Thème 3A-2 Chapitre 2 : L'immunité adaptative, prolongement de l'immunité innée L’immunité innée permet une réponse rapide contre les pathogènes. Elle constitue une première barrière de défense. Les vertébrés disposent en outre d’une réponse adaptative qui prolonge la réaction précédente. Elle s’installe lors des premières rencontres avec un microorganisme donné. Quels sont les caractéristiques de l’immunité adaptative ? Quels sont les mécanismes assurant l’élimination spécifique d’un pathogène ? Comment s’acquiert le répertoire immunitaire d’un individu, c'est-à-dire sa capacité à réagir à des milliards d’antigènes différents ? I. Les caractéristiques de l’immunité adaptative L’immunité adaptative est une immunité spécifique car les mécanismes de défense mis en jeu sont dirigés contre un seul type d’agent pathogène qui est reconnu de manière spécifique. La protection de l’organisme contre cet agent pathogène peut être assurée soit par des substances solubles dans le plasma sanguin, les anticorps, soit directement par certaines catégories de lymphocytes. Les lymphocytes sont le support de cette immunité adaptative mais l’élimination d’un agent pathogène nécessite toujours la coopération entre différentes catégories de lymphocytes. II. Les acteurs de l’immunité adaptative : A. Les anticorps, agents du maintien de l'intégrité du milieu extracellulaire = réponse adaptative humorale On appelle réaction à médiation humorale une réponse immunitaire qui fait intervenir des anticorps solubles. Ce sont les lymphocytes B qui, après reconnaissance de l’intrus, se transforment en plasmocytes, cellules sécrétrices d’anticorps. Quelles sont les étapes de la transformation d’un LB en plasmocytes ? Comment les Ac participent-ils à l’élimination du pathogène ? 1. La structure des anticorps est à l’origine de la spécificité de la liaison antigèneanticorps Les anticorps sont des protéines de la famille des gammaglobulines : ce sont des immunoglobulines. On les retrouve dans tous les fluides qui baignent le milieu extracellulaire : le plasma, la lymphe, le lait maternel, les sécrétions des muqueuses…. Leur structure est tridimensionnelle et complexe : 4 chaines polypeptidiques (2 chaines lourdes et deux chaines légères) associées par des liaisons faibles et des ponts disulfures. Les anticorps reconnaissent des antigènes, c'est-à-dire des régions bien précises de l’agresseur (portion de protéine par exemple). Chaque anticorps possède deux sites de fixation à l’antigène et une région qui interagit avec des récepteurs présents sur la membrane plasmique des phagocytes (macrophages, polynucléaire). Page 1 sur 8 Chaines lourdes et chaines légères possèdent une région dite variable dont la séquence change d’un anticorps à un autre : elle contient le domaine de liaison avec l’antigène. La variabilité de cette région caractérise le nombre important d’anticorps pouvant exister mais surtout sa spécificité à un antigène donné. 2. Etapes de la réaction immunitaire aboutissant à la production d’anticorps Les Anticorps proviennent de plasmocytes eux- mêmes provenant de la différenciation de certains LB. Avant tout contact avec l'antigène : de très nombreux clones de lymphocytes B se distinguant par leurs anticorps membranaires qui servent de récepteurs pour l'antigène, préexistent. (L’organisme en possèdent environ 108 LB différents) cette diversité constitue le répertoire immunitaire. La transformation d’un lymphocyte B en plasmocyte, cellule sécrétrice d’anticorps solubles, est le résultat d’un processus se déroulant en plusieurs étapes. Reconnaissance de l’antigène ou sélection clonale Grâce à leur récepteur, les lymphocytes B reconnaissent directement les antigènes solubles et particulaires (parasite, bactérie, virus ou cellule). Tous les anticorps portés par un LB sont identiques et reconnaissent donc le même antigène (un tel LB est présent dans l’organisme à quelques milliers d’exemplaires, ce qui est très peu, l’ensemble constituant un clone). L’organisme étant capable de reconnaître des millions d’antigènes différents, cet organisme doit contenir autant de clones différents de LB que d’antigènes susceptibles d’être reconnus. Amplification clonale des LB activés La fixation d’un antigène sur les anticorps d’un LB « active » ce dernier. Cette activation est suivie d’une multiplication intense de cette cellule par mitoses produisant un clone de 105 à 106 cellules. 