Introduction à la Transillumination en Biophotonique Stéphane Mottin1 et Jean-Michel Tualle2 1 LTSI , CNRS & Université Saint-Etienne Saint-Etienne 2 LPL, CNRS & Université Paris XIII Villetaneuse Définition du problème A partir d’une surface d’un tissu vivant perfusé comment pouvons-nous mesurer des propriétés ou des variations des propriétés physico-chimiques situées à l’intérieur de ce tissu par des voies optiques ? Notamment au travers du scalp, de la boîte crânienne, des méninges, comment atteindre le cortex et les tissus nerveux ? Quels sont les précisions anatomiques et les temps de mesure que nous espérons atteindre suite à la propagation dans ces milieux compartimentés sur plusieurs échelles et très diffusants ? Nous proposons une introduction à ce domaine de la biophotonique en particulier en neurophotonique. En suivant les différentes étapes aussi bien sur le plan théorique qu’expérimental, nous pourrons apprécier les choix et les compromis qui font partie intégrante du design des systèmes optiques de transillumination. Nous aborderons tout d’abord les aspects fondamentaux concernant les théories de la propagation en milieux aléatoires. Nous verrons ensuite les enjeux de l'optique biomédicale, en nous focalisant sur les grandeurs ou les variations des grandeurs d’intérêt. Au travers de l’intérêt biologique et/ou médical de la mesure des coefficients optiques, la nécessité de la résolution temporelle sera abordée. Enfin, les techniques résolues dans le temps seront traitées en soulignant les contraintes des systèmes opto-électroniques qui essaient de répondre à la question. Deux brevets CNRS seront détaillés. Le premier repose sur la détection par camera à balayage de fente 444 S. Mottin – J.-M. Tualle en mode comptage et transillumination par continuum femtoseconde et le deuxième apporte une nouvelle méthode interférométrique alternative à la résolution temporelle par modulation de la longueur d’onde. Le public visé va du licencié en physique aux ingénieurs et aux chercheurs. L’objectif est de présenter les principes de la transillumination des tissus vivants afin de mieux identifier les besoins et de comprendre certaines contraintes liées à la réalisation de diverses approches. Ces domaines sont regroupés sous le sigle DOT (diffuse optical tomography). Les principes de transillumination DOT peuvent être, bien sûr, être étendus à d’autres matériaux diffusants en dehors des sciences du vivant. Les théories de la propagation des tissus Divers aspects de la propagation dans des milieux diffusants en biologie (par exemple le scalp/crâne/tissus nerveux) et des systèmes picoseconde/femtoseconde associés ont déjà été détaillés notamment par les trois équipes françaises qui travaillent sur la DOT [Avrillier, 2001], [Laporte, 2004], [Montcel, 2004]. Brièvement on peut réduire la complexité des tissus vivants au dessus de quelques millimètres à un milieu diffusif ou à un ensemble de milieux diffusifs souvent disposés de manière stratifiée. Avec cette approximation on réduit le problème à la détermination de deux coefficients : le coefficient d’absorption et le coefficient de diffusion réduit. L'approximation de la diffusion consiste à considérer la migration des photons suivant l'équation suivante avec l'opérateur diffusion-réaction : (1) est une densité volumique d’énergie (ou une « concentration de photon »). En milieu infini (R3), pour S0 = Dirac spatial et temporel et avec U fonction d’Heaviside, la solution est la suivante: Introduction à la Transillumination en Biophotonique 445 Mettre l’équation en fichier attaché (TIFF ou jpeg de qualité) avec le .doc (r, t ) U (t ) exp( r 2 /(4Dct ) a ct ) 3 / 2 (4Dct )3 / 2 Cette fonction de Green comporte la variable t, temps en ps, et la variable r en mm qui représente la distance entre le point d’impact laser (r=0) et le point de détection différent de ce point d’impact. Les conditions limites pour la géométrie semi-infinie sont souvent du type mixte, c’est-à-dire une combinaison linéaire des conditions de Dirichlet et de Neumann [Kienle, 1997]. Cette approximation P1 de l'équation du transfert radiatif [Avrillier, 2001] fait intervenir la diffusivité photonique (Dc). Cette diffusivité est égale à c/(3(a + s‘)) avec a coefficient d’absorption en mm-1 et s‘ coefficient de diffusion réduit en mm-1. La diffusivité photonique est de l'ordre de 0.02mm 2/ps pour les tissus diffusants comme la substance grise. Ainsi pour des migrations sur L=10 mm, l'échelle du centième du temps de Fourier L2/(4Dc) est de l'ordre de quelques picosecondes, et l’ordre de grandeur de la réponse temporelle est de quelques centaines de picosecondes. Pour divers tissus des valeurs des coefficients d’absorption et de diffusion sont détaillées dans la littérature [Cheong, 1990], [Yaroslavsky, 2002] : l’ordre de grandeur est respectivement pour le s‘, 4mm-1 et pour a, 0.01mm-1 (à 800 nm), relativement proches des valeurs typiques du lait UHT demi-écrémé [Ramstein, 2004]. Le passage des informations mesurées à la surface à une information recherchée dans le volume Récupérer des informations dans un volume par des voies optiques est réalisable suivant trois voies : 1) Méthode 1 : « ouvrir » le volume par exemple en insérant une fibre optique (voir figure ci-dessous) [Mottin, 2001b], [Laporte, 2004] ou par micro-endoscopie à confocalité fixe [Digital light confocal MicroEndoscopy, 2002], [Sung, 2003], [Viellerobe, 2004]. 