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CONGRES MARX INTERNATIONAL IV
SECTION SOCIALISME atelier appropriation sociale 1er octobre 2004
ET…LA LUMIERE NE FUT PAS PRIVATISEE
Bernard KLEIN et Daniel MANDON
PREAMBULE COMMUN
Les trois phases du capitalisme
Trois phases de la société marchande capitaliste semblent pouvoir aujourd’hui être repérées :
1. une première phase de création d’entreprises industrielles et commerciales et de banques
privées que MARX a connue, débouchant sur l’impérialisme qui aurait dû constituer selon
LENINE le stade suprême du capitalisme,
2. une seconde d’affrontement et de compromis Etat/Privé d’une part et Est/Ouest d’autre
part qui s’ouvre par des « collectivisations » de longue durée en Russie après la révolution
de 1917 et l’abandon par STALINE de la NEP lancée par LENINE, qui se réalise dans les
années 30 avec le new deal de Franklin ROOSEVELT et la création de la Tennessee
Valley Authority aux Etats Unis - ou celle de la SNCF en France - et qui s’achève par des
« nationalisations » de courte durée en France en 1981/83 avec un temps fort
d’étatisations (Air France) et même de véritables nationalisations dans le cas d’EDF et
GDF dans l’immédiat après guerre 1939/45. Les PTT Poste, Téléphone et Télégraphe
relevant par l’histoire et continuant jusqu’à une date récente à relever d’un ministère.
Avec le recul du temps, la collectivisation forcée engagée par STALINE et l’économie
d’Etat planifiée à travers le GOSPLAN et qui va durer une soixantaine d’années en URSS
apparaît s’inscrire dans une sorte de lutte sans merci qui se termine actuellemment par le
triomphe sans partage du capitalisme.
3. une troisième qui a commencé au Royaume Unis avec les privatisations réalisées par
Margaret THATCHER (1979/1990) et aux Etats par Donald REAGAN (1981/1989)
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et
qui s’est diffusée et généralisée à l’ensemble du monde avec la chute du mur de Berlin en
novembre 1989 et la fin de l’URSS en août 1991.
On peut affirmer sans risque que cette phase actuelle se caractérise par la domination du
capital financier sur le capital industriel avec de nécessaires et subtiles articulations sur le
politique y compris « de gauche » autant dans les pays « capitalistes » ou ex « communistes »
que restés « communistes » - pour ce qui concerne l’étendue et les modalités de prises de
participation extérieures au capital d’entreprises publiques existantes ou de financement privé
de nouveaux investissements d’entreprises du secteur public.
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Margaret THATCHER eut sans doute parmi les premier(e)s des politiques la conscience de la disparition
prochaine de l’URSS en tant que le alternatif au capitalisme et des possibilités nouvelles par l’affaiblissement
des trade unions et la fragilisation des entreprises publiques qu’offrait cette perspective au Royaume Uni et aux
Etats Unis (avec Donald REAGAN), en Europe et dans le monde. Pour elle peut-être, par une certaine re-
privatisation des entreprises publiques et une marginalisation certaine des syndicats ouvriers, une classe
véritablement moyenne de salariés détenteurs d’actions pouvait s’imposer ou du moins faire sa place - face aux
possédants seulement possédants et aux salariés seulement salariés. Le réalité semble tout autre 25 ans après...
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C’est cette phase qu’il s’agit aujourd’hui de conceptualiser plus avant ensemble pour mieux
cibler les actions progressistes les mieux adaptées à l’état actuel du monde.
Sur le titre de la communication
A cet égard, la bataille de France relative à EDF et GDF est de la plus haute importance.
Et, bizarrement quelle que soit l’issue de cette bataille, la lumière ne sera pas privatisée.
Dans les mots ou dans les faits. D’où le titre choisi.
Pour les uns (côté cour
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), la lumière ne sera pas privatisée du fait de la majorité étatique
dans le capital d’EDF et GDF devenus SA(s) (70 % prévus dans la loi) - avec de surcroît
un statut du personnel maintenu.
