TD 1 de Morphologie
Groupe S. de Vogué - Vendredi
A) Description générale du système morphologique
Dans les exercices de cette première partie, vous n’avez pas à savoir rédiger les réponses. Il
faut seulement que vous sachiez trouver les solutions, et que vous puissiez expliquer
oralement comment on peut les trouver. Au concours, vous aurez juste à donner les solutions.
Dans le cadre d’un cours de français à l’école, vous aurez seulement à donner les solutions et
à faire entendre oralement, essentiellement à l’aide d’exemples, comment on trouve ces
solutions.
1) segmenter en morphèmes les mots suivants
inattaquable, efforcer, écouterions, petites
La technique à connaître pour segmenter est la suivante : lorsque l’on veut montrer qu’un
segment est un morphème :
- on cherche une série de mots dans lesquels ce segment apparaît
- on vérifie que le segment y a de manière suffisamment constante une valeur identique
- pour les affixes, il est toujours utile de proposer une formulation qui explicite la valeur
en question
La technique est donc simple. Pourtant vous allez voir dans les exemples ci-dessous que l’on
ne cesse de rencontrer des difficultés, lorsque l’on veut entrer dans le détail de l’analyse. Vous
devez être avertis de ces difficultés : ne pas croire que l’analyse morphologique est simple et
automatique, ce qui vous rendrait très désemparé pour la plupart des mots. Il n’empêche qu’il
s’agit seulement de repérer les morphèmes, ce qui passe par un test simple : chercher une
série dans laquelle le constituant intervient à peu près avec la même valeur que l’on essaye
d’expliciter.
inattaquable
-in est un préfixe : on le retrouve dans d’autres mots inhabituel, inoffensif, inutile, etc. avec la
même valeur, que l’on peut rendre par une formule comme « qui n’est pas X » X
correspond au mot qu’il précède : « qui n’est pas habituel », « qui n’est pas offensif », etc.
-able dans attaquable comme dans inattaquable est un suffixe :
- on trouve la série mangeable, acceptable, etc.
- dans laquelle able semble avoir une valeur identique
- valeur que l’on peut rendre par « qui peut être V » :
mangeable, acceptable, etc. = « qui peut être mangé, accepté, etc. »
D’où le sens qui est celui d’inattaquable : qui ne peut pas être attaqué.
Dans attaquer, peut-on considérer que at- est un préfixe ?
Il présente quelque analogie avec le préfixe a-/at- que l’on trouve dans atterrir, attendrir, et
peut-être aussi dans attirer, attendre : ce préfixe, dérivé d’un ad latin qui signifie « à, vers »,
indique une notion assez diffuse de direction, de finalité (« atteindre la terre », « devenir
tendre », « tirer vers », et peut-être même « tendre ou être pris dans une tension vers »).
On retrouve une idée assez proche au moins dans le contraste entre attaquer et défendre :
attaquer suppose une mouvement vers l’extérieur (vers l’ennemi attaqué), quand défendre est
protection contre l’extérieur.
Il se pourrait donc qu’il y ait le préfixe at- dans attaquer, ce bien que l’effet de sens soit assez
vague, et bien que taquer n’existe pas seul.
Il arrive qu’une base ne se retrouve jamais isolée : on parle de base liée.
Ainsi, de barras que l’on trouve dans débarras/embarras.
Mais ici on ne trouve pas -taque- dans d’autres mots, sauf peut-être
taquin qui pourrait être lsur le plan du sens, mais qui ne semble pas
apparenté si l’on regarde les étymologies du dictionnaire (l’étymologie
donnée pour attaque est au demeurant très obscure, puisqu’elle relie le
mot à attacher, avec lequel on ne voit pas bien quelle est la relation du
point de vue du sens).
Lorsque l’on s’intéresse à la morphologie des mots, il est fréquent que
l’on se trouve devant des situations de ce genre, avec un segment qui
paraît pouvoir être assimilé à tel ou tel affixe, qui présente des affinités
de forme et de sens avec cet affixe, mais que l’on ne peut pas pour
autant identifier avec cet affixe, parce que la base n’est pas identifiable.
De manière générale, la morphologie ne permet souvent pas des
analyses nettes :
Parce que les constituants des mots vont avoir tendance à se
solidariser tellement qu’on ne peut plus les décomposer : ainsi
est difficile de décomposer un mot comme lunette.
