Bérédougou KONE. «Identification et exploitation d’obstacles». RADISMA, Numéro 12 (2016), http://www.radisma.info/document.php?id=1551. ISSN 1990-3219 Identification et exploitation d’obstacles pour faire reconstruire et apprendre le concept d’écosystème chez les élèves professeurs. Auteur : Bérédougou KONE, Assistant, DER Biologie École Normale Supérieure (ENSUP). BP : 241 Bamako-Mali Email : [email protected] _Tel : (+223) 79 37 22 06 Résumé Pour tout savoir enseigné, il se présente toujours un certain nombre d’obstacles à l’apprentissage pour l’apprenant. Il peut s’agir le plus souvent d’obstacles épistémologiques ou d’obstacles didactiques. La conception et l’élaboration des activités d’enseignement sont des étapes cruciales de toute activité d’enseignement. Cependant, pour parvenir à un développement de stratégies efficaces d’enseignement, il s’avère nécessaire de procéder d’abord à un repérage et une analyse des obstacles à l’apprentissage qui peuvent être générés par les notions et concepts visés par cet enseignement. Le concept d’écosystème est un concept nodal en écologie, mais l’appropriation de l’essence même de ce concept semble être difficile par les futurs professeurs du fait de la nature constante d’un obstacle majeure perceptible dans leur pensée. La conception la plus générale de l’écosystème rencontrée chez les élèves professeurs (93%) est le type « biotope + biocénose ». Cette conception est sous-tendue par un obstacle majeure : l’absence d’interactions entres les composantes d’un écosystème. L’investigation que nous avons menée auprès de ces futurs professeurs a abouti à la construction d’une grille avec les notions relatives au concept d’écosystème. La fréquence de citation de ces notions nous a permis de nous rendre compte effectivement que l’obstacle est constant et se manifeste chez 73% des élèves professeurs. Pour espérer garantir le reniement de cet obstacle, il était nécessaire que les élèves professeurs en soient tout d’abord conscients, puis arrivent à le verbaliser à la suite de confrontations de leur conception et les connaissances scientifiques avérées ou avec les conceptions d’autres élèves professeurs dans des débats de groupe. L’ingénierie qui a abouti à la construction d’une grille de mots en rapport avec le concept écosystème, a donc permis de faire cet exercice. Mots clés : conceptions, écosystème, élèves, grille, obstacles. Introduction et objectif Le rôle de l’enseignant est de faire apprendre. Cela semble facile à dire, mais beaucoup plus difficile à mettre en œuvre. C’est en soumettant les élèves professeurs à une évaluation que nous nous sommes rendu compte combien il était difficile de faire apprendre ces élèves alors que leurs connaissances en écologie sont limitées par des obstacles qu’ils ont dû accumuler au cours de leur cursus scolaire. Nous avons dès lors compris que faire apprendre n’est pas synonyme de dire et de montrer. Pour faire apprendre, il faut être en mesure de gérer des situations incertaines, cette gestion doit être basée sur la compréhension de cette situation et des obstacles qui s’y trouvent. 1 Bérédougou KONE. «Identification et exploitation d’obstacles». RADISMA, Numéro 12 (2016), http://www.radisma.info/document.php?id=1551. ISSN 1990-3219 L’objectif de notre travail est de créer et mettre en œuvre en classe une stratégie didactique pour franchir des obstacles identifiés chez les élèves. Il s’agit d’abord, pour nous, d’identifier les obstacles auxquels est confrontée la pensée des élèves professeurs dans l’appropriation du concept d’écosystème. Ces obstacles serviront d’indicateurs des processus intellectuels en jeu que nous pourrons exploiter en classe pour améliorer la maîtrise des socles de connaissances des élèves professeurs. Pour mettre en évidence ces obstacles, nous avons utilisé : - la méthode de la libre d’association d’idées, - la méthode de confrontation des conceptions des élèves professeurs à