
                                  Tale S   Thème 1A TP5 : les virus et la diversification génétique des êtres vivants 
Ces méthodes sont à  présent  régulièrement utilisées afin  de  séquencer  ce  qu’on  appelle des métagénomes, 
c’est-à-dire les génomes de tous les  microorganismes  présents à  un moment  donné  dans un  environnement 
donné, tel qu’un litre d’eau de mer, un kilogramme de sol ou même quelques grammes de fèces humaines. 
Un des résultats majeur de la métagénomique a été de révéler l’incroyable diversité génétique des virus. Une 
étude a par exemple montré qu’un kilogramme de sédiments marins prélevé sur le littoral californien pouvait 
contenir jusqu’à 1 million de génotypes viraux. De plus, entre 75 et 90 % des séquences produites dans toutes 
les  études  de  métagénomique  virale  publiées  depuis  2002  n’ont  pas  d’homologues  dans  les  banques  de 
données  de  génomes  déjà  séquencés.  Autrement  dit,  ces  séquences  correspondent  à  des  gènes  qui  ne 
ressemblent à  aucun  gène connu  jusqu’alors. Les virus forment donc un  réservoir presque infini  de gènes et 
certains  pensent  que  ce  réservoir  a  constitué  et  constitue  toujours  une  source  majeure  de  nouveauté 
génétique sans laquelle les formes de vie telles qu’on les connaît aujourd’hui (y compris notre propre espèce) 
n’auraient jamais existé. 
L'article que vous avez récemment publié traite des virus endogènes. Que sont-ils ? 
On  parle  de  virus  endogènes  pour  décrire  des  génomes  ou  fragments  de  génomes  viraux  intégrés  dans  le 
génome  de  leurs  espèces  hôtes  et  transmis  de  manière  héréditaire  de  génération  en  génération.  On  sait 
désormais que, depuis l’origine des vertébrés il y a environ 500 millions d’années, de nombreuses insertions de 
rétrovirus se sont produites dans le génome des gamètes (spermatozoïdes et ovules) de leurs espèces hôtes. 
Certaines  de  ces  insertions  impliquant  des  génomes  viraux  incapables  de  continuer  de  se  répliquer  ou 
suffisamment atténués pour ne pas affecter la fertilité de leur hôte, elles ont pu être transmises de manière 
héréditaire  à  tous  les  descendants  des  espèces  chez  lesquelles  elles  se  sont  originellement  produites.  Le 
résultat de ce long processus d’accumulation de séquences d’origine rétrovirale dans le génome des vertébrés 
est  assez  surprenant,  voire  troublant,  puisqu’il  apparaît  que  plus  de  8  %  du  génome  humain  dérivent  de 
rétrovirus. Autrement dit, étant  donné que sur les 3,5 milliards de paires de base constituant notre génome, 
environ 300 millions sont d’origine virale, on peut dire que nous sommes d’une certaine manière apparentés 
aux virus ! 
Les rétrovirus  sont  restés pendant  près  de  quarante  ans  les  seuls  virus  connus ayant  la  capacité de devenir 
endogènes. Et ce n’est en fait qu’au cours des trois dernières années que l’on a réalisé qu’à peu près n’importe 
quel type de virus pouvait devenir endogène chez à peu près n’importe quel organisme eucaryote, même si ces 
virus  endogènes  sont  bien  moins  nombreux  que  les  rétrovirus  endogènes.  Cependant,  leur  analyse  a  déjà 
révélé des trésors d’information concernant la co-évolution à long-terme entre les virus et leurs hôtes. 
Tout comme il y a une paléoanthropologie, il existe désormais une paléovirologie. A quoi cette fenêtre sur 
l'histoire passée des virus peut-elle nous être utile ? 
A l’instar des paléoanthropologues qui étudient les fossiles de primates et l’environnement dans lequel ceux-ci 
vivaient, les paléovirologues étudient les fossiles moléculaires de virus afin de retracer les vagues d’infections 
virales  passées  et  de  comprendre  comment  les  organismes  ont  su  combattre  ces  attaques  répétées.  Ces 
connaissances  contribuent  non  seulement  à  combler  un  vide  dans  notre  compréhension  de  l’évolution  des 
virus  à  moyen-long  terme,  mais  de  plus  elles  fournissent  un  cadre  conceptuel  important  pour  le 
développement  de  nouvelles  stratégies  médicales  de  lutte  contre 
certains virus. Concernant les avancées en matière de compréhension de 
l’évolution  des  virus,  il  a  par  exemple  été  montré  que  des  virus 
endogènes  appartenant  à  la  famille  des  Hepadnaviridae  (qui  inclut  le 
virus  de  l’hépatite  B,  en  photo  ci-contre)  s’étaient  intégrés  dans  le 
génome de l’ancêtre d’un groupe de passereaux il y a plus de 19 millions 
d’années.  Cette  découverte  a  complètement  changé  notre  façon 
d’appréhender l’évolution de cette famille virale puisque jusqu’en 2010, 
on pensait que les virus d’hépatite B avaient... moins de 30 000 ans. On 
ne sait pas si le virus de l’hépatite B circule toujours aujourd’hui chez les 
passereaux,  mais  cette  étude  montre  qu’il  serait  judicieux  de conduire 
des tests de dépistage chez plusieurs espèces de ces oiseaux. En effet, cela pourrait permettre d’identifier un 
nouveau modèle animal facile à élever et à manipuler pour l’étude du virus. 
Par  ailleurs,  plusieurs  travaux  publiés  par  Sara  Sawyer  (université  d’Austin  au  Texas)  et  Harmit  Malik  (Fred 
Hutchinson Cancer Research à Seattle) se sont attachés à disséquer les forces évolutives gouvernant les gènes 
de résistance aux virus, notamment chez les primates. Leur résultats montrent que la séquence de ces gènes a 
changé bien  plus vite  que celle tous les autres gènes  encodés par le génome humain  et que cette évolution 
rapide témoigne de la course aux armements dans laquelle les primates sont engagés contre les virus depuis 
des millions d’années. Autrement dit, ces gènes se sont adaptés sans relâche afin de contrer les stratégies sans 
cesse  renouvelées  par  certains  virus  pour  entrer  dans  nos  cellules  et  accomplir  leur  cycle  de  réplication, 
souvent à notre détriment. D’un point de vue plus appliqué, ces études ont aussi caractérisé avec précision les 
interfaces de contact, autrement dit le champ de bataille moléculaire, entre certains virus et certains domaines