voyage de 44 ans pour rejoindre la planète extrasolaire la plus proche, et deux siècles pour
rallier Gliese 581c. "Bien sûr, la durée des missions dépassera celle de la vie humaine", ajoute
ce polytechnicien, que le défi ne semble pas du tout rebuter. "Ce seront les descendants des
membres des équipages qui parviendront à destination. Mais ce n'est pas du tout impossible."
A condition, bien sûr, de vraiment le vouloir.
La seconde option inverse la contrainte du voyage. Des extraterrestres, dont la civilisation
serait très largement en avance sur la nôtre, pourraient avoir réussi à aller plus vite que la
lumière, ou bien à courber l'espace-temps - les deux seuls moyens que nous puissions
imaginer, dans l'état actuel de nos connaissances théoriques, pour réduire la durée des vols
spatiaux. Dès les années 1950, le physicien Enrico Fermi avait énoncé le paradoxe découlant
de cette hypothèse : si des extraterrestres sont en mesure de venir jusqu'à nous, nous devrions
les voir. Or nous ne les voyons pas... Et l'existence même des vaisseaux spatiaux qui les
auraient menés sur Terre reste très hypothétique.
Non pas que les témoignages fassent défaut. Au contraire. Depuis que le CNRS a créé en
1977, malgré le scepticisme de la communauté scientifique, le Groupe d'études et
d'informations sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés (Geipan), ils ne cessent
d'affluer. Jacques Patenet, directeur actuel du Geipan, note que 2 600 cas d'observations ont
été enregistrés en France dans les trente dernières années, dont 460 sont considérés comme
des phénomènes aérospatiaux non identifiés. Parmi eux, dans 10 à 20 cas, il y a selon ces
experts une "très forte présomption" de l'intervention d'un objet matériel tel qu'un vaisseau.
Cela se traduit par des traces sur le sol et la végétation qui pourraient avoir été laissées par un
atterrissage, la détection de l'objet sur les écrans des radars, ou encore l'observation, par des
pilotes, de comportements "intelligents" de l'ovni.
Pourquoi, alors, aucune trace physique de ces visiteurs n'a-t-elle jamais été retrouvée ? "Avec
nos moyens actuels d'analyse, nous serions pourtant en mesure de certifier - ou non - l'origine
extraterrestre de ces phénomènes", regrette André Brack. Le sociologue Pierre Lagrange,
spécialiste des parasciences, stigmatise l'anthropomorphisme qui marque souvent les
investigations en matière d'ovnis. Alors qu'on les imagine petits, verts, ou plus ou moins
monstrueux, les extraterrestres, s'ils existent, sont peut-être infiniment différents de nous...
"Plus ils seront capables de maîtriser leur environnement, plus ils seront éloignés de nous à la
fois par la culture, la science, la biologie et sans doute le physique", estime-t-il. Cela ne les
empêcherait pas forcément de prendre l'initiative et, forts de leur avance, de trouver le moyen
de communiquer avec nous. Mais encore faudrait-il qu'ils trouvent un intérêt quelconque à ce
dialogue... "Nous pouvons très bien être le babouin de quelque anthropologue extraterrestre,
dont nous ne sommes pas près de comprendre le programme de recherche !", suggère le
sociologue. Nos scientifiques eux-mêmes ont-ils véritablement envie de communiquer avec
les abeilles ou les fourmis, ou seulement de les étudier ?
Si nous voulons espérer, à l'avenir, nous sentir moins seuls dans l'Univers, sans doute faut-il
donc compter avant tout sur nos propres facultés d'observation. Et les développer. "Sur Terre,
chaque fois que nous avons été confrontés à d'autres civilisations, nous ne les avons pas
comprises", rappelle Pierre Lagrange. Il existe pourtant bien peu de différences entre nous et
les Aborigènes d'Australie ou les Indiens d'Amazonie. Dans ce contexte, se demande-t-il,
"serait-on capable de voir et de reconnaître des civilisations issues de formes de vie pouvant
avoir pris des directions totalement différentes de la nôtre ?" C'est là toute la question.