Arbovirus
Le terme d’arbovirus (de l’anglais arthropode borne
virus)regroupe un ensemble de plus de 500 virus. Ces
virus sont transmis habituellement, dans les conditions
naturelles, de vertébré àvertébré par un arthropode
hématophage, qui joue le rôle de vecteur. Les arbovi-
roses sont des anthropozoonoses, l’homme n’étant pas
le seul hôte vertébré susceptible d’être infecté. Il yapar
ailleurs toujours réplication virale chez le vecteur.
Cette définition est purement épidémiologique et non
virologique. Hormis quelques rares exceptions, tous
les arbovirus appartiennent àcinq familles de virus
( Togaviridae, Flaviviridae, Bunyaviridae, Reoviridae,
Rhabdoviridae), mais tous les virus de ces familles ne
sont pas des arbovirus.
Une centaine de ces virus sont connus comme patho-
gènes pour l’homme et une quarantaine sont respon-
sables de pathologies animales pouvant avoir des
conséquences économiques importantes. Beaucoup
d’autres sont pour le moment considérés comme «or-
phelins »demaladie.
Épidémiologie
Il existe des arbovirus dans toutes les régions du monde,
avec une répartition géographique plus ou moins éten-
due, dépendante de la disponibilité du vecteur et du
réservoir naturel animal, sauvage ou domestique. Cette
répartition géographique est sujette àvariation dans le
temps, en particulier en fonction des conditions clima-
tiques, et dans l’espace, du fait d’un transport possible
par des oiseaux migrateurs. La majorité des arbovirus
pathogènes pour l’homme est rencontrée en zone inter-
tropicale, mais d’autres virus sévissent en zone tem-
pérée :virus de l’encéphalite àtique (tick borne
encephalitis virus,ouvirus TBE) dans l’est de la France,
en Europe et en Asie centrale, virus West-Nile dans les
zones humides du sud de la France et autour de la
Méditerranée, phlébovirus en Sicile et Toscane autour
de la Méditerranée, virus de l’encéphalite de Saint-
Louis (SLE), bunyavirus du groupe California et main-
tenant virus West-Nile aux États-Unis. Il est classique
de distinguer les infections contractées hors France
métropolitaine, dites arboviroses d’importation, des
arboviroses autochtones, comme TBE. Cette notion
reste relative, dans la mesure où la dengue est endé-
mique et autochtone dans plusieurs DOM-TOM,
exempts de TBE.
L’infection se transmet par voie sanguine alternative-
ment de vecteur àvertébré puis de vertébré àvecteur.
Sont concernés :les mammifères (singes, rongeurs,
Guide des analyses spécialisées
chauves-souris, animaux domestiques), les oiseaux, les
batraciens, les reptiles. L’homme peut entrer accidentel-
lement dans le cycle de transmission virale àlaplace
d’un autre mammifère ou être lui-même le réservoir
naturel du virus, comme c’est le cas pour les quatre
virus de la dengue. L’infection peut aussi dans certains
cas se transmettre verticalement de vecteur àvecteur :
le virus persiste dans les œufs du vecteur et infecte la
génération suivante, permettant une persistance virale
même sans infection de l’hôte vertébré habituel, surtout
pendant les périodes où le vecteur est saisonnièrement
absent (hiver en zones tempérées). Différents types de
vecteurs sont en cause selon les virus :moustiques,
phlébotomes, culicoïdes, tiques, avec une spécificité
d’espèce variable.
Selon le virus, la disponibilité du vecteur, la climatolo-
gie, la concentration humaine, la modification des acti-
vités humaines, les éventuels bouleversements
écologiques en cours (déforestation, assèchement des
zones humides, urbanisation galopante, etc.), l’homme
sera en contact plus ou moins proche et répété avec
un arbovirus. On constatera des cas sporadiques (fièvre
jaune des chasseurs et des forestiers), des épidémies plus
ou moins étendues (épidémies àvirus West-Nile en
Europe méditerranéenne, émergence du même virus aux
États-Unis depuis 1999), voire l’installation de zones
d’endémie stable (cas de la dengue dans les grandes
villes du Sud-Est asiatique).
Physiopathologie
L’injection de salive virulente par l’arthropode est sui-
vie d’une réplication àproximité du point d’inoculation
et dans les ganglions lymphatiques régionaux, puis
d’une phase de virémie de quelques jours, jusqu’à
l’apparition des premiers anticorps. Cette virémie
assure la contamination de nouveaux arthropodes et
une dissémination systémique du virus vers le système
nerveux central, le foie, les reins, les glandes endocrines
et salivaires, etc. La réponse immune humorale aboutit
rapidement àlaproduction d’anticorps neutralisants
qui protègent durablement contre une infection ulté-
rieure par le même virus. L’immunité, àmédiation cel-
lulaire, est àl’origine de réactions inflammatoires
périvasculaires parfois intenses, en particulier au niveau
du système nerveux central, pouvant être àl’origine de
lésions.
