es Jardins botaniques sont issus
généralement de Jardins d’acclima-
tation, dans lesquels les jardiniers
tentaient d’adapter des végétaux à nos latitudes
ou nos altitudes à des fins économiques ou
de découverte de la diversité des plantes exo-
tiques. L’exotisme se mesurait autant en mil-
liers de kilomètres qu’en centaines de mètres
d’altitude. La rareté était représentée par les
plantes utiles économiquement intéressantes
et acclimatables. En ces temps la Nature n’avait
pas de limites et regorgeaient de richesses dans
lesquelles il suffisait de puiser.
Cette fonction économique des Jardins botani-
ques a ensuite été complétée ou remplacée par
une mission d’éducation et de connaissance du
monde végétal. Les Jardins botaniques présen-
taient des collections destinées à étudier, com-
prendre et contempler la diversité et la richesse
des formes et des couleurs de plantes générale-
ment exotiques. La rareté était alors représen-
tée par l’exhaustivité des collections, ou par des
plantes extraordinaires venant d’ailleurs. On
commence à percevoir le monde environnant
d’une manière plus globale, sans toutefois ima-
giner que l’Homme puisse lui porter atteinte.
Or la période actuelle, inquiétante sur le plan
environnemental, cristallise sur les Jardins
botaniques de nouvelles missions qui évoluent
vers des considérations plus locales et en lien
direct avec une Nature menacée. Ainsi le rôle des
Jardins botaniques s’oriente de nos jours vers la
recherche, l’éducation et la conservation.
Les Jardins botaniques présentent des mas-
sifs de plantes menacées localement, afin de
nommer les êtres qui pourraient disparaître
définitivement, sans qu’on sache réellement
avec quelles conséquences. Les Jardins botani-
ques apportent leur expertise en méthodes de
culture afin de renforcer des stations menacées
au vu du petit nombre d’individus qui les peu-
plent, en cultivant et en réintroduisant ceux-ci
en grand nombre. Les Jardins botaniques éta-
blissent des banques de graines, dans un but de
préservation de ce qui devient rare, très rare,
ou menacé localement, afin de pouvoir dans
des temps meilleurs retrouver la richesse géné-
tique de milieux disparus. Mais ces réintroduc-
tions doivent se faire relativement rapidement,
car même si les graines sont conservées dans
des conditions qui permettent leur survie pen-
dant quelques dizaines d’années, elles mour-
ront bien une fois.
On pare au plus pressé en établissant ces ban-
ques de graines, mais il est encore plus urgent de
conserver les milieux originaux. Les CJB espè-
rent d’ici fin 2010 avoir récolté et stocké 60 %
des plantes menacées pour le canton de Genève,
soit environ 400 espèces, conformément aux
directives de la Convention sur la Diversité Bio-
logique signée par la Confédération. Mais les CJB
sont pionniers dans ce domaine en Suisse. Nous
avons les forces pour le faire sur le canton, mais
comment la Confédération compte-t-elle respec-
ter cette directive pour le reste du territoire ?
Car on atteint ici les limites de la répartition
actuelle des tâches entre la Confédération
et les Cantons. La Confédération signe des
Conventions internationales, mais les cantons
n’ont parfois pas les moyens ou la volonté de
les appliquer, encore moins les municipalités.
Les CJB auraient eu la possibilité de partici-
per à l’effort international de recensement du
vivant, lancé dans le cadre de la Convention
sur la Diversité Biologique par la Stratégie Glo-
bale pour la Conservation des Plantes (Global
Strategy for Plant Conservation, GSPC). Mais
avec quels moyens ? Est-ce le rôle de la Ville de
Genève d’assumer financièrement cet effort ?
Avons-nous un devoir moral de le faire ?
Finalement, sans avoir contribué directe-
ment à l’établissement de la liste des espèces
connues (objectif 1 du GSPC ), nous partici-
pons à l’effort général à travers nos travaux
fondamentaux, par le biais des listes rouges
que nous dressons, des ouvrages botani-
ques de référence que nous publions, de la
banque de graines d’espèces menacées que
nous constituons. Mais la perte de biodiver-
sité est une réalité inquiétante qui mériterait
des décisions politiques de grande enver-
gure. Il devient urgent et nécessaire que la
Confédération établisse enfin une stratégie
pour la Biodiversité au niveau national, non
seulement en édictant des principes fonda-
mentaux, mais aussi en distribuant rôles et
moyens aux institutions compétentes. Les
Jardins botaniques ont un rôle à jouer dans
ce contexte.
2010 Année de la Biodiversité
aussi pour les
Jardins Botaniques?
PAGE 4 – N° 40 – DÉCEMBRE 09 – LA FEUILLE VERTE – JOURNAL DES CONSERVATOIRE ET JARDIN BOTANIQUES
Des banques de graines se créent,
mais il est plus urgent de
conserver les milieux originaux
Pierre-André Loizeau
Directeur
Les missions des Jardins botaniques évoluent
avec la société dans laquelle ils s’insèrent
Le rôle des Jardins botaniques
s’oriente vers la recherche,
l’éducation et la conservation