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L’avenir des SHS
et la place de l’anthropologie
Un entretien avec Laurence Caillet
Le CNRS met en ligne, sur son site intranet, tout ce qui
concerne le projet de réforme élaboré par la direction :
textes, discussions, calendrier, etc. Le site comporte
une « Foire aux questions ». Le Monde (23 avril 2004)
a publié un bon résumé sur la réforme et l’état des
négociations entre la direction et le conseil
d’administration. Celui-ci se prononcera le 19 mai
prochain sur un texte sensiblement remanié à sa
demande.
Préoccupée par les restructurations en cours au
CNRS et à l’Université, L’Apras entend suivre les
mouvements et amorcer dans sa Lettre un débat entre
les chercheurs, les enseignants chercheurs et les ITA
(Ingénieurs, Techniciens, Administratifs) concernés. Il
s’agit de porter à la connaissance du plus grand nombre
des éléments sur le contenu des réformes en cours, la
manière dont elles sont mises en oeuvre, l’association
des équipes aux projets concernant leur devenir. Nous
souhaitons alimenter une réflexion sur la nature
scientifique ou budgétaire des arbitrages qui seront
rendus, sur l’intérêt pratique des réformes qui
s’engagent aujourd’hui, sur la capacité que nous aurons
de poursuivre une recherche scientifique de qualité.
Pour cela vos contributions, vos réflexions, vos états
d’âme sont absolument nécessaires.
Nous publions l’entretien accordé le 1e avril 2005,
au site Michel-Ange du CNRS, par Laurence Caillet,
directrice scientifique adjointe (DSA) en charge de la
section 38, à la présidente de l’Apras, Irène Bellier.
Irène Bellier : Quelle est la situation aujourd’hui au
CNRS ?
Laurence Caillet : Le département des Sciences
Humaines et Sociales (SHS) est confronté au grave
problème que pose l’absence de force de proposition
du
des chercheurs, notamment de la section 38. Cela
s’illustre avec les demandes de Groupe de Recherche
(GDR), à propos desquels court une rumeur infondée
sur le désintérêt du CNRS. Hormis le GDR « Nouvelle
Calédonie », aucune création n’a été réalisée en 2004
pour la section 38. Cela se vérifie du côté des
demandes de financement de colloques, pour lesquelles
nous sollicitons nettement moins que les autres
départements. Enfin, du côté de l’interdisciplinarité,
mis
à part l’intrication sociologie-anthropologie, nous
sommes très peu impliqués. Cela donne le sentiment
d’une discipline qui s’assoupit, à moins que n’y souffle
un vent de défaitisme.
Qu’en est-il des réformes engagées par
M. Larrouturou, concernant notamment les
restructurations de laboratoires ?
Cette réforme était amorcée avant même que ne se
développe le mouvement SLR (Sauvons la Recherche).
La réforme s’est imposée sur la base des reproches
formulés par la Cour des Comptes, critiquant
l’incapacité du CNRS à piloter la recherche scientifique
et sa propension à se vivre comme une agence de
moyens. Face à ces critiques, un seul choix : se doter
d’une politique scientifique ou bien laisser pourrir.
L’enquête de Shanghai, sur le rang des universités et
centres de recherches dans le monde, a révélé que la
APRAS
ASSOCIATION POUR LA RECHERCHE
EN ANTHROPOLOGIE SOCIALE
L E T T R E D ’ I N F O R M A T I O N n°38
PRINTEMPS - ÉTE 2005
RÉFORME : LA ROUE TOURNE AU CNRS
> PAGES 11 & 12 <
LE 25 MAI :
journée « REVUES »
LE 3 JUIN :
13e conférence Robert Hertz
DAN SPERBER
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France n’apparaît pas dans les classements mondiaux.
Il devenait donc urgent de constituer le CNRS comme
un opérateur de la recherche, et pas comme une agence
de moyens. Deux axes de réforme sont proposés : la
déconcentration régionale et le regroupement des
laboratoires.