autres idées ou conceptions afin de les amener à une véritable réflexion sur leurs propres conceptions et les verbaliser. Cette démarche que nous initions, à travers ce travail, va permettre d’éclairer un certain nombre d’obstacles à la construction par les élèves professeurs du concept écosystème et son appropriation. Elle permet en même temps d’opérer un travail intellectuel sur ces obstacles afin qu’ils puissent être dépassés. Contexte Cet article que nous présentons ici est un prélude à un projet de recherche en thèse de didactique des sciences et aussi le prolongement de notre travail de mémoire de master (Koné, 2013). Cette recherche s’inscrit dans le cadre de l’ingénierie didactique, pour créer des outils et/ ou des stratégies didactiques, pour franchir des obstacles d’apprentissage. Ce travail se propose d’aborder la question d’obstacles liés à l’appropriation du concept écosystème par les élèves professeurs. L’écologie est l’une des unités d’enseignement (UE) dans la filière des professeurs des Sciences de la Vie et de la Terre (SVT) de l’École Normale Supérieure (ENSUP) de Bamako. Cette grande école reçoit des étudiants détenteurs d’une licence universitaire. Le concept central de l’écologie est l’écosystème. Ce concept est enseigné au lycée, instruit par le programme de SVT en 10ème commune (10ème CM). Le choix de ce concept est motivé par deux raisons majeures : - l’écosystème est l’un des deux objets majeurs d’étude de l’écologie : « l’écologie est la science des écosystèmes », - la notion d’interactions entre éléments de l’écosystème semble disparaître dans la pensée des élèves professeurs, ce qui génère un obstacle à l’appropriation du concept d’écosystème, Il s’agit de faire en sorte que les futurs professeurs se rendent compte qu’ils ont des obstacles pour s’approprier le concept écosystème et les amener à les renier. La démarche aboutira à la création d’un outil didactique, la grille des mots associés au concept écosystème. Cela permettra de rompre avec l’idée d’un enchaînement linéaire des notions pour aborder ledit concept. Problématique et cadre théorique Dans nos pratiques habituelles d’enseignement au cours de la formation initiale des futurs professeurs, le statut de l’obstacle n’est pas suffisamment valorisé. L’obstacle se réduit à un manque de connaissances. L’objectif de notre recherche est d’inverser cette approche ; changer le statut de l’obstacle pour qu’il devienne un moyen d’apprendre. Il s’agira de mettre en activité les élèves professeurs en passant par une pratique de recherche individuelle ou de groupe. Nous supposons qu’après trois enseignements à des niveaux différents de leur cursus (lycée, université et ENSUP) que des obstacles sont constants chez les élèves 2 Bérédougou KONE. «Identification et exploitation d’obstacles». RADISMA, Numéro 12 (2016), http://www.radisma.info/document.php?id=1551. ISSN 1990-3219 professeurs par rapport à l’appropriation des savoirs sur le concept d’écosystème, en particulier l’idée qu’il n’y a pas d’interactions entres les différentes composantes d’un écosystème. Les notions de système et d’interactions ne sont donc pas prégnantes1 chez les futurs professeurs. Nous pensons aussi que les trois phénomènes tels que la production, la consommation et la décomposition sont faiblement prégnants dans la pensée des élèves professeurs. Ces pensées ne peuvent évoluer que si l’élève est vraiment conscient de l’existence d’obstacles. Dans ce cas comment faire alors en sorte que l’élève puisse être conscient qu’il est buté à un obstacle ? Ou tout simplement quelle méthodologie mettre en œuvre pour réunir les conditions afin que l’élève, le futur professeur puisse s’investir, mobiliser ses connaissances, se rendre compte de l’insuffisance de ces connaissances ou qu’il soit conscient de ses obstacles ? Si l’élève professeur est soumis à des activités l’amenant à mobiliser ses propres savoirs, à faire une analyse critique