Pour les autres, grâce à la bataille déjà engagée et qui s’annonce, EDF ET GDF resteront
publics à 100 % soit dans la forme juridique EPIC d’origine (avec le retrait ou la non-
application de la loi), soit dans une forme à imaginer, soit même peut-être pour quelques
uns d’entre eux dans la forme d’une SA cotée en bourse avec 7 actionnaires minimum
Il faudra donc bien encore parler des choses et se méfier des mots.
Sur l’opération de changement de statut d’EDF et GDF et d’ouverture du capital. Les
positions critiques actuelles.
C’est dans un contexte d’ouverture à la concurrence du gaz et de l’électricité au niveau
européen (Acte unique européen de 1986) et d’achat et de revente de sociétés électriques et
gazières au niveau mondial au tournant des années 80/90 que l’opération préparée sous le
gouvernement de Lionel JOSPIN (1997/2002)
1. de changement de statut juridique des deux services publics nationaux dits « à la
française » EDF et GDF de forme Etablissement Public à caractère Industriel et
Commercial EPIC en Société Anonyme SA
2. et d’ouverture du capital d’EDF ET GDF devenues SA(s).
est aujourd’hui engagée par le gouvernement de Jean-Pierre RAFFARIN (2002/…).
Des opposants
à la privatisation par le biais d’une étatisation, considérée comme véritable spoliation de la
collectivité nationale (confer la brochure « EDF-GDF : non à la privatisation-spoliation »
du groupe Jean-Marcel MOULIN)
3
,
ou à l’ouverture à la concurrence sur l’électricité (confer le livre « Chronique d’un
désastre inéluctable » de François SOULT)
ou même des partisans de l’ouverture du capital d’EDF devenu SA, mais réalisée dans le
cadre
1. d’une privatisation dite « de troisième type » au bénéfice des créanciers transformés en
actionnaires à hauteur des montants de leurs créances inscrites au passif du bilan
2. et de la fusion d’EDF et GDF devenus SA (confer diverses publications de la fondation
Concorde sur Internet),
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côté jardin, Jean Pierre RAFFARIN n’hésite pas à traduire « ouverture du capital » par « privatisation » dans
une interview accordée au Wall Street Journal en septembre 2004
3
Point de vulnérabilité ici identifié à caractère financier : la valeur d’EDF (SA) pour un investisseur privé est
estimée entre + 2 et 58 milliards d’euros toujours négative en comptant les engagements sur le 1 % activités
sociales et autres engagements hors bilan. EDF n’est pas a priori privatisable sans apports de l’Etat ou
augmentation significative des tarifs .
3
se sont exprimés de manière critique sur l’opération en question telle qu’elle est finalement
menée.
Ces intervenants sont tous des responsables ou ex responsables d’EDF (ou de la Commission
de Régulation de l’Electricité et du Gaz CRE) dont on peut identifier les repères dans
l’histoire des industries électriques et gazières IEG. Ainsi, le groupe Jean-Marcel MOULIN
se réfère manifestement à une époque des 40 glorieuses de la grande EDF qui commence avec
le départ du premier PDG d’EDF et GDF Pierre SIMON en 1947 et qui se termine en 1984
avec celui du président d’EDF Marcel BOITEUX.
Les points de vue critiques présentés ici au congrès MARX IV complètent les trois
précédents. Ils prennent appui dans l’histoire sur une conjonction qui a pu se réaliser à la
Libération, et pas seulement à EDF à travers une alliance entre une élite intellectuelle porteuse
d’un projet industriel de développement et une avant-garde ouvrière capable de mobiliser les
forces sociales productives nécessaires pour la reconstruction de la France. Certes, cette
conjonction-n’a duré que onze mois seulement entre le 8 avril 1946 et le 2 mai 1947 pour
cause de guerre froide, mais une conjonction analogue pourrait à nouveau s’imposer dans
l’avenir pour sortir d’une crise grave du capitalisme dans sa phase politico-financière
actuelle… Tel est du moins la vision des deux auteurs qui sont deux ingénieurs économistes
en inactivité adhérents de l’UFICT-CGT
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qui ont fait toute leur carrière professionnelle à EDF
et GDF dont un passage à la Caisse Centrale des Activités Sociales CCAS (assimilée
généralement à un comité d’entreprise) – sans exercer de mandat de permanent syndical.