Aspects cliniques
Les infections par les arbovirus provoquent des
tableaux cliniques très variés. Les infections asympto-
matiques sont fréquentes et possibles même dans le cas
de virus dangereux comme le virus de la fièvre jaune.
Le plus souvent, suite àune incubation silencieuse qui
dure de 1à10jours, l’infection évolue en deux phases
séparées par une courte phase de rémission.
La phase d’invasion est d’installation brutale, peu
caractéristique. Elle dure 2à3jours, avec une fièvre
élevée (39–40 °C), un malaise général intense associé à
des frissons, céphalées, nausées, myalgies et arthralgies.
Lui succède une courte rémission de 12 à36heures
avec la quasi-disparition des signes généraux et une
température autour de 37–38 °C. La phase d’état sur-
vient ensuite avec un retour de la fièvre en plateau
autour de 40 °C, associée aux mêmes signes que précé-
demment, auxquels peuvent s’ajouter d’autres symp-
tômes qui permettent de distinguer trois grands
tableaux cliniques.
—Syndromes aigus fébriles, dits «dengue-like »
Avec céphalées intenses, frontales et rétro-orbitaires,
myalgies, arthralgies des membres, photophobie,
insomnie. Des signes digestifs (nausées, vomissements,
diarrhées) sont fréquents, un rash maculopapuleux du
tronc et de la racine des membres, parfois purpurique,
peut s’observer. L’asthénie est constante. La biologie
montre une leucopénie avec lymphocytose, souvent une
thrombopénie. Une cytolyse hépatique modérée est plus
rarement constatée. Ces syndromes sont presque tou-
jours spontanément résolutifs en 1à2semaines, sans
séquelles, avec la persistance d’une asthénie parfois
intense pendant quelques jours àquelques semaines.
—Syndromes encéphalitiques
D’expression et d’intensité très variable, pouvant aller
du discret syndrome méningé fébrile àune méningo-
encéphalo-myélite de pronostic sévère. Les lésions d’ori-
gine inflammatoire associées aux atteintes directes de
certaines cellules nerveuses par le virus peuvent provo-
quer des troubles moteurs, des troubles végétatifs, des
troubles de la conscience et des troubles psychiques. Ce
tableau évolue après 10 jours de fièvre soit vers
une guérison le plus souvent sans séquelles, soit vers
l’installation de séquelles neurologiques graves, soit
vers un coma fatal.
—Syndromes hémorragiques
Certains arbovirus sont responsables de fièvres hémor-
ragiques virales (FHV), mais toutes les FHV ne sont pas
dues àdes arbovirus. Si le virus de la fièvre jaune est
le plus célèbre, les virus de la dengue sont aussi très
souvent responsables de syndromes hémorragiques
graves en zone d’endémie, surtout chez l’enfant. On
pourra constater des phénomènes hémorragiques très
variables, allant d’une simple tendance hémorragique
(épistaxis, gingivorragies, pétéchies, hémorragie
conjonctivale) associée àunsyndrome fébrile dengue-
like,àdes hémorragies massives et multiples avec choc.
L’évolution peut être rapidement fatale ou se faire vers
une guérison sans séquelles.
Certains virus peuvent provoquer indifféremment l’un
ou l’autre de ces tableaux cliniques. Les tableaux 49
à51regroupent par syndrome clinique les principaux
arbovirus pathogènes pour l’homme et leur répartition
géographique.