Concernant la déconcentration, dans la perspective
de la mise en place de cinq Directions Inter régions
(DIR), deux expérimentations ont été lancées, dans
deux régions, le Sud Est (J.-M. Hombert) et le Sud
Ouest (A. Petit). L’objectif est de développer les
collaborations entre la recherche, les collectivités
locales et les entreprises. Si la région SE, par exemple,
finance déjà assez solidement la recherche, le Conseil
de la région Ile de France commence à peine à y venir
(notamment pour les SHS), ce qui explique le choix de
la province pour les expérimentations. Il y est aussi
plus facile de procéder au regroupement des
laboratoires car on n’y observe pas la même intrication
des universités partenaires qu’à Paris.
Concernant les SHS, le problème est de gérer 430
unités qui ne comptent parfois aucun ou un seul
chercheur CNRS, ce qui limite toute capacité de
pilotage. Le CNRS ne peut pas offrir un label de qualité
à des laboratoires qui ne dépendent pas de lui. Il faut
savoir qu’il existe des laboratoires d’accueil excellents,
sans pilotage CNRS.
Précisément, en anthropologie ?
En ethnologie, on compte 22 ou 23 unités auxquelles
s’ajoutent les unités de services. L’idée est de vraiment
diminuer ce nombre sans qu’aucun objectif numérique
n’ait été fixé, pour arriver à constituer de gros
laboratoires avec une visibilité européenne et
internationale. Dans ce dispositif, certains laboratoires
déjà « visibles » pourront naturellement servir de
« locomotives ».
Quels rapports entre les laboratoires et les équipes ?
Les gros laboratoires, appelés Laboratoires Communs
dans la nouvelle nomenclature, se composent d’équipes
différenciées, clairement identifiées et évaluées
séparément. La dotation de base est versée au
laboratoire commun, une clé de répartition assurant le
partage entre les équipes. La dotation est calculée selon
deux types de critères, « besoins » (instruments,
documentation, terrains) et « qualité » (niveau des
publications, vie du laboratoire, relations
internationales. Une « note » globale est attribuée,
multipliée par le nombre de chercheurs et d’enseignants
chercheurs actifs.
Chercheurs actifs ?
Concernant le problème des chercheurs inactifs (il en
existe), il est évident que le Comité National devrait
avoir une fonction d’alerte lorsqu’il examine les
dossiers individuels des chercheurs pour prévoir
d’orienter le chercheur si nécessaire. Lorsque des
licenciements pour insuffisance professionnelle sont
envisagés par le Comité national, comme ce fut le cas
cette année dans dautres sections que la 38 - les
dossiers sont ensuite examinés en Commission
paritaire, puis le directeur général prend la décision. Il
est dramatique d’en arriver jusque là, et pour éviter la
mise en route de telles procédures, il est absolument
nécessaire que les instances d’évaluation dialoguent
davantage avec les chercheurs.
En ethnologie, se pose aussi le problème des
chercheurs expatriés durablement, parfois pendant
plusieurs décennies, avec salaire indexé. Leur retour,
trop tardif, est souvent perçu comme une injustice. Tout
cela introduit la question d’une meilleure gestion des
personnels. Celle-ci devrait être facilitée par la
séparation de l’opérationnel, qui revient aux DIR et à
leurs conseillers, et du stratégique, qui relève de la
Direction de la stratégie scientifique à laquelle sont liés
les départements scientifiques. La coordination entre
les Conseillers des Directeurs Inter-Régions (CDIR) et
les DSA devra sans doute être bien réfléchie. Mais cela
ne changera rien pour les laboratoires.
Parlons budget !
La dotation de moyens est versée au directeur du
laboratoire qui s’appellera dorénavant un « manager ».