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Sur l’approche proposée par les deux auteurs
L’opération en cours en France peut être qualifiée d’hypercomplexe puisqu’elle concerne :
deux services considérés comme services publics: le gaz et l’électricité
deux entreprises : Electricité de France EDF et Gaz de France GDF
deux objectifs concernant les entreprises : changement de statut juridique et ouverture du
capital
deux objectifs concernant le statut du personnel : changement du gime et financement
des pensions (par la loi du 9 août 2004 dont on parlera plus loin) et mise en cause du
financement des activités sociales (par la médiatisation des interventions de la Cour des
comptes et autres instances juridictionnelles auprès de la CCAS)
Deux objets d’interrogation, d’observation et de connaissance ont été d’ailleurs retenus par les
auteurs.
1. La stratégie de partenariat et le mode d’organisation d’EDF ceux-ci évoluant au rythme
de la petite histoire des nominations de ses dirigeants (5 présidents en 20 ans). Le fait que
ce rythme soit sans commune mesure avec les rythmes observables chez son double GDF
ou dans des groupes comparables (Suez, Bouygues,…
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) ou enfin chez ses partenaires
sociaux comme la fédération CGT majoritaire, a attiré leur attention.
2. Le statut juridique d’EDF et GDF ou des entreprises privées d’avant la loi du 8 avril
1946 : Sociétés Anonymes cotées en bourse, puis Etablissements Publics à Caractère
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Union Fédérale des Ingénieurs Cadres et Techniciens de la Confédération Générale du Travail
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Peut-être une approche véritablement scientifique qui reste à spécifier - devrait-elle intégrer d’autres points
de vue critiques internes ou externes à EDF et GDF et d’autres sujets d’attention et articuler l’ensemble…
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Vivendi est à part du fait du départ précipité de J. M. MESSIER
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Industriel et Commercial EPIC, puis à nouveau Sociétés Anonymes cotée en bourse d’ici
le 31 décembre 2004 selon l’alinéa I de l’article 47 de la loi du 9 août 2004 relative au
service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières ce statut
évoluant au rythme de le grande Histoire. Le fait que ce rythme soit sans rapport aucun
avec celui des changements de majorités politiques, a également attiré leur attention.
La partie développée par Daniel MANDON
Cette première partie présentée par Daniel MANDON sous le titre « Les salariés iront-ils au
paradis ? » s’interroge sur la signification et la portée historique par delà le phénomène
EDF et GDF et les relations interpersonnelles - de cette lutte acharnée qui mène une élite, au
départ de simples salariés, présente à l’intérieur d’entreprises publiques et à l’extérieur dans
les ministères concernés, vers les plus hautes responsabilités d’une SA d’envergure mondiale.
Par ailleurs, la SA cotée en bourse, agent de la mondialisation, s’avère la forme dominante de
l’entreprise capitaliste dans la phase actuelle. Extrapolant alors la promotion de l’élite salariée
à la tête de SA(s) cotées pas seulement lors d’opérations de privatisation dont le nombre est
partout dans le monde considérable la question sidérante lorsque l’on constate l’aggravation
des inégalités, pourrait alors se poser dans ces termes : « Ne serions-nous pas entrés dans une
phase décisive d’un mouvement révolutionnaire porteur de progrès à longue échéance, sous
réserve que les salariés prennent conscience de la place prépondérante qu’ils occupent dans
la société et qu’ils sachent surmonter leurs divisions et prendre les responsabilités qui sont à
leur portée ? »
La partie développée par Bernard KLEIN
La deuxième partie propose plusieurs axes de connaissances susceptibles d’éclairer les actions
les plus efficaces pour revenir sur la loi du 9 août 2004 et conserver à EDF et GDF leur statut
d’EPIC (d’entreprises non marchandes de service public, propriété publique indivise de la
collectivité nationale) et appelle les participants au congrès à la lumière de leurs propres
connaissances des théories et enseignements de MARX à y participer.