446 S. Mottin – J.-M. Tualle 2) Méthode 2 : Effectuer des coupes optiques par microscopie avec différents modes de confocalité ou de confinement et avec différents contrastes [Mertz, 2001], [Mertz, 2004] (voir les articles de Lenne et de Cognet dans ce présent ouvrage). 3) Méthode 3 : Les techniques DOT qui forment le cœur de cette article. Les enjeux de l'optique des milieux non limpides et la résolution temporelle « picoseconde » Pour l’optique des tissus perfusés, la lumière peut pénétrer assez profondément dans les tissus biologiques pour des longueurs d’onde situées dans l’infra-rouge proche. Cette propriété permet l’évaluation quantitative de l’oxygénation des tissus qui est « liée » au coefficient d’absorption à ces longueurs d’onde. Les tissus sont essentiellement composés d’eau. La cellule vivante qui contient le moins d’eau est le globule rouge (de l’ordre de 50 % d’eau). Le spectre d’absorption de l’eau montre que l’absorption étant assez faible en dessous de 1300 nm, l’exploration centimétrique est possible. Du côté du visible la fenêtre de cette exploration des tissus est limitée par l’absorption des chromophores naturels notamment les hémoglobines. Plus la longueur d’onde se situe vers le bleu plus la diffusion augmente et plus l’absorption augmente aussi. La fenêtre d’exploration est donc finalement réduite à une dynamique de deux : de 650 à 1300 nm. Nous n’avons abordé que les propriétés d’absorption et de diffusion. Si on considère l’émergence du NIRF (near-infrared fluorescence) dans l’imagerie du petit animal [Weissleder, 1999] alors on peut espérer que la fenêtre 1000-1400 nm connaisse un fort développement. Les nouveaux fluorophores stables, biocompatibles et à haut rendement quantique dans le NIR forment le point crucial de cette approche. Ils pourront être excités par les lasers impulsionnels pico/femtoseconde dont la tendance générale est l’émission dans cette fenêtre comme certaines parties de ce livre le soulignent. De plus l’imagerie FLI (fluorescence lifetime imaging) permettra des techniques Introduction à la Transillumination en Biophotonique 447 quantitatives robustes. En plus de la détection des tumeurs sub-millimétriques sur des profondeurs centimétriques, des mesures quantitatives fiables devraient ouvrir de nouveaux champs. Mettre figure 1 (en TIFF ou jpeg haute qualité 300dpi) dans un dossier Figure 1. Exemple d’un dispositif d’imagerie spectrotemporelle de transmittance. L’ensemble spectrographe-camera à balayage de fente donne des images en fonction du temps de vol sur une fenêtre spectrale. On connaît déjà diverses techniques de spectrophotométrie de milieux limpides notamment les techniques développées dans les années quatre-vingts qui permettent de mesurer l'absorption sur l'ensemble d'un spectre, sans balayage, en particulier à l'aide de détecteurs comportant des barrettes de photodiodes. Ces techniques autorisent la spectrophotométrie différentielle et les analyses de mélanges de colorants en temps réel dans le cas des milieux limpides. Si le milieu est plus complexe et ne permet plus l’utilisation de l’équation des ondes, ces approches ne sont plus valides. Pour sonder ces milieux hétérogènes non limpides, il faut développer une instrumentation optique plus complexe où la résolution temporelle intervient. Les trois idées centrales de ce brevet sont : (i) d’ajouter la résolution du temps de vol à ces approches de mesure spectrale sans balayage. L’image obtenue est une intensité (notée z) en fonction du temps et de la longueur d’onde : z=f(t,), (ii) d’utiliser les dérivées partielles premières, secondes et nième des flux photoniques mesurés par rapport à la longueur d'onde et au temps (∂z/∂t, ∂z/∂, ∂2z/∂/∂t ...), (iii) de quantifier l’intensité en nombre de photo-électron unique. Conclusion 448 S. Mottin – J.-M. Tualle Depuis 15 ans, nous sommes passés des premiers travaux de transillumination [Delpy, 1988] à une nouvelle phase d’imagerie fonctionnelle [Okada, 2003], [Taga, 2003], [Bluestone, 2004]. Les approches impulsionnelles sont plus coûteuses mais semblent plus robustes pour les validations cliniques. De nouvelles approches mettant en œuvre des modulations en longueur d’onde devraient permettre d’espérer une analyse plus fine des photons diffusifs avec des coûts très faibles. D’autres voies notamment OCT et microscopies nonlinéaires, devrait permettre de sonder avec d’excellentes résolutions spatiales des profondeurs de plus d’un millimètre de milieux diffusants comme les tissus nerveux corticaux. Une des voies actuelles est aussi de situer les approches optiques dans le paysage des autres imageries fonctionnelles. Le couplage avec l’imagerie par résonance magnétique est une tendance forte qui devrait se confirmer. Remerciements Les auteurs souhaitent remercier Stéphane Ramstein, Pierre Laporte, Clementine Vignal, Nicolas Mathevon, Ha Lien Nghiem, Eric Tinet et Sigrid Avrillier. Bibliographie S.R. Arridge, M. Cope, D.T. 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