Il faudra sans doute définir la compétence du
« manager scientifique ». S’il est enseignant, il gardera
sa fonction mais sa charge sera allégée. Différents
profils possibles de « managers » de la recherche sont à
prendre considération, du directeur charismatique au
directeur qui s’appuie fortement sur le conseil
scientifique du laboratoire.
Le manager devra gérer (1) le budget du laboratoire
avec les clés de répartition entre les équipes ; le CNRS
ajoute 20% pour les équipes qui se regroupent. ; (2) le
projet scientifique du laboratoire : il devra savoir
susciter de nouveaux projets et clôturer les projets qui
doivent l’être, en s’appuyant sur les évaluations des
équipes par le comité national ; (3) les transitions entre
les différentes temporalités de la recherche.
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Des primes peuvent être attribuées à des directeurs
de grosses unités (ISFIC), mais leur nombre est limité,
et la répartition plus historique que rationnelle.
C’est le budget qui fait le pilotage ?
Le pilotage scientifique sera plus serré grâce à deux
dispositifs : la mise en place de partenariats rénovés par
les contrats quadriennaux et les contrats de
laboratoires. La négociation des contrats quadriennaux
était jusqu’à présent assurée par le Direction des
Relations avec l’Enseignement Supérieur (DRES). Elle
sera désormais assurée par les DIR et les départements.
Prenons le cas du partenariat rénové avec l’Ecole
des Hautes Etudes en Sciences Sociales : un cas
complexe et intéressant. Sont concernés par le
partenariat rénové tous les laboratoires qui ont
l’EHESS pour rattachement principal. Ainsi par
exemple, le Laboratoire d’Anthropologie Sociale qui
est principalement rattaché au Collège de France n’est
pas concerné.
Le partenariat associe un nombre limité de
partenaires : le CNRS et un Etablissement Public
Scientifique et Technique (EPST), au maximum deux,
avec dérogations. Au-delà de deux, le partenariat avec
les autres établissements fera l’objet de conventions.
Cette diminution du nombre des partenaires a pour
objectif de faciliter un véritable pilotage scientifique.
Alors comment se négocie ce partenariat ?
Un représentant du département (moi-même en
l’occurrence) rencontre régulièrement le bureau de
l’École et la présidente, Danièle Hervieu Léger, pour
avancer sur les priorités scientifiques et les moyens de
leur mise en œuvre. Ces réunions concernent le pilotage
scientifique, les regroupements de laboratoires à
proposer aussi bien que le ciblage en personnel,
chercheurs et ITA.
Si, en raison de son statut, l’EHESS ne peut
s’engager sur des recrutements, des déclarations
d’intention communes sont néanmoins effectuées par
les deux partenaires, en fonction des priorités décidées
d’un commun accord. En ce qui concerne les
recrutements ITA IATOS (Ingénieurs, Administratifs,
Techniciens et Ouvriers Spécialisés), des objectifs
cibles sont définis. Est ainsi prévue, par exemple, la
mise en commun les informations sur les dates de
départ à la retraite, perspective à 4 ans, afin de fixer des
actions prioritaires communes.
Le partenariat s’appuie sur deux pieds : le
quadriennal qui présente des enjeux intellectuels,
auxquels s’associe une négociation serrée de décisions
concrètes ; les contrats de laboratoires que l’on est en
train d’inventer.
La perspective est de développer la négociation
entre le CNRS et le laboratoire, pour un contrat à 4 ans,
fixant des objectifs, et les moyens de les réaliser. Ces
contrats CNRS / directeur de labo seront actualisés
annuellement, sur la base d’un entretien. Ceci devrait
notamment permettre d’éviter la sédimentation
historique des projets, car il s’avère presque aussi
difficile de fermer un projet que de fermer un
laboratoire. Pourtant, il faut penser en termes
d’objectifs scientifiques.
Mais chacun sait qu’un projet scientifique n’obéit
pas à une logique quadriennale, il peut être plus
court ou bien nécessiter des prolongations !
