A) Le courant islamique étatique officiel diffère d'un pays à l'autre, en fonction de l'attitude
à l'égard de la loi islamique classique. Les pays islamiques ont adopté généralement des
lois occidentales en matière des contrats, du droit commercial, du droit pénal, du droit
administratif. Ils ont maintenu la loi islamique en matière du droit de la famille et des
successions, droit qui comporte des discriminations à l'égard des non-musulmans et des
femmes. Certains de ces pays ont aussi adopté en matière pénale les normes relatives
aux châtiments dits islamiques: lapidation, mise à mort, loi du talion, amputation de la
main et du pied, coups de fouets, etc. La loi islamique est applicable parfois dans le
secteur économique, notamment dans le domaine des intérêts. Tous ces pays ont une
conception unilatérale de la liberté religieuse: droit de devenir musulman, et interdiction
d'abandonner l'Islam ou de le critiquer. L'apostat est puni parfois de mort et souvent
d'emprisonnement, mais dans tous les cas il est considéré comme mort civilement, ce
qui a pour conséquence la dissolution de son mariage, l'enlèvement de ses enfants,
l'ouverture de sa succession et l'exclusion de la fonction publique.
B) Le courant islamiste comprend des mouvements comme les Frères musulmans en
Égypte, Al-Nahda (Mouvement de la renaissance) en Tunisie, le Front islamique du
salut en Algérie, le Hamas (Mouvement de la résistance islamique) en Palestine et le HT
dans plusieurs pays. Ce courant veut l'établissement d'un régime islamique, l'application
intégrale des normes islamiques, aussi bien sur le plan juridique que sur le plan des
mœurs, en tant qu'exigence de la foi islamique, et le rejet de toute loi d'origine
occidentale. Il part de l'idée que Dieu guide l'humanité à travers ses prophètes auquel il a
transmis des messages divins. Tout domaine réglé par la loi religieuse, telle que déduite
du Coran et des récits de Mahomet - les deux sources principales de la loi islamique,
doit être soumis à cette loi. La volonté du peuple ne peut intervenir sur le plan législatif
que dans les domaines non réglés par la loi islamique. Tout musulman doit se soumettre
à cette loi, sans cela il cesse d'être musulman. Le courant islamiste rejette le concept de
la souveraineté du peuple tel que connu en Occident, et celui de la démocratie en tant
que système attribuant au peuple le pouvoir de décider des lois qui le régissent. Il
considère les régimes islamiques, par ailleurs peu démocratiques, comme illégitimes
parce qu'ils n'appliquent pas intégralement la loi islamique et collaborent avec
l'Occident mécréant. En plus du renversement de ces régimes, les mouvements
susmentionnés souhaitent, à plus ou moins longue échéance, le rétablissement du califat
aboli par Atatürk en 1924, l'unité de la communauté islamique, l'évacuation des bases
militaires étrangères et la reprise du jihad contre les pays non-islamiques comme moyen
pour répandre l'Islam. Le HT est le parti politique le plus explicite sur ces points.
C) Le courant libéral islamique est représenté par des intellectuels et des universitaires
souvent acculés au silence tant par l'État que par les islamistes, ces derniers les accusant
d'être des apostats, voire des agents des mécréants. Certains ont payé de leur vie ou ont
dû émigrer à cause de leurs idées. Ce courant estime que le Coran est un livre de morale
et non pas de droit, et que l'Islam n'est qu'une religion et non pas un système politique.
Les différents domaines de la vie doivent être régis par des lois décidées par les êtres
humains en fonction de leurs intérêts immédiats, et non pas en fonction du salut de leurs
âmes. Ce courant critique le retour au système juridique islamique préconisé par les
islamistes, système jugé contraire aux droits de l'homme, notamment dans les domaines
de la liberté religieuse, de l'égalité entre musulmans et non-musulmans, de l'égalité entre
hommes et femmes, et des châtiments corporels. Il critique aussi les régimes des pays
islamiques parce qu'ils maintiennent dans leur système juridique des normes