CHAPITRE XIII LE SYSTEME CIRCULATOIRE
13.1 L'hématopoïèse (figures 13.1 et 13.2)
L'hématopoïèse est le processus de production des éléments figurés du sang : les
érythrocytes (ou hématies ou globules rouges), les leucocytes (ou globules blancs) et les
plaquettes. Toutes les cellules sanguines sont d'origine mésodermique, mais l'hématopoïèse
est assurée successivement par différents organes au cours de la gestation. Tout d'abords par
le mésenchyme du sac vitellin, au niveau des îlots de Pander et Wolff, ensuite par le foie et la
rate fœtaux et enfin par la moelle osseuse à partir de la mi-gestation et durant toute la vie.
Les différentes cellules sanguines dérivent des cellules souches hématopoïétiques ou
hémocytoblastes. La première population de cellules-souches provient du mésoderme
vitellin. Ces cellules-souches se multiplient pour maintenir leur population et pour se
différencier en cellules précurseurs de la lignée lymphoïde (lymphocytes T et B) et de la
lignée myéloïde (basophiles, éosinophiles, neutrophiles, monocytes, mégacaryocytes et
érythrocytes). Les hématies dérivées de cette population initiale de cellules-souches sont
nucléées. De plus, ces hématies fœtales nucléées contiennent une hémoglobine fœtale
constituée de deux sous-unités et deux sous-unités . Cette hémoglobine fœtale capte plus
efficacement l'oxygène que celle de l'adulte, composée de deux sous-unités et deux sous-
unités .
La seconde génération de cellules-souches se différencierait au sein du mésoderme de
l'aorte dorsale, des crêtes génitales et du mésonéphros. Par la suite, ces hémocytoblastes
colonisent le foie et la rate par voie sanguine. Les hématies produites par cette seconde
génération de cellules-souches sont anucléées.
Lorsque les ébauches des os sont suffisamment développées, les hémocytoblastes
quittent le foie et la rate pour coloniser la partie spongieuse (ou trabéculaire) des os en
formation. Les os plats (sternum, ceinture pelvienne, côtes) sont les principaux sites de
l'hématopoïèse chez l'adulte.
13.2 Le cœur
13.2.1. Mise en place de l'ébauche cardiaque (figure 13.3)
Le cœur est un organe qui apparaît très t au cours du développement embryonnaire
par la fusion de deux tubes issus du mésoderme splanchnique : les tubes endocardiques. Ces
deux tubes se rapprochent lors de la délimitation de l'embryon (cf. chap. V) et se retrouvent
accolés en région cardiaque lors de la fermeture de l'archentéron antérieur. Ils fusionnent
donc en dessous de l'intestin pharyngien pour former le tube cardiaque. A ce stade, le tube
cardiaque est suspendu dans la partie antérieure du cœlome embryonnaire par un mésocarde
dorsal et un mésocarde ventral. Ce dernier disparaît et le tube cardiaque commence à battre
(22-25ème j.p.c. chez la Femme).
Son extrémité crâniale est en communication avec le système artériel primitif par
l'aorte ventrale et son extrémité caudale reçoit le système veineux primitif au niveau du sinus
veineux.
Par croissance différentielle, trois régions se distinguent, d'avant en arrière : le bulbe
artériel, le ventricule primitif et l'atrium primitif. Le cœur poursuit sa croissance au sein de la
cavité péricardique qui ne s’agrandit pas proportionnellement. En conséquence, il opère une
inflexion sigmoïde qui place le ventricule primitif à gauche et en arrière et fait remonter le
sinus veineux par la droite. Cette inflexion sigmoïde met en place des rétrécissements entre
les segments successifs, ébauches de futures cloisons cardiaques.