en les confrontant à ceux des autres dans un débat de groupe ou en les confrontant à des savoirs scientifiques avérés, il peut être conscient de ses obstacles, de les renier. La présente recherche a pris comme référent théorique la notion d’obstacles. Suite à une réflexion sur la formation de l’esprit scientifique, Gaston Bachelard introduit en 1938 la notion d’obstacles épistémologiques. « Les didacticiens des disciplines se sont emparés de cette notion pour travailler sur les questions d’enseignement et d’apprentissage » (Cohen-Azaria et al, 2013, p.147). A la notion d’obstacle d’autres qualificatifs ont été ajoutés : psychologiques, affectifs, conceptuels ou encore didactiques. « Les obstacles peuvent être définis comme des structures et des modes de pensée qui font résistance dans l’enseignement et dans l’apprentissage. » (Ibid. P. 148). C’est en termes d'obstacles qu'il faut penser l'apprentissage, selon Bachelard. «...on connaît contre une connaissance antérieure, en détruisant les connaissances mal faites, en surmontant ce qui dans l'esprit même, fait obstacle... »2. Selon une telle approche, l’obstacle est considéré comme une fonction positive et centrale dans le processus d'apprentissage et de compréhension de l'apprenant. La notion d’obstacle didactique a été introduite par Brousseau (1998), selon qui, si les choix pédagogiques de l’enseignant ou du système éducatif sont erronés, alors ils vont fonctionner comme obstacles à l’apprentissage des nouvelles connaissances et induisent l’élève en erreur. Les recherches en didactique sur la notion d’obstacles s’appuient sur celles portant sur les conceptions des élèves (Astolfi, 1992 ; Astolfi & Peterfalvi, 1997 ; Giordan, 1996 ; Giordan & De Vecchi, 2000, 2002). Les didacticiens proposent de rechercher les obstacles pour comprendre certaines formes de raisonnement chez l’apprenant, car ce sont des objets incontournables dans l’enseignement. Martinand (1986) a introduit la notion d’objectif-obstacle, montrant la nécessité de choisir parmi des obstacles à l’apprentissage, ceux qui paraissent pédagogiquement intéressants qui peuvent faire l’objet de dépassement. L’obstacle devient donc un objectif d’enseignement. Cette vision est partagée par Astolfi (1992) ; Astolfi & Peterfalvi (1993, 1997). Les obstacle peuvent avoir plusieurs origines : ontogénique, didactique, épistémologique (Brousseau ,1998). Certains auteurs ont identifié d’autres origines en plus des trois citées : le langage, les manuels scolaires et les livres, la simplification du savoir pour des fins d’enseignement, le style d’apprentissage de l’apprenant, etc. (Madrane et al, 2007). 1 Prégnant : qui prédomine, qui s'impose à l'esprit, qui est particulièrement expressif par rapport au reste. Bernard Dantier (2004). Textes de méthodologie en sciences sociales. Extrait de : Gaston Bachelard, La formation de l’esprit scientifique. Paris : Vrin, 1999, chapitre 1er. http://dx.doi.org/doi:10.1522/cla.bag.obs 2 3 Bérédougou KONE. «Identification et exploitation d’obstacles». RADISMA, Numéro 12 (2016), http://www.radisma.info/document.php?id=1551. ISSN 1990-3219 Au sens écologique du terme, l’écosystème est un réseau d’interactions, qui s’établissent entre diverses espèces, entre ces espèces et divers éléments du biotope, et les interactions indirectes entre espèces passant par une modification du biotope. Le terme « système » peut être symbolisé par de document 1, ci-dessous. Il s’agit d’un ensemble d’éléments interactifs dans lequel les lettres en majuscules représentent des compartiments ou parties matérielles identifiées ; les flèches représentent des interactions directes ou indirectes, pouvant être soit des transferts de matière et/ou d’énergie, soit des déterminations purement causales, comme des transferts d’information. Docoment 1 : Organisation d’un système d’interactions (Réf. Frontier, Viale, 2008 p.6) Concernant l’information entre deux compartiments, l’action