Groupe 2 : Loïc Baietto, Philippe Beaucamp, Arnaud Dereggi, Arnaud Vialla Conférence d’Histoire – 26/04/2004 Frontières et irrédentisme en Italie (1861-1915) Introduction problématique : En quelle mesure peut-on dire que la question des frontières de la nouvelle nation italienne, dominée par ses revendications irrédentistes, a influé sur la construction et l’affirmation de l’Etat italien ? I. 1861-1870 : L’ACHEVEMENT DE L’UNITE TERRITORIALE A. La reconquête de la Vénétie (1866) et la paix avec l'Autriche délimitent la frontière nord de l'Italie. – La résistance contre la germanisation – Le traité secret d’alliance entre la Prusse et l’Italie – Echec italien contre l’Autriche, victoire prussienne à Sadowa B. La conquête de Rome, impossible avant 1870, est permise par la défaite française. – « Rome ou la mort ! » (Garibaldi) – L’opposition de Napoléon III – Le dénouement avec la guerre franco-prussienne C. Nation et Etat, les débats sur l’unité II. DE 1870 JUSQU’AUX DEBUTS DU 20E SIECLE, LES REVENDICATIONS IRREDENTISTES VONT A L’ENCONTRE DES INTERETS DE L’ETAT ITALIEN, QUI CHERCHE A SE FAIRE UNE PLACE DANS LE NOUVEAU CONCERT EUROPEEN. A. Jusqu’en 1881, la modération des revendications irrédentistes traduit les hésitations de l’Etat italien sur la politique extérieure adéquate à suivre, face à une alliance française de moins en moins approuvée. – Des difficultés pour se faire entendre diplomatiquement – Le Congrès de Berlin marque le tournant dans la politique extérieure italienne. B. A partir de 1881, l’entrée de l’Italie dans la Triplice, en l’obligeant à juguler ses revendications européennes, la contraint à développer une politique d’expansion coloniale qui se révélera désastreuse. – La politique coloniale traduit un déplacement de la question des frontières. – Mais son échec progressif, entraînant un regain d’irrédentisme, place l’Italie dans une position intermédiaire entre la France et les puissances centrales. III. 1902-1915 : LA QUESTION IRREDENTISTE AU CŒUR DE LA POLITIQUE EXTERIEURE DE L’ETAT ITALIEN A. L’agitation irrédentiste ne cesse d’envenimer les rapports italo-autrichiens. (1902-1914) – La multiplication des crises diplomatiques relatives à l’irrédentisme – L’Italie et l’Autriche au bord du conflit armé B. Les revendications irrédentistes dans l’engagement de l’Italie dans la Première Guerre mondiale (1914-1915) – Lors du déclenchement du conflit, l’Italie tiraillée par des intérêts contradictoires reste neutre. – Avec le Traité de Londres qui donne pleine satisfaction à ses revendications irrédentistes, l’Italie entre en guerre aux côtés de l’Entente. Conclusion Bibliographie : Serge Berstein et Pierre Milza, L’Italie contemporaine du Risorgimento à la chute du fascisme, Armand Colin, 1995 Catherine Brice, Histoire de l’Italie, Hatier, 1992 Paul Guichonnet, L’unité italienne, PUF (collection « Que sais-je? »), 1993 Jean-Claude Lescure, L’Europe des nationalismes aux nations [Italie], Sedes, 1996 Gilles Pécout, Naissance de l’Italie contemporaine (1770-1822), Nathan, 1997 Bruno Teissier, Géopolitique de l’Italie, Editions Complexe, 1996 Maurice Vaussard, Histoire de l’Italie moderne (1870-1970), Hachette, 1972 I. L’achèvement de l’unité italienne : 1861-1870 Le 6 juin 1815, Cavour meurt, il ne vit pas la réalisation de son rêve, l’unité de l’Italie. Le 18 février 1861, Victor Emmanuel II est proclamé « Roi d’Italie par la grâce de Dieu et la volonté de la nation ». Le royaume d’Italie est fondé mais Rome et la Vénétie n’en font pas encore partie. En 1860, Nice et la Savoie sont rétrocédés à la France, en vertu d’un accord antérieur avec Napoléon III ; la France avait aidé à la construction d’une Italie fédérale composée de quatre Etats, en échange la France annexait Nice et la Savoie. Ces deux territoires perdus par l’Italie unifiée naissante restent des terres irrédentes pour les Italiens ce qui suscitera débat avec la Première Guerre mondiale. A. La reconquête de la Vénétie et la paix avec l’Autriche (1866). Depuis 1859, Vienne redouble d’efforts pour assurer le contrôle sur la Vénétie, notamment en poursuivant la germanisation de son administration territoriale et juridique. Par réaction, les notables mènent