Economie / Développement / Commerce CNUCED XIII : Quand croissance rime avec équité sociale (MFI / 24.04.12) Réunie à Doha, au Qatar, la 13è réunion ministérielle de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, a mis en évidence l’importance du rôle des institutions démocratiques pour promouvoir une croissance bénéficiant à tous, notion qui fait partie des revendications de l’agenda préparatoire de la conférence Rio+20 en juin prochain au Brésil, consacrée à la protection de l’environnement et au développement durable. Ce thème sera d’ailleurs évoqué en mai prochain par l’Assemblée générale de l’ONU au cours d’un débat de haut niveau sur l’état de l’économie mondiale et « La route menant à Rio ». Parmi les thèmes incontournables, figure l’Aide publique au développement (APD), qui reste nécessaire pour la promotion du développement dans certains pays, notamment les plus faibles et vulnérables, surtout après la crise financière mondiale. Mais les chefs d’État et de gouvernement présents à Doha lors de la 13è réunion ministérielle de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED XIII) se sont lancés le défi d’élaborer un nouvel agenda du développement où croissance rime avec équité sociale. Renouveler le contrat social entre l’État et le citoyen Après la cérémonie d’ouverture, ils ont entamé les travaux de fond par un débat de haut niveau sur le thème « au lendemain de la crise économique mondiale : Nouvelles chances pour la croissance et l’équité sociale ». La conclusion des échanges entre les différents intervenants a été que, dans l’état actuel des choses, croissance ne rime pas forcément avec équité sociale, comme l’ont si bien illustré les évènements du « printemps arabe ». Concernant la performance économique des pays du MoyenOrient, la Tunisie et l’Égypte, par exemple, connaissaient des taux de croissance de l’ordre de 5 % par an qui, théoriquement, ne pouvaient faire craindre un « printemps arabe », a dit en substance le secrétaire-général de la CNUCED, Supachai Panitchpakdi. On voit donc que les chiffres et les statistiques ne permettent pas forcément d’analyser une situation. Il faut plutôt regarder ce qui se cache derrière ces apparences. Au Moyen-Orient, a-t-il ajouté, 40 % des chômeurs sont des jeunes, et ils sont près de 60 % dans des pays comme la Syrie, contre une moyenne de 20 % dans d’autres pays. La ministre du Commerce et de l’Industrie du Ghana, Hannah Tetteh, a parlé du taux de croissance « spectaculaire » (14, 4%) que connaît son pays grâce aux nouvelles ressources pétrolières. Mais cette croissance n’a pas été synonyme de développement social, a-t-elle noté. Les emplois, en particulier pour les jeunes, ne sont créés que si des investissements sont consentis dans les secteurs productifs de l’économie. Il faut identifier ces secteurs, a affirmé le ministre du Commerce et de la Promotion du secteur privé du Niger, Saley Saïdou. Et ensuite, former les hommes et les femmes par une éducation et une formation professionnelle de qualité pour qu’ils puissent rendre rentables les secteurs productifs, a-t-il préconisé. La CNUCED affirme de son côté que le moment est venu de renouveler le contrat social entre l’État et le citoyen et de reconstruire des institutions publiques capables de remodeler la gouvernance économique. Les politiques doivent être telles qu’elles dessinent un cercle vertueux des investissements, de la productivité, de l’emploi et de l’accroissement des revenus. « Faisons preuve de créativité, a déclaré le président de la CNUCED XIII, le ministre de la Culture, des Arts et du Patrimoine du Qatar, Hamad Bin Abdulaziz Al-Kuwari. Le principal défi à relever est d’anticiper le changement et de renoncer aux vieux modèles, a-t-il affirmé. Il faut promouvoir un développement fondé sur l’éthique et l’équité. Le ministre s’est d’ailleurs vanté du développement de son pays. « La crise économique mondiale est sans doute la meilleure raison de nous pousser au changement », a-t-il dit en invitant les délégations à « s’entraîner à penser différemment ». Les PMA réclament leur dû La déréglementation des marchés financiers a été désignée comme responsable de tous les maux dont souffre le système financier international actuel. Si l’Émir du Qatar a évoqué l’existence d’un « désaccord profond » entre l’Union européenne et les ÉtatsUnis d’un coté, et les États en développement de l’autre au sujet des aides et subventions versées aux producteurs et aux exportations de produits agricoles, il a dit espérer que la CNUCED XIII permettrait de rapprocher les deux parties afin d’améliorer le commerce mondial, d’assurer l’accessibilité aux marchés et de mettre un terme notamment aux subventions indirectes ou cachées. Les ministres des 48 Pays les moins avancés (PMA) ont adopté de leur côté une déclaration préconisant de renforcer la CNUCED et de dynamiser ses activités de recherche, de coopération technique et de formation de consensus. Dans ce document, les PMA réaffirment également leur adhésion à la notion soutenue depuis longtemps par la CNUCED d' « État développementiste ». La déclaration note que les PMA ne représentent actuellement que 1 % du commerce international et que l'essentiel des investissements étrangers dans ces pays vont aux industries extractives - qui souvent créent peu d'emplois et ne mènent pas à un développement économique plus large. Elle souligne qu'il est indispensable de « construire l'État développementiste pour stimuler la croissance économique ». Vers une nouvelle mondialisation tournée vers le développement. « Nous soulignons l'importance d'un rôle équilibré de l'État et des critères de marché, dans lequel l'État conçoit les politiques et les institutions de façon à obtenir une croissance économique durable et équitable, en même temps qu'il crée des conditions économiques stables, transparentes et fondées sur des règles favorisant le bon fonctionnement des marchés », indique la déclaration. Le document enjoint ensuite aux « partenaires commerciaux et partenaires de développement, y compris les pays en développement qui sont en mesure de le faire » de redoubler d'efforts pour soutenir les PMA dans leurs efforts visant à élargir, diversifier et renforcer leurs économies, et dans leurs efforts pour atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Les OMD visent notamment à réduire de moitié la pauvreté extrême d'ici à 2015. La déclaration demande que ce soutien aille « au-delà de l'APD et soit étendu, de manière intégrée, au transfert de technologie et de savoir-faire et au renforcement des capacités technologiques et de l'innovation dans les PMA ». Elle exhorte également les pays industrialisés à satisfaire aux objectifs fixés au niveau international en matière d'APD. Depuis 2007, la crise financière d'abord, puis alimentaire, énergétique, économique et monétaire, a fait chuter la production mondiale de 10 % entre 2008 et 2010 et détruit 68 millions d'emplois pour la seule année 2011. Dans son rapport à la Conférence, le secrétaire-général de la CNUCED relève que ni les institutions de Bretton Woods ni le G20 ne sont parvenus à concevoir un train de mesures qui soit compatible avec le changement des réalités économiques et politiques. La coordination mondiale, telle qu'organisée actuellement, a montré ses limites, et il est désormais indispensable de passer d'urgence à une nouvelle mondialisation tournée vers le développement. Marie Joannidis