes de soins palliatifs. . (Stienstra, D’Aubin, Derksen, p.27, à paraître). « Au niveau du gouvernement provincial, une coordination entre les programmes de soutien visant les personnes handicapées et les programmes de soins palliatifs et de soins de longue durée s’impose. Les critères d’admissibilité aux mesures de soutien liées aux limitations fonctionnelles ainsi que la prestation de ces mesures pendant la transition aux soins palliatifs et de longue durée doivent tout d’abord être examinés. En cas de lacunes ou d’écarts - qui, selon nos recherches prévalent dans les soins de longue durée et peuvent exister dans certains champs de compétence gouvernementale -, des politiques devront être élaborées à des fins correctrices. (Stienstra, D’Aubin, Derksen, p.28, à paraître). » Les personnes handicapées sont souvent aidées par de nombreuses personnes hors du cercle biologique familial. Elles peuvent aussi, à des fins décisionnelles, dépendre de leurs travailleurs de soutien rémunérés ou d’autres personnes de soutien. « Lorsque les personnes handicapées et tous les patients, entrent dans des milieux institutionnels, il faut absolument savoir vers qui elles se retourneront comme source(s) principale(s) de soutien et qui interviendra en leur nom si elles sont incapables d’exprimer leurs désirs. (Stienstra, D’Aubin, Derksen, p.28, à paraître). Aidants et soutiens naturels La recherche a prouvé que les hommes et les femmes handicapées sont d’importants soignants, notamment de leurs parentés, amis et voisins. Mais lorsqu’elles dispensent de tels soins, elles sont souvent confrontées à des obstacles physiques et comportementaux. (Stienstra, D’Aubin, Derksen, p.29, à paraître). Les participants au projet VP-Net ont indiqué qu’ils étaient incapables de dispenser des soins et/ou du soutien à leurs êtres chers parce qu’ils ne pouvaient physiquement accéder aux centres de soins palliatifs ou que les professionnels de ces services n’étaient pas enclins à communiquer avec une personne handicapée occupant un rôle de soignant. « L’éducation est souvent l’outil le plus efficace pour éliminer ces obstacles comportementaux; il peut s’agir d’une autosensibilisation déclenchée en réfléchissant sur les préjugés ou présomptions personnels et sur l’impact qu’ils peuvent avoir dans l’interaction avec autrui (Chochinov 2007) ou d’un enseignement plus officiel (Wiebe et al., 2009) (Stienstra, D’Aubin, Derksen, p.29, à paraître). Il est possible, en se basant sur les forces existantes des soins palliatifs ainsi qu’en s’attaquant aux obstacles en vigueur, de dispenser des soins palliatifs accessibles et inclusifs. « Les politiques et programmes peuvent ne pas nécessairement supprimer la condition universelle de la vulnérabilité commune à tous les humains; ils peuvent toutefois servir à réduire ou contrôler la spirale des vulnérabilités accumulées par des groupes de personnes qui ont été marginalisés. (Stienstra, D’Aubin, Derksen, p.24, à paraître) ». Cela peut d’inclure, dans l’unité de soins, un traitement holistique de la personne et de son équipe de soutien, incluant les travailleurs rémunérés). Cela implique de veiller à ce que les hospices et les centres de soins palliatifs soient physiquement accessibles et de faire preuve de créativité pour inclure les personnes traditionnellement exclues de ces centres. Des services de soins palliatifs peuvent aussi assurer une coordination avec d’autres services de soins de santé. S’attaquer aux obstacles à l’accès et à l’inclusion des personnes traditionnellement marginalisées permettra de dispenser de meilleurs soins palliatifs et des soins de fin de vie universels.