Initiative des Alpes Association pour la protection des régions alpines contre le trafic de transit
Herrengasse 2 Case postale 28 CH-6460 Altdorf Tél. +41 (0)41 870 97 89
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Office fédéral de l’environnement
Division Espèces, écosystèmes et paysages
3003 Berne
Altdorf/Fribourg, le 5.12.2011
Prise de position sur la Stratégie Biodiversité Suisse
Madame la Conseillère fédérale Leuthard,
Mesdames, Messieurs,
L’Initiative des Alpes remercie l’OFEN de lui donner l’occasion de se prononcer, dans le
cadre de la consultation, sur la stratégie susmentionnée et prend position comme suit :
L’Initiative des Alpes soutient les buts de la Stratégie Biodiversité Suisse qui coïncident avec
ceux de l’association. Nous regrettons par contre qu’aucun but ne soit formulé de façon
quantitative et que la Stratégie se limite à des perspectives pour l’année 2020. Des objectifs
à l’horizon 2050, voire 2100, doivent impérativement être intégrés.
Nous demandons un planning plus ambitieux pour la mise en œuvre des mesures
(élaborées avec tous les acteurs concernés dans un processus participatif) et la prise en
compte systématique de l’espace alpin, comme source unique et importante de biodiversité.
L’espace alpin doit tenir une place particulière dans l’élaboration des plans d’action. Dans ce
contexte, l’Initiative des Alpes demande qu’un de ces plans soit explicitement consacré aux
Alpes avec une mise en œuvre de mesures de protection et d’encouragement de la
biodiversité au niveau international.
Les thèmes qui interagissent directement ou indirectement avec la biodiversité, tels les
changements climatiques (particulièrement importants pour les Alpes), la pollution de l’air et
la pollution lumineuse, le bruit, la consommation et l’aménagement du territoire doivent selon
nous être mieux développés dans le document présenté.
Les transports et leur politique ont une influence sur les écosystèmes et doivent donc
s’orienter de façon à protéger leur biodiversité. Le but du transfert de la marchandise en
transit dans les Alpes de la route au rail doit être intégré dans la Stratégie et dans un plan
d’action spécialement conçu pour protéger la biodiversité dans les Alpes.
Voici en détail nos remarques et nos demandes:
Des buts quantifiables et un planning plus ambitieux
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La Stratégie propose des champs d’action pour des buts stratégiques. Nous soutenons
l’objectif final de la Stratégie qui est la conservation de la biodiversité suisse à long terme, ce
qui correspond aux objectifs de l’Initiative des Alpes. Dans nos statuts, on peut en effet lire à
l’article 2 que « L’association a pour but de protéger les régions alpines contre les effets
négatifs du trafic de transit et de préserver ces régions en tant qu’espaces vitaux ».
Selon nous, l’article 84 de la Constitution fédérale, introduit suite à l’acceptation de l’initiative
des Alpes, doit être cité dans la Stratégie (« 1. La Confédération protège les régions alpines
contre les effets négatifs du trafic de transit. Elle limite les nuisances causées par le trafic de
transit afin qu’elles ne portent pas atteinte aux êtres humains, aux animaux, aux plantes, ni à
leurs espaces vitaux. »).
Les buts présentés dans la Stratégie doivent être concrétisés et quantifiés dans les plus
brefs délais. Nous demandons un planning plus ambitieux : la Stratégie Biodiversité Suisse
doit être finalisée au début 2012, le plan d’action y relatif doit être publié encore en 2013 et la
mise en œuvre des nouvelles mesures au plus tard début 2014. Même ainsi, il paraît très
difficile de concrétiser des projets dans un délai de 6 ans (de 2014 à 2020). Il nous semble
important de prévoir le plus vite possible la mise en œuvre de projets pilotes. Dans la
Stratégie il faudrait en outre introduire une vision à plus long terme pour les années 2050 et
2100.
La présente Stratégie doit être en accord avec les autres stratégies élaborées ou en phase
d’élaboration par l’administration fédérale (par exemple Stratégie développement durable ou
Projet de territoire suisse).
La particularité de l’espace alpin insuffisamment développée
Les Alpes couvrent 61% de la superficie de la Suisse. L’espace alpin est un ensemble formé
de plusieurs écosystèmes : prairies naturelles, marges glaciaires, lacs haut-alpins, torrents,
sources, versants secs pour n’en citer que quelques-uns. Il représente inévitablement une
grande réserve de biodiversité et celle-ci est une des importantes ressources de notre pays.
Les écosystèmes de montagne comptent parmi les plus riches en espèces de la planète,
formant un gigantesque réservoir génétique. On recense dans les Alpes environ 30'000
espèces animales et 13'000 espèces végétales. Certaines plantes à fleurs sont endémiques,
à savoir qu’on ne les trouve que dans les Alpes ou dans certaines régions des Alpes.1 Cet
espace alpin est important et même essentiel pour le tourisme et pour la vie dans les Alpes.