13.2.2. Le cloisonnement du cœur (figures 13.4 à 13.6)
L'atrium primitif (ou oreillette primitive) s'accroît et se sépare progressivement du
ventricule primitif par le rétrécissement du canal atrio-ventriculaire. Au centre de ce
rétrécissement apparaissent deux bourrelets endocardiques en vis-à-vis. Ces bourrelets se
rejoignent pour former le septum intermedium. Deux orifices persistent : les orifices
tricuspide et mitral, séparés par ce septum intermedium. Au sein de l'oreillette, une cloison
médiane apparaît à l'opposé du canal atrio-ventriculaire. Cette cloison se développe et rejoint
le septum intermedium. Elle divise l'oreillette primitive en oreillettes droite et gauche et porte
le nom de septum primum. La partie dorsale de ce septum primum dégénère par apoptose
pour établir une communication interauriculaire. Peu après, une seconde cloison, beaucoup
plus épaisse, se développe à droite de la première : le septum secundum. Cette seconde
cloison est également incomplète, mais son orifice est décalé par rapport à celui de la
première cloison. Le passage au travers des deux cloisons porte le nom de trou (ou de canal)
de Botal. Ce canal est dans le prolongement du courant sanguin de la veine cave caudale et
permet au sang en provenance du placenta de passer directement du cœur droit dans le cœur
gauche.
Le ventricule primitif se divise également en deux par une cloison musculaire qui se
développe à partir de son extrémité aveugle. Cette cloison interventriculaire remonte vers le
septum intermedium. Ainsi, les quatre cavités du cœur sont définies. L'oreillette (ou atrium +
auricule) droite communique avec le ventricule droit par l'orifice tricuspide et l'oreillette
gauche avec le ventricule gauche par l'orifice mitral.
La cloison interventriculaire reste incomplète. Une communication interventriculaire
persiste au niveau de la jonction des ventricules et du bulbe artériel. Sur la longueur de ce
bulbe, apparaissent deux bourrelets opposés et disposés en spirale. Ils se développent et
finissent par fusionner, divisant par un septum spiralé le bulbe en deux conduits : le tronc
pulmonaire et l'aorte ascendante. Ce septum aortico-pulmonaire rejoint le septum
interventiculaire. Les cœurs gauche et droit sont séparés l'exception du trou de Botal). Le
tronc pulmonaire communique avec le ventricule droit et l'aorte avec le ventricule gauche.
Remarque : Le septum aortico-pulmonaire est en réalité formé par des cellules dérivées des crêtes neurales qui
ont migré vers le bulbe artériel en passant par les arcs pharyngiens 4 et 6. Ces cellules mettent également en
place les ganglions cardiaques parasympathiques qui participeront à la régulation du rythme cardiaque. Au sens
strict, le cœur a donc une double origine tissulaire : mésodermique et ectodermique.
13.2.3. La mise en place des valves (figure 13.5)
Pour que la pompe cardiaque fonctionne efficacement, il est indispensable que le sang
ne puisse se déplacer que dans un seul sens. Des valves sont mises en place pour empêcher le
reflux.
Au niveau du bord des deux orifices atrio-ventriculaires, des bourrelets apparaissent et
tendent à recouvrir ces orifices. Ces bourrelets s'amincissent en cuspides, mais restent reliés
aux parois du ventricule correspondant par de fins tendons : les cordages tendineux. Chaque
cordage tendineux relie la face ventriculaire d’une cuspide à un muscle papillaire. Ces
muscles papillaires retiennent activement les cuspides de basculer dans la cavité auriculaire
correspondante lors de la systole ventriculaire. Les deux cuspides atrio-ventriculaires gauches
constituent la valve mitrale (ou bicuspide) et les trois cuspides atrio-ventriculaires droites
constituent la valve tricuspide. Ces deux valves empêchent le sang de refluer dans les
oreillettes lors de la contraction ventriculaire. Leur fermeture est responsable du premier bruit
cardiaque, plus sourd que le second.
Lorsque le septum aortico-pulmonaire rejoint le septum interventriculaire pour séparer
complètement les cœurs gauche et droit, trois bourrelets apparaissent à l'origine de l'aorte et
du tronc pulmonaire. Ce sont les ébauches des valvules. Ces valvules sont des crêtes
membraneuses, rattachées à la paroi de l'aorte ou du tronc pulmonaire. Elles sont convexes
du côté artériel et leur bord libre flotte dans la lumière du vaisseau. Les trois valvules
aortiques forment la valve aortique et les trois valvules pulmonaires forment la valve
pulmonaire. Ces valves empêchent le sang de refluer dans les ventricules lors de la diastole
ventriculaire, par apposition de leurs bords libres. Elles sont responsables du second bruit
cardiaque, plus sec que le premier.
