
Congrès Marx International VI, septembre 2010 Paris Ouest Nanterre, Plenum, Balibar 
Etienne 
 
 
 
  Depuis quelque temps – initialement à l’occasion de la proposition que m’a faite 
l’éditeur de mettre à jour, en vue d’une réédition, un petit ouvrage sur La philosophie de Marx 
naguère paru dans la collection « Repères » des Editions La Découverte (1ère édition 1993), je 
me suis piqué de l’idée de rédiger une sorte de bilan des idées et des formulations auxquelles 
je suis parvenu après plusieurs décennies de travail avec Marx, sur Marx, parfois contre lui, et 
de lui donner la forme de « thèses » (suivies d’explications) sur quelques thèmes centraux du 
rapport que les écrits de Marx entretiennent avec la formation discursive qui porte le nom de 
« marxisme ». Ce sera aussi, bien entendu, si j’y parviens, une façon de pouvoir prendre mes 
distances par rapport à ces formulations, donc une façon de fixer des idées pour mieux voir ce 
qu’elles ont d’insatisfaisant. Mon ambition, ma coquetterie si vous voulez, c’est d’arriver à en 
formuler exactement onze, chiffre quasi mystique depuis les Thèses sur Feuerbach de Marx 
(qui lui-même, sans doute, avait une ancienne numérologie en tête). L’une d’entre elles (pas 
nécessairement la dernière) portera naturellement sur le rapport entre les notions 
d’ »interprétation » et de « transformation du monde », tel que nous pouvons, ou plutôt tel que 
nous devons le reformuler aujourd’hui. Et la première tentera de fixer d’emblée une 
« méthode », qui consiste à distinguer conceptuellement la pensée marxienne, ou les pensées 
successives de Marx, et les développements du marxisme, profondément antithétiques voire 
incompatibles entre eux comme on sait, non pas cependant pour choisir l’un de ces termes au 
détriment de l’autre, proposer par exemple un nouveau « retour à Marx » qui fasse abstraction 
du marxisme, ou qui en représente la critique, mais plutôt pour essayer de déceler chez Marx 
lui-même (donc dans les contradictions de son écriture) les conditions de possibilité (et 
parfois les semences) des conflits internes au marxisme ; et, corrélativement, pour essayer 
d’extraire de ces conflits internes, que pour ma part je ne tiens nullement pour stériles ou 
périmés (même s’il m’est arrivé de soutenir que le marxisme, en tant que formation politico-
idéologique autonome, était désormais une histoire close), des clés de lecture, d’interrogation