On peut prévoir ces changements, en interne au
quadriennal, mais aussi chaque année, et une
justification ex-post est parfaitement admise.
Comment se répartissent les financements ?
Le CNRS met l’essentiel des moyens sur les dotations
de base. Des demandes, émanant de la base, peuvent
être aussi entendues de diverses façons. Citons en
deux : les GDR et l’Agence Nationale de la Recherche
(ANR) qui réserve un paquet d’appels d’offre pour les
projets blancs, dont les 3/4 sont ouverts aux SHS sans
ciblage thématique. Ainsi, pour 2005, l’ANR a prévu
une allocation de 25 millions d’euros pour les SHS qui
seront distribués sur appel d’offres avant décembre. Il
est difficile d’être aujourd’hui plus précis car les règles
ne sont pas encore parfaitement définies. Mais l’argent
est prévu ! Et les équipes SHS doivent penser à
présenter des projets d’équipe.
Revenons sur les regroupements de laboratoires et
la façon de procéder !
Nous agissons de manière transparente, contrairement à
ce que pensent les chercheurs qui disent que nous
agissons de façon autoritaire et bureaucratique. Nous
ne voulons pas mettre ensemble des chercheurs qui ne
veulent pas travailler ensemble, mais nous savons aussi
que sans incitation, rien ne bouge. Dans le cadre de
l’EHESS par exemple, des contacts ont été pris avec la
présidence de l’école. Puis les directeurs des
laboratoires concernés ont été réunis et nous leur avons
ensemble expo les objectifs du CNRS, étant bien
entendu que nous sommes totalement disposés prendre
en compte d’autres propositions de regroupement. Bref,
le jeu est parfaitement ouvert.
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Peut-on, dans un esprit de transparence, évoquer les
regroupements en cours ?
Il y a un projet en cours avec Daniel Fabre (LAHIC
Laboratoire d’Anthropologie et d’Histoire de
l’Institution de la Culture), Alban Bensa (GTMS
Groupe d’Etude des Transformations des Mondes
Sociaux), Claude Fischer et Georges Vigarello
(CETSAH - Centre d'Études Transdisciplinaires.
Sociologie, Anthropologie, Histoire). Marc Abélès et le
LAIOS (Laboratoire d’Anthropologie des Institutions
et des Organisations Sociales) ont marqué leur
réticence. Cela bouge tous les jours, la réflexion est
mouvante. Nous ne sommes pas dans une logique de
fusion obligatoire, mais dans un processus qui a pour
objet de rapprocher des équipes qui peuvent entretenir
un dialogue scientifique.
Un autre projet, projet de regroupement du CARE
(Centre d’Anthropologie Religieuse Européenne) et du
CEIFR (Centre d’Etude Interdisciplinaire des Faits
Religieux) a achoppé alors même que les équipes
partageront bientôt les mêmes locaux, la même
bibliothèque et qu’elles travaillent ensemble. Mais le
CARE ne souhaite pas quitter le CRH (Centre de
Recherches Historiques), l’un des plus importants
laboratoires de l’EHESS.
Les équipes de P. Weil qui compte un seul
chercheur CNRS (en 38) et de Serge Gruzinski pensent
se constituer en un laboratoire « Amériques », avec la
volonté de nouer des collaborations avec d’autres
équipes travaillant sur les autres rives de l’Atlantique.
Le Centre anthropologique de Toulouse regroupe
trois équipes en biologie, archéologie et ethnologie. Il
est scientifiquement atypique, mais la recherche y est
de qualité dans chacune des trois équipes même si le
dialogue interdisciplinaire est difficile. Il faudra
réfléchir soit à un redécoupage local, soit à
renforcement.
