Histoire de Narasimha quatrième avatar de Vishnou
"Hiranyacasipou, cet ennemi des dieux, fier de sa force, se livra à une rigoureuse pénitence pendant
onze mille cent ans, s'abstenant de boire de l'eau, restant avec constance silencieux et immobile dans la
même place. Par sa mortification, son abstinence et son application aux saintes études, par sa
pénitence et es austérités il gagna la faveur du grand Brahmâ1 qui lui apparut sur un char aussi brillant
que le soleil et traîné par des cygnes. [...] Le maître des êtres animés et des êtres inanimés, le sage
Brahmâ dit: "Je suis satisfait de ta dévotion et de ta ferveur. Je t'en félicite. Demande moi un don, je
promets d'accomplir ton vœu." "Je demande, répondit Hiranyacasipou, que les dieux, les Asouras2, les
Yakchas3, les serpents, les Rakchasas4, les hommes et les Pisâtchas5 ne puissent me donner la mort. O
père du monde, je demande que les Richis6, puissants par la pénitence, ne puissent dans leur colère me
nuire par leurs imprécations. Tel est le don que je choisis. Qu'invulnérable à toute espèce d'armes, je ne
puisse mourir ni par le coup d'une pierre ou d'un arbre, ni par l'effet d'un sec ou de l'humide, ni d'aucune
autre manière; que je ne succombe que sous la puissance de celui qui de sa main seule me terrassera
au milieu de mes serviteurs, de mes soldats et des animaux qui me servent de monture; que je sois
aussi le soleil, la lune, l'air, le feu, l'eau, le firmament, les constellations, les dix points cardinaux, la
colère, le désir, Varouna7, les Vasous8, Yama9, le dieu dispensateur des richesses, roi des Yakchas et
des Kimpourouchas10."
Ainsi parla le Dêtya11 au divin Swayambhou, qui lui répondit en riant: "Mon ami, je t’accorde tous ces
dons merveilleux: tu jouiras, sans aucun doute, de l’objet de tes désirs." II dit, et disparut dans les airs
pour retourner dans sa brillante demeure qu’habite la troupe des Brahmarchis12. En apprenant quel
privilège venait d’être accordé à Hiranyacasipou par le dieu qui est sorti du sein de l’onde, les dieux,
avec Indra13 à leur tête, et les serpents, les Gandharvas14 et les Mounis15, vinrent remontrer â Brahmâ le
danger d’une pareille concession. Grand Dieu, lui dirent-ils, fort de ce privilège, l’Asoura nous donnera la
mort. Ayez pitié de nous, et trouvez le moyen de le détruire lui-même." Le divin Swayambhou, père et
souverain de tous les êtres, fondateur des havyas16 et des cavyas, esprit invisible et matière organisée,
maître éternel, en entendant ce discours des dieux, prononcé dans l’intérêt du monde, leur répondît: "O
dieux, il doit jouir du fruit de sa pénitence; mais à la fin, le divin Vishnou lui donnera la mort." A ces mots
du dieu né du sein d’un lotus, tous les Souras17 retournèrent avec joie dans leurs demeures.
Cependant le Dêtya Hiranyacasipou, orgueilleux du privilège qu’il avait obtenu, tyrannisait tous les
êtres. Il allait, jusque dans leurs ermitages, tourmenter les saints Mounis, occupés d’oeuvres pieuses et
de mortifications, et ne connaissant d’autre plaisir que celui que donnent le devoir et la vérité. Vainqueur
des Dévas18 habitants des trois mondes, et souverain de ce triple empire, le puissant Asoura avait établi
son séjour dans le ciel. Sa grandeur l’avait comme enivré : il n’admettait plus aux sacrifices que les
Détyas, et en avait exclu tous les dieux. C’est alors que les Âdityas19, les Roudras20, les Viswas21, les
Vasous22, demandèrent la protection du dieu des dieux, puissant et sauveur, de Vichnou, maître des
sacrifices, seigneur adoré par le monde, de Narayana22 qui est le passé, le présent et l’avenir.
"Maître des dieux, lui dirent-ils, secourez-nous aujourd’hui contre Hiranyacasipou. Vous êtes notre
dieu, notre protecteur, notre conseil; vous êtes pour nous bien au-dessus de Brahmâ et de tous les
Souras. O vous, dont l’oeil ressemble à la feuille du Lotus, vous qui pouvez détruire les armées de vos
ennemis, sauvez-nous aujourd’hui des fureurs de la race de Diti23. Vichnou leur répondit: Dieux
immortels, soyez sans crainte; croyez-en ma parole, avant peu vous rentrerez au ciel. Ce Détya, entouré
de sa cour et fier d’un privilège usurpé, ce roi des Danavas24, qu’aucun immortel ne peut mettre à mort,
ne saura me résister."
Ainsi parle le grand Hari25, et il quitte les dieux pour se rendre au conseil Hiranyacasipou. Il prend
cette forme que l’on appelle Nârasinha26; la moitié de son corps est d’un homme, l’autre moitié d’un lion.
Il est brillant, fort, retentissant et rapide comme le nuage orageux. Il frappe ses deux mains l’une contre
l’autre, et d’une seule il va saisir et tuer le Dêtya vigoureux et superbe, comparable au tigre pour la force,
et protégé par la foule de ses orgueilleux compagnons. Tel fut l’homme-lion.
Texte extrait du Harivansa ou histoire de la fammille de Hari
Quarante et unième lecture: courte exposition des avatars de Vichnou.
Traduction du sanskrit par Alexandre Langlois 1836