Cambriel Cours de Philosophie Hermétique ou Alchimique en dix neuf leçons 5
Je m’empresse de répondre à la lettre que m’a fait l’honneur de m’écrire Mr E. B. K., et je tâcherai
(quoique n’ayant jamais appris la chimie dans les écoles) de lui prouver la possibilité de la
transmutation métallique, tant discréditée.
Je crois que (si j’ai bien pris le sens de sa lettre) c’est tout ce qu’il exige de moi ; du moins quant à
présent, sauf à remplir à notre première vue toutes les autres conditions qu’il pourrait désirer.
L’objet et la découverte même, est comme je le dis ci-dessus, la pierre philosophale, à laquelle je suis
parvenu, avec l’aide de Dieu, le secours d’un ami, et par un travail pénible et continué pendant vingt-
sept ans (1).
II s’agit de faire par un travail de vingt-quatre mois, une poudre rouge comme le coquelicot ou
poudre de projection qui, comme la fleur à cailler le lait, opère sur le mercure vulgaire chauffé dans
un creuset, le même effet que la fleur à cailler fait sur le lait : et dans une heure, une pincée de cette
poudre rouge comme une prise de tabac mise dans ledit creuset (dans lequel on aura mis quatre
livres de mercure), le caillera ou le fixera et le réduira en or le plus fin à vingt-quatre carats et plus,
ce qui paraîtra extraordinaire, même impossible, quoique naturel et très vrai.
Pour faire cette poudre rouge de projection, il faut (ce qui paraîtra impossible à tout homme, quand il
jugera de l’alchimie comme en jugent le commun des hommes) parvenir à force de travail à mollifler
et à rendre en eau, par une solution naturelle, une pierre, qui, quoique composée de deux, même de
trois, n’est toujours qu’une, et laquelle par une destruction réitérée : lavages, sublimations, mêmes
distillations, donne le soufre rouge ou corps fixe, coagule essentiel (ou le livret d’or du Trévisan,
philosophe hermétique) qui se réduit en eau par ladite solution. — Ce qui nous donne l’eau double,
l’eau animée, le rebis des philosophes hermétiques, enfin le mercure philosophal.
Mais on ne peut parvenir à acquérir cette eau divine qu’en mettant le corps fixe dans sa propre terre
ou molle montagne, dont parle Sendivogius autre philosophe hermétique (bien préparée par un long
et pénible travail), et après avoir beaucoup souffert par le feu des cuisines. — Alors seulement on est
parvenu à faire remonter l’eau vers sa source et à faire rentrer l’enfant dans le ventre de sa mère.
La fable nous apprend que Vulcain surprit dans son filet Mars et Vénus en adultère. — Si le
philosophe hermétique ne fait pas comme Vulcain, et s’il ne l’emploie pas dans son opération, jamais
il ne parviendra à obtenir la pierre des philosophes, dont il ne saurait se passer.
II faut donc qu’il tende son filet, et qu’il sache profiter du seul moment propice pour surprendre et
attraper les adultères, parce qu’il doit savoir qu’il n’y a qu’une heure pour cela, laquelle passée il ne
faut pas en attendre une autre à sa place (dit Zachaire, autre philosophe hermétique de France).
Alors on n’attrape plus rien, et les amoureux se détruisent et s’évaporent.