Le SHADYC (Sociologie, Histoire, Anthropologie
des Dynamiques Culturelles), à Marseille, qui est
principalement rattaché à la section 38 mais compte
plus de chercheurs et enseignants-chercheurs de la
section 36, entend garder ses liens avec le GREQAM
(Groupement de Recherche en Economie Quantitative)
avec qui il partage un Centre de ressources. Les deux
unités vont quitter les bâtiments malcommodes de la
Vieille Charité pour l’Ilôt du bois. Mais le SHADYC
travaille aussi avec le CREDO (Centre de Recherche et
de Documentation sur l’Océanie), qui lui-même
travaille avec l’IRSEA (Institut de Recherche sur le
Sud Est Asiatique) dans le cadre de la Maison Asie
Pacifique (UMS Unité Mixte de Service). Nous
réfléchissons à une éventuelle structuration plus forte
d’une partie de ce réseau.
Le CEIAS (Centre d’Etudes de l’Inde et de l’Asie
du Sud), gros laboratoire dirigé par D. Matringe,
dialogue avec l’équipe Tibet Himalaya, située à
Villejuif. Mais le regroupement semble difficile à
penser en raison des multiples partenaires universitaires
pour lesquels l’équipe Tibet Himalaya sert de
laboratoire d’accueil.
Va-t-on vers un regroupement des laboratoires pour
un pôle Asie ?
Il y a en effet à l’EHESS le CEIAS, Archipel et
LASEMA (Laboratoire Asie du Sud Est et Monde
Austronésien) pour l’Asie du Sud Est, et le laboratoire
Chine-Corée-Japon qui pourraient se regrouper à terme
dans un grand institut Asie. L’anthropologie, l’histoire
et la géographie seraient concernées par ce pôle.
L’unité de linguistique quant à elle devrait servir de
cheville ouvrière à un redéploiement de cette discipline
à l’EHESS
Le laboratoire de J.P Willaime fait partie de la
vague dite D, mais il n’est pas concerné par
l’expérimentation de partenariat rénové.
L’EREA (Equipe de Recherche en Ethnologie sur
l’Amazonie), dirigée par J.-P. Chaumeil, s’apprête à
rejoindre Nanterre. C’est l’aboutissement de
discussions initiées il y a près de dix ans. Un
aboutissement assez logique puisque cette unité est
depuis longtemps laboratoire d’accueil pour la
formation doctorale de Nanterre. L’unité restera à
Villejuif, mais le dialogue sera renforcé, notamment
entre américanistes. Le regroupement comptera environ
30 chercheurs CNRS.
Le CEAf (Centre d’Etudes Africaines) de M. Agier,
deviendra un laboratoire « lié », ce qui signifie que le
CNRS en laisse le pilotage à son partenaire, en
l’occurrence l’EHESS. Les chercheurs et ITA CNRS
peuvent y être affectés en mobilité et le CNRS finance
les programmes qui s’intègrent le mieux dans ses
priorités scientifiques et non la totalité du laboratoire.
La décision a été prise en raison des difficultés de
pilotage scientifique rencontrées dans une unité
l’IRD est très présent. Il revient à l’EHESS de signer
avec l’IRD une convention spécifique si elle le
souhaite.
Le regroupement « Afrique » se passe bien. Il
regroupera autour du MALD (Mutations Africaines
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dans la Longue Durée, Paris 1), le SPAN (Système de
Pensée en Afrique Noire- EPHE), et l’IEA (Institut
d’Etudes Africaines, Aix-Marseille), qui demande
instamment à travailler avec les deux unités
parisiennes. Des responsables des équipes SPAN et
IEA participeront à la direction du nouveau laboratoire,
ce qui permettra à l’IEA de conserver son implantation
à la MMSH (Maison Méditerranéenne des Sciences de
l’Homme). L’Université de Provence conservera
également ses liens avec l’IEA dont les enseignants-
chercheurs sont fortement impliqués dans l’Ecole
doctorale. SPAN souhaiterait disposer de locaux
légèrement élargis afin de pouvoir accueillir des
chercheurs du MALD et des chercheurs de passage de
l’IEA, de façon à faciliter les synergies scientifiques.