une résistance passive, et la moindre représentation d’un opéra de Verdi (Viva VERDI=Victor Emmanuel Roi D’Italie) est prétexte à des mouvements d’agitation pro unitaires. L’opinion italienne est de plus vivement attachée à récupérer la Vénétie, gage d’union sacrée. En 1866 est signé un traité d’alliance secret entre Prusse et Italie. L’Italie s’engage à déclarer la guerre à l’Autriche en cas de conflit entre Prusse et Autriche. En échange est prévu la récupération de toutes les terres italiennes encore occupées par les Autrichiens. Le 17 juin 1866 la Prusse déclare la guerre à l’Autriche, le 20, l’Italie fait de même. A la suite d’un mois d’opérations militaires, et de l’échec italien (défaite de Lustoza et défaite navale de Lissa), la guerre est gagnée sur le front de la Bohème, le 3 juillet 1866, avec la victoire des Prussiens contre l’Autriche à Sadowa. Lors du traité de paix du 3 octobre, François Joseph, empereur d’Autriche, reconnaît l’existence du royaume d’Italie et la Vénétie est donnée à la France qui joue le rôle de médiateur pour la rétrocéder à l’Italie. Par la suite un plébiscite d’adhésion de la Vénétie à l’Italie a lieu. B. La conquête de Rome (1870). Alors qu’a lieu en 1867 une nouvelle vague d’agitation autour de la question romaine, il est utile e souligner l’attachement des Italiens à l’intégration de Rome au sein de l’Italie : sur le champ de bataille de Marsala, le 20 juillet 1862, Garibaldi aurait lancé « Rome ou la mort ! ». Depuis 1860, Napoléon III s’oppose fermement à toute intervention italienne à Rome. En 1862, la France contraint le gouvernement Rattazzi à arrêter Garibaldi, qui marchait sur Rome, à l’Aspromonte. En 1864, la France signe avec l’Italie la Convention de Septembre ; Florence devient capitale, à mi-chemin entre Turin et l’inaccessible Rome. En 1867, à Mentana, les troupes du général Failly dispersent les chemises rouges de Garibaldi. Le dénouement de la question romaine arrive avec le déclenchement de la guerre franco prussienne en juillet 1870. Le gouvernement de Florence proclame la neutralité de l’Italie et Napoléon III se voit contraint de retirer ses troupes de Rome pour combattre sur le front prussien. Au lendemain de Sedan, et après la proclamation de la République française, le 4 septembre, le gouvernement italien présente un ultimatum au pape. Suite à son refus, les troupes italiennes du général Cardona pénètrent les Etats pontificaux et le 20 entrent dans Rome, lâchement, profitant de la défaite française. La porte de Rome par où est entré Cardona est le lieu symbolique de l’achèvement des conquêtes territoriales de l’Italie indépendante. Après plébiscite, Rome devient capitale en 1871. C. Nation et Etat, débats sur l’unité. L’Italie, qui était considérée par Metternich comme une simple « expression géographique » en 1848, a réalisé son unité en 1870. Les deux ennemis de l’unité italienne ont été l’Autriche et la papauté. Dans les esprits, les Italiens se sont sentis humiliés par la France qui arrête Garibaldi, qui rétrocède la Vénétie. Mais l’Italie est devenu au terme de la période un véritable Etat nation qui a atteint ses frontières naturelles au Nord avec les Alpes et par la frontière avec l’Autriche. Bruno Teissier montre, dans Géopolitique de l’Italie, en quoi la Vénétie et Rome sont des terres irrédentes, traçant une frontière à l’intérieur même de l’Italie, ce qui est impensables pour les Italiens. La question de l’irrédentisme ne fait cependant que commencer. II. De 1870 jusqu’aux débuts du 20e siècle, les revendications irrédentistes vont à l’encontre des intérêts de l’Italie, qui cherche à se faire une place dans le nouveau concert européen. A) Jusqu’en 1881, la modération des revendications irrédentistes traduit les hésitations de l’Italie sur la politique extérieure adéquate à suivre, face à une alliance française de moins en moins approuvée. 