justification. Mais avec le temps, cette méthode a perdu son efficacité ; aujourd’hui,
nous n’avançons plus guère sur cette voie. Pour moi, ce n’est pas une raison pour se
résigner. Nous pouvons nous présenter notre position actuelle les uns aux autres
d’une façon honnête et attrayante. Nous pouvons le faire d’une façon positive, c’est-
à-dire d’une façon qui ne soit ni polémique, ni étroite. Nous pouvons le faire dans
l’espoir qu’un « échange de dons » – comme disait le Pape Jean Paul II – devienne
ainsi possible. Autrement dit, nous pouvons apprendre les uns des autres. Au lieu de
nous en tenir au plus petit commun dénominateur, nous pouvons nous enrichir
mutuellement des trésors qui nous ont été donnés.
En cours de route, beaucoup de choses positives ont aussi eu lieu durant les dernières
décennies. Nous les catholiques, avons appris des évangéliques sur le sens de la
Parole de Dieu ; de leur côté, ils sont en train d’apprendre de nous sur le sens et la
forme de la liturgie. Catholiques et évangéliques sont redevables à leurs Églises
soeurs orthodoxes d’un sens plus vivant du mystère ; ainsi, par exemple, l’amour des
icônes grandit en Occident. Ce ne sont là que quelques exemples parmi tant d’autres.
Nous ne nous connaissons pas encore assez, et de ce fait, nous ne nous aimons pas
encore assez.
Bien entendu, nous devons être conscients qu’à la fin, ce n’est pas nous qui
réaliserons l’unité ; elle ne peut pas être notre oeuvre. Elle est un don de l’Esprit de
Dieu ; lui seul peut réconcilier les coeurs. Nous devons prier pour que cet Esprit
d’unité nous soit donné. C’est pourquoi l’oecuménisme spirituel est au centre et au
coeur de l’oecuménisme (UR 8).
5. L’unité de l’Église n’est pas une fin en soi. Nul ne vit pour lui-même, pas même
l’Église. Jésus a prié pour que tous soient un, afin que le monde croie (Jn 17,21).
L’unité des chrétiens est ordonnée à l’unité du monde, et dans notre situation
particulière, au processus d’unification de l’Europe. C’est la lumière du Christ qui a
uni l’Europe et l’a rendue grande. On trouve des figures d’une grande sainteté à
l’origine et tout au long de l’histoire européenne : Martin et Benoît. Cyrille et
Méthode, Ulrich, Adalbert, des femmes comme Élisabeth de Hongrie et de Thuringe,
Edwige de Pologne, Silésie et Allemagne, Brigitte de Suède, et bien d’autres. On ne
pourrait guère concevoir l’Europe sans les Réformateurs, sans Jean Sébastien Bach,
ou sans des témoins comme Dietrich Bonhoeffer.
Ceux qui remettent en question les racines chrétiennes de l’Europe devraient être
invités à faire un voyage depuis Gibraltar à travers l’Espagne, la France, l’Allemagne,
la Scandinavie et la Pologne jusqu’en Estonie, ou encore de Rome via
Constantinople et Kiev jusqu’à Moscou. Ils rencontreraient des peuples très
différents et entendraient parler les langues les plus diverses, mais partout, ils
trouveraient la croix et, au centre de toutes les villes anciennes, une cathédrale. On ne
peut contester les racines chrétiennes de l’Europe que si on ferme les yeux. Même
dans les temps modernes, les racines chrétiennes de l’Europe ont continué à donner
du fruit. L’idée moderne de la dignité de la personne humaine et de l’universalité des
droits humains a son origine dans la tradition judéo-chrétienne. Nous ne devons donc
pas rejeter la modernité en bloc ; nous devons plutôt la protéger de l’autodestruction.