Comment l’EHESS envisage-t-elle d’associer les
directeurs des centres CNRS à la conduite de sa
politique scientifique ?
Dans le cadre de la négociation sur le partenariat, Denis
Matringe a été chargé d’une réflexion sur l’intégration
des chercheurs CNRS à l’Ecole, sachant que l’on
compte aujourd’hui environ 300 CNRS, 100 EHESS et
300 « divers ». Par ailleurs, Danièle Hervieu Léger a
mis en place une Assemblée des Directeurs de Centres,
CNRS et EHESS, afin de mieux associer les membres
CNRS à la vie de l’Ecole.
Les SHS sont-elles toujours menacées au CNRS
comme on l’entend régulièrement ?
Il est certain que les SHS rest ent au CNRS, et qu’elles
y conservent « leur » département. Si cette
configuration est sans aucun doute rassurante, il n’est
pas absolument certain qu’elle ne contribue pas à un
certain isolement de nos disciplines dans un contexte
l’interdisciplinarité sciences dures/sciences sociales
semble indispensable. L’anthropologie conserve
également sa section, mais cela ne doit pas aller à
l’encontre d’une nécessaire ouverture aux autres
disciplines et de la construction d’un dialogue avec
elles.
* * *
Des regroupements de laboratoires,
pour quoi faire ?
L'APRAS a entrepris une enquête sur les regroupe-
ments en cours de laboratoires d'anthropologie, ou
incluant des anthropologues, dont la direction du
CNRS a pris l'initiative on se reportera à l'entretien,
publié ci-dessus, avec Laurence Caillet, directrice
scientifique adjointe au département SHS, chargée
notamment de la section 38 du Comité , sur les
modalités de ces opérations et sur leurs possibles
conséquences. Nous avons pu recenser jusqu'à présent
douze regroupements réalisés ou en projet. Ils touchent
une vingtaine de laboratoires, soit la quasi-totalité des
unités où se fait de l'anthropologie. Nous publierons
des informations précises sur ces regroupements et les
laboratoires concernés dans une prochaine Lettre
d'information.
D'ores et déjà, plusieurs observations peuvent être
dégagées :
Les modalités mesures incitatives (augmentation
de 20 % des crédits des unités acceptant de fusionner),
consultation des personnels, etc. varient largement
d'un cas à un autre, indiquant un manque certain de
transparence.
La plupart des regroupements envisagés ou
programmés contribuent à la dilution de l'anthropologie
dans diverses bouillies pluridisciplinaires, entraînant
une perte de visibilité qui risque de peser lourd sur
l'avenir de notre discipline. Là encore, face à un constat
d'évidence une interdisciplinarité trop timorée , la
direction du CNRS, oubliant le principe "pas
d'interdisciplinarité sans disciplines fortes", réagit une
nouvelle fois par des mariages forcés. Rappelons qu'il y
a quinze ans, le "redécoupage", sans concertation, des
sections du Comité national avait suscité une réaction
et une action vigoureuses de l'APRAS. Dans la Lettre
d'information 3, Michel Izard critiquait notamment
une mise de l'anthropologie "au rang des bas
morceaux" (pp. 1-5) et Gérard Lenclud défendait le
contre-projet élaboré par l'association (pp. 5-6).
A voir le caractère hétéroclite de certains des
assemblages réalisés ou prévus, force est de constater
que la logique de ces regroupements apparaît beaucoup
plus administrative et financière (mise en commun de
moyens, etc.) que véritablement scientifique. Au
constat (justifié ou non) fait par la Cour des Comptes
d'une absence de politique scientifique au CNRS, celui-
ci répond par des mesures bureaucratiques : regroupe-
ments de laboratoires et mise en place des Directions
inter-régionales (DIR) qui ne feront probablement
qu'ajouter encore à la lourdeur tant reprochée au
CNRS !
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