Culture du chanvr

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Groupement régional d’agriculture
biologique de Basse-Normandie (GRAB)
Association d’agriculture
écologique de l’Orne (AGRECO)
Association Nature et Progrès
Document Biodoc n° 27
Décembre 2012
Joseph Pousset
(tous droits de reproduction réservés)
Le chanvre : quelques éléments d’observation
et de recherche
Le chanvre était très cultivé autrefois dans certaines régions françaises, notamment dans la
Sarthe. Il aurait couvert 180 000 ha au 18ème siècle.
Au XIXème siècle sa culture va décliner de façon spectaculaire devant la concurrence d'autres
textiles (coton, jute...); la fin des grands voiliers, grands consommateurs de toile;
l'abaissement du coût des filasses importées...
A l'heure actuelle il occuperait environ 10 000 ha après avoir quasiment disparu au milieu du
20ème siècle. On en cultive encore un peu pour la fabrication du papier. En outre il suscite un
intérêt croissant dans certaines techniques « écologiques » de construction car c’est un bon
isolant. Il constitue également un engrais vert intéressant car sa végétation rapide et puissante
en fait un bon « assommoir » de la flore spontanée vivace (rumex, chardons, laiterons des
champs...), il produit une masse importante de matière végétale pourvoyeuse d'humus et de
« produits transitoires », sa mise en place tardive permet de bien nettoyer le sol avant le semis.
En conséquence, il a sa place dans la gamme des engrais verts utilisables dans une bonne
agriculture naturelle.
Quelques caractères botaniques
Le chanvre serait originaire d'Asie Centrale. Son nom scientifique est cannabis sativa 1, il
appartient à la famille des urticées comportant également l'ortie. On le classe aussi parfois
dans une famille à part : les cannabacées ou cannabinacées. Tout dépend de la mode du
moment !
Il peut comporter des pieds mâles et des pieds femelles séparés il est alors appelé dioïque (en
général deux pieds mâles pour trois pieds femelles environ). Les fleurs sont de couleur
verdâtre. Les fleurs mâles forment des grappes à l'extrémité des tiges (panicules). Les fleurs
femelles sont moins dégagées et portent une bractée (sorte de feuille à la base du pédoncule
floral). Depuis les années 1950 ont été introduites en France des variétés de chanvre portant
les fleurs mâles et les fleurs femelles sur le même pied. Ces variétés monoïques remplacent
les anciennes variétés dioïques (mais les fleurs, elles, restent dioïques, c’est-à-dire mâles ou
femelles).
C'est une plante vigoureuse, bien dressée, atteignant plus de deux mètres, à poils raides, à
odeur assez forte.
L’intérieur de sa robuste tige comporte de nombreuses petites alvéoles séparées par des
cloisons. Alvéoles conférant une propriété isolante à ce matériau qu’on appelle la chènevotte.
A la périphérie de cette même tige se trouvent les longs filaments résistants qui donnent les
1
du latin canna : bâton et avis : oiseau; la tige du chanvre est raide comme un bâton et sa graine (le chènevis) est
très appréciée par les oiseaux.
fibres constituant la filasse. Enfin la plante produit des graines connues sous le nom de
chènevis.
Place habituelle dans l'assolement, exigences agronomiques et climatiques
En raison de sa végétation étouffante, le chanvre est considéré comme nettoyant; il est assez
"gourmand" en éléments nutritifs, sa mise en place demande un sol plutôt bien préparé.
Pour toutes ces raisons, il peut constituer un relais de rotation, voire même une tête de
rotation.
C'était le cas dans la Sarthe avant la deuxième guerre mondiale. On adoptait souvent une
succession chanvre - blé - orge - trèfle ou, plus simplement : chanvre - blé - orge, dans le cas
où le trèfle n'était pas cultivé.
Il peut aussi, bien que ce ne soit pas recommandé, revenir une ou deux fois sur lui-même.
Si on le cultive uniquement comme engrais vert on peut évidemment être satisfait par une
culture moins belle que dans le cas où on souhaite une récole de graines ou de fibres.
Se dire toutefois que si le chanvre peine en début de végétation, parce que le terrain est trop
pauvre et/ou mal préparé, ou encore parce que le semis a été effectué au mauvais moment
et/ou dans de mauvaises conditions, il sera fortement concurrencé par certaines adventices
(notamment chénopodes, moutardes, renouées et plantes pluriannuelles) et ne pourra pas jouer
vis à vis d'elles son rôle d'assommoir.