1) Des difficultés pour se faire entendre diplomatiquement. - Après 1870, Italie doit se faire une place en Europe. MAIS comment y arriver ? - Au début, politique traditionnelle : alliance franco-italienne, après chute de l’Empire. Menée par « Droite historique » des successeurs de Cavour. MAIS pb. de l’Assemblée cléricale et monarchiste. En contradiction avec position de l’Italie vis-à-vis de Rome. Influence de irrédentisme sur politique italienne. Politique plus suivie par la gauche qui arrive au pouvoir en 1878. MAIS toujours volonté de rompre son isolement diplomatique. - Après l’annexion de la Vénétie, les relations avec l’Autriche semblent peu à peu se normaliser. En avril 1875, François-Joseph rend à Victor-Emmanuel sa visite de 1873. François-Joseph manifeste volonté de passer l’éponge. Victor-Emmanuel et Visconti-Venosta lui fournissent quelques assurances, sans renoncer officiellement aux revendications irrédentistes. Position floue. 2) Le Congrès de Berlin marque le tournant dans la politique extérieure italienne. - Contexte : crise orientale. Russie attaque Sublime Porte Promet à Autriche Bosnie-Herzégovine pour sauver sa neutralité. MAIS inquiète les Italiens Agitation irrédentiste : fondation de « l’Association pour l’Italie irrédente », Guillaume Ier acclamé à Trente. Rencontre Crispi / Bismarck en 1877 : on parle du Trentin, ou d’une alliance contre la France. MAIS Bismarck qui veut alliance avec Vienne refuse. Propose de sur Albanie ET SURTOUT Afrique du Nord. MAIS accueilli froidement à Rome. Nouvelle agitation irrédentiste, nouveau Président du Conseil, Cairoli, considéré comme irrédentiste notoire. MAIS politique modérée. - Congrès de Berlin capital pour Italie, car va décider de toute la politique future de l’Italie. Choix : terres irrédentes OU colonies. - Italie lésée : reçoit rien du butin ottoman. Une nouvelle fois, agitation irrédentiste. MAIS partages terminés en Europe. Seule solution : colonies, initiée par Bismarck, notamment en Tunisie, pour créer un conflit francoitalien. Pour avoir une voix internationale, pactiser avec Berlin et Vienne, donc réprimer irrédentisme. Italie avait deux grandes options : former un glacis protecteur avec les revendications sur Méditerranée du Nord. OU se focaliser sur vocation méditerranéenne et africaine de l’Italie. Traité du Bardo, le 12 mai 1881, établit le protectorat de fait de la France sur la Tunisie, également événement raciste des « vêpres de Marseille ». Va précipiter Italie dans le camp des Puissances centrales. Prête à adhérer à la Triple-Alliance, « sans s’arrêter aux questions de détail ». Met en sommeil revendications irrédentistes. B) A partir de 1881, l’entrée de l’Italie dans la Triplice, en l’obligeant à juguler ses revendications européennes, la contraint à développer une politique d’expansion coloniale qui se révélera désastreuse. 1) La politique coloniale traduit un déplacement de la question des frontières. - Politique coloniale permet de déplacer mentalement, à fin 19e siècle, question des frontières. - S’effectue avec entrée dans la Triplice, le 20 mai 1882. Prix pour que l’Italie rompe son isolement diplomatique. - Politique coloniale principalement en Afrique orientale (Erythrée, Somalis…) But : flatter l’orgueil de la nation italienne. Référence à Rome antique. Mission civilisatrice. - Italie va beaucoup investir dans cette politique. Va trouver un support, notamment à partir de 1889, dans la personnalité de l’Homme d’Etat dominant de l’époque : Francesco Crispi. But : se faire une place parmi grandes puissances coloniales. MAIS en contrepartie, faire taire un mouvement irrédentiste qui avait été soutenu par certains précédents gouvernements (notamment Cairoli). Tentative d’assassinat de François-Joseph à Trieste (1882). Vivement combattu par gouvernement italien (« Crime de lèse-patrie »). 2) Mais son échec progressif, entraînant un regain d’irrédentisme, va placer l’Italie dans une position intermédiaire entre la France et les puissances centrales. - Italie n’a pas moyens, notamment économiques, de ses ambitions. - Pratiquement toutes les expéditions militaires se terminent se sont terminées en désastre. Traité d’Addis-Abeba (26 octobre 1896) : Italie a Erythrée, mais doit reconnaître indépendance de l’Ethiopie. Fin du rêve d’une grande colonie de peuplement en Afrique orientale. - Va bouleverser durablement position de l’Italie dans l’ordre international. Italie a perdu ses illusions. Renaissance de la revendication irrédentiste. MAIS di Rudini, nouveau