13.3 Le système artériel intraembryonnaire
Le système artériel primitif est constitué de deux aortes ventrales dérivées de la partie
crâniale des tubes endocardiques (figure 13.7). Ces aortes ventrales se replient dorsalement
pour repartir caudalement et constituer les deux aortes dorsales. Elles forment ainsi les anses
aortiques. Ces aortes dorsales fusionnent le long de leur portion moyenne, mais conservent
leurs extrémités caudales séparées. C'est au niveau cette portion fusionnée que les deux
artères vitellines se connectent au réseau intraembryonnaire. Les deux artères allantoïdiennes
(ou ombilicales) s'abouchent à l'extrémité caudale de chaque aorte dorsale.
Les deux anses artérielles détachent des collatérales qui cheminent au sein du
mésoderme des arcs branchiaux : les arcs aortiques. Il en existe 6 paires. D'autres collatérales
se détachent des aortes ventrales et dorsales à destination des organes en formation (tête,
tronc, membres,...).
Le sang qui arrive au cœur fœtal est donc redistribué à l'ensemble de l'organisme en
formation. Il retourne aux réseaux vitellin et allantoïdien par les artères correspondantes. Peu
après, le réseau vitellin régresse et l'allantoïdien se développe (cf. chap. VI).
Le système artériel définitif se développe à partir du réseau primitif à la fois par la
"récupération" de certaines de ses parties et par la mise en place de nouvelles structures
vasculaires (figure 13.7).
Crânialement, les aortes ventrales fusionnent et participent à la formation du bulbe
aortique d'où dériveront le tronc pulmonaire et la base de l'aorte (cf. formation du cœur).
Leurs extrémités crâniales se transforment en deux artères carotides externes.
Les arcs aortiques sont récupérés ou régressent. Les deux premières paires régressent.
La 3ème paire forme la base des artères carotides internes qui se poursuivent par la partie
crâniale des deux aortes dorsales.
Le 4ème arc droit forme la partie initiale de l'artère sous-clavière droite. Le 4ème arc gauche
se transforme en crosse aortique. Il se poursuit caudalement par l'aorte dorsale gauche.
La 5ème paire régresse. La 6ème paire forme les racines des artères pulmonaires
droite et gauche. Le me arc droit se détache de l'aorte dorsale droite mais le 6ème arc
gauche maintien sa communication avec l'aorte dorsale gauche sous la forme du canal
artériel.
L'aorte dorsale gauche devient une portion de l'aorte définitive et l'aorte dorsale droite
participe à la formation de l'artère sous-clavière droite.
Donc, l'aorte définitive dérive pour sa crosse du 4ème arc gauche, ensuite de l'aorte dorsale
gauche et enfin de la partie fusionnée des deux aortes dorsales. Cette aorte définitive donnera
toutes les collatérales observées chez l'adulte (artères sous-clavière gauche, vertébrales,
intercostales, lombaires, phrénique, mésentériques, rénales, génitales, ....). Elle se divise
caudalement en deux branches qui se poursuivent par les artères ombilicales (ou
allantoïdiennes). Ces artères ombilicales envoient des branches postérieures dans les
bourgeons des membres pelviens, les futures artères iliaques externes, et des branches à
destination des organes de la cavité pelvienne, les futures artères iliaques internes.
13.4 Le système veineux intraembryonnaire
Le premier système veineux mis en place est qualifié de système veineux primitif.
Comme pour le système artériel, certains de ses éléments régresseront et d'autres seront
récupérés pour prendre part au système veineux définitif.
Trois paires de canaux veineux aboutissent au sinus veineux du jeune embryon. Les
veines vitellines, les veines ombilicales et les deux canaux de Cuvier.
13.4.1. Le devenir des veines vitellines et ombilicales (figure 13.8)
L'évolution de ces veines est étroitement liée au développement du foie. Les deux
veines vitellines, situées de part et d'autre de l'anse intestinale primitive mettent en place trois
anastomoses. Les première et troisième anastomoses passent ventralement au duodénum et la
seconde dorsalement. Au niveau du septum transverse, le foie en formation entoure
l'extrémité des veines vitellines et les transforme en une multitude de canaux, futurs
sinusoïdes hépatiques. Un de ces sinusoïdes prend un développement considérable : le
conduit veineux ou canal d'Arantius. L'extrémité des deux veines ombilicales, situées plus
latéralement subissent la même transformation.
