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12) Le shop Suey au porc caramélisé d’Auguste
J’ai déjà parlé de notre séjour en Algérie. J’ai travaillé pendant quelques années sur
le Campus de Boumerdès aujourd’hui complètement détruit par le tremblement de
terre du 23 mai 2003 qui a fait plus de 1000 morts et 6000 blessés.
J’ai raconté qu’il y avait une forte communauté vietnamienne invitée par l’Algérie,
leader des pays non-alignés.
Nous avions été invités chez nos amis Hélène et Auguste Apretna, à l’occasion de la
victoire et de la fête du Tête e 1973.
Hélène était une très bonne cuisinière dans la tradition asiatique. Auguste l’aidait et
avait aussi ses propres spécialités.
Nous étions assez intimes pour partager nos problèmes de couples.
Auguste me plaisait beaucoup, non seulement pour nos échanges techniques et
pédagogiques, il était ingénieur thermodynamicien, mais aussi pour sa philosophie
asiatique qu’il revendiquait. Autour d’un whisky de contrebande, ils nous arrivaient
souvent de discuter du Tao, du bouddhisme Zen et des arts martiaux.
Il avait pratiqué le judo jusqu’à la ceinture noire, le karaté, l’aïkido et le kendo.
Nous parlions souvent de l’importance de la perception de l’autre dans les arts
martiaux.
Il m’expliquait qu’avec un certain niveau de d’entraînement, on arrivait tous à la
même maîtrise du judo ou du karaté. Ensuite, c’est la perception de l’autre et
l’anticipation de quelques centièmes de seconde qui offrait le gain du combat.
Un jour il me montra un exercice que tout le monde peut pratiquer et qui peut
développer cette aptitude à se mettre à l’écoute totale de l’autre.
Le seul matériel nécessaire est un bâton d’environ un mètre ou un simple manche à
balai. Les deux partenaires se tiennent l’un en face de l’autre à environ 1 mètre. L’un
tient le manche dans ses deux mains, paumes vers le bas. L’autre tient ses mains
ouvertes à 10 cm du bâton. Le jeu consiste à essayer de rattraper le bâton avant qu’il
touche terre quand l’autre l’a lâché.
Outre la chance, cela ne peut se faire que si on arrive à déceler chez l’autre le
moment où il décide d’ouvrir ses mains.
Pendant nos échanges sur la culture et la civilisation vietnamienne, japonaise et
chinoise, je dois reconnaître que l’on buvait beaucoup.
Auguste malgré toute sa culture Zen n’était pas plus vertueux qu’un français moyen.
Souvent il rentrait d’Alger saoul comme un polonais qui est un comble pour un
vietnamien !
Hélène, sa femme, n’appréciait pas beaucoup. Elle nous disait qu’il fréquentait des
bars d’Alger mal famés et qu’il avait sans aucun doute des maîtresses.
Un soir où nous étions invités à dîner, ils s’étaient gravement disputés. Elle avait
préféré aller dormir chez des amis pour marquer le coup.
Auguste nous reçut un peu honteux et dépité et nous pria de rester malgré les
circonstances. Il allait nous cuisiner une de ses spécialités le shop Suey au porc au
caramel.
En nous versant de copieux apéros, il nous invita à le suivre en cuisine pour l’aider.
J’ai eu tout le loisir de découvrir sa recette.
Bien sûr il avait un Wok vietnamien authentique, ce que je n’ai acquis que des
années après.
Mais une grande poêle peut suffire.