peut être soit à sens unique (causalité classique), soit à double sens (action réciproque, causalité circulaire). On peut également faire figurer l’action d’un élément sur lui-même (auto-contrôle, auto-assemblage). Le sens que nous voulons donner au concept d’écosystème, et que nous estimons, qui peut être aisément compris, est le système défini par Frontier, Viale et al., (2008). Ce système a les propriétés suivantes : - un ensemble coordonné, issu d’un développement historique, reliant par des interactions réciproques les différentes composantes, vivantes et physico-chimiques ; - un ensemble dont émergent des propriétés globales, conséquence d’une organisation de ces interactions entre elles ; - un ensemble insécable, en ce sens qu’en dissocier les pièces, le dénature. Selon Frontier et al. (2008), tout système est doté d’une organisation hiérarchique, base d’une certaine régularité dans les sous-systèmes. Cela permet au système de se maintenir, de persister. Ce qui conforte l’idée qu’un écosystème n’est jamais figé, au contraire il est toujours en mouvement et en évolution. Celle-ci est la conséquence de sa propre dynamique et des perturbations qu’il subit. Ces auteurs donnent un exemple qui convient parfaitement à ces conceptions : « le milieu physicochimique correspond dans sa plus grande généralité aux enveloppes externes des planètes, de l’atmosphère aux grands fonds océaniques et aux roches calcaires profondes, enveloppes dont les compositions, configurations et l’évolutions seraient nettement différentes sur une planète dépourvue de vie » (Frontier et al., 2008, p.529). Méthodologie et recueil de données La méthodologie utilisée est fortement inspirée du travail de Gerhard Schaeter dans le cadre de l’exploration d’un champ conceptuel, et qu’Alstolfi et al. (1997) ont adapté pour les concepts de respiration, et d’évolution. Nous avons adapté cette méthodologie à notre concept choisi (écosystème). Elle nous permet de nous faire une idée des connaissances acquises par les élèves professeurs, des obstacles persistants sur le concept. Rappelons qu’ils ont pris des cours sur ce concept à plusieurs reprises pendant leur cursus scalaire. Le travail se déroule en séquences, avec une alternance de 4 Bérédougou KONE. «Identification et exploitation d’obstacles». RADISMA, Numéro 12 (2016), http://www.radisma.info/document.php?id=1551. ISSN 1990-3219 travaux de groupe de dix (10) élèves professeurs et une présentation des résultats de chaque groupe pour un débat de classe. Dans ces différentes séquences, nous amenons chaque élève à réfléchir sur ses conceptions, à les verbaliser, à les confronter à celles des autres ou à d’autres connaissances. La méthodologie consiste à faire une analyse de la matière (le concept d’écosystème) en faisant référence aux différents champs disciplinaires qui peuvent aider à cette analyse ou la reconstruction du concept. Nous adhérons à l’idée de Astolfi et al, selon laquelle, cette méthodologie « consiste à faire éclater une vision figée, linéaire des concepts telle qu’elle est trop souvent perçue à travers les activités scolaires » (Astolfi et al, 1997, p.64). Le travail se déroule suivant quatre (4) phases avec des consignes précises. Phase 1 : la récolte des mots Consigne : écrivez dans l'ordre qui vous vient à l'esprit, les 10 premiers mots qu'évoque pour vous le concept d'écosystème. Phase 2 : le classement des mots [Chaque groupe dispose de la totalité des mots recueillis et utilise le document outil : grille de classement des mots (Document 2)] Consigne : regroupez les mots recueillis par champs disciplinaires avec la distinction de différents niveaux marqués par les cercles. Document 2 : document outil Légende : PPN : production primaire nette ; PPB : production primaire brute ; PS : production secondaire ; R. intra : relations intra spécifiques ; R. inter : relations interspécifiques ; R. trophiques : relations trophiques ; Cycles