Elle présente une analyse des procédés politiques et des artifices, notamment de langage,
utilisés par les promoteurs et réalisateurs de la privatisation partielle d’EDF et GDF via leur
étatisation (ni le mot de privatisation, ni celui d’étatisation ne sont utilisés par exemple). Mais
on est pas obligé de tomber dans le panneau et ces entorses au bon droit constituent également
des failles que l’on peut exploiter pour mettre à mal la nouvelle loi.
Elle rappelle ce que sont et ce que peuvent apporter à la collectivité nationale et internationale
le statut d’EPIC, comme forme socio-économique la mieux adaptée pour couvrir les besoins
de fourniture d’électricité et de services énergétiques - en prenant en même temps en compte
les problèmes d’environnement, de cohésion sociale, de développement local, régional et
international.
Comment répondre aux besoins d’une collectivité de plus de 6 milliards d’humains
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dont une
moitne dispose pas d’électricité et un quart d’eau potable et un huitième souffre de la
faim et de la soif ? Pour ne pas désespérer les populations des pays en développement et
apporter une juste réponse aux commanditaires et auteurs des actes de terrorisme qui se
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Une humanité finie ici comme collectivité ou communauté internationale, prolongement des collectivités
locales et nationales (pas de personnalité morale pour la collectivité nationale française)
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multiplient dans le monde depuis le 11 septembre 2001, il y urgence aujourd’hui à se
mobiliser sur le thème de la défense du statut d’EPIC d’EDF et de GDF en restant ouvert à
toute autre forme juridique qui permettrait aux entreprises de service public d’échapper à la
seule recherche d’une rentabilité maximale de leur capital et d’une cote maximale de leurs
actions dans le cadre d’une stratégie mondiale de service public de l’énergie au service d’un
développement durable, mais aussi équilibré et solidaire.
CONTRIBUTION DE DANIEL MANDON
Les salariés iront-ils au paradis ?
Cette intervention comprend trois thèmes
1. Salariés capitalistes et capitalistes salariés
2. La résistible ascension des cadres dirigeants d’EDF et GDF
3. La révolution sociale en marche ?
I Salariés capitalistes et capitalistes salariés
La transformation du statut d’EDF et GDF qui reste à confirmer - est certes une étape
déterminante dans le processus de privatisation de ces deux établissements et il fallait sans
doute un gouvernement libéral pour accomplir au grand jour ce que le précédent préparait
dans l’ombre.
Mais pour ses promoteurs, ce processus doit se poursuivre pour aboutir à la forme « SA cotée
en bourse » avec émissions d’actions et appel à l’épargne publique, comme cela a été le cas
pour les privatisations précédentes.
Suivre ce processus et les trajectoires successives des dirigeants qui l’ont mené venant
alternativement de l’intérieur des deux entreprises publiques ou de l’extérieur (mais alors de
fonctions politiques gouvernementales ou para-gouvernementales), montre comment au
départ de simples salariés diplômés sans condition de fortune personnelle, peuvent accéder
au contrôle du capital social de sociétés de droit privé d’envergure mondiale.
On a affaire à un mouvement différent de celui des self made man qui partant d’une petite
affaire personnelle, pouvaient dans un contexte de forte croissance, bâtir un empire
économique dont, même après le passage en bourse, ils conservaient le contrôle.
Le projet est là, un projet d’ascension personnelle dans une structure publique, déjà
puissamment développée et utilisée comme capital primitif pour se développer ensuite par
croissance externe (fusions/acquisitions/filialisation) afin de se situer parmi les plus grands
dans la compétition internationale.
La principale caractéristique de ce type de projet est d’être toujours portée par une situation
politique externe : cela a été manifestement le cas dans les ex-pays socialistes avec la vente
des entreprises d’Etat, mais aussi dans les pays occidentaux avec les privatisations décidées
par les gouvernements libéraux, phénomène prenant une ampleur particulière en France du
fait du double mouvement de nationalisations (1981/83) et de privatisations (1986/88 et
1993/94).
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