Ces infections ont toujours une incubation brève
(15 jours au maximum) et sont toujours aiguës. Il sera
donc inutile d’évoquer une étiologie arbovirale devant
un syndrome fébrile chronique ou devant un syndrome
fébrile aigu survenant plus de 2semaines après un
retour de zone d’endémie, en dehors d’une éventuelle
contamination par les virus circulant en France :
Tableau49. Principaux arbovirus
àl’origine de syndromesaigus fébriles
FamilleVirusRépartition géographique
Alphavirus
ChikungunyaAfrique subsaharienne, Asie
tropicale
O’NyongNyong Afrique subsaharienne
Togaviridae Ross river Australie, Pacifique sud
Sindbis Europe, Afrique, Asie,
MayaroAustralie
Amérique tropicale
Flavivirus
Dengue (quatreAsie, Amérique, Afrique,
sérotypes) Océanie
West-Nile Afrique, Moyen-Orient
Flaviviridae Sous-continent indien
Bassinméditerranéen
Amérique du Nord
Wesselbron, BanziAfrique subsaharienne
Zika
Bunyavirus
Bwamba, Ilesha Afrique subsaharienne
Bunyamwera,
Tataguine
Oropouche Amérique tropicale
Apeu, Carapeu, Itaqui Amérique tropicale
Marituba, Murutucu,
Bunyaviridae Nepuyo
Oriboca, Ossa,Restan
Guama, Catu Amérique tropicale
Phlebovirus
Sicile,Naples,Bassinméditerranéen
Toscane Amérique tropicale
Chagres,Candiru Afrique
Vallée du Rift
Orbivirus
Orungo Afrique subsaharienne
Reoviridae Coltivirus
Coloradotickfever Amérique du Nord
Tableau50. Principaux arbovirus
àl’origine de syndromesencéphalitiques
FamilleVirusRépartition géographique
Alphavirus
–encéphalitquine Amérique du Nord
de l’Est
Togaviridae –encéphalitquine Amérique du Nord
de l’Ouest
–encéphalitquine Amérique tropicale
vénézuelienne
Flavivirus
–encéphaliteSous-continent indien
japonaise Asie du Sud-Est et du Nord-
Est
Pacifique occidental
–encéphalitedeAustralie, Nouvelle-Guinée
Murray Valley et Kunji
–West-Nile Afrique, Moyen-Orient
Sous-continent indien
Flaviviridae Amérique du Nord
Bassinméditerranéen
–encéphalites de Amériques
Saint-Louis
–encéphalites àEurasietempérée
tiques
–PowassanAmérique du Nord
Asie du Nord-Est
–Rocio Amérique du Sud
Bunyavirus
–Californie, La Amérique du Nord
Bunyaviridae Crosse
–Tritittatus
–JamestownCanyon
virus de l’encéphalite àtiques (TBE) dans l’est, virus
West-Nile en bordure de la Méditerranée.
Traitement
Il n’existe pas de traitement spécifique des arboviroses.
Le traitement est symptomatique, associant repos et
antipyrétique dans le cas des syndromes aigus fébriles,
en évitant toujours l’aspirine en raison de la thrombo-
pénie souvent présente et du risque hémorragique éven-
tuel. Les formes encéphalitiques et hémorragiques
doivent bénéficier des techniques de réanimation lour-
des, ce qui n’est pas toujours possible en zone
d’endémie.
Prophylaxie
La prophylaxie repose sur plusieurs axes :
surveillance des foyers d’endémie :surveillance des
réservoirs naturels avec isolement de virus, sur-
veillance des populations de vecteurs, surveillance
sérologique des populations humaines exposées ;
Guide des analyses spécialisées
Tableau51. Principaux arbovirus
àl’origine de fièvres hémorragiques
FamilleVirusRépartition géographique
Flavivirus
–dengue (quatreSous-continent indien
sérotypes) Asie du Sud-Est et du Nord-
Est
Pacifique occidental
–fièvrejaune Australie, Nouvelle-Guinée
Flaviviridae
–forêt de Kyasanur Afrique, Moyen-Orient
Sous-continent indien
Amérique du Nord
Bassinméditerranéen
–Omsk Amériques
Phlebovirus
–vallée du RiftAfrique
Bunyaviridae Nairovirus
–Crimée-Congo Afrique, Eurasieméridionale
In :Rodhain F. –Fièvrejaune, dengue et autres arboviroses.–EMC –Maladies
infectieuses2001 ;8-062-A-10, pp. 4-5.
vaccination des animaux domestiques pouvant servir
de relais d’infection ;
lutte anti-vectorielle avec contrôle des populations de
vecteurs domestiques responsables de la transmission
àl’homme (démoustication, suppression des gîtes lar-
vaires, etc.) ;
protection de la population humaine :par lutte contre
la transmission (moustiquaires, répulsifs, etc.) ou par
vaccination. Le vaccin anti-amaril est déjà ancien et
très efficace, mais il existe également un vaccin contre
le virus de l’encéphalite japonaise ou contre le virus
TBE. Un vaccin contre les virus de la dengue est
attendu dans les années àvenir.
Diagnostic biologique
Le diagnostic biologique des arboviroses repose sur
l’isolement du virus, réservé àdetrès rares laboratoires
de référence spécialisés, sur la détection directe du virus
par PCR dans le sang et surtout sur la sérologie.
—Diagnostic direct
L’isolement reste le diagnostic le plus précis en raison
des difficultés possibles d’interprétation de la sérologie.
Le virus peut être isolé àpartir de tous types de prélève-
ments selon le tableau clinique, mais surtout du sang
périphérique en phase aiguë virémique. L’isolement
peut se faire par inoculation intracérébrale au souriceau
nouveau-né ou par inoculation au moustique, mais sur-
tout par culture sur cellules de vertébrés ou d’inverté-
brés (moustiques ou tiques) en lignée continue, avec
surveillance de l’apparition d’un effet cytopathogène
(ECP). L’ECP n’est pas toujours présent et la recherche
d’antigènes viraux par immunofluorescence indirecte
est systématique. L’identification du virus en cause
repose sur des techniques immunologique ou molécu-
laire utilisant PCR et éventuellement séquençage.
Des techniques de détection directe d’antigène viral
sérique par test immunoenzymatique ont été mises au
point en particulier pour la dengue, mais la meilleure
sensibilité de détection directe des arbovirus est obtenue
par PCR spécifique. Différentes amorces et sondes ont
été développées pour détecter spécifiquement un virus
ou un groupe de virus. On peut ainsi détecter soit un
des quatre virus de la dengue, soit les quatre virus de la
dengue en une seule PCR, soit tous les flavivirus avec
une identification secondaire par séquençage. La PCR
permet un diagnostic rapide en phase aiguë, avant
l’apparition des anticorps. Cependant, sa sensibilité
reste liée àladurée de la phase virémique (3 à5jours),
avec le risque d’un résultat négatif sur un prélèvement
trop tardif.
—Sérodiagnostic
Le diagnostic indirect reposait classiquement sur l’inhi-
bition de l’hémagglutination (IHA) :les anticorps
sériques empêchent l’hémagglutination des hématies
d’oie par la plupart des arbovirus. Ces anticorps appa-
raissent quelques jours après le début de la phase aiguë,
atteignent rapidement des taux élevés significatifs
(> 640), diminuent ensuite après plusieurs mois et per-
sistent très longtemps àtaux bas. Cependant, ils sont
peu spécifiques :les réactions croisées entre virus d’une
même famille sont intenses et ne permettent qu’un diag-
nostic de groupe, mais pas de diagnostic précis.
La réaction de fixation du complément, peu sensible et
tardive, et la séroneutralisation, très spécifique mais
très lourde àmettre en œuvre, sont rarement utilisées.
Le diagnostic sérologique se fait actuellement en EIA
par la recherche des IgM spécifiques en immuno-
capture. Ces techniques sont àlafois très sensibles et
très précoces :les IgM sont présentes habituellement au
2
e
ou 3
e
jour de la fièvre, mais parfois plus tardivement,
jusqu’à 8jours. La recherche des IgM est la plus spéci-
fique des réactions sérologiques disponibles, les réac-
tions croisées en IgM entre virus d’une même famille
sont rares et faibles. Cependant, elles sont suffisantes
entre les 4virus de la dengue pour permettre l’utilisa-
tion d’un seul test pour le diagnostic d’une infection par
l’un de ces virus. Un résultat négatif, même confirmé
sur un second prélèvement en cas de premier prélève-
ment très précoce, n’élimine donc que l’infection sus-
pectée, mais ne peut pas éliminer une éventuelle autre
arbovirose.
La recherche des IgM spécifiques doit être associée à
celle des IgG en EIA. Les IgG apparaissent quelques
jours après les IgM et confirment un résultat initial
d’IgM isolées. Ces IgG persistent très longtemps et
peuvent signer une infection ancienne après la dispari-
tion des IgM, habituellement après 6à8semaines.
Cependant, les réactions sérologiques croisées en IgG
entre virus d’une même famille sont fortes et rendent
l’interprétation des résultats parfois délicate. Les infor-
mations disponibles sur la zone géographique de voyage
récent, sur la notion d’une vaccination anti-amarile
antérieure, sur le tableau clinique, sur les voyages et
séjours antérieurs en zone d’endémie sont très impor-
tantes pour le choix des antigènes àutiliser et pour une
interprétation correcte des résultats obtenus.
Alphavirus, Dengue, Encéphalite àtiques (TBE), Encépha-
lite japonaise, Fièvrejaune, We st-Nile (virus)
(Rodhain F.
Fièvrejaune, dengue et autres arboviroses.
EMC –Maladiesinfectieuses2001 ;8-062-A-10, 19 p.
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