Parce qu’à l’inverse, les constituants des mots ont tendance à se
rapprocher par analogie de morphèmes formellement
proches bien que la relation soit a priori inexistante sur le plan
du sens : ainsi dans peuplier le composant ier peut être
rapproché du suffixe –ier que l’on trouve dans la série pommier,
abricotier, etc., bien qu’il ne puisse être relié au sens
caractéristique de cette série « arbre produisant le fruit désigné
par la base ».
Ce flou est une caractéristique de la morphologie dont les éléments sont
ainsi soumis à des forces centrifuges et centripètes à la fois. On ne peut
pas faire de morphologie sans tenir compte de cette difficulté.
Ici, il serait trop hardi de dire qu’il y a le préfixe a-/at-. En revanche, il est utile de
reconnaître la relation d’analogie avec le préfixe a-/at-. C’est sans doute en référence à cette
analogie que l’orthographe avec un double t s’est imposée comme norme : le préfixe a- issu
de ad- et signifiant la direction ou l’atteinte, est dans les faits très souvent marqué par un
doublage de lettres : apparaître, arriver, etc..
Efforcer :
ef- est un préfixe :
- on trouve la série effrayer, effacer, effleurer etc. , mais aussi étirer, extirper
- dans laquelle ef- prend des formes variables (ef--/ex-) et a des valeurs variables
mais qui sont toutes liées à une notion d’extérieur et qu’un locuteur du français
reconnaît comme analogues bien qu’il ne sache pas donner sa valeur exacte dans
chaque mot.
- valeur que l’on peut rendre ici par « qui tire de soi une force dirigée vers
l’extérieur »
fort /force est la base, qui apparaît sous ces deux formes, l’une correspondant à l’adjectif,
l’autre au nom qui désigne la qualité en général décrite par l’adjectif :
- on retrouve cette base dans toute la série des mots en fort : forcer, renforts, renforcer,
efforts, force, fort, fortiche, etc.
-er correspond au fait que le mot soit un verbe. Mais il est difficile de savoir dans quel ordre
la dérivation se fait :
de fort ou force on dérive forcer d’où l’on dérive efforcer
de fort ou force on dérive effort d’où l’on dérive efforcer
de fort ou force on dérive directement efforcer en ajoutant à la fois le
préfixe ef--/ex- et le suffixe er qui permet d’en faire un verbe.
On voit qu’il est difficile encore d’analyser dans le détail le mot efforcer, mais que l’on
reconnaît néanmoins trois composants ef/forc/er, qu’il faut pouvoir identifier.
On les identifie sans pouvoir préciser de manière stable et explicite leur valeur (valeur de ef-),
leur statut grammatical (fort/forc- est-il un nom, un adjectif, un verbe ?), et la façon dont ils se
composent entre eux.
écouterions
-ons est là très facile à analyser. C’est un morphème :
- on le trouve dans la série chantons, mangerons, allons, lisons, concluons, etc.
- ce morphème sert à marquer la 1ère personne du pluriel sur le verbe.
-ri- mérite que l’on s’y arrête plus. On peut considérer que c’est un morphème :
- on le trouve dans la série où écouterions voisine avec chanteriez, liriez, lirions, etc.
- il sert à marquer dans toutes ces formes le conditionnel présent : on vérifie que ce
sont tous des conditionnels présents, et que le conditionnel présent se marque ainsi au
moins à la première et la deuxième forme du pluriel.
le conditionnel présent se marque autrement aux autres personnes :
écouterais, écouterais, écouterait, écouterions, écouteriez, écouteraient
On a donc parfois rai- parfois ri-.
C’est simplement un cas d’allomorphie : -rai- prend la forme -ri- à la première
et la deuxième personne du pluriel.
-rai- et ri- sont des allomorphes.
On peut considérer cependant que ri- est décomposable à son tour en deux morphèmes : -r-
que l’on retrouve dans toutes les formes de futur, et i- qui marque l’imparfait à la première et
la deuxième personne du pluriel :
écouterai, écouteras, écoutera, écouterons, écouterez, écouteront.
écoutions, chantiez, dansions, lisions, marchiez, écriviez, etc.
Effectivement, vous vous souvenez surement qu’il vous a été dit parfois que le conditionnel
est en fait un « futur du passé » : on le trouve en particulier dans des exemples de concordance
des temps, lorsqu’il s’agit de faire concorder un futur avec une principale à un temps du
passé :
Il a dit : « Nous partirons lundi » -
Il a dit que nous partirions lundi.