BGC : cycles biogéochimiques ; E. vivants : êtres vivants. Phase 3 : la confrontation et discussion Consigne : A partir de la confrontation des trois grilles obtenues précédemment, construire une seule grille de synthèse qui sera présentée au tableau et analysée. Phase 4 : l’approfondissement du concept Consigne : classez par ordre d’importance décroissante dix (10) mots représentant au 5 Bérédougou KONE. «Identification et exploitation d’obstacles». RADISMA, Numéro 12 (2016), http://www.radisma.info/document.php?id=1551. ISSN 1990-3219 plan écologique les aspects fondamentaux du concept d’écosystème. Ne prendre en compte que les mots déjà trouvés dans phase 1. Les Données recueillis Mots récoltés : 59 mots, figurant dans le tableau ci-dessous, sont récoltés à l’issu de la synthèse des résultats des trois groupes sur le concept écosystème. Ils sont inscrits dans l’ordre dicté par les élèves. Tableau 1 : les mots en rapport avec le concept écosystème trouvés par les élèves professeurs 1- Biotope 13- Biome 24- Producteurs 36- Compétition 48- Mortalité 2- Biocénose 14- Végétation 25- Photosynthèse 37- Symbiose 49- Natalité 26- Décomposition 38- Prédation 50- Nature 3- Interactions 15- Végétaux 16- Flore 27- Énergie 51- Agro système 4- Système 39- Pollution 17- Facteurs 28- Hétérotrophie 52- Pluviométrie 5- Milieu 40- Climax 6- Êtres vivants écologiques 2941- Climat 53- Population 18Microorganismes 7- Chaîne 42- Communauté 54- Sol alimentaire Autotrophie 30-Température 4355- Roche 31- Eau, 32-Air 568Flux 19- Énergie Consommateurs d’énergie solaire 33- Lumière 44- Commensaux Accommodation 20- CO2, 21- O2 34- Facteurs 57- Proie 9- Nutriments 45- Adaptation 10- Parasitisme 22- Biomasse édaphiques 4658- Atmosphère 23- Biosphère 3559- Respiration 11- Animaux Environnement 12- Faune Commensalisme 47- Habitat La grille construite (Document 3) Chaque groupe a identifié des champs disciplinaires en rapport avec les mots trouvés, puis ont élaboré une grille en se référant au document 1. Les trois grilles sont ensuite affichées au tableau pour confrontation afin d’établir une grille de synthèse admise par tous les groupes. La grille de synthèse obtenue (Document 3 ci-dessous) montre huit (8) champs disciplinaires (disciplines scientifiques), y compris l’écologie, définis à partir de l’ensemble des mots effectivement trouvés par les différents groupes. En référence à la grille document de référence (Document 2), la grille de synthèse est construite avec trois zones de niveaux différents prédéfinies par Gerhard Schaeter (Astolfi et al., 1997) : - dans la zone extérieure, en vert (1), sont placés les mots de la langue commune ou familière selon leur appartenance plus ou moins marqués pour un champ disciplinaire, - dans la zone intermédiaire, en rose dégradé (2), sont placés les mots du langage scientifique qui peuvent être considérés comme caractéristiques de chacun des champs disciplinaires, - dans la zone intérieure, en bleu dégradé (3), sont placés les mots qui ont une résonnance transdisciplinaire, et qui constituent le noyau dur du concept écosystème. Dans cette zone, six (6) mots sont inscrits : système, interactions, biotope, biocénose, flux d’énergie, chaîne alimentaire. 6 Bérédougou KONE. «Identification et exploitation d’obstacles». RADISMA, Numéro 12 (2016), http://www.radisma.info/document.php?id=1551. ISSN 1990-3219 Document 3 : grille de synthèse construite par la classe Approfondissement Les mots clés du concept : en fonction des mots qui sont trouvés et utilisés pour construire la grille, les dix mots dans un ordre d’importance décroissant que les élèves professeurs ont trouvés après la synthèse des travaux des trois groupes sont les suivants : 1-biotope 6- transfert d’énergie 2-biocénose 7- photosynthèse 3-interactions 9- producteurs 4-chaîne alimentaire 8- consommateurs 5- climat 10- décomposeurs Nous avons ensuite fait un sondage par rapport à ces mots, c’est-à-dire, savoir