Il a besoin d'eau bien répartie et de temps doux, le climat océanique lui convient bien; il
redoute la sécheresse.
Sa réputation de plante de terre riche en humus et à pH neutre est bien établie et sans doute
fondée mais on peut aussi faire pousser de belles cultures de chanvre sur des terres plus
"maigres" pour peu qu'on sache les préparer et les fumer et que le climat et l'année soient
propices.
Peu de ravageurs et parasites à signaler; mentionnons tout de même l’orobanche, plante
parasite qui peut poser problème. Quelques dégâts de limaces sont parfois signalés, à
surveiller.
Soigner le travail du sol
Pour la mise en place du chanvre, le travail de la terre revêt un aspect et une importance
particuliers.
On considère traditionnellement que le chanvre exige un lit de semence soigné et fin; cette
opinion semble fondée si on veut assurer à la culture une levée prompte et homogène lui
permettant de bien exprimer ses capacités et de dominer la flore spontanée.
Il ne faut toutefois pas exagérer l'émiettement, surtout en terres battantes, car la levée est
compromise par le croûtage de la surface qui se produit après une pluie violente sur une terre
trop affinée.
Pour cette même raison il faut rouler après le semis, seulement si nécessaire.
On peut mettre à profit la période printanière précédant la mise en place pour lutter contre les
pluriannuelles (rumex, chardons, chiendent, laiteron...).
Ces travaux permettent aussi de faire lever et de détruire sanves, moutardes, chénopodes et
toutes adventices annuelles dont le réveil végétatif se produit à cette époque.
Les façons culturales précédant le semis du chanvre sont donc particulièrement nettoyantes si
on les réalise judicieusement.
Elles peuvent prendre différentes formes selon l’année, le terrain, le précédent, le matériel
dont on dispose.
Les façons légères, inversées et progressives (façons LIP) sont particulièrement adaptées pour
la culture du chanvre car on peut les mettre en œuvre au moment de l’année (fin de printemps)
où elles sont les plus efficaces, notamment pour extirper et faire sécher au soleil racines et
rhizomes des pluriannuelles.
Elles s’étalent sur trois à six semaines et consistent à faire des passages progressivement plus
profonds de dents munies de socs ordinaires.
Si nécessaire on termine par un travail avec de larges ailettes pour que les parties souterraines
des pluriannuelles soient bien déterrées et exposées au soleil.
Il reste ensuite à laisser naître puis à détruire judicieusement le faux semis juste avant ou au
moment de la mise en place de la culture.
Opérer de manière plus classique par labour (pas trop profond) puis façons superficielles est
bien sûr également possible.
Fumure : suffisante mais pas d'excès
Le chanvre consomme beaucoup d'éléments nutritifs en peu de temps en raison de
l'importance et de la rapidité de sa végétation mais essayer de lui fournir ces éléments sous
forme d'une fumure abondante relève évidemment d'un raisonnement simpliste qui n’a pas sa
place en agriculture naturelle.
Un sol "moyen" dont la fertilité est bien entretenue par des façons judicieuses et des apports
réguliers de matière organique de bonne qualité contient les "produits transitoires" dont les
plantes se nourrissent et est à même de le faire pousser.
Le chanvre peut « valoriser » des apports de fumier ou de compost effectués à la fin de l’été
précédent. Il en profite et contribue à les transformer pour les récoltes futures. Un épandage
est envisageable en fin d’hiver également mais seulement si le terrain est assez portant,
situation peu courante à ce moment de l’année.
Si le terrain manque manifestement d'un ou plusieurs éléments (phosphore, soufre,
magnésium, etc.), l'apport pendant les façons préparatoires est à recommander, sous une forme
adaptée.
Le semis
Le chanvre se sème en gros en avril ou au début juin. Il est très sensible aux gelées tardives.
Pour bien démarrer il doit être installé dans une terre chaude et bien pourvue en eau. S'il
pousse trop lentement, la flore spontanée de saison le concurrence fortement et compromet sa
réussite. En cela il se comporte comme le sarrasin.
Une violente pluie d'orage survenant peu après le semis en terre battante et très affinée peut
géner la levée si une croûte superficielle se forme.
Dans ce cas, si les germes ne sont pas trop longs, on peut affiner le sol avec une herse
sarcleuse. S’ils sont déjà proches de la surface il vaut mieux ne rien faire : le remède serait
pire que le mal; attendre et ressemer si nécessaire.