chef du Gouvernement, réaffirme sa fidélité à la Triplice. MALGRE risques de heurts, notamment avec ambitions autrichiennes. Politique prudente (mais Humbert déclare en privé : « Je ne veux plus de cette Triple-Alliance ; elle m’étouffe, j’en ai assez. »). - Si les rapports avec les autres membres de la Triplice ont tendance, malgré les déclarations officielles, à se distendre, l’Italie va entreprendre de renouer contact avec la France, avec laquelle elle était en froid depuis la question tunisienne de 1881. Se traduit, en juin 1902, par la signature d’un accord secret qui assure à la France, en toutes circonstances ou presque, la neutralité italienne. Italie a besoin de temps pour se renforcer (« Nous avons besoin de dix ans de paix », ViscontiVenosta). Fin du mirage colonial (seulement de vagues projets pour l’avenir, notamment en Tripolitaine, d’où intérêt d’accord avec la France). Retour en force des revendications irrédentistes. Impossibilité de mener une politique coloniale prestigieuse, notamment du fait du manque de moyens et de la réticence des autres puissances, a souligné le fait que l’Italie ne peut se défaire de ces revendications. Gouvernement italien, à l’avenir, sera dans l’obligation d’en tenir compte. III. 1902-1915 : La question irrédentiste au cœur de la politique extérieure de l’Etat italien. A. L’agitation irrédentiste ne cesse d’envenimer les rapports italo-autrichiens. (1902-1914) 1) La multiplication des crises diplomatiques relatives à l’irrédentisme La question des terres irrédentes est à l’origine de nombreuses crises diplomatiques entre l’Etat italien et la double-monarchie. La première de ses crises résulte de l’annexion par l’Autriche-Hongrie de la Bosnie-Herzégovine en 1908, qui suscite une violente réaction de la presse et de l’opinion italienne et l’émotion du gouvernement italien. Il s’en suit une poussée intense d’agitation irrédentiste : Les comités de l’association « Trente et Trieste », fondée en 1903 pour défendre « l’italianité » des provinces autrichiennes, se multiplient à travers toute la péninsule. Leurs bannières et leurs fanions figurent dans toutes les cérémonies patriotiques et les prétextes ne manquent pas aux manifestations italiennes. Sur le plan politique, le nationalisme connaît un nouvel essor ; l’irrédentisme, inscrit en toutes lettres dans son programme, lui donne une nouvelle dimension. L’Autriche-Hongrie s’inquiète de cette évolution et en fait part au gouvernement italien par l’intermédiaire de ses agents diplomatiques. Cependant, contrairement aux années Crispi où la police arrêtait les agitateurs, les autorités laissent faire. Les objets de tension diplomatiques ne manquent pas : ainsi, l’Italie revendique depuis longtemps la fondation dans l’Empire austro-hongrois d’une Université propre aux sujets de langue italienne. Mais l’archiduc-héritier François-Ferninand, italophobe farouche, s’y oppose fermement. Pour preuve de sa mauvaise volonté, il établit en 1902 une « Faculté de Droit italienne » à Innsbruck, centre purement allemand ; l’essai se solde par la ruine de l’édifice et une véritable chasse aux étudiants italiens. En 1907, le comte d’Aehrenthal, ministre austro-hongrois des Affaires étrangères (également connu pour ses sentiments italophobes), qui médite déjà l’annexion de la Bosnie-Herzégovine et veut prévenir toute poussée irrédentiste, promet à son collègue italien Tittoni l’érection d’une Université italienne à Trieste (dont les 2/3 des habitants sont italiens), appelée à s’ouvrir en 1909. En fait il s’agissait seulement d’une Faculté de Droit italienne à Vienne : François-Ferdinand s’était opposé à ce qu’on en fit davantage. L’émotion fut si vive en Italie que Tittoni, en manière de protestation, songea à démissionner. Giolitti l’en dissuada pour ne pas surévaluer l’importance de l’incident. 