consommations aux besoins. L'énergie contenue dans les boissons s'ajoute tout
simplement à celle qui est ingérée sous forme d'aliments solides ; elle ne provoque pas
de « compensation », c'est à dire de diminution proportionnelle de la consommation
alimentaire qui aboutirait à une charge énergétique constante, quels que soient les
apports sous forme liquide. L'ingestion d'énergie sous forme liquide est donc susceptible
de contribuer à l'hyperphagie ponctuelle ou chronique et, par voie de conséquence, à
l'obésité. Les boissons qui apportent une charge énergétique sont non seulement les
sodas, mais encore le lait, les jus de fruits, les boissons alcoolisées. Circonstance
aggravante, dans notre environnement alimentaire actuel, la disponibilité de très
nombreux aliments de forte densité énergétique (énergie par unité de poids ou de
volume) rend toute diminution compensatrice des ingesta particulièrement difficile.
L'apport de sucres sous forme de boisson pourrait donc contribuer de manière
significative à l'augmentation de la ration et du poids corporel. Une démonstration de ce
phénomène vient d'être apportée par une étude prospective réalisée chez 548 enfants
américains, âgés de 11,7 ans au début de l'étude . Des données anthropométriques
(poids, taille, plis cutanés) ont été couplées avec des enquêtes de consommation portant,
en particulier, sur divers types de boissons (sodas, jus de fruits, boissons contenant des
édulcorants intenses). Les résultats montrent que la consommation de boissons sucrées,
en particulier de sodas, était significativement corrélée à l'augmentation de la corpulence
au cours d'un suivi de 19 mois. La consommation de boissons sucrées relevée au début
de ce suivi, de même que l'augmentation de cette consommation au cours de la période
d'observation sont des facteurs indépendants qui prédisent l'augmentation de la
corpulence. Le second facteur affecte également le risque relatif de devenir obèse
pendant la période d'observation. Cette étude prospective suggère nettement une
relation causale entre la consommation de boissons sucrées et l'augmentation de
l'adiposité corporelle chez ces enfants. Au cours d'une étude d'intervention, des adultes
présentant une légère surcharge pondérale (BMI autour de 28) recevaient gratuitement
des aliments et boissons qu'ils devaient consommer au cours d'un suivi de 10 semaines,
en les intégrant à leur alimentation habituelle. Pour la moitié des volontaires, les aliments
et boissons fournis gratuitement contenaient des sucres, pour l'autre moitié des
volontaires, les mêmes aliments et boissons étaient fournis dans leur forme « allégée »,
c'est à dire contenant des édulcorants intenses plutôt que de véritables sucres. Rien
n'empêchait les volontaires d'ajuster leur consommation totale (aliments fournis
gratuitement plus aliments habituellement consommés) de telle sorte que leurs apports
quotidiens restent stables et correspondent à leurs dépenses énergétiques. Ce n'est pas
ce qu'ils firent. En effet, la ration énergétique totale augmenta, de même que le poids
corporel, chez les volontaires qui devaient intégrer des aliments et boissons contenant du
sucre à leur alimentation totale. Dans ce groupe, le saccharose représentait 28 % des
apports énergétiques. Les auteurs de l'étude attribuent la prise de poids dans ce groupe
à la mauvaise compensation pour l'énergie consommée sous forme de boisson. Les
volontaires qui devaient intégrer à leur alimentation courante les mêmes aliments et
boissons contenant des édulcorants intenses ont au contraire perdu un peu de poids et
de masse grasse pendant les 10 semaines de suivi. Cette étude montre bien qu'une
alimentation riche en sucres, loin de protéger le mangeur contre l'obésité en lui
permettant de limiter ses apports lipidiques, contribue à l'hyperphagie et à la prise de
poids qui en découle. Il est clair que l'obésité peut se produire aussi chez des personnes
qui n'abusent pas des sucres. En effet, l'hyperphagie lipidique est souvent incriminée
dans l'épidémie mondiale d'obésité. Les aliments riches en lipides ont souvent une haute
densité énergétique, favorisant une « surconsommation passive ». On peut aussi être
gros consommateur de sucres et ne pas devenir obèse, comme le montrent des enquêtes
de consommation chez des enfants ou des adultes très actifs . En conclusion, lorsque le
bilan énergétique est positif, le sucre dans l'alimentation peut contribuer à la constitution
de l'obésité. Le mécanisme physiologique permettant cet effet a été démontré et, sur le
terrain, il a été vérifié que des apports glucidiques importants, en particulier sous forme
de boissons sucrées, sont associés à l'augmentation de l'adiposité corporelle et à
l'incidence de l'obésité. France BELLISLE Source : Les cahiers de la nutrition et de
diététique- Décembre 2003 - Volume 38