le nombre d’élèves qui ont inscrits ces mots dans leur liste de départ, dans la phase 1. Le traitement de ce sondage a donné le document 4 ci-après ; il s’agit d’un diagramme montrant les pourcentages des élèves professeurs qui ont relevé ces mots. 7 Bérédougou KONE. «Identification et exploitation d’obstacles». RADISMA, Numéro 12 (2016), http://www.radisma.info/document.php?id=1551. ISSN 1990-3219 Document 4 : les mots par ordre d’importance Discussion Les dix mots que les élèves ont trouvés devaient être les mots clés du concept écosystème. Ces mots devaient constituer le noyau (zone 3, centrale) de la grille de synthèse. Selon Schaefer, les mots placés dans la zone 3 constituent des éléments invariants du concept, « son noyau dur » constitutif. La conception, « écosystème = biotope + biocénose », était, jusque-là, largement dominante dans la pensée des élèves professeurs. Pour 93% des élèves, les premiers mots cités étaient biotope et biocénose ; le mot interaction ne figurait pas sur leur liste de mots. Ce qui indique que la conception « écosystème = biotope + biocénose» est constante. Nos recherches en mémoire de master (Koné, 2013) confirment la constance de cette conception chez les élèves professeurs. Or cette conception est de nos jours dépassée, voire erronée, selon Faurie et al. (2011) ; Frontier et al.(2008). Le terme chaîne alimentaire figure dans la liste de mots de seulement 23% des élèves. Nous estimons que pour parvenir à une bonne compréhension du concept écosystème, il est primordial d’élargir la pensée aux notions de chaîne alimentaire (transfert de matière), qui est elle aussi indissociable des flux d’énergie. Ces transferts de matière et d’énergie impliquent donc des interactions multiples entre les éléments du biotope et de la biocénose. C’est cette vision que Frontier et al., ont tenté de faire comprendre. Ils proposent la formule « écosystème = biocénose 3 biotope » (Frontier et al., 2008, p. 2). Le signe désigne l’ensemble des interactions entre tous les éléments de la biocénose et tous les éléments de son biotope. Faurie et al., ont la même vison du concept : « c’est grâce à l’instauration de multiples interactions, entre biotope et biocénose, et au sein de la biocénose, entre organismes, que se met en place un système fonctionnel ou écosystème » (Faurie et al., 2011, p. 3). Des flux d’énergie et de matière traversent un écosystème et donc les communautés vivantes. Le moteur de ces flux selon Tirard & Barbault est l’ensemble des interactions trophiques (Tirard & Barbault, 2012). Les éléments d'un écosystème, qu'ils soient minéraux ou biologiques, sont engagés dans un processus cyclique de transfert de matière et d’énergie entres organismes et milieu (dans un écosystème). Les agents de ce transfert sont des éléments ou des organismes pouvant animer le processus par leur capacité d'assimilation, de transformation, d'accumulation, des ressources. Ce processus cyclique est régi par les chaînes alimentaires. Or ce sont ces chaînes alimentaires qui constituent les lieux de transit de matière et d’énergie qui animent et maintiennent la vie des écosystèmes. C’est dans ce cadre que nous estimons que chaîne alimentaire est une notion clée qu’il ne faut ni oublier, ni négliger. En définitive, un écosystème est un ensemble dynamique d'organismes vivants (plantes, animaux et micro-organismes) qui interagissent entre eux et avec le milieu (sol, climat, eau, lumière) dans lequel ils vivent. Selon Michel, (1999, p. 454), « l’apport essentiel de l’écologie est sans doute d’avoir montré que l’ensemble de populations existant dans un même milieu et présentant entre elles des interactions multiples, telles que les relations de cohabitation, de compétition, de prédation, de parasitisme, constituent avec le milieu où elles vivent des systèmes biologiques, les écosystèmes ». L’écosystème est donc un système biologique complexe formé par les divers organismes vivant ensemble dans un milieu et par les éléments de ce milieu, qui interviennent dans leur existence. En 2004, les auteurs du rapport commandité par l'ONU et intitulé « 3 Le signe désigne en mathématiques, un produit tensoriel symbolique : tableau des interactions de chaque élément d’un des ensembles avec chaque élément de l’autre. 