
première journée d’études, qui se tiendra en décembre 2012, compte réunir les spécialistes des champs
de recherche qui se croisent dans ce projet, pour qu’un premier échange ait lieu à l’aune d’une
interdisciplinarité que nous souhaitons maintenir tout au long de nos réflexions.
En début de parcours, et de manière hypothétique, nous mettrons à l’avant trois points qui nous
semblent caractériser l’histoire culturelle des casinos. Premièrement, il faut considérer que la
programmation de spectacles, dans un casino comme celui de Deauville, amène périodiquement des
hauts produits des arts vivants en dehors des grandes villes, en anticipant ce que la décentralisation,
pour tout autres raisons, permettra d'institutionnaliser plus tard. Deuxièmement, les attractions des
casinos auraient permis la ritualisation contemporaine de l'espace-temps de la « fête » dans le cadre de
la pratique de la villégiature. Et enfin, la question de la fête nous conduit à faire le lien avec l’histoire
du festival, car tout un pan de l’histoire de la culture festivalière est lié, déjà sur le plan urbanistique, à
l’histoire des casinos. Le rapprochement culturel de casino et festival – de l’espace de la fête
saisonnière dont le spectacle est un aspect significatif, d’une part, et de l’événement saisonnier qui
place le spectacle au centre du dispositif, d’autre part –, c’est un rapprochement qui pose
suffisamment de questions pour mériter d’être étudié.
Un projet scientifique complexe
Les recherches et les réflexions autour du rôle joué par les casinos dans l’histoire culturelle du 20e
siècle devraient se faire à partir de trois axes méthodologiques.
L’axe de l’histoire urbaine des casinos bâtis en dehors des grandes villes, incluant les politiques
menées dans un espace urbain destiné principalement à la villégiature : argent-tourisme-culture.
L’axe historico-esthétique lié plus précisément au spectacle, à l’exploitation du produit artistique et à
une éventuelle incidence des dynamiques liées à cet espace sur l’évolution de l’idée de spectacle.
Et pour finir l’axe socio-historien concernant la sociabilité et les publics. Dans cet espace-temps de
la fête saisonnière, espace du jeu et de la circulation d’argent, se construit autour des jeux de hasard un
premier dispositif de l’illusion, où chacun est censé tester sa chance en défiant le pouvoir économique
dans ce temple de la fortune. Un temple que l’on fréquente aussi pour y entendre jouer de la musique,
du théâtre, du cabaret, des revues, et surtout pour assister et participer au jeu de la représentation
sociale qui n’est pas le moins attendu entre les murs des casinos au début du 20e siècle.
Il est important de préciser ici que la définition de cette sociabilité se faisant autour du spectacle
vivant de la première moitié du 20e siècle, l’intérêt de sa définition est aussi lié aux conséquences et aux
répercussions que l’expérience saisonnière du casino déterminerait dans l’histoire métropolitaine de la
communication et de la réception de l’œuvre et des productions esthétiques des époques en question.
Est-ce que le théâtre du Casino permet de former un nouveau public en amenant au spectacle ceux
qui s’y rendent pour le jeu de hasard et de société ? Est-ce que l’histoire de la réalité des théâtres de
casino expliquerait ou contribuerait à réfléchir l’idée de « spectacle » de l’époque ?
Et si l’époque d’or des casinos a permis la ritualisation contemporaine de l'espace-temps de la
« fête » dans le cadre des nouvelles pratiques de la villégiature, les festivals, eux, lorsqu’ils naissent dans
l’emplacement des casinos, en cristallisent la dimension artistique : comme dans le cas de certains
festivals de la chanson, du jazz ou du cinéma – en 1934, la Mostra internazionale d’arte
cinematografica de Venise, est crée à cent mètres du casino Ca’ Vendramin Calergi, au Lido ; dès
1939, l’ancien casino de Cannes accueille son festival du cinéma ; dès 1951, le Casinò municipale de San
Remo accueille le fameux festival de la chanson italienne, etc.
La première histoire du casino se nourrit d’une utopie, autant que l’histoire d’un certain genre de
festivals : pour les casinos, ce sera le rêve de la belle société à la belle époque, consécration de la roue
de la fortune contre les logiques écrasantes des lois économiques ; l’histoire du festival s’est alimentée
(et s’alimente sans doute encore) du rêve de l’espace démocratique et participatif. Dans quelle mesure,
les programmations culturelles des casinos sont-elles conditionnées par cet esprit utopiste, ou/et se
font-elles le reflet d’une utopie ? Et finalement, l’utopie elle-même ne serait-elle pas simplement