ENTRETIEN DES COORDONNATEURS ETR AVEC PETER GADE 28 octobre 2008 Dans le cadre du super series de Paris, la Direction Technique Nationale organisait un rassemblement des coordonnateurs des équipes techniques régionales. Plusieurs interventions d'experts ont été programmées dont un entretien d'1h30 avec Peter GADE, icône du badminton mondial. Des questions autour de son parcours et de sa carrière, de ses méthodes d'entraînement, de sa vision du haut niveau entre autres lui avaient été envoyées en amont. Il avait donc préparé une intervention chronologique retraçant son parcours en essayant de nous expliquer les clés de sa réussite. Nous avons ensuite eu un temps de questions – réponses. Cette intervention en anglais a été filmée et devrait faire l'objet d'un document vidéo traduit et envoyé dans les ligues. Enfin, il faut relever l'incroyable disponibilité et humilité dont fait preuve cet immense champion. Sa carrière Peter GADE qui compte déjà 15 ans de carrière internationale est aujourd'hui âgé de 32 ans. Il a remporté tous les plus grands tournois du monde (All England, Danish open, China open, vice champion du monde 2001…) et a été 4fois champion d'Europe. Et il revient au plus haut niveau en venant de remporter coup sur coup le Danish open et le super series de Paris ! Il a commencé le badminton à 6 ans et pratique alors le football l'été et le badminton l'hiver. 1er élément frappant : à cet âge il est persuadé (c'est son "feeling") qu'il peut et veut être un champion. Ce sera donc en badminton car il faut bien comprendre que dans les années 80, Morten FROST, vice-champion du monde en 1985 et 87 est une star au Danemark, et qu'il fait rêver les gamins à l'instar de Zidane en France ou Nadal en Espagne. ETR Rhône-Alpes novembre 2008 Thomas CHAMPION Dans son club d'une petite ville de 3000 habitants, il commence donc le badminton avec un entraîneur qui décèle chez lui très tôt des qualités et une motivation au-dessus de la moyenne. Cet entraîneur lui conseille de changer de club à l'âge de 9 ans afin de trouver de l'adversité. Il part donc 4 fois par semaine à Alborg à 1h30 aller de bus, et c'est son père qui le ramène le soir. A 9 ans, on voit déjà la motivation du projet. On y reviendra. Ensuite à l'âge de 12 ans, ses parents déménagent pour des raisons professionnelles. Il arrive donc au club d'Aarhus où il rencontre Michael Kielsen. Ce club est plus important et structuré que les précédents et sa rencontre avec Kielsen va être déterminante. Il explique que, lui, avait d'énormes ambitions de haut niveau et que Kielsen formulait lui aussi un désir puissant de coacher à haut niveau. Les deux s'étaient trouvés. Ensuite, il s'entraîne jusqu'à 17 ans tous les jours de la semaine dans ce club d'Arrhus avec Kenneth JONASSEN, Peter RASMUSSEN (champion du monde 1997) et bien d'autres. Leur centre devient alors plus fort que le centre national de Brondby ! A 17 ans Peter GADE remporte le championnat sénior de la province du Jutland, province la plus forte au Danemark. Il comprend alors qu'il lui viser bien plus haut. Avec son entraîneur, ils se fixent l'objectif des championnats du monde junior de Kuala Lumpur en 1994. Lors de cette compétition, il perd en quart de finale du simple. Son entraîneur et lui pleurent alors beaucoup !!! Leur rêve s'écroulait ! 2 heures plus tard, il devient champion du monde de double !!! Sa carrière internationale était lancée. Sur les conseils de Morten FROST, il ira ensuite au centre national pour pouvoir avoir plus de moyens d'entraînement. Une motivation surdimensionnée et une discipline hors du commun Pour bien saisir l'immense force du projet de Peter GADE, il relate une anecdote qui pourrait résumer sa motivation. Entre 6 ans et 9 ans, il s'était fabriqué dans sa chambre une mini table de pingpong contre un mur et jouait avec une raquette en plastique et une balle molle rebondissante. Il passait des heures à travailler ses réflexes et le