Crânialement au foie, les veines vitellines et ombilicales entrent dans le sinus
veineux. Du fait de la mise en place des sinusoïdes hépatiques et du conduit veineux (ou
canal d'Arantius), le sang ressort du foie majoritairement par l'extrémité des veines vitellines.
Les extrémités des deux veines ombilicales régressent et leurs connections avec le sinus
veineux sont perdues. Désormais, les veines ombilicales qui ramènent le sang oxygédu
placenta se branchent sur la circulation du foie et non plus aux canaux de Cuvier. Le conduit
veineux est situé en face de l'extrémité de la veine ombilicale gauche. Il en résulte que la plus
grande partie du sang placentaire revient par cette veine. Ceci entraîne la régression puis la
disparition de la veine ombilicale droite.
De même, le conduit veineux aboutit, en sortie du foie, à l'extrémité de la veine
vitelline droite. Le flux sanguin dans la veine vitelline gauche diminue, ce qui entraîne sa
régression tandis que la veine vitelline droite se développe et donnera les veines sus-
hépatiques et la partie terminale de la veine cave postérieure.
De son côté, le sac vitellin commence de s'atrophier, entraînant la régression de ses
vaisseaux. Le développement des viscères digestifs, au contraire, met en place un système
veineux qui se connecte aux veines ombilicales (veines mésentériques crâniale et caudale,
linéale, gastro-duodénale). Il résulte de ces transformations que le débit sanguin veineux en
provenance des viscères digestifs surpasse vite celui en provenance du sac vitellin. Seules les
portions drainant une quantité significative de sang persistent pour donner le système porte
veineux, c’est-à-dire essentiellement la veine vitelline droite et les deux dernières
anastomoses.
13.4.2. Le système cardinal (figure 13.9)
Le système cardinal est le premier système veineux intra-embryonnaire. Initialement,
il comprend deux veines cardinales antérieures, deux veines cardinales postérieures et deux
canaux de Cuvier (ou veines cardinales communes). Chaque veine cardinale antérieure
rejoint la veine cardinale postérieure correspondante pour constituer un canal de Cuvier. Les
canaux de Cuvier se jettent dans le sinus veineux du cœur fœtal.
Les deux veines cardinales antérieures. Le développement de leur extrémité crâniale
est associé à celui du cerveau. Elles sont à l'origine des sinus veineux duraux de l'adulte et
des veines jugulaires internes. Plus caudalement, ces veines cardinales reçoivent des veines
néoformées comme la veine sous-clavière provenant du membre antérieur et la veine jugulaire
externe. En arrière de la veine sous-clavière s'établit une anastomose entre les deux veines
cardinales antérieures. L'extrémité postérieure de la veine cardinale antérieure gauche
régresse, le sang passant par l'anastomose et se jetant dans la cardinale droite. Celle-ci donne,
avec le canal de Cuvier droit, la veine cave crâniale.
Les deux veines cardinales postérieures. Elles cheminent des canaux de Cuvier vers
l'extrémité postérieure de l'embryon. Elles donnent rapidement naissance aux deux veines
sous-cardinales et établissent une anastomose au niveau de leurs extrémités postérieures.
Elles régressent ensuite pour ne laisser que leurs extrémités postérieures réunies par
l'anastomose. Les veines sous-cardinales se détachent des veines cardinales postérieures et
établissent plusieurs anastomoses transversales pour constituer le système veineux sous-
cardinal. Ce système veineux sous-cardinal finit par se résoudre à une seule veine médiane :
la veine cave caudale. Celle-ci rejoint l'extrémité crâniale de la veine vitelline droite qui
poursuit cette veine cave caudale au-delà du foie, jusqu'à l'oreillette droite. Postérieurement,
la veine cave caudale s'abouche aux restes des veines cardinales postérieures
Pendant ce temps, un troisième réseau cardinal se met en place : le réseau supra-
cardinal. Il est constitué de deux veines longitudinales placées dorsalement aux veines
cardinales postérieures et s'abouchant directement sur les canaux de Cuvier. Ces veines
supracardinales mettent en place le réseau de veines chargées de ramener le sang des parois
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