3- Différenciation des LB Une partie des LB se différencie en plasmocytes, cellules sécrétrices d’anticorps solubles dans le plasma. Ces cellules sont caractérisées par l’abondance dans leur cytoplasme des organites indispensables à la synthèse des protéines (réticulum endoplasmique granuleux, mitochondries, appareil de Golgi). Ceci est à mettre en relation avec leur fonction qui est de produire et de libérer dans le plasma sanguin un très grand nombre de molécules d’anticorps solubles (jusqu’à 5 000 par seconde !). Une autre partie des LB produits se transforme en LB mémoire, cellules non sécrétrices d’anticorps mais à longue durée de vie. Ces deux dernières étapes impliquent une coopération avec les lymphocytes T4 (cf III). Page 2 sur 8 3. Les anticorps solubles et l’élimination de l’antigène (TP Ouchterlony) L’élimination d’un antigène par l’intervention des molécules d’anticorps se fait en deux étapes : neutralisation des antigènes par la formation de complexes immuns suite à la réaction antigène-anticorps (s’il s’agit d’antigènes solubles, la réaction antigène-anticorps produit des complexes immuns insolubles ; s’il s’agit de microorganismes, les anticorps se fixent par leurs sites anticorps sur les antigènes membranaires et exposent donc vers l’extérieur leur partie constante, la « queue du Y ») ; l’élimination des complexes immuns se fait grâce à la phagocytose, elle fait donc intervenir des acteurs de l’immunité innée. En effet, les complexes immuns stimulent les phagocytes. Ainsi les macrophages possèdent des récepteurs membranaires qui se fixent sur la partie constante des anticorps et induisent une phagocytose (=capacité pour une cellule d'ingérer un élément reconnu comme étranger.) Il y a donc une coopération entre les mécanismes innés et les mécanismes acquis. Les anticorps permettent de neutraliser les particules libres dans le milieu intérieur. Toutefois ils ne participent pas à l’élimination des cellules infectées. Comment l’organisme élimine-t-il les cellules infectées ? Page 3 sur 8 B. Caractéristiques structurales des lymphocytes T 1. Les différents LT Les lymphocytes T sont spécialisés dans la surveillance des membranes des cellules de l’organisme. Ils reconnaissent l’élément étranger grâce à des immunoglobulines membranaires appelés récepteurs T. Chaque récepteur est formé de 2 chaines polypeptidiques comportant chacune une partie constante et une partie variable (d’un LT à l’autre). C’est au niveau des parties variables que se situe le site de reconnaissance des antigènes membranaires. Parmi les lymphocytes T, on distingue les T CD4 et les T CD8, en référence aux marqueurs de différenciation qu’ils portent. Dans les organes lymphoïdes secondaires, les cellules dendritiques présentent l’antigène aux lymphocytes T CD4 et T CD8, lesquels se différencient alors respectivement en lymphocytes T auxiliaires (LTh) et en lymphocytes T cytotoxiques LTc). Contrairement aux LB, un LT est, au départ, incapable de reconnaitre directement « son » antigène spécifique ( LT « naïf »). L’antigène doit être présenté, associé à une molécule du soi ( ou molécule du CMH), par une cellule spécialisée dite CPA( Cellule Présentatrice de l’Antigène) : il s’agit presque toujours d’une cellule dendritique ( un des phagocytes). Ici encore, il existe des millions de clones de LT différents 2. Etapes de la réaction immunitaire aboutissant à la production des LTc Pour qu’un LT CD8 naïf devienne un lymphocyte cytotoxique, plusieurs étapes sont nécessaires : • La reconnaissance de l’antigène ou sélection clonale Parmi les millions de clones de LT CD8, un seul est capable de se lier par son récepteur à l’antigène exposé par la cellule présentatrice. Ce clone est alors activé ce qui se manifeste par l’entrée en division des cellules de ce clone. • L’amplification clonale Les cellules du clone activé se multiplient intensément par mitoses. • La différenciation Les cellules du clone se différencient en LT cytotoxiques capables de détruire toute cellule exposant en surface le même antigène que celui qui a sélectionné le clone pré-existant de LT CD8. La destruction des cellules « indésirables » (reconnues comme telles car présentant en surface des molécules antigéniques différentes des molécules normales du soi) se fait par cytolyse (création de pores dans la membrane de la cellule cible grâce à des protéines libérées par le LTc), ou bien par apoptose (libération de signaux par le LTc induisant le « suicide », c’est-à-dire la mort programmée de la cellule cible). Page 4 sur 8 III. Les LT CD4, au centre des réactions adaptatives Suite à la reconnaissance d’un antigène, différents clones de lymphocytes sont activés : Les LB à l’origine des anticorps circulants, des LT CD8, qui donnent naissance à des cellules tueuses, et des LT CD4. Pourquoi peut-on dire que les lymphocytes T CD4 sont au centre de toutes les réactions adaptatives ? Les LT CD4 sont au centre de toutes les réactions immunitaires adaptatives car, en leur absence, les LB sont incapables de se transformer en plasmocytes et les LT CD8 sont incapables de se transformer en LT cytotoxiques. Après activation par son antigène spécifique, un LT CD4 se transforme en LT auxiliaire, lymphocyte sécréteur d’interleukine 2. Cette molécule stimule à la fois l’amplification clonale et la différenciation des LB et des LT CD8 ayant été activés par le même antigène. Page 5 sur 8 