Il y a donc un sens à décomposer le conditionnel en y reconnaissant deux morphèmes : un r-
de futur, et un i-/-ai- d’imparfait.
petites
Un exemple un peu plus simple pour finir, qui montre que le raisonnement n’est pas difficile :
ce sont les mots qui souvent sont complexes, mais le raisonnement pour trouver les
morphèmes consiste juste à chercher une série dans laquelle le morphème apparaît.
-s est un morphème :
- on trouve la série grands, maisons, fleurs, bleus, etc.
- dans laquelle s a bien une valeur identique
- valeur qui est celle du pluriel
-e- est un morphème :
- on trouve la série jolie, méchante, carrée, peinte, etc.
- dans laquelle e- a bien une valeur identique
- valeur qui est celle du féminin
Là où l’exemple se complique lui aussi, c’est lorsque l’on cherche à expliciter ce que recouvre
cette valeur de féminin d’une part, lorsque l’on tente la même décomposition à l’oral (où le s
n’est souvent pas prononcé, le e- risque fort de ne pas l’être, et il y a en revanche la
consonne flottante t qui apparaît à la fin de l’adjectif de base peti-/petit-). On va voir
comment traiter ces questions dans les exercices de la deuxième partie.
Vous constatez dans ces 4 exemples que l’analyse n’est pas difficile, mais qu’en revanche le
raisonnement pour effectuer cette analyse est difficile à rendre explicite.
On ne vous demandera pas au concours d’expliciter de telles analyses. Cela ne sera pas
nécessaire non plus si vous devenez professeur des écoles dans l’exercice de votre profession,
sauf oralement, partiellement et ponctuellement pour faire entendre la présence de tel ou tel
morphème dans un mot.
Il n’est donc pas nécessaire que vous appreniez à rédiger de tels exercices. Il faut seulement
que vous compreniez la réponse.
2) Exercice : trouvez les allomorphes de in- dans les mots suivants
puis explicitez les règles qui régissent cette allomorphie
Impossible, irresponsable, inattaquable, immature, inactif, invivable,
illégal.
A l’écrit, le préfixe in- :
- prend la forme im- devant m/p/b (voir par exemple imbattable qui n’est pas dans la
série proposée) ; c’est la fameuse règle « n devient m devant m/p/b », règle qui vaut de
manière générale, et non pas seulement pour le préfixe in-.
- prend la forme il- devant l
- prend la forme ir- devant r
A l’oral, il faut d’abord transcrire en alphabet phonétique les 6 mots (voir td de phonétique)
pour mieux voir comment le morphème est réalioralement. On constate que le préfixe se
réalise
- [in] devant voyelle ([inaktif], [inatakabl])
- [i] devant [l], [r] et [m] ([irєspõsabl], [imatur], [ilegal])
-
3) Exercice : trouver tous les allomorphes de la base dans la
conjugaison du verbe aller puis dans celle du verbe être.
Il suffit de regarder toutes les formes de la conjugaison de ces verbes, et de regarder la forme
prise par la base une fois séparée des terminaisons qu’elle peut prendre.
On trouve diverses formes, parfois apparentées, parfois très différentes. Il arrive qu’il soit
difficile de séparer la base de la terminaison, en quel cas la segmentation est incertaine : ce
sont des cas de fusion fréquents, auxquels il faut être habitués.
Pour aller, on trouve :
- All- dans aller, allant, allais, allons, allions, etc.
- Aill- dans aille, ailles, aillent
- v- ou va- dans va, vas, vais, vont
- ir- dans ira, irai, iras, irons, irez, iront, irait, irions, etc.
Pour être, la décomposition est encore plus difficile, et on trouve beaucoup de formes que l’on
peut regrouper en trois grands groupes :
- êt-,ét-, es- dans être, étais, es, est, êtes, étions, etc.
- s-, so-, sui-, soi-, se- dans suis, sommes, sont, sois, serai, etc
- fu- que l’on trouve dans fus, fut, fûmes, fûtes, furent, etc.
4) Déterminer quelles sont les consonnes ou voyelles flottantes des
mots, bases ou affixes suivants (il peut y en avoir plusieurs,
selon les contextes)
-, écri-, par- (du verbe partir), si, rougi-, boi- (du verbe boire)
Pour trouver les consonnes ou voyelles flottantes, on cherche à mettre le morphème dans
différents contextes et en particulier dans des contextes propres à faire que les éléments
flottants se réalisent : on cherche des contextes commençant par des voyelles pour faire
réaliser les consonnes flottantes, et des contextes commençant pas des consonnes pour faire
réaliser les voyelles flottantes.
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