maniement de la raquette en s'inventant les plus grands tournois du monde. Il "battait" ainsi régulièrement Yangyang ou Morten FROST en finale, au grand dam de sa maman qui se demandait bien ce qu'il se passait dans la chambre de son fiston ! Cette motivation et surtout la rigueur sont des mots qui reviennent en permanence dans son langage. Ainsi en plus de ses séances quotidiennes ETR Rhône-Alpes novembre 2008 Thomas CHAMPION d'entraînement, il se rajoutait seul 40 minutes de déplacements sous le regard curieux des autres joueurs, et ce, à chaque séance d'entraînement. Son coach et lui étaient taxés d'en faire trop ! Il dit d'ailleurs que c'est sur cet aspect du déplacement que les asiatiques sont très forts et que c'est entre autre grâce à cet élément qu'il a pu rivaliser. Son investissement dans le projet badminton est de tous les instants et il s'est instauré une discipline de vie en conséquence. Il a le recul pour s'apercevoir que cela en fut même difficile parfois pour son entourage. Très vite, il a fait le choix et expliquer à ses parents que l'école ne serait pas sa priorité. Un entraînement pointu et professionnel Avec son coach, il s'est abreuvé de vidéos, notamment Arbi HERYANTO (champion du monde à Lausanne en 1995) et s'en est inspiré en les adaptant à son jeu. Il a aussi essayé d'être novateur et de prendre de l'avance en créant des feintes. Mais attention, rien de fun là dedans !!! L'objectif était de se rajouter, par rapport à ses adversaires, des coups supplémentaires sur certaines zones du terrain. Avec son coach, ils filmaient les nouvelles feintes, les analysaient et les testaient sur des compétitions. Par rapport à l'aspect physique, sa musculation a été orientée beaucoup plus vers des charges légères et sur la vitesse. Remarques diverses Sa vision de la différence Asie – Europe : Au-delà des aspects culturels, il met sur le compte du volume et de la discipline la supériorité de l'Asie. Il pense que l'Europe possède les talents chez les jeunes mais qu'il faut ensuite plus de rigueur. A ce titre, il estime que le Danemark a trop laissé de libertés à ses joueurs (choix dans la planification, orientations d'entraînement…) et qu'il faut revenir à plus de rigueur. Il pense qu'il faut puiser des éléments dans le système asiatique mais surtout ne pas essayer de le calquer en occident. Ce serait voué à l'échec. Enfin, il pense que les pays européens devraient s'allier et mutualiser. ETR Rhône-Alpes novembre 2008 Thomas CHAMPION Un bon coach ? En ce qui le concerne, il a côtoyé une quinzaine de coaches et il a essayé de tirer le meilleur de chacun à chaque fois. Gestion des matches de haut niveau : Il accorde énormément d'importance au volet mental du match de badminton. Ainsi le joueur doit avoir confiance, se connaître et être capable de savoir souffrir et s'adapter. Il donne l'exemple de son quart de finale de la semaine dernière au Danish Open contre Chen JIN, médaillé de Bronze à Pékin. Peter GADE avait perdu contre lui à Paris l'an passé en manquant de patience et en forçant ses attaques. Cette fois, se sentant bien physiquement et en confiance, il a montré au chinois qu'il était prêt à accepter les longs échanges. Il l'a battu en 2 sets. Il explique les dispositions mentales dans lesquelles il s'est mis pour accepter et relever le défi physique et mental. Par rapport au top 5 mondial et notamment à Lin DAN, il souligne la capacité d'adaptation et réflexion des joueurs pendant le match. Sa reconversion : Elle ne peut pas être ailleurs que dans le badminton, il veut être coach. Et quand on l'écoute et au regard de son parcours, nulle doute qu'il saura transcender ses joueurs. Son entraînement aujourd'hui Du lundi au vendredi, séance de badminton de 2h le matin (technique – déplacement – tactique – matches) Mercredi AM : badminton Lundi mardi et Vendredi AM : physique Samedi matin (2h) : technique 18 heures par semaine. ETR Rhône-Alpes novembre 2008 Thomas CHAMPION