A. Conséquences de l’infection par le VIH des LT4 Une infection par le VIH, si elle n’est pas traitée, aboutit à un effondrement des défenses immunitaires car la cible principale du VIH est constituée par les LT CD4. Ces cellules immunitaires sont donc progressivement détruites. Or, les LT CD4 sont indispensables aux réactions immunitaires adaptives aussi bien à médiation humorale qu’à médiation cellulaire. La conséquence pour l’organisme de cet effondrement des défenses immunitaires est l’installation de maladies opportunistes qui peuvent conduire à la mort. Page 6 sur 8 IV. L'acquisition du répertoire immunitaire Dans notre organisme circulent des milliards de clones de lymphocytes capables de reconnaitre chacun un antigène donné ? Comment un tel répertoire immunitaire est-il généré ? A. L’origine de la diversité des lymphocytes Nous avons vu que les deux chaînes des anticorps étaient constituées d’une région constante et d’une région variable. Pour faire simple, le gène de l’immunoglobuline correspond à la recombinaison de différents segments génétiques : - le segment C code pour la partie constante - les segments V (variable), D (diversité), et J (jonction) codent pour la partie variable. Il existe de nombreux segments V, D et J. Lors de la maturation des lymphocytes, ceux-ci vont choisir aléatoirement un segment V, un segment D et un segment J donnés. De ce fait, un lymphocyte ne produira qu’un seul type d’anticorps. Cependant, comme chaque lymphocyte lors de sa maturation va choisir des segments différents, un individu peut donc produire une très grande variété d’anticorps différents. Ainsi pour la chaîne lourde, il existe : segments V différents segments D différents segments J différents donc de produire 200*12*4 = 9600 chaînes lourdes différentes. - 200 - 12 -4 Ceci permet Le même processus se produit pour les chaînes légères : l’organisme peut donc produire environ 1000 chaînes légères différentes. Ces deux chaînes vont participer à la fabrication des anticorps : il peut donc existe 9600*1000 = 9 600 000 anticorps différents, expliqués directement par le génotype de l’individu. Ces lymphocytes peuvent également ensuite subir des mutations (ces régions V D et J mutent très facilement), … Les mécanismes analogues existent pour les lymphocytes T. Réarrangement des segments de gènes à l’origine des chaines lourdes et légères Page 7 sur 8 C. La sélection des lymphocytes C’est le processus essentiel à l’origine de la tolérance de l’organisme à ses propres molécules. Au cours de leur éducation, les lymphocytes B et T auto-réactifs (c’est-à-dire capables de reconnaître le soi), sont éliminés respectivement dans la moelle osseuse et le thymus. La sélection des lymphocytes T s’opère en deux étapes : une sélection positive conserve les lymphocytes T munis de TCR pouvant interagir avec le CMH de l’individu : ils sont dits « restreints au CMH » ; les autres lymphocytes T sont éliminés ; une sélection négative élimine les lymphocytes T munis de TCR ayant une forte affinité pour les peptides du soi. La sélection des lymphocytes B comprend une seule étape qui consiste en l’élimination des cellules qui portent un BCR ayant reconnu des peptides du soi (sélection négative). Au terme de cette éducation, les lymphocytes B et T issus de la moelle ou du thymus sont dits « naïfs » : ils possèdent un récepteur spécifique, mais n’ont encore jamais rencontré l’antigène pour lequel ils sont spécifiques. L’organisme est normalement tolérant à ses propres constituants, car ceux-ci ne sont pas reconnus par les récepteurs B et T. L’élimination des lymphocytes dirigés contre le soi peut connaitre des failles : les cellules autoréactives ayant échappé à la sélection restent présentes dans l’organisme. Si elles sont activées ultérieurement, elles peuvent déclencher une réponse immunitaire dirigée contre les molécules de l’organisme, à l’originedes maladies auto-immunes. Le système immunitaire tolère un certain nombre d’éléments du non soi (la flore intestinale, l’embryon…), mais les mécanismes de cette tolérance ne sont pas bien connus. Bilan La présence dans notre organisme de milliards de clones de lymphocytes capables chacun de reconnaître un antigène donné est la conséquence de deux mécanismes complémentaires : – la production dans la moelle osseuse, par des mécanismes génétiques aléatoires et complexes, de prélymphocytes B ou T qui diffèrent par leur immunoglobulines membranaires ; – une élimination des clones de cellules autoréactives (c’est-à-dire celles susceptibles de déclencher une réaction immunitaire contre des molécules du « soi ») de telle sorte que le répertoire immunitaire (les clones de lymphocytes immunocompétents qui passent dans la circulation) est constitué par les lymphocytes capables de déclencher une réaction immunitaire uniquement contre les molécules n’étant pas des molécules normalement présentes dans l’organisme. Page 8 sur 8