Le conditionnel : un mode ou un temps ? Le conditionnel exprime-t-il la chronologie ou la modalité ? Le conditionnel a deux types d’emplois : Un emploi chronologique qui a une valeur de « futur dans le passé » Ex : Il m’a dit [qu’il viendrait]. Dans ce cas le conditionnel se trouve à l’intérieur d’une subordonnée complétive qui dépend d’un verbe au passé. Un emploi modal : Emploi hypothétique. Ex : Si j’étais riche, je ne serais pas ici. Emploi « journalistique ». Ex : D’après l’AFP, le chômage serait en baisse. Emploi atténuatif. Ex : Je voudrais une baguette. Emploi pré ludique. Ex : Je serais le mari et toi la femme. Etc. On remarque qu’il n’y a qu’un emploi chronologique face à de nombreux emplois modaux, c’est pourquoi le conditionnel a longtemps été considéré comme un mode. Arguments qui permettent de dire que c’est un temps : 1. Argument diachronique Futur et conditionnel sont nés à la même période et sont construits selon le même modèle. Futur : marcher + Aux (avoir) au présent = marcher + a marchera Cond. : marcher + Aux (avoir) à l’imparfait = marcher + (av)ait marcherait Le futur est un temps de l’indicatif, or le conditionnel s’est formé à la même époque et selon le même modèle, donc il devrait également être un temps de l’indicatif et non un mode. Argument à considérer mais insuffisant. 2. Argument morphologique Marcherait viendrait de : marche + R + ait où « R » et « ait » sont deux morphèmes de l’indicatif ( « R » comme marque du futur et « ait » comme marque de l’imparfait). Le conditionnel étant formé à partir de deux morphèmes de l’indicatif est donc un temps de l’indicatif Argument valide mais insuffisant. Questions importantes à se poser : - Est-ce qu’un temps doit forcément et toujours exprimer une chronologie ? - Est-ce qu’un mode doit exprimer de la modalité ? - Est-ce que seuls les modes expriment de la modalité ? - Est-ce qu’il y a autre chose que des formes verbales qui expriment des idées modales ? Oui, par exemple les adverbes (peut-être, …) ou des expressions comme « s’il vous plaît » L’idée de modalité ne peut pas être mise sur le dos des formes verbales en générale. Rapport mode/modalité : - L’infinitif par lui-même n’exprime aucune idée de mode, c’est le contexte dans lequel il est employé qui le fait. - L’impératif exprime l’idée d’ordre mais certains temps (le futur par exemple) peuvent également le faire. - L’indicatif exprime à la fois beaucoup et peu de modalités. - Certains modes n’expriment pas de modalité. Le rapport mode/modalité n’est donc pas aussi figé qu’il semble l’être. Cas de l’imparfait : - Il exprime le passé. - Il exprime l’hypothèse. Ex : Un pas de plus, il était mort. - Il peut avoir valeur d’imparfait d’atténuation. Ex : Je voulais te demander un petit service. - Il peut avoir valeur d’imparfait pré ludique. On constate qu’il a beaucoup d’emplois modaux et pourtant c’est un temps. De plus il existe énormément de temps de l’indicatif qui sont utilisés pour autre chose que pour exprimer une chronologie. Donc si on considère le conditionnel comme un mode, pourquoi ne pas faire pareil avec l’imparfait ? Et avec le futur ? La frontière mode/temps est brouillée. C’est un argument beaucoup plus parlant. 3. Argument syntaxique Les modes ont des structures syntaxiques obligatoires. Or il n’existe aucune structure syntaxique exclusive pour le conditionnel : on peut le transformer dans 99% des cas en un autre temps de l’indicatif. De plus le conditionnel a le même comportement syntaxique que tous les temps de l’indicatif. Le conditionnel a un comportement syntaxique qui fait qu’il se rapproche d’un temps de l’indicatif et non d’un mode.