2) L’Italie et l’Autriche au bord du conflit armé Cependant les tensions prennent une ampleur considérable, à tel point que dès 1907, le général Conrad de Hötzendorf, chef de l’état-major général autrichien, envisage une guerre préventive immédiate contre l’Italie (Aehrenthal s’y opposa en conseil des ministres). En 1908, l’armée autrichienne concentre des troupes à la frontière, prêtes à envahir le Trentin si l’Italie donne le moindre signe de mouvement militaire. Lors des deux conflits balkaniques de 1912 et de 1913, Vienne observe le peu d’empressement manifesté par le gouvernement italien à appuyer son action. En application de la circulaire Andrassy, l’Autriche entreprend d’édifier une ligne militaire de défense contre l’allié autrichien dans le Trentin et sur l’Isonzo. B. Les revendications irrédentistes dans l’engagement de l’Italie dans la Première Guerre mondiale (1914-1915) 1) Lors du déclenchement du conflit, l’Italie tiraillée par des intérêts contradictoires reste neutre. Lorsque la Première Guerre mondiale se déclenche, l’Italie est donc officiellement dans la Triple-Alliance mais elle a signé un accord secret avec la France en 1902 et l’irrédentisme provoque des tensions permanentes avec l’Autriche. Contrairement aux stipulations de la Triple-Alliance, elle n’est pas associée à l’ultimatum que l’Autriche envoie à la Serbie. Elle fait savoir qu’elle s’estime dégagée de l’obligation de venir en aide à l’Autriche et reste neutre. Cependant les nationalistes et les francs-maçons (qui ont généralement appuyé l’irrédentisme) sont partisans d’un engagement de l’Italie aux côtés de la Triple-Entente. Celle-ci étant pour eux le vainqueur probable, il s’agit de conquérir sur l’ennemi autrichien les derniers lambeaux de terre italienne qu’elle détient : Trente, Trieste, l’Istrie et la Dalmatie. Le 7 septembre, le principal parti nationaliste « Idea Nazione » se prononce explicitement pour une alliance avec l’Entente, précisant que la participation à la guerre permettrait de terminer le Risorgimento. C’est cependant pour satisfaire ce même objectif – l’acquisition des terres irrédentes – que Sonnino entame le 9 décembre 1914, conformément à l’article 7 de la Triple-Alliance, des négociations officielles avec l’Autriche : l’engagement de l’Italie contre des « compensations ». Sonnino demande : tout le Trentin dans les limites du royaume d’Italie en 1811 la frontière orientale un peu au-delà du bas Isonzo pour englober Gorizia et Gradisca Trieste et ses entours immédiats constitués en Etat autonome indépendant confinant à l’Italie, avec un port franc l’archipel des îles dalmates Curzolari la reconnaissance de la pleine souveraineté italienne sur Valona et son hinterland le désintéressement complet de l’Autriche à l’égard de l’Albanie Ces exigences étaient très en-deça des ambitions du nationalisme italien ; elles paraissaient néanmoins démesurées à Vienne. Les négociations piétinent pendant plus de trois mois. Cependant, le gouvernement autrichien finit par accorder à peu près tout ce que demandait l’Italie. Mais il se trouve en compétition avec la Triple-Entente dont les propositions se font pour l’Italie de plus en plus pressantes et séduisantes. Sollicitée avec empressement des deux côtés, l’Italie peut donc prendre son temps et chercher à obtenir le maximum du marchandage diplomatique qui s’est engagé entre les deux camps. 2) Avec le Traité de Londres qui donne pleine satisfaction à ses revendications irrédentistes, l’Italie entre en guerre aux côtés de l’Entente. Finalement Sonnino décide de s’engager aux côtés de l’Entente et conclut le 26 avril un accord secret qui comporte l’obligation pour l’Italie de rentrer en guerre aux côtés de la Grande-Bretagne, de la France et de la Russie un mois au plus tard après la signature du traité. En plus des abandons qu’eût consentis l’Autriche, le Traité de Londres prévoit : la frontière du Brenner, en plein pays allemand l’acquisition de Trieste en toute souveraineté l’acquisition de l’Istrie entière et d’une grande moitié de la Dalmatie (qui avait en des temps anciens appartenu à la République de Venise, mais où l’élément italien ne formait plus qu’une portion numériquement infime de la population), avec les îles qui la bordent Ainsi, l’Italie entre en 1915 en guerre dans le camp le plus disposé à satisfaire ses exigences irrédentistes après la victoire. Le 3 mai, Sonnino dénonce la Triple-Alliance ; le 23 mai, l’Italie déclare la guerre à l’Autriche, en affirmant entrer en guerre « pour assurer le triomphe du principe des nationalités ».