Pour cela — et on n'a pas manqué de l'en mettre en garde — il risque de ne laisser à l'histoire que le triste
surnom de Rached le menteur, rappelant celui — la pire des hontes — du célèbre faux prophète en islam,
Moussaylima(3).
Faut-il noter ici que la vente d'alcool est déjà le fait de très peu de magasins en Tunisie, ne se faisant que dans
des conditions trop contraignantes, comme la fermeture du rayon la veille du vendredi et le lendemain toute la
journée, outre la réservation d'un endroit discret ou séparé du magasin(4).
Faut-il rappeler aussi que ce déplorable état de choses alimente un commerce clandestin d'alcool, une
contrebande qui occupe inutilement les forces de l'ordre devant avoir d'autres priorités que de brimer les
libertés strictement privées comme de vendre ou boire de l'alcool.
La falsification de l'islam
Si M. Ghannouchi n'était pas un intégriste caché, il aurait admis que l'islam correctement interprété n'interdit ni
l'alcool ni son commerce ni sa consommation, mais juste l'ivresse(5) qu'il est censé provoquer et qui risque de
détourner le croyant de la voie de Dieu. Aussi, un musulman responsable et qui se respecte ne doit pas interdire
l'alcool, mais se l'interdire par un effort personnel de résistance à la tentation. Ce qui suppose qu'une telle
tentation existe et que l'alcool soit vendu en toute liberté.
S'il ne faisait pas une lecture fausse de l'islam, M. Ghannouchi aurait su que sa religion protège le commerce,
tout commerce, y compris celui de l'alcool, dont l'ange Gabriel lui-même n'a pas hésité à proposer au prophète
un verre lors de son «voyage nocturne». Comment donc le Saint-Esprit l'aurait-il fait si le simple toucher du
vin — comme on le colporte bien à tort — était interdit ? D'ailleurs, le vin existe bien au paradis et le Coran le
loue parmi les bienfaits que Dieu a créés. Serions-nous supérieurs à l'ange Gabriel ?
M. Ghannouchi devrait savoir, lui qui a vécu dans des pays où coule à flots l'alcool, que c'est la liberté du
commerce de ce breuvage qui doit être la règle pour que soit faite la preuve par le croyant qu'il respecte bien sa
religion en s'abstenant de le boire ou, s'il le boit — ce que sa religion n'interdit qu'en excès —, de veiller à ne
pas aller jusqu'à l'ivresse.
Bien mieux, en tant qu'homme politique, M. Ghannouchi devrait connaître les retombées éthiques de
l'abrogation des textes illégitimes régissant le commerce d'alcool, car devant être bénéfique, mettant fin aux
drames de la contrebande, l'incitation à l'ivresse, fruit de l'interdit frappant à tort l'alcool et la lecture intégriste
faite de la religion au point de verser dans l'horreur terroriste que nourrit le manque de droits et de libertés en
islam.
Ghannouchi encourage la contrebande d'alcool
Que M. Ghannouchi, qui soigne ses rapports avec les États-Unis et veille à leur plaire, médite donc la noire
période de l'histoire américaine que fut la Prohibition, drame absolu n'ayant eu pour conséquence que
d'encourager la prospérité des groupes mafieux. Serait-ce ce qu'il veut pour la Tunisie où la contrebande
d'alcool est bien répandue ?
On serait forcément amené à le penser s'il ne change pas au plus vite de position sur cette question, appelant
clairement et sans détour à abolir les textes restreignant la consommation et la vente d'alcool, y compris le
vendredi et durant ramadan, car le sacré en islam ne se situe nullement dans l'ostentation, mais dans l'intention.
Qu'il le fasse en rappelant ou en se rappelant que le vrai fidèle en islam est celui qui se retient de céder à la
tentation et qu'on ne prive pas du moindre appât afin d'avoir la possibilité — absolument nécessaire en islam
— de faire la preuve qu'il ne fait pas acte d'hypocrisie.