8 Bérédougou KONE. «Identification et exploitation d’obstacles». RADISMA, Numéro 12 (2016), http://www.radisma.info/document.php?id=1551. ISSN 1990-3219 l'Évaluation des Écosystèmes pour le Millénaire », définissent un écosystème comme un « complexe dynamique composé de plantes, d’animaux, de micro-organismes et de la nature morte environnante agissant en interaction en tant qu’unité fonctionnelle »4. La présence des mots comme interactions, chaîne alimentaire, flux d’énergie dans la grille de synthèse, donne une indication rassurante sur un éventuel franchissement de l’obstacle : « absence d’interactions entre les éléments d’un écosystème » qui, soustend la conception «écosystème = biotope + biocénose ». La grille est ici un outil didactique qui permet de prendre en compte la conception des élèves, de travailler avec, de façon que ceux-ci soient conscients des obstacles qu’ils ont et de négocier avec eux l’évolution de leur conception sur le concept écosystème. De cette façon nous avons l’espoir qu’ils pourront s’approprier du concept et leur permettre de mieux apprendre et de mieux fixer les savoirs. Conclusion La stratégie didactique que nous avons mise en œuvre, avec les futurs professeurs de SVT, nous a permis dans un premier temps de mettre en évidence les obstacles d’apprentissage résiduels sur le concept écosystème. La mise en évidence de ces obstacles a permis, plus aisément de faire adhérer les élèves à une attitude réflexive et à un travail intellectuel sur leurs conceptions du concept écosystème, et qui peut, de ce fait, faire évoluer leurs conceptions et leurs savoirs scientifiques sur le concept. C’est en amenant les élèves professeurs à reconstruire eux même les savoirs qu’ils arrivent à découvrir l’évidence qu’ils ont des conceptions qui deviennent des obstacles à l’intériorisation et l’appropriation des certains concepts qui leur sont enseignés. Il s’agit en effet de : - rompre avec l’idée d’un enchaînement linéaire des notions constitutives du concept d’écosystème, - prendre en compte les structures cognitives personnelles des apprenants, - démonter que la construction d’un concept se réalise dans l’interaction de plusieurs champs disciplinaire. Bibliographie Astolfi, J.-P. ; Darot, E. ; Ginsburger-Vogel, Y. & Toussaint, J. (1997). Pratiques de formation en didactique des sciences. Paris : De Boeck. Astolfi, J.-P. & Peterfalvi, B. (1993). Obstacles et construction de situations didactiques en sciences expérimentales. Aster, 16, 103-141. Paris : NRP. Astolfi, J.-P. & Peterfalvi, B. (1997). Stratégies de travail des obstacles. Dispositifs et ressorts. Aster, 25, 193-216. Paris : INRP. Barbault, R. (2008). Écologie générale (6è éd.) : Structure et fonctionnement de la biosphère. Paris : Dunod. Brousseau, G. (1998). Les obstacles épistémologiques, problèmes et ingénierie didactique In Brousseau, G. (Ed. 1998), Théorie des situations didactiques (pp.115-160). Grenoble : Pensée sauvage. Cohen-Azaria, C. ; Daunay, B. ; Delcambre, I. & Lahanier-Reuter, D. (2013). Dictionnaire des concepts fondamentaux des didactiques (3ème édition). Bruxelles : De Boeck. Faurie, C. ; Ferra, C. ; Médori, P. ; Dévaux, J. & Hemptinne, J.-L. (2011). Écologie : Approche scientifique et pratique (6ème éd.). Paris : Lavoisier. Frontier, S. ; Pichod-Viale, D. ; Leprêtre, A. ; Davoult, D. & Luczak, C. (2008). Écosystèmes : Structure, Fonctionnement, Évolution (4è éd.). Paris : Dunod. 4 http://www.biocoop.fr/la-bio/glossaire-de-la-bio/a-f/ecosysteme 9 Bérédougou KONE. «Identification et exploitation d’obstacles». 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