Il est possible (pas recommandé) de semer le chanvre assez profondément (cinq ou six
centimètres), sans excès bien sûr. Dans ce cas un hersage léger entre le semis et la levée
permet de détruire des adventices annuelles avant l’émergence de la culture, comme dans le
cas du maïs. Là aussi veiller à intervenir avant que les germes soient trop longs.
Le semis est effectué avec un semoir à céréales ordinaire, avec les mêmes écartements que
pour ces dernières, dose de semence : 40 à 50 kg par hectare environ (soit à peu près 300
graines/m²).
Il est admis (mais je ne l'ai pas vérifié personnellement) que seules les semences d'un an
donnent de belles cultures; les semences plus âgées donneraient des plantes nettement moins
vigoureuses.
Pour la production de semences il est recommandé de semer à très faible dose (5 à 8 kg/ha),
en rangs écartés (70 cm). Le sarclage se révèle alors nécessaire : un premier peu après le semis
(stade 4 feuilles), puis un ou deux autres ensuite, avec léger buttage du rang.
Redisons qu'il est préférable d'éviter de rouler après le semis. Il m'a été rapporté une vieille
technique pour la mise en place du chanvre : semis à la volée le soir et enterrage par un labour
très léger avant le lever du soleil après que les graines aient passé la nuit sur le sol.
J'ignore la raison de cette façon de faire. Peut-on effectuer un rapprochement avec les
recherches allemandes ayant découvert que des façons culturales effectuées la nuit inhibaient
la germination de certaines mauvaises herbes ? (Institut de botanique d'Erlangen près de
Nuremberg).
Si toutes les bonnes conditions sont réunies le chanvre lève en une semaine environ.
Semences : une réglementation particulière
La commercialisation des semences de chanvre est réglementée. Officiellement on ne peut
s'en procurer qu'auprès de la F.N.P.C. (Fédération Nationale des producteurs de Chanvre).
La raison invoquée de ce monopole réside dans l'existence d'une variété particulière de
Cannabis sativa appelée chanvre indien duquel on extrait le hachisch et la marijuana, drogues
prohibées. Le contrôle des semences viserait à empêcher la culture du chanvre indien.
Ces semences sont vendues à un prix assez élevé. Le contrôle des cultures sur le terrain et la
vérification de la provenance des graines sont possibles par la gendarmerie.
Depuis quelques années des semences de culture biologique sont disponibles.
La culture du chanvre récolté pour la paille ou le grain (ou les deux) donne droit aux aides
PAC.
Tout renseignement sur la réglementation concernant la culture du chanvre est disponible
auprès de la FNPC.
Broyage, récolte
Le chanvre semé fin mai fleurit vers la mi-août. Fin septembre et début octobre, les graines,
riches en huile (20%), peuvent être récoltées, le rendement est le plus souvent faible (environ
cinq quintaux par hectare).
Le séchage à l’air chaud est habituellement obligatoire car le taux d’humidité doit être amené
rapidement vers 8 à 10% pour que la conservation soit parfaite.
Le chènevis est utilisable tel quel en oisellerie. Pressé il fournit son huile employable dans
l’industrie des cosmétiques et l’alimentation humaine. Le tourteau est consommable par
divers animaux.
Pour la filasse la récolte s'effectue vers fin août et en septembre, cette production demandait
autrefois une main d'oeuvre considérable.
Si la tige est seulement hachée on obtient le chanvre fibré. Si elle est complètement défibrée
on aboutit aux fibres d’une part, à la chènevotte d’autre part. cette chènevotte sert de litière
pour les animaux en cage ou d’isolant dans le bâtiment.
En ce qui concerne le broyage de la plante utilisée comme engrais vert, il ne faut pas s'y
prendre trop tard car les grandes tiges de chanvre mesurent souvent plus de deux mètres et
sont très coriaces. A partir d’un certain stade végétatif elles ne sont plus broyables. Quelques
essais sur le terrain aident à déterminer ce stade limite.
Il est par ailleurs communément admis que le chanvre n’est pas fauchable avec les machines
rotatives utilisées aujourd’hui pour la coupe du foin. Seules les faucheuses à sections (bien
affûtées !) pourraient en venir à bout. Des machines à plusieurs lames superposées ont même
été mises au point.
Ce point de vue mérite certainement considération, pourtant des producteurs semblent réussir
un travail convenable avec des faucheuses rotatives, à éclaircir donc…
On effectue bien sûr ce broyage en respectant les règles habituelles du compostage en surface
des engrais verts.
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