La Suisse, malgré sa faible surface, possède des espèces uniques au monde et doit donc
prendre ses responsabilités envers la communauté internationale en s’engageant pour la
conservation de cette diversité d’écosystèmes et d’espèces d’importance mondiale.
Selon nous, la région alpine a été trop peu prise en compte dans l’élaboration de la Stratégie
Biodiversité Suisse. Il faudrait introduire, dans chaque chapitre de la Stratégie, l’aspect

1D.Aeschimann,K.Lauber,D.M.Moser,J.P.Teurillat,«Floraalpina»,HauptVerlag,2004
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spécifique des Alpes et des zones montagnardes. Dans la mise en œuvre de la Stratégie,
nous demandons en outre un plan d’action spécifique pour les Alpes, perçues comme
écosystème international. Il faudrait donc l’envisager comme programme à mettre en place
avec nos pays voisins. Dans ce contexte, il faudra tenir compte d’autres sources
d’information, telles que l’Alpine Space Programme ou econnect, des programmes
européens d’étude et protection des Alpes. Entre aussi en ligne de compte la Convention
alpine qui reconnaît « que les Alpes sont un habitat et un refuge indispensables pour nombre
d'espèces animales et végétales menacées ». Malheureusement la Suisse n’a pas encore
ratifié le Protocole sur la protection de la nature de cette Convention.
La biodiversité et le changement climatique
Dans les Alpes, l’augmentation de température, due aux changements climatiques, a été
plus marquée que dans d’autres régions du globe et met en difficulté la biodiversité alpine.
En Suisse, durant le XXème siècle, les températures moyennes ont augmenté de 1.3 à 1.7
°C au nord des Alpes, et de 1.0 °C au sud des Alpes. Dans les Alpes ces augmentations ont
été plus marquées et ont atteint le double de ces valeurs. Des études ont montré qu’une
augmentation de la température de 2 °C permettrait à la plupart des espèces de s’adapter.
Par contre, avec une augmentation de 3 ou 4 °C, plusieurs espèces disparaîtront, entraînant
des pertes énormes pour la biodiversité2. L’évolution de la température est fortement liée à
des décisions politiques et des modifications de comportement qui doivent intervenir
aujourd’hui encore. On doit pourtant envisager le pire des scénarios. Certaines études
arrivent à la conclusion que le réchauffement climatique pourrait faire disparaître jusqu’à
45% de la flore de montagne d’ici 2100.3
Le climat joue un rôle central dans le développement des espèces végétales et leur diffusion.
De façon générale, le changement climatique déplace les conditions de croissance idéales
plus au nord et à des altitudes plus élevées. Il est possible que juste aux endroits où des
végétaux se sont déplacés, le sol ne soit pas propice à leur développement, ou que leur
temps d’acclimatation se révèle extrêmement long. Il arrive aussi que certaines espèces
aient déjà atteint le sommet des montagnes et qu’elles ne puissent plus « se déplacer » plus
haut pour vivre à leur température idéale. Par contre s’ils arrivent à s’implanter, ils peuvent
devenir des concurrents pour d’autres espèces indigènes qui risquent alors de disparaître.
Ce fut par exemple le cas pour une partie des pins sylvestres qui ont disparu ces dernières
années en Valais et perdu leur fonction protectrice. Un autre exemple est celui du gui qui
s’est déplacé de 200 mètres en altitude au cours des deux dernières décennies. Les
changements climatiques modifient également la période végétative (période de croissance
d’un végétal) et certains végétaux exotiques se développent dans des forêts indigènes (par
exemple les palmiers au Tessin). Certains animaux sont également contraints de migrer vers

2MartineRebetez«LaSuisseseréchauffe.Effetdeserreetchangementclimatique»,2011,PPURLausanne
3WolfgangPfefferkorn,Leiterdescc.alpsProjektszumKlimawandelindenAlpenbeiderInternationalen
AlpenschutzKommissionCiprainSchaan(Liechtenstein)
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le nord ou plus en altitude et concurrencent d’autres espèces animales. L’écosystème peut
en être extrêmement perturbé et perdre de sa biodiversité.
Ces dernières années, on a aussi observé des changements dans le régime des
précipitations : d’un côté des pluies plus intenses, de l’autre des températures douces en
montagne qui diminuent la probabilité d’avoir des précipitations. La quantité de neige
diminue considérablement. Tous ces changements influencent les écosystèmes et la
végétation. Les incendies deviennent plus fréquents avec le risque d’une grande perte de
biodiversité4.
Dans la Stratégie proposée, il faudrait entre autres analyser l’influence du retrait des glaciers
suisses ou de la disparition du permafrost sur la biodiversité dans les Alpes ainsi que sur les
écosystèmes (notamment aquatiques) de plaine.
La relation entre les changements climatiques et l’augmentation des émissions de CO2,
directement liée à l’augmentation du trafic, est confirmée depuis longtemps. Il faut rappeler
que 30% des émissions totales de gaz à effet de serre proviennent du trafic. Dans le
domaine du trafic, les émissions sont en augmentation continue, alors qu’une diminution est
nécessaire et légalement exigée (protocole de Kyoto). Réduire les émissions de CO2,
notamment celles du trafic, doit donc figurer parmi les buts de la Stratégie Biodiversité
Suisse.
L’augmentation de la concentration de CO2 dans l’air a également une influence sur la
croissance des végétaux. Cette conséquence doit être considérée et approfondie.
La réussite de la protection de la biodiversité en Suisse est aussi à attribuer à la mise en
œuvre d’une politique climatique stricte et ambitieuse. Protéger la biodiversité signifie aussi
lutter contre le changement climatique.
La biodiversité et la pollution de l’air
Dans la présente Stratégie, la relation très marquée entre la pollution de l’air et la
biodiversité n’a pas été assez prise en compte. Le trafic dégage des polluants
atmosphériques (en particulier des particules et des oxydes d’azote). Cette pollution nuit
directement à la flore alpine et indirectement à la faune alpine. Les oxydes d’azote, issus
principalement du trafic, sont transportés dans l’atmosphère sur de grandes distances et
retombent au sol avec les précipitations. Les Alpes ne sont donc pas épargnées par cette
pollution. Au contraire, c’est là que les concentrations sont parfois les plus élevées. Ces
éléments se trouvent normalement en petite quantité en haute montagne. Leur brusque
augmentation perturbe le développement des végétaux et augmente la concurrence entre
les espèces. Certaines espèces disparaissent. La diversité s’en trouve réduite.
Dans ce contexte, il faut rappeler que les camions qui circulent sur des routes de montagne
dégagent plus de pollution qu’en plaine, d’une part parce que les moteurs tournent plus vite,

4MartineRebetez«LaSuisseseréchauffe.Effetdeserreetchangementclimatique»,2011,PPURLausanne
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d’autre part parce que l’utilisation des freins y est accrue (des particules fines sont ainsi
émises dans l’atmosphère).
Les pluies acides ont aussi un impact négatif sur les lacs (surtout alpins) qui doivent, à
chaque printemps, surmonter un choc acide. Le sol aussi subit les conséquences de ces
apports d’acides. Il faudrait étudier quels sont les effets sur la biodiversité.
La pollution lumineuse et le bruit ont également une grande influence sur le comportement
des animaux en montagne, en particulier durant l’hiver lorsqu’ils ont besoin de tranquillité
pour surmonter les difficiles conditions climatiques ou hiberner. Ces aspects doivent être
approfondis dans la Stratégie présentée.
La protection de la biodiversité passe donc aussi par une bonne politique de lutte contre la
pollution et est étroitement liée avec la politique de santé.
La biodiversité et l’aménagement du territoire
La fragmentation du territoire, par la construction de voies de communication, est un des
grands problèmes auquel doit faire face la biodiversité et se heurte clairement à la mise en
place d’une vraie infrastructure écologique. Dans la Stratégie proposée, le lien direct entre la
construction des voies de communication et l’aménagement du territoire doit être développé,
notamment dans le chapitre 7.1.5 où les buts d’un aménagement bien pensé du territoire
devraient figurer comme moyen de protection et d’amélioration de la biodiversité. La
construction d’infrastructures de communication doit si possible être freinée et des
alternatives doivent toujours être étudiées et privilégiées. L’étude de l’influence de nouvelles
constructions sur la biodiversité doit être examinée pour chaque projet.
Autre problème lié à l’aménagement du territoire: ces dernières années les zones dans les
régions alpines d’habitation se sont accrues de plus de 20%. Les conséquences sur les
écosystèmes montagnards sont à considérer (trafic, bruit pollution, lumière).
Nous souhaitons introduire dans la Stratégie l’objectif quantitatif de transformer 10-15% de la
surface de la Suisse en surface de réseaux écologiques d’ici à 2020.
Marquer le lien entre la biodiversité et la consommation
Notre mode de vie influence la biodiversité. La relation entre la biodiversité et la
consommation de produits ainsi que la mise en valeur et le soutien de la production locale
doit selon nous être approfondie et introduite de manière explicite dans le document
présenté. La responsabilité et le rôle de la Suisse (importation et exportation de
marchandises) sur la biodiversité globale doivent être mieux analysés. Le récent rapport
« Impact environnemental de la consommation et de la production suisses » (2011) de
l’OFEV doit servir de référence. On y lit que 60% environ de la charge écologique totale des
importations en Suisse sont à attribuer aux atteintes à l’environnement à l’étranger.
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