
veut dire l'effort - n'a pas du tout, dans le référent religieux et culturel islamique, le sens qu'on a
voulu lui donner. Elle participe d'une vision plus large de l'effort humain pour concrétiser tant sur le
plan intime que sur le plan social et politique, un équilibre garantissant la justice.
La période des colonisations aura eu de la même façon son lot de représentations héritées. Et dont la
moindre n'est pas celle qui définit la relation entre les civilisations sous l'angle du rapport de force.
Les nations « arriérées » sont à soumettre et « à diviser » selon les termes de Lawrence d'Arabie.
L'objectif est clair et s'il se trouvait quelques mudjahiddin (même racine que djihâd), menant un
combat d'arrière garde contre la Civilisation, les éliminer serait « juste et raisonnable ».
Altérité absolue
On a bien heureusement dépassé en Occident ce type de propos suffisants et manichéens. Il reste
pourtant que certaines perceptions bien ancrées ont de la peine à disparaître des mentalités. Ces
deux événements majeurs de la rencontre entre l'Islam et l'Occident dans l'histoire donneraient à
penser que tout ne fut que guerres et confrontations. Et ils furent nombreux, les intellectuels
occidentaux, à se pencher sur ce passif conflictuel. Relevant l'altérité absolue de l'Islam, au point
d'en oublier la contribution des musulmans à l'édification de la civilisation occidentale.
Dire aujourd'hui que ladite civilisation n'a de sources que gréco-romaines ou judéo-chrétiennes,
c'est affirmer la moitié d'une vérité. Et oublier l'apport considérable des musulmans d'Espagne au
développement des sciences, de la philosophie, des mathématiques en Europe et dans le monde.
Leur contribution est l'un des facteurs déterminants qui donnèrent le jour à la Renaissance, à
l'humanisme… à la libération de la faculté de raison. Et l'on ne saurait trop insister sur le fait que
cette libération qui s'est faite, ici, contre l'ordre clérical – manifestation du fait religieux-, a été
prônée, là, au nom d'une foi en Dieu édifiée et nourrie par la raison scientifique qui la fait accéder à
la compréhension de l'univers créé, l'univers des signes (ayâtes). La raison appliquée est l'une des
voies du rappel (dhikr) de la Présence de Dieu… « pour ceux qui sont doués d'intelligence. » (Coran
2/190)
Religion et civilisation
On s'est trop souvent laissé aller soit à marquer les différences et les conflits, soit à les effacer sans
autre forme de procès. Ici, il n'y avait que guerres de religion ; là, il ne s'agit que de deux révélations
différentes qui gardent, pourtant, la même essence et sur lesquelles les mêmes terminologies
peuvent s'appliquer librement.
Ainsi l'islam, comme le christianisme, serait une « religion » au sens que le fidèle reconnaît
l'existence du Créateur à qui il est lié par un ensemble d'actes rituels. Il s'agirait par ailleurs d'un
domaine bien circonscrit de la vie de l'individu qui aurait ses références et une organisation
spécifique : dogmes, hiérarchie cléricale, etc. Or, c'est sans doute là que se situe la plus grande mé-
compréhension de l'Occident à l'endroit de l'islam. Car s'il est vrai que l'islam recouvre bien le
domaine du rituel – et qu'il s'agit donc d'une « religion » - il est non moins clair qu'on n'y trouve pas
d'organisation cléricale (le cas chi'ite est spécifique) et que le seul dogme – à proprement parler –
est celui de l'unicité de Dieu (tawhid). Pour qui se penche sur le vaste domaine des sciences
islamiques, il s'apercevra qu'on distingue dans la jurisprudence (fiqh), ce qui a trait au cultuel
('ibadâte) et ce qui concerne les affaires sociales (mu'âmalâte). Si le culte (prière, jeûne, impôt
social purificateur, pèlerinage) ne subit pas de modification, il n'en est pas de même de la législation
liée à l'implication sociale qui, si elle tire des références du Coran et de la tradition du Prphète, est
fonction du lieu et de l'époque.
Ainsi la frontière entre le fait religieux et le fait social ne correspond-elle pas ici à celle que le
christianisme, dans son fondement et son